Mon petit Jojo !
Ça fait tellement longtemps que je ne t’ai pas écrit. Enfin, que je n’ai pas écrit « dans toi ». Je suis tellement désolée mon gros Jojo,mais ce livre que je lis en ce moment est vraiment génial. Quoi ? Ca ne fait QUE deux jours ? Mais deux jours, c’est énorme mon gros Jojo ! Ah je vois ,ça t’a fait du repos. Bref, aujourd’hui, je voudrais te parler de quelque chose de particulier.
J’ai toujours eu le sentiment que les gens étaient à moi.
Vois-tu, je ne suis pas le genre de fille qui a 3456 amis sur Facebook (bon j’avoue, j’en ai supprimé un bon tiers quand j’ai vu que j’allais dépasser la barre des 300), qui est invitée à toutes les soirées, qui ne vit que pour s’amuser, etc. D’ailleurs, tu le sais très bien étant donné que je passe la plupart de mes soirées avec toi. Je tiens à très peu de personnes (et, dans la logique des choses, peu de personnes tiennent à moi).
Mais voilà, comme tout le monde j’ai beaucoup d’amour à donner ! Et, ce n’est pas toi qui vas me contredire, ce mot qu’on utilise un peu dans tous les sens nous donne à tous du fil à retordre. Parce qu’on en voudrait plus, parce qu’on ne sait pas comment le gérer, parce que.. ; j’aimerais bien agrandir la liste mais, en général, ce sont ces deux raisons-là qui priment, et puis en plus, j’ai plus d’inspiration.
Le problème auquel je me trouve confrontée, c’est que, vu que je n’ai pas beaucoup de personnes à qui distribuer cet amour, j’exige « qu’ils me le rendent bien ». Il devient donc poison, souffrance. Je t’aime, donc tu es à moi. Tu n’as pas le droit d’être heureux (heureuse, parce qu’en général ce sont des filles, à commencer par ma mère) tant que ce n’est pas avec moi. Sinon, je vais prendre ça comme une trahison et t’en vouloir, beaucoup t’en vouloir ! Comme dirait ma mère : « c’est patho ».
J’en viens donc à me poser une question : ce sentiment que je ressens est-il vraiment celui que je crois qu’il est (ça va, tu suis toujours ?) ? Il est vrai qu’on dit souvent que la manière dont on se comporte avec autrui n’engage pas forcément ce dernier et qu’il est fort probable qu’il témoigne d’un manque de confiance en soi, ou du moins, un mal-être (tu me rappelleras de faire des recherches sur mon arbre généalogique, j’ai sûrement un lien de parenté avec Freud) .
Avec moi-même, nous avons donc convenu de parler de « possessivité ». Si tu es d’accord, bien sûr. Et il va sans dire que tu l’es. De toute façon, tu n’en as pas vraiment le choix.
Cette possessivité, donc, a des répercussions au quotidien, tant sur ma vie que sur celle des autres (quoiqu’elle en a un peu-beaucoup-passionnément plus sur la mienne).
Un tout petit rien va me mettre en colère, me rendre jalouse et me faire me dire « ahh, voilà, elle s’en fout complètement de moi » ! Tu veux un petit exemple ? J’ai peur que tu aies peur et que tu t’enfuies en courant ; mais heureusement, étant donné que tu es enfermé dans une armoire cadenacée, ça ne risque pas d’arriver.
Comme tu le sais, Maman s’est récemment remariée.
Petit retour en arrière.
Papa et Maman ont divorcé alors que j’avais à peu près 9 ans. De ce fait, je n’ai pas beaucoup la vie de famille avec papa, maman, les frères et les sœurs. Tu me diras « 9 ans, tu n’étais pas si petite que ça ». En effet, mais laisse-moi finir, je te prie. Même marié,Papa était très souvent en déplacement, je ne connaissais donc que Maman. Le terme « connaître » peut paraître un peu fort, mais c’est comme ça que je le ressens. Et ne fais pas cette tête s’il-te-plaît.
Durant toutes ces années, d’avar et d’après divorce, j’ai développé une relation tellement fusionnelle avec ma mère, que j’en étais arrivée à ne plus faire la différence entre ce qui faisait partie de ma personne et ce qui faisait partie de la sienne. Autrement dit, elle a une telle emprise sur moi (je parle au présent, car ceci est toujours d’actualité), que je suis incapable de savoir si je prends une quelconque décision, si j’adopte une quelconque attitude parce que c’est ce qu’elle aurait fait elle, ou si c’est parce que c’est ce que j’aurais fait moi. Ou alors elle est capable de faire s’écrouler tout un projet que j’aurais fignolé avec enthousiasme en prononçant la seule phrase « je trouve ça sans intérêt », le tout d’un air détaché.
