Dîner au restaurant entre amants, c’est vraiment un passage obligé qui me gonfle.
Je trouve ça chiant et anesthésiant au possible.
Il y a un côté rituel immuable, préliminaire presque « protocolaire » à la copulation, comédie sociale hyper éculée et inutile (pas de suspense à attiser : comme on est
déjà amants, on sait
déjà qu’on ira baiser après). Au mieux, ce sont des heures aussi douces que chastes –
faire des trucs chastes avec un amant, bof. Le plus souvent, ça endort la soirée, et ça censure les instincts les mieux inspirés (se sauter dessus comme deux bêtes, se lécher tout le corps, se dévorer mutuellement, tout ça).
Moi, passer deux heures à deviser calmement en face d’un mec que je désire à mort (par nature, puisqu’il est mon amant), sagement assise et soumise aux règles de bienséance (celles qui imposent de ne pas se toucher, notamment, ou alors à peine se frôler sous la table, rien de plus, et très discrétement), j’y arrive vraiment de moins en moins.
Je me rappelle ce dialogue génial dans
Emmanuelle. Elle est chez un amant, et la conversation s’enlise, ils sont dans des sujets philo… Elle s’emmerde un peu, ça rame…
« Pendant un moment, ils ne parlèrent que des plats et des vins. Emmanuelle loua avec sincérité la recherche du repas. Elle dit qu’elle n’attachait d’ordinaire pas beaucoup d’importance à ce qu’elle mangeait, mais, ce soir, même l’ignorante qu’elle était se découvrait sensible à la qualité d’un rôti.- Si ce n’est pas la gastronomie qui vous paraît la chose la plus importante, qu’est-ce donc ? demanda Mario.Emmanuelle comprit que la conversation était autorisée à gagner les hauteurs dont elle avait manqué l’ascension aux hors-d’œuvre. Elle réfléchit. Qu’allait-elle répondre ? (…) Après tout, se dit-elle, le but de cette soirée était clair : elle était venue ici pour se dévergonder, non pour philosopher. Elle énonça donc d’une voix naturelle : - Beaucoup jouir. » (Emmanuelle, La leçon d’homme,
Emmanuelle Arsan, Belfond) Voilà ! Je suis décidemment comme Emmanuelle. Je suis tout à le fait le genre de femme à dire (en toute innocence) à un amant qui m’a invitée dans un restaurant 3* que je suis très sensible à l’attention qu’il me témoigne en ayant choisi ce très bel endroit, mais que je préférerais nettement être en train de « beaucoup jouir ».
Ou alors, dîner avec un amant, OK, mais soit en privé (chez moi, chez lui, dans une chambre d’hôtel…), soit aux
Chandelles (quelle autre adresse aussi propice à un dîner ultra-sensuel entre amants, à Paris ?).
J’explique pourquoi :
Dans n’importe quel autre restaurant, essayez de passer tout le repas à vous embrasser : si tant est que vous trouviez une disposition qui vous le permette, on ne tardera pas à vous faire comprendre combien c’est « déplacé ».
Egard pour les autres clients, vous comprenez, ils ont le droit de dîner tranquillement sans live-show érotique dans leur champ de vision… Bref, le maximum toléré, c’est de se tenir timidement la main entre les plats, et à la rigueur se faire un peu de pied. Pour le reste, patienter : la convention étant :
d’abord on dîne, et après on baise(mais qui a inventé cette règle à la con ?).
Entre le repas et le sexe, il faut choisir sur quoi on met le focus. Un rencard avec un amant à 21h dans un beau restaurant, on sait déjà que la baise après sera bâclée. La grande nuit de débauche complètement débridée, c’est rarement après la soirée interminable autour d’une grande table, tout le monde le sait !
Moi, j’en ai à peu près rien à foutre qu’un homme « me sorte » manger des trucs moléculaires hyper hype ou des plats ultra élaborés qui ont demandé 8 heures de préparation à 3 cuisiniers genre jury de Masterchef, des écrevisses péchées le matin même en Bretagne disposées façon art contemporain sur un lit de caviar, le tout servi dans des assiettes Hermès dorées à l’or fin… Je préfère mille fois être bien-baisée et manger n’importe quoi acheté au Monop’ au coin de la rue, en caressant le sexe de mon amant, en buvant du champagne au lit et en
rebaisant après le dessert (tant qu’à faire)… Question de priorité !
