Je fais partie des femmes qui fantasment fortement sur les lieux.
Plus exactement, j’ai le fantasme des lieux entièrement dévolus au plaisir : les lieux qui ne servent « qu’à ça », qui ont été pensés et conçus « pour ça », où tout évoque « ça », décorés et parfumés « pour inciter à ça », et où on ne vient « que pour ça »...
Bref, les lieux qui ne servent qu’à baiser (on l’aura bien saisi…)
Au 18esiècle, je fantasme sur l’idée du « boudoir » : la maîtresse de maison sépare enfin chez elle ce qui relève de l’intendance et du devoir (les cuisines, les salons, la chambre conjugale…) de ce qui relève de son intimité et de son seul plaisir, via un lieu qu’elle se réserve où -sous couvert de bouder- elle se retire en réalité pour savourer ses rendez-vous secrets (i.e. ses ébats les plus passionnés…). Dans son boudoir, elle crée une atmosphère capiteuse pour que la visite suffise à envoûter l’homme qu’elle veut : elle sature la pièce d’allusions (c’est la grande époque des gravures libertines) et n’a plus alors qu’à y convoquer son amant pour qu’il succombe au décor, et mette en pratique sur le champ ce que l’atmosphère lui inspire… J’adore cette idée que les femmes soient capables d’aménager et d’entretenir un lieu uniquement pour y recevoir les hommes par qui elles ont envie de se faire baiser. Sublime !
Au siècle suivant, mon imaginaire fantasmatique se fixe sur le luxe des « maisons closes » : closes sur elles-mêmes, pour que là-encore, la société et ses sacro-saintes convenances ne puissent y pénétrer… Lieux d’intimité, écrins de plaisirs souvent ultra-suggestifs, avec débauche d’apparats, de velours, de satin, de clinquants et de miroirs (où, en outre, les murs sont volontairement fins : car qu’il est excitant d’entendre des couples crier, et jouir, et hurler à en faire trembler tout l’immeuble)… Mon imaginaire s’enflamme à la charge érotique du symbole : les hommes viennent s’y encanailler, les femmes n’y ont alors qu’une seule mission : leur faire tourner la tête… Lieux de pure luxure, magnifiques et obscènes, gênants, choquant les bonnes mœurs, fascinants…
Oui, je crois que pour les libertins, les lieux comptent beaucoup. Car le désir est un trésor qui se met en scène… On me répondra volontiers que le désir se fout de son décor : quand il est ardent, n’importe quelle pièce impersonnelle, n’importe quel réduit ou même n’importe quel placard fait parfaitement l’affaire (tant qu’on a la place d’y baiser comme deux bêtes que l’on devient, quand on est fou l’un de l’autre ;-)).
Bien sûr ! Mais le fantasme du lieu capiteux, c’est l’idée de changer de dimension. Sortir du monde « normal », celui qui est régi par toutes les règles sociales qui au quotidien nous étouffent, et s’engouffrer dans une seconde dimension de la réalité qui soit celle du seul plaisir, sans censure... Entrer dans un univers qui ne soit plus régi que par une seule loi : obéir à son désir…
Pour que cette magie opère, il faut que le décor soit tout simplement parfait.
Inutile de dire que le lieu beauf genre « on a mis trois canapés côté à côté, des coussins en panthère, des petites bougies chauffe-plat et un drap sur la lampe pour tamiser », ça ne fait pas l’affaire. Le côté « vieux bordel à la papa » avec décor velours rouge-satin noir, non… De même que le « total look kitch » avec toute l’iconographie du cul, posters « les positions du kama-sutra » et coussins motifs « voulez-vous coucher avec moi ? » cousu en strass roses, on déguerpit vite fait…
Pour moi, quand on entre dans un lieu libertin, le décor devrait toujours être ultra dépaysant et totalement magique. On paie pour ça. On paie pour sortir du monde et entrer dans un espace de pure sensualité et de suggestion absolue, de magie sensuelle parfaitement orchestrée. Il faut que le décor hypnotise, que tous les sens conspirent à nous plonger dans la plus douce ivresse...
Il faut que du seul lieu se dégage, déjà, une sorte d’excitation sauvage…
Il faut que dès qu’on rentre, on se sente projeté à l’intérieur d’une sorte de rêve érotique… Qu’on soit dans le pur abandon à la volupté du moment, du lieu, de l’instant, il faut que les torpeurs commencent déjà à gagner les corps par les suggestions du décor…
Pour moi, il n’y a qu’un seul et unique endroit libertin qui soit ainsi à Paris, un seul endroit qui ait à 100% cette magie (à moins que je n’en connaisse pas encore certains ?), c’est le club « Les Chandelles ». J’ai un nombre incroyable d’amis et d’amies qui me disent : « il suffit que je rentre, que je descende l’escalier pour qu’instantanément je me sente ailleurs, et pour qu’instantanément j’ai envie de « me lâcher » et de bien profiter du lieu »…
Il faut vraiment avoir visité au moins une fois l’endroit pour comprendre - les photos ne peuvent vraiment pas rendre compte de l'atmosphère unique qui règne en ce lieu. Les Chandelles c’est un décor magique. Bien sûr à force d’y aller je finis par moins le remarquer, mais je me rappelle bien de ma « première fois » là-bas, j’étais tout simplement émerveillée, envoûtée, chavirée de volupté : c'était mon fantasme du lieu de luxure, pour de vrai, et à mon époque…
Alors zoom sur le décor des Chandelles, 1 rue Thérèse dans le 1erarrondissement…
Quand on est dans la rue, ça ne paie pas de mine. Il faut connaître. Une porte bleue, pas la moindre indication. Pas d’écriteau, de logo, de sonnerie, rien. Une simple porte à pousser. Puis un sas entièrement noir et doré. Caméra, sonnerie, attente, et une seconde porte... Une fois entré, la première sensation, c’est l’odeur du lieu. Epices et menthol, inimitable : la fragrance Chandelles. Et le décor… un autre monde. Tout est sublime, les meubles, les miroirs, les murs en velours, les plafonds, les lumières, les matières… On descend un escalier tout en ocre et en lumières, on traverse des couloirs tout en velours rose, on atterrit dans des pièces où chaque décor est travaillé, mêmes les plafonds sont incroyables… Semi-pénombre, certes, mais on distingue bien à quel point chaque détail du décor est étudié, réalisé sur mesure, enrobé, enveloppé de mille matières qui évoquent la volupté…
Non seulement le décor est magnifique, c’est du travail d’architecte et de designer d’intérieurs assez incroyables, mais en plus, magie du lieu, il se réinvente régulièrement. Et à l’occasion des soirées, c’est souvent magique.
Dernièrement, soirée « Réveillon d’été ». La grande fête libertine dans les règles de l’art, avec toute l’importance du décor, pour l’occasion totalement réinventé… L’escalier entièrement recouvert de verdure, l’impression de s’enfoncer dans le passage secret d’une mystérieuse forêt… En bas, le club entièrement recouvert de gazon, avec arbustes de partout… les Chandelles devenues totalement champêtres… incroyable décor ! (sans parler du délicieux buffet, signé Fauchon.....)
Et tout cet incroyable décor, pour une soirée seulement. Il n’y a que Les Chandelles qui soient capables de tout organiser, ainsi, pour enchanter ses habitués, en renouvelant complètement son décor, et ce pour une seule soirée de magie.