En pleine période de Coupe du Monde, on va bouffer du foot, du foot, et encore du foot. On va pouvoir suivre tous les matches à la TV, apprendre à connaître chaque petite équipe, chaque joueur, revoir tous les ralentis, avoir toutes les analyses. Vous pourrez donc voir la Colombie affronter la Grèce, ou encore l’Iran contre le Nigéria. En attendant, les équipes féminines peuvent toujours aller se brosser pour espérer une diffusion aussi large de leur compétition, que dis-je, un dixième de cette attention médiatique.
Les joueuses de foot françaises font partie des meilleures au monde, elles sont 7e au classement FIFA, mais comme leurs homologues dans de nombreux sports, elles bénéficient de peu de couverture. Pourtant, loin d’être de simples versions féminines de Benzema et Ribéry, l’équipe de Philippe Bergeroo a bien sa propre identité, sa propre histoire et son propre palmarès, en un sens meilleur et plus constant que celui des garçons (qui font des grèves dans des bus).
Le football féminin émerge dès les années 20, et se développe peu à peu, sans jamais devenir tout à fait répandu. Aujourd’hui, il est surtout dominé par les Etats-Unis, pays où il est très populaire. C’est assez paradoxal et intéressant de voir que les Américains ne s’intéressent qu’au soccer quand il est féminin… Il faut dire qu’ils peuvent en être fiers : Double championnes du monde et quadruple championnes olympiques, les Américaines dominent la planète football.
En Europe, ce sont les Allemandes qui mènent le jeu (6 coupes du monde et 9 championnats d’Europe de gagnés !) mais nos Françaises se débrouillent pas mal non plus.
C’est en 1919 qu’émerge le championnat de France des filles. Le premier match d’une sélection des meilleures joueuses voit les Françaises gagner contre les Anglaises. Ensuite, le foot féminin se construit lentement, organise ses premières compétitions internationales, et tente de se faire une place dans le paysage sportif. En France, il reste très marginalisé, jusqu’à ce qu’Aimé Jacquet (ce héros national) apporte une nouvelle impulsion. Il fait en sorte d’intégrer les équipes féminines dans les structures de Clairefontaine, réservées aux hommes jusqu’alors. L’équipe A mais aussi les jeunes vont être alors mieux prises en charge, et commencent à mieux se faire connaître. Les années autour de 2010 vont alors être plus florissantes, et étoffer leur palmarès, dont on retiendra donc surtout ces dernières années.
Un palmarès honorable
Car les Bleues n’ont rien à envier à Zidane et Cie. Si elles n’ont jamais décroché de coupe du Monde – et leur développement et leur professionnalisation sont encore trop récents pour pouvoir comparer-, elles sont loin de faire honte au maillot qu’elles portent. Souvent dans le dernier carré des compétitions internationales, elles ont fini 4e au dernier mondial et aux derniers Jeux Olympiques, et ont fait les ¼ de finale des deux dernières éditions des championnats d’Europe. Elles n’ont donc pas encore ramené de médaille d’or, mais se font lentement et sûrement une place dans leur discipline, en montrant qu’au-delà des Américaines, des Allemandes ou des Brésiliennes, il faudra compter sur les Françaises à l’avenir.
Have you met…?
Alors qui sont-elles ? Qui défend nos couleurs dans la planète foot féminin ? Elles ne sont vraiment pas beaucoup médiatisées mais peut-être avez-vous entendu parler de Marinette Pichon, meilleure buteuse de cette équipe, qui a maintenant pris sa retraite, et qu’on a un peu entendu lors des débats sur le Mariage pour tous.
On peut aussi citer quelques autres joueuses des équipes actuelles ou récentes : Sonia Bompastor, Sandrine Soubeyrand, Corinne Diacre, Laura Georges, Camille Abily, Elise Bussaglia, Louisa Necib, Gaëtane Thiney… Vous pouvez toutes les retrouver sur le site de la fédération.
Sarah Bouhaddi entourée de ses coéquipières en 2012. B.Guay/AFP
Alors où et quand retrouver ces joueuses ? Après s’être assurées une qualification pour le mondial 2015 très récemment en battant la Hongrie, les joueuses passent leur mois de juin en tournée aux Etats-Unis. Plusieurs matchs amicaux en ligne de mire : les Bleues affrontent le Brésil le 11 juin, autre monstre du football féminin, puis les Etats-Unis, pour deux matchs consécutifs les 14 et 19 juin. C’est ce genre de rencontres qui peuvent pousser les joueuses et les faire progresser sans gros enjeu ni grosse pression. Aussi, ce petit programme montre l’importance que prennent les Françaises dans le football international et prouve qu’elles sont en mesure d’affronter les meilleures.
Sur le long terme, on espère une visibilité accrue de cette équipe féminine, qu’on compte bien concrétiser, notamment avec la candidature de la France à l’organisation de la Coupe du Monde 2019.
Une popularité en berne
Pourtant, on ne peut nier que la popularité du foot féminin en France et donc même de la sélection nationale est encore très minime. Aucun match de l’équipe de France n’avait été diffusé avant 2002, quand un match de barrage pour la Coupe du Monde rassemble plus de 23 000 spectateurs au stade de Saint-Etienne et que Canal + s’en empare, sous l’impulsion d’Aimé Jacquet, encore lui. Depuis, peu de matches sont retransmis, même si Eurosport puis D8 ont fait des efforts pour offrir aux téléspectateurs quelques performances de l’équipe de France (on ne parle même pas des matchs de championnat)…
La faute aux médias alors ? Même si c’est peut-être un peu facile et caricatural, leur rôle est non négligeable. Ce sont évidemment eux qui filtrent et décident de donner accès ou non à un certain sujet. Apparemment, diffuser du football féminin n’est pas encore jugé assez pertinent, ou rentable. La Fédération Française de Football a alors tenté de faire des campagnes pour attirer un peu l’attention des médias, comme par exemple cette promo faisant poser des joueuses nues avec le message : « Faut-il en arriver là pour que vous veniez nous voir jouer ? ». En 2010, Adriana Karembeu a été nommée ambassadrice du football féminin.
Si les intentions étaient sûrement bonnes, on peut s’interroger sur l’effectivité et la pertinence de ce genre de campagne. Faire poser nues des joueuses (même si l’objectif était de dénoncer cette nécessité) et choisir une femme de joueur (et mannequin) comme ambassadrice profite-il vraiment à la cause des joueuses ? L’idéal ne serait-il pas de montrer que les femmes sont des sportifs au même titre que les hommes, qui méritent qu’on s’intéresse à elles pour leurs performances, et rien d’autre ? Le fait qu’il apparaisse nécessaire de faire appel à leur côté « girly », glamour voire sexy prouve bien que malheureusement, on est encore loin d’une considération « normale » de la femme dans le sport. Surtout, appeler les spectateurs à aller les voir jouer omet que les principaux responsables sont les médias, qui ne permettent pas d’être informés sur l’actualité, les rencontres et les événements de football féminin. Finalement, la situation des footballeuses est symptomatique d’une certaine vision des sportives encore trop ancrée dans la société : les femmes sont forcément de moins bonnes sportives, de moins bonnes joueuses et ne doivent pas être prises au sérieux. Et, si elles veulent de la visibilité, le plus efficace est malheureusement encore de faire tomber le maillot.
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Et pour retrouver les Bleues, c’est sur le site de la FFF que ça se passe.
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