Le restaurant, en fait, c’est la mise à distance des corps. C’est l’anti-sexe au sens premier. C’est : chacun de son côté de la table, nous sommes des amants parfaitement civilisés, on ne se saute pas dessus, on devise tranquillement. Il n’y a pas que la baise entre nous, la preuve, on est parfaitement capables de dîner sans se faire remarquer.
Oui mais justement, moi le désir je le préfère quand il sort de ses gonds (mais oui ! qu’on se saute dessus, exactement !) que quand il se déclare autour d’une table. Auprès d’un amant, je ne veux être que dans l’abandon au désir le plus instant, à la volupté du moment, rien à foutre des conventions genre « assis pas bouger, on est dans un grand restaurant ». C’est pour cela qu’avec mes amants, je préfère l’intimité, l’envers du décor social : c’est là qu’est la vraie vie, le vrai territoire des amants. Sans public. C’est là que ça se passe vraiment, que les jouissances sont « pour de vrai », que les souvenirs qu’on se fabrique sont indélébiles.
Des dîners bien chiants à parler innovations-produits, débouchés, marketing et marchés, j’ai du en faire une bonne centaine pour mon avant dernier job –oui, vraiment une centaine - : suffisant pour que je me permette, à présent, de préférer dîner nue sur les genoux de mon amant en l’embrassant sans cesse, après qu’il m’ait baisée, plutôt qu’au restaurant guindé à lui parler – justement – de mon métier…
Quand je retrouve un amant, en fait, je veux qu’il me prenne dans ses bras (en ayant la politesse de bien me faire sentir qu’il bande, dans l’idéal : en plaquant bien mon bassin contre le sien, dans un geste hyper-viril destiné à me faire bien sentir son érection), je veux l’embrasser, toucher son corps, défaire les boutons de sa chemise et caresser son torse, et du coup (par enchaînement), je veux qu’il me baise, voilà, sans délai : moi je suis cette amante intenable, ardente, hyper-charnelle, qui va lui dire à l’oreille «
prend moi, prend moi tout de suite, je t’en supplie... », donc totalement inapte aux sorties en société, où alors ça me pèse… je suis ailleurs, absente, empêtrée dans ces putains de pensées : mais qu’est-ce qu’on fout là, toi et moi, mais que n’es-tu pas déjà dans mon lit, nu contre moi, en train de me prendre ? Je fais l’amour
en songes éveillés, à distance de mon amant, alors qu’on pourrait tout à fait être, au même moment, en train de le faire
en vrai, c’est quand même absurde...
Bref, mes amants, je les préfère chez moi, avec cette chronologie toute spécifique :
on baise d’abord, on dîne après (et même, éventuellement, c’est d’ailleurs tout l’intérêt :
et on rebaise après) –
mince, j’espère que de futurs amants potentiels ne vont pas penser que je ne saurais pas les nourrir… on baise en prenant l’apéro, aussi, pas d’inquiétude… En fait, j’applique la leçon 14 de François Simon (qui avant de présenter Paris Dernière écrivait des livres géniaux tout en étant le critique gastronomique le plus littéraire et drôle) :
«
Le sexe : préambule à toute alimentation équilibrée ».
Voilà, tout est dit ! (il y a 49 autres leçons aussi géniales, c’est dans
Cuisine d’indulgence, 50 leçons pour mieux vivre, aux éditions du Chêne).
