Les propositions parlementaires des Vert’libéraux, consistant à mettre à plat toutes les communautés de vie, semblent prendre de court tout le monde, des associations LGBT (dont la réaction se fait attendre) aux partis politiques, en passant par les médias. Parmi ces derniers, seuls «24 Heures» et «La Tribune de Genève» font leur Une du «tabou brisé» du mariage pour tous. C’est le silence radio du côté des autres quotidiens – et singulièrement des alémaniques. Sans doute qu’à Genève et à Lausanne, le souvenir tout proche du débat français est davantage dans les esprits. Claude Ansermoz, dans un édito joliment provocateur intitulé «Qui sera la Frigide Barjot suisse?», estime qu’«il n’est pas sûr que la stabilité politique et économique de notre pays soit la garante d’un débat plus serein. Sur un thème de société aussi «révolutionnaire» – dans le sens qu’il bouscule un ordre établi depuis des siècles –, les émotions sont également à fleur de peau chez nous.»
Sérénité
On dirait que le débat qui s’annonce dérange. Isabelle Moret, pour le Parti libéral-radical, évacue la question en estimant que les élus de son parti auront tout loisir de s’exprimer individuellement. Dans les partis de gauche, l’accueil est extrêmement prudent. Le Valaisan Mathias Reynard (PS) rappelle que «l’Espagne ou l’Angleterre ont mené le débat dans la sérénité. De toute manière, le peuple tranchera. J’ai l’impression que sur ce sujet, le monde politique est en retard sur la société.» Sans surprise, l’UDC fulmine. «La société n’a rien à gagner au mariage homosexuel, lance Yves Nidegger. Au contraire, ce serait le chaos, parce qu’on réclamerait ensuite l’adaptation du droit qui régit la procréation assistée.»
Les Verts, traditionnellement en pointe sur les questions LGBT, apparaissent également à la traîne de leurs rivaux écolos de centre-droit. Adèle Thorens s’empresse d’expliquer que son parti s’apprête à déposer une interpellation sur l’initiative du PDC qui a précipité le débat, avec l’article de son initiative «Contre la pénalisation du mariage» qui prévoit incidemment de restreindre la définition du mariage aux couples hétéros. Les Verts veulent inciter le Conseil fédéral à rédiger un contre-projet sur cet aspect précis du texte des démocrates-chrétiens, afin de laisser la porte ouverte au mariage égalitaire. Pour plus tard.
Niche électorale
Et le PDC qui a, après tout, déclenché cette situation? Son président, Christophe Darbellay, reste sibyllin. «Il n’y a de notre part aucune volonté de discriminer les couples homosexuels», se contente-t-il d’assurer à «24 Heures» – toujours sans expliquer pourquoi son parti tient tant à verrouiller le mariage comme une institution hétérosexuelle. Comme si, dans cette nouvelle question de société qui émerge dans le débat suisse, aucune formation ne s’estimait prête à partir au combat. Aucune, sauf apparemment les Vert’libéraux. Ils trouvent peut-être ici une niche qui leur permettra de conquérir une base électorale un peu plus large que leurs 3 à 4% actuels.