Entre nous, je pense que, malgré cette forte complicité qu’il y a entre ma mère et moi, mon mal-être provient en grande partie de cette relation ; de cette place équivoque que nous occupons l’une pour l’autre ; de ce cordon que je -que nous n’arrivons pas à couper (parce que, oui, même si cela me rassure énormément le fait qu’elle prenne quasiment toutes les décisions de ma vie à ma place ne m’aide pas beaucoup).
Peu à peu, j’essaye de prendre du recul, de construire ma propre personne, d’arrêter de croire posséder les gens, mais c’est un travail long et difficile.
Revenons-en donc à notre exemple. J’ai eu énormément de mal à accepter le fait qu’elle se remarie. Aujourd’hui encore, il m’arrive (euphémisme, litote, comme tu voudras), d’être jalouse de ce nouveau mari – Qu’est-ce que tu dis ? « Complexe d’Oedipe ? » Absolument pas.
Quand ils s’enferment tous les deux sur le balcon pendant des heures pour fumer, parler, ça m’énerve. J’ai l’impression qu’elle m’oublie. Quand ils sont dans le salon et que j’assiste à leurs niaiseries à deux balles, ils m’exaspèrent. Quand on est tous les trois, à deux voitures, que j’ai déjà décidé que j’allais monter avec elle, et que lui prendrait sa propre voiture, mais qu’elle me dit « tu prends ma voiture, et moi je monte avec lui », un fort sentiment d’injustice s’empare de moi. C’est grave, hein ? Oui, je sais, pas la peine d’enfoncer le clou.
En parallèle, je vis la même situation avec ma cousine, mariée depuis peu. Mon ressenti, c’est qu’il me l’a piquée. On était tellement proches, même toi tu sais qu’on formait un club toutes les deux (oui un club à deux, et alors…) ! Mais maintenant, tout a changé.
Elle ne me parle plus autant qu’avant, on ne rigole plus à s’en forger les abdos, elle n’a plus le réflexe de me tenir au courant des « événements de sa vie » (si tu savais le poignard que j’ai reçu dans le dos quand j’ai appris par hasard qu’il l’avait demandée en mariage de manière grandiose six mois auparavant..).
Autour de moi, on sait très bien que je suis comme ça, et que ça me fait souffrir. D’ailleurs, ça fait aussi souffrir ma mère (peut-être pas autant que moi, mais un petit peu quand même). Parce que oui, imagine : tu fais les magasins avec ta fille (je sais, tu n’en as pas, mais je t’ai dit d’imaginer, roh!), et là, elle sort tout naturellement : « on est bien là, toutes les deux, sans lui… », en parlant de l’homme qu’elle vient rencontrer et qui la rend toute « waouh… ».
A plusieurs reprises, on m’a confié « j’ai LA solution à ton problème ». Mes yeux se sont alors mis à briller, j’ai senti l’excitation monter en moi, puis j’ai dit « c’est quoi, c’est quoi, dis-moi c’est quoi, vite vite ! » puis je me suis entendu dire « trouve toi un mec ». J’ai vite déchanté. Non pas quel’idée soit mauvaise, bien au contraire : je suis jalouse de toutes ces personnes en couple (« je haiiiis les couples, qui me rappellent que je suis seule »), j’ai donc deux options :
1) Soit ces personnes dont je suis jalouse redeviennent célibataires (mais ça, ce serait vraiment pas cool pour elles) ;
2) Soit je « m’ajuste à leur niveau », en me mettant moi-même en couple. Mais là encore, un problème se pose. On n’achète pas sa moitié (car, oui, je suis à la recherche de ma moitié, si quelqu’un l’a vue, ce serait gentil de me faire signe) comme on achète une jolie chemise (mais j’avoue que quand je cherche une chemise, j’ai aussi du mal à en trouver une à mon goût. Mais toujours moins qu’une moitié).
Ceci, à défaut d’être « LA » solution, est déjà « une » solution. Une solution provisoire.
Je lance donc un appel, à toi qui me lis : non, je rigole, ce site disposant d’un public majoritairement féminin, ce n’est sûrement pas ici que je trouverais mon bonheur.
Blague à part, j’envoie plein d’amour (oui, encore !), à toutes les personnes qui, comme moi, ont le malheur d’être possessives, jalouses, et tous les défauts qui vont avec. Je doute qu’il y ait un remède miracle à ce problème, mais, à ce qu’il paraît « ne t’inquiète pas miss, ça partira en grandissant ».
En attendant, heureusement que je t’ai avec moi, mon gros Jojo. Je te laisse, il faut que j’aille vider le lave-vaisselle.
Pleins de bisous partout partout !
Moi.
Cet article Cher Jojo -Le 24/07/14 est apparu en premier sur I'm not Bitch.