Les amants qui « sortent au restaurant », c’est vraiment ma hantise, mon cauchemar. Un peu comme ceux qui « vont au cinéma » ou « vont au musée ». Est-ce qu’un jour j’aurais ce genre de rapport aux hommes, est-ce qu’un jour je serais capable d’être assise face à un amant sans bouger, à attendre qu’on veuille bien nous apporter le prochain plat, à deviser tranquillement sans se toucher, comme deux diplomates en congrès, pour ne pas dire : comme deux vieux cons mariés ? Au secours…
Alors qu’en fait, j’adore dîner avec un amant. Mais après le sexe. Et sans tra-la-la, genre on s’habille, on descend au parking prendre la voiture, on tourne 20 min pour trouver une place, on se fait engueuler parce qu’on n’a pas réservé, tout ça… Parce que je veux ces ingrédients :
fantaisie, improvisation, imagination, complicité affirmée, et surtout, AUCUNE convention… Un dîner partagé avec un amant ne peut-être pour moi qu’un grand moment de sensualité, quasi absolue. Sinon, je ne vois pas l’intérêt… Donc le mieux, pour la fantaisie et les caresses, c’est quand même de ne pas sortir…
Je me rappelle l’été dernier, cette tarte qui compte pour moi parmi les plus beaux repas de ma vie, je crois : E. et moi avons prévu de passer la soirée ensemble. Il arrive vers 20h (ordre de grandeur dans mon souvenir) et comme je meurs de désir pour cet homme, je n’arrive pas à imaginer le scénario où on dinerait bien sagement à son arrivée (même chez moi en se caressant sans cesse), comme le ferait un couple normal respectant la sacro-sainte règle « d’abord on dîne, après on baise »… On n’est pas un couple normal, justement, on est deux amants en train de vivre un pur rêve (parce que son « arrivée » dans ma vie a été tellement théâtrale, de mon fait, tellement sublimement semblable à un rêve – le moins qu’on puisse dire de cet homme-là, c’est que je l’ai chassé comme un gibier que j’aurais longtemps désiré en secret, et bien observé pour affûter mon angle de tir, et donc il faut croire que j’avais à peu près bien visé, le moment venu de lui dévoiler mon désir, puisque ce soir-là, il venait chez moi sans la moindre ambigüité sur le but de la soirée : me baiser…). J’ai donc bien fait exprès de ne pas « dresser la table », comme on dit… Rien n’est prêt pour dîner, il y a juste plein de bougies allumées dans ma chambre… Il arrive, me sourit et je me jette littéralement sur lui, et d’emblée je lui dis combien j’espère qu’il n’a pas trop faim, car le dîner ne risque pas d’être servi à l’heure : question de priorités… Il se marre, et se déshabille, me dit qu’il s’en doutait, qu’il va d’abord me baiser… On fait l’amour comme deux ados insatiables (ouais, comme deux bêtes, quoi), émerveillés, dans l’impatience, l’ardeur et le plaisir, dans une immense complicité entre lui et mes sensations – il prend le contrôle de mon plaisir… Et c’est sublime, grandiose, tellement bon qu’on ne parvient plus à cesser… Il me baise si bien que le temps m’échappe complètement (comme dans le sommeil ou le rêve, la perception du temps disparaît : le sexe, quand c’est sublime, c’est pareil, on ne sait plus
du tout combien de temps ça dure) : 1 heure me semble durer 3 minutes… On s’arrête une demi-heure, l’un contre l’autre, courte trêve avant de reprendre, et ainsi de suite… Il est déjà minuit, j’ai pourtant l’impression qu’on a fait l’amour à peine 20 minutes, incroyable comme le temps de jouir m’a totalement échappé… « Tu veux dîner, toi ? » - « Ah non, là tout de suite je ne sors pas ce lit… » - « Parfait, on se comprend… »… Et on n’arrive plus à détacher nos corps, c’est une grande nuit magique, comme on en compte vraiment peu dans une vie… Il me refait encore et encore l’amour, je ne suis plus dans le même ordre de la réalité, c’est tellement bon (et fou), je crie et je jouis toute la nuit, et là, avec plus d’un an de recul aujourd’hui, je manque pourtant encore de mots pour exprimer la complicité sensuelle, insensée, magique, qui nous retient dans ce lit… J’ai rarement connu cela dans ma vie… Et finalement, vers 4h ou 4h30 du matin, je le revois me dire « bon quand même, j’ai un peu faim là… », et j’éclate de rire en regardant l’heure… Bref, on met dans le micro-onde (même pas le four, le micro-onde…) à 4h du mat’, une tarte trois minutes… La tarte est dégueulasse, moi j’ai mis un