L’an dernier, La vie d’Adèle avait bouleversé les pronostics dès la projection de presse. Apparemment Mommy, du Québécois Xavier Dolan, a lui aussi fait chavirer la Croisette, ronronnante il est vrai jusque-là avec du déjà vu et des valeurs sûres, à part Timbuktu, Saint Laurent ou Deux jours, une nuit.
Sans partager à fond l’enthousiasme critique délirant, je salue la belle performance du prodige. Mais reste surtout à savoir si le jury de Jane Campion sera aussi sensible à ce coup de cœur que celui de Steven Spielberg, qui avait décerné une triple Palme d’Or historique à Abdellatif Kechiche, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos.
Xavier Dolan avait été révélé à 20 ans à Cannes dans La Quinzaine des réalisateurs avec J’ai tué ma mère. Cinq ans plus tard, entré dans la cour des grands, il veut en quelque sorte la venger avec Mommy, même s’il lui balance souvent des horreurs. Pas de quoi effrayer maman, qui a du répondant à revendre.
Le cinéaste nous plonge en effet dans une relation houleuse entre ces deux personnages. Adolescent, Steve souffre de troubles psychiatriques. Il devient ingérable au point que l’établissement où il a été scolarisé refuse de le garder. Sa mère Diane, une quadra bien roulée un rien vulgos à l’allure rock qui adore son gamin, refuse qu’il soit interné et décide de l’élever seule en dépit du danger qu’il représente.
Un couple de fous furieux
De violentes disputes ne tardent pas à rythmer leur cohabitation. Steve et Diane s’affrontent à grand renfort de hurlements hystériques dans un langage de charretier (en français du Québec incompréhensible sans sous-titres), pour se réconcilier dans de déchirantes protestations d’amour. Très vite une voisine, Kyla, enseignante timide et introvertie qui peine au contraire à sortir deux mots de suite, s’immisce dans le couple et tend ainsi à agir comme un calmant sur ces deux fous furieux.
Pour ce mélo où se mêlent le pathétique, la brutalité et l’humour, le créatif Dolan a choisi (avec une petite surprise qui a déclenché les applaudissements) un format carré, comme pour mieux y enfermer son trio, à commencer évidemment par Steve, dont la société ne sait que faire, sinon lui passer la camisole de force..
Il est incarné par l’étonnant et talentueux Antoine-Olivier Pilon. Pour la mère, l’auteur a fait appel à la géniale Anne Dorval et pour la voisine Kyla, à la non moins formidable Suzanne Clément. Des fidèles.Vu leur prestation, il y a du Prix d’interprétation dans l’air. Et si Xavier Dolan raflait la Palme, il serait le plus jeune à la décrocher depuis Louis Malle, en 1956, avec Le monde du silence.