« L’échangisme [avait été propulsé] au premier rang des sexualités à la mode. Même les gazettes les plus conservatrices se montraient friandes de ce marronnier en pleine croissance. (…) Bientôt, associé aux pilules érectiles, il constituerait le rempart moderne à la séparation des couples : la fréquentation obligatoire et quotidienne du lit conjugal se révélait d’autant plus fatale à la fidélité que l’espérance de vie augmentait sans cesse. Alors qu’autrefois les mariés s’engageaient au pire pour quelques années, ceux des années 2000 en prenaient pour soixante piges du même coup à tirer. Or, en trois moisd’entraînement, on épuise tous les bréviaires d’amour. Le Kama Sutra avait été conçu pour des lecteurs qui, évitant la fécondation, ne baisaient que par intermittence avant de mourir de vieillesse à trente-cinq ans ; sans compter que certaines positions nécessitaient une sveltesse et une souplesse de plus en plus rares chez les seniors. Il suffisait à présent aux duos un peu las de s’équiper en préservatifs, d’acquitter un ticket d’entrée (de club échangiste) très abordable, pour faire son marché parmi des volontaires pas trop repoussant. Somme toute, les foyers menacés y retrouvaient la stabilité. » (Emmanuel Pierrat)
Extrait d’un petit livre très drôle, signé Emmanuel Pierrat (L’industrie du sexe et du poisson pané, Le Dilettante).
Les libertins ont parfois tendance (mea culpa si je peux donner cette impression) à se prendre un tout petit peu au sérieux… Un peu d'humour et d’autodérision nous font donc toujours du bien… Donc voilà la clé de nos comportements libres enfin dévoilée : l’angoisse de « soixante piges du même coup à tirer » ! Autrement dit, vu qu'on va forcément finir par s'emmerder dans un couple clos, c'est soit l'adultère bourgeois, avec mensonge dissimulation, et tout ce qu'on connaît qui finit (très souvent) en divorce, soit aller bien sagement se "dés-ennuyer" ensemble dans un club, degré zéro de la subversion, et ciment modernes des mariages.
Pas faux : l'échangisme pratiqué dans des clubs, comme des bons petits poulets qui vont bien sagement se divertir en baisant avec d'autres dans leur batterie le samedi soir, c'est franchement rentré dans les moeurs. Cela fait plus de 10 ans que même les mags les plus conservateurs en font leurs choux gras !