peignoir en satin noir, mais lui est nu, il a seulement remis sa chemise blanche qu’il n’a pas boutonnée en entier (la scène se passant chez moi, il n’a aucune affaire autre que ce qu’il portait en arrivant), et j’adore… La tarte est donc dégueulasse mais il en fait des tonnes pour dire que c’est délicieux ; il est incroyablement beau, il a un regard à tomber à la renverse (vraiment) et il vient de me baiser comme une reine, et à 4h du mat’ on grignote une tarte réchauffée parce qu’on est quand même hyper affamés, assis chacun à un coin de la table, et je ne peux pas m’empêcher de le caresser, et là, en mangeant cette tarte je matérialise ce que peut-être, charnellement, sensoriellement, intellectuellement, le bonheur absolu entre deux amants. Bref, cette soirée-là, je ne l’échangerai contre aucun 3* d’aucun des plus grands chefs, dans aucun des plus beaux lieux de la terre, contre aucune soirée chic même la plus mondaine qui soit, et ceci sans hésiter une seule seconde…
[A noter qu’après ce dîner, mon désormais ex-amant m’avait écrit : « est-ce qu'on est sur cette Terre pour avoir envie de vivre autre chose que cela ? », et je trouve que c’est la plus belle conclusion possible, même si je n’ai jamais su s’il parlait du dîner ou de la nuit de baise – enfin j’ai quand même ma petite idée…]Je prends cet exemple, mais plus récemment encore, j’interrogeais vivement un amant à qui je servais (après avoir baisé, donc) un truc pas trop élaboré et que j’avais quand même réussi à foirer, genre « tu es sur, vraiment, ça te va, si tu veux on commande autre chose ? », et il me faisait cette réponse que j’ai adorée : « tu sais, je ne viens vraiment pas ici pour ta cuisine ! ». Et ça m’avait fait mourir de rire… Quand il était arrivé en début de soirée, je m’étais jetée sur lui pour le prévenir : « Rien n’est cuit, rien n’est prêt, on ne risque pas de dîner, mais par contre moi je suis complètement trempée… ».
Dans ces moments-là, dans ces dîners d’après l’amour un peu improvisés, il n’y a pas ce pouvoir de sommation qu’on subit dans le cadre étouffant d’un restaurant, où on est un peu « obligés de se parler » (soit de tout et de rien, soit de se déclarer et promettre n’importe quoi). Là, après l’amour, l’esprit complètement emporté, on est juste bien, sans enjeux, dans la complicité des regards et des corps alanguis qui, venant de se donner, en ont complètement perdu leurs repères… Avec S., on est toujours toujours toujours dans ce genre d’impro. Bon, par la force des choses on s’est un peu calmés (genre un baiser entre chaque bouchée, on n’en est plus tout à fait là, depuis bientôt 3 ans partagés ;-)), mais combien de trucs on a mangé moitié-moitié, genre il croque dans un macaron et il me le passe en me caressant les lèvres avec ses doigts, et je lèche ses doigts avec ma langue, et ça finit en grand n’importe quoi (on est des gosses, on est vraiment des gosses…). En fait, chaque fois que j’ai voulu qu’on dîne dans un restaurant sérieux (en dehors des soirées business à plusieurs), donc en tête à tête, ça nous est très peu arrivé, puisque donc, comme on l’a bien compris, ça me gonfle, c’est justement que j’estimais qu’il fallait qu’on se « contraigne » à avoir une discussion sérieuse sur un sujet délicat, et que dans ces circonstances je saurais qu’on ne pourrait pas y échapper. Donc en fait, j’associe dîner dans un restau sérieux et discussion pénible…
Maintenant que tout cela est expliqué, on comprendra parfaitement pourquoi on adore, tous les deux, dîner aux Chandelles (le lieu, c'est-à-dire le restaurant associé au club libertin 1, rue Thérèse). C’est « notre » lieu partagé…
Bon, déjà, c’est un des lieux dans lequel j’ai beaucoup des plus beaux souvenirs de ma vie : c’est là qu’on s’est rencontrés, et c’est là que, quelques semaines plus tard, il m’a dit « je t’aime » pour la 1
efois (mon côté grande romantique :-)). Pour la rencontre, B., mon pote qui bosse aux Chandelles, voulait me faire rencontrer un type (parce qu’il m’avait vue les larmes aux yeux, c’était l’époque où je quittais L., et c’était très dur), et pour me remonter le moral il avait arrangé le truc direct dans le resto : j’arrivais direct à la table du type, et on faisait connaissance autour des plats et des coupes de champagne, « et tu verras ma chérie ça ira mieux après ! Une séparation c’est toujours dur mais le meilleur moyen de tourner la page c’est de se changer les idées dans d’autres bras ! Là je vous présente, ça ne t’engage à rien, tu verras bien ! » (vive B., j’adore B, je ne le dirais jamais assez, cet homme est extraordinaire)... Je joue donc le jeu du dîner arrangé pour me changer les idées, et à l’instant de m’asseoir je me dis que le type que m’a sélectionné B. est pas mal, ouais, je ne sais pas, je me dis : pourquoi pas, laissons passer le repas, on va voir ce qu’il a à me raconter… Mais sur cette bonne résolution, je lève les yeux une seconde au-dessus de son épaule, et je vois dans mon champ de vision un homme incroyablement séduisant, qui baignait comme dans un halo de charisme, lumineux, et avec un sourire à tomber : c’était S. C’était la toute 1
efois que je voyais S., « mon » S., l’amour de ma vie. Mon regard est happé, fasciné par cette vision de S. assis deux tables plus loin, et ne l’ai pas quitté des yeux une seule seconde de tout le repas (c’était très gênant et pour mon convive malheureux à qui je n’ai quasiment pas adressé la parole, et pour la charmante jeune actrice (…) qui partageait la table de S. et qui se demandait qui était cette folle qui dévisageait l’homme avec qui elle était en train de manger…). J’ai donc passé plus d’une heure à être littéralement subjuguée par un inconnu à une autre table, incapable d’écouter ce que me disait le pauvre type avec qui j’avais rendez-vous, pourtant assis en face de moi… Et comme S. s’en est aperçu (forcément, je n’ai pas décollé mon regard de lui), à la fin il s’est levé, approché de ma table pour me proposer une cigarette, on s’est retrouvés tous les deux dans le fumoir, et il m’a dit « Moi c’est S., et toi ? » « Moi, Camille… ». Ce furent nos premiers mots, et mon cœur faisait boum boum boum comme jamais… Si j’avais su, alors, que près de trois ans plus tard je raconterais cette anecdote sur un blog en appelant S. « mon homme »… J’avoue que le destin m’a incroyablement bien servie, sur ce coup là… Et donc, quelques semaines plus tard, S. me réinvitait aux Chandelles, cette fois nous étions assis à la même table, et au bout d’une phrase, il m’a sorti « Et donc ceci cela blablabla j’ai pris cette décision qui aura telle conséquence car j’ai pensé que blablabla et du coup ça va faire ça, ce à quoi j’ai pensé en imaginant que j’aurais ainsi plus de temps pour toi car tu comprends, je t’aime, je suis absolument certain de t’aimer comme rarement dans ma vie j’en ai eu la certitude ». J’ai cru que j’allais m’évanouir tellement c’était… un conte de fée. Sur le moment, j’ai plissé les yeux en me disant « mince, j’ai du rêver. » « - S., excuse moi, je ne suis pas sure d’avoir bien saisi la fin de ta phrase, là, tu peux répéter la fin ? » « - Que je t’aime ? Oui clairement, je t’aime, c’est bien ce que je viens de dire. » Ni une ni deux, j’ai posé ma fourchette :-), je me suis levée, je me suis assise sur ses genoux pour l’embrasser à pleine bouche, il me tenait fort dans ses bras et c’était incroyable, j’ai défait des boutons de sa chemise et je l’embrassais dans le cou, je lui murmurais que je voulais qu’on aille baiser... C’est ça qui est si précieux aux Chandelles : on peut se lever et s’embrasser à pleine bouche, et partir avant le dessert, tout le monde trouve ça génial et même très excitant :-)
Bon. Donc au-delà du fait que S. et moi avons des souvenirs très forts dans le restaurant des Chandelles, il y a donc que c’est le seul restaurant valable à Paris (à ma connaissance) où les règles de bienséance traditionnelle n’ont plus cours. En gros, je peux y embrasser mon homme autant que je le veux. Le caresser, idem. A priori, ça n’est pas censé allé plus loin. Mais bon, quel couple qui fréquente les Chandelles n’est jamais allé s’isoler dans le petit salon au premier, juste le temps de faire « une petite pause coquine » entre le plat et le dessert ? Moi j’ai déjà sucé S. au moins dix fois, dans le petit salon au dessus de la salle de restaurant, entre l’entrée et le plat, ou entre le plat et le dessert (chut…..). Tout cela tout en étant un restaurant chic, guindé, super bien fréquenté, sans un millième de vulgarité, et de très bonne tenue (absolument tous les produits sont frais, achetés chaque matin à Rungis…).
C’est là qu’un « restaurant libertin », je trouve ça génial. Je conseille souvent à des amis amoureux (même s’ils ne sont pas libertins) d’aller dîner aux Chandelles. Pour le sublime décor qui invite si magiquement à l’indolence, et pour savourer, au moins une fois, un dîner où la sensualité soit vraiment autorisée. Où l’on puisse se toucher, se caresser, s’embrasser… être amants, quoi, incarner ce qui nous lie : le désir ! Moi je trouve cela super génial, un restaurant où à toutes les tables les couples s’embrassent et se caressent… le rêve ! Le grand rêve érotique d’un restaurant où tout le monde vit le désir, où tout le monde se touche, s’embrasse… Un grand et vrai, et très beau, live-show érotique ;-)
Pour moi, c’est une vraie continuité dans la « tradition fantasmatique des dîners libertins », entre les ‘soupers galants’ à la cour du régent Philippe d’Orléans (intermède un peu déjanté entre le règne de deux monarques absolus, juste après Louis XIV), soupers qui étaient évidemment connus pour leur joyeuse débauche ; et les salons feutrés des hôtels particuliers où quelques « femmes vraiment libres » devisaient avec la meilleure société sur la littérature et la liberté, avant bien souvent de conclure leurs échanges dans d’autres pièces non moins feutrées…
Bon, ok, je n’ai jamais entendu la moindre conversation relative à la littérature dans le restaurant des Chandelles, mais remplaçons littérature par érotisme, et ça passe…
Après, au-delà encore du dîner entre amants dans un restaurant libertin, il y a le vrai dîner libertin, organisé dans les règles de l’art. Là ça devient intéressant. Stimulant. Imprévisible par nature. Souvent très drôle…
A condition qu’une maîtresse de cérémonie (ou un maître…) ait invité les bonnes personnes… avec idéalement une légère mise en bouche par avance les uns auprès des autres – juste suffisante pour que la curiosité, pour ne pas dire le désir, commencent à s’attiser avant même que le dîner ait commencé…
On ne sait rien, au fond, les uns des autres, sinon que nous sommes tous (plus ou moins) libertins… Et là, le dîner consiste à prendre le temps (et le plaisir) de partager un moment pour laisser le désir se créer, se suggérer, se déclarer discrètement... Souvent par petites touches : les regards qui en disent long, les silences éloquents, les attitudes savamment improvisées… Pour le reste, la conversation suggère progressivement la suite de la soirée, autant qu’elle la pimente par avance de sous-entendus partagés : chacun pressent les pensées sensuelles des uns et des autres, imagine en pensées ce qui pourra bien se passer… Sans enjeu, bien sûr, juste une vraie légèreté, partagée entre tous… ce genre de dîners, ça me plait assez. J'y ressens souvent une vraie douceur de vivre, un affranchissement des convenances qui est presque palpable dans la légèreté de l’oxygène...
Il y a de plus en plus de « particuliers » qui organisent chez eux ce genre de dîners en petits comités choisis (dont moi, de temps en temps), et cela me réjouit. Combien d'entre elles se terminent sagement, combien nettement moins ? J'adore l'imaginer...