On le sait, une mort atroce est promise aux homosexuels présumés, jetés du haut d’immeubles ou suppliciés en public dans les territoires d’Irak et de Syrie sous contrôle de Daech. Et pourtant, les «soldats du califat» semblent, plus souvent qu’à leur tour, porter en eux l’«abomination» condamnée par les jihadistes. Des témoignages ont décrit l’Américano-afghan Omar Mateen, auteur de la tuerie du Pulse Club, le 12 juin dernier, comme un gay non assumé. Quant à Mohamed Lahouaiej Bouhlel, qui a tué 84 personnes en lançant un camion sur la promenade des Anglais, le 14 juillet à Nice, sa vie sexuelle «dissolue», selon le procureur de Paris, comprenait aussi de multiples plans homos.
Pas si anecdotique
Dans un article très documenté du «Monde» (accès payant), le journaliste Soren Seelow revient sur cette surprenante coïncidence entre orientation sexuelle et jihadisme. Le phénomène n’aurait rien d’anecdotique, souligne-t-il. Chérif Kouachi, un des tueurs de «Charlie Hebdo», avait manifesté, selon une note des services de renseignements, des «penchants homosexuels».
Parmi les signalements de personnes radicalisées, un tiers «présentent des difficultés avec leur identité sexuelle», estime une psy de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste. Un rapport sur un aspirant «soldat de Daech» mentionne l’abondance de matériel pornographique (plus de 33’000 fichiers homo et hétéro) retrouvé sur son ordinateur personnel. Un autre candidat au jihad a été récupéré par les policiers turcs à Istanbul… alors qu’il faisait la tournée des bars gay de la ville.
Désir ambigu
De fait, l’article décrit un désir ambigu, entre l’envie «de se racheter» par le sacrifice et… «la fascination par rapport à la figure du soldat viril», de «l’entre-soi masculin», comme le suggère le psychiatre Serge Hefez. En témoigne le parcours d’un jeune français converti, interrogé par les services français à son retour de Syrie. Lors de sa conversion, raconte-t-il, «j’ai compris que l’islam était fait pour moi, et depuis plus d’une année je ne me sens plus homosexuel. Je n’ai plus eu de rapport sexuel depuis.» «Outé» dès son arrivée à Rakka, il est jeté en prison. «Peut-être que le jihad servait de prétexte pour entrer en contact avec ces gens, admet-il. Avec du recul, je me rends compte qu’il pouvait s’agir d’une forme de drague.» Il finira par échapper à la mort, Daech préférant l’expulser.
L’enquête du «Monde» relève, par ailleurs, que le recrutement des jihadistes exploite souvent cette dimension homoérotique (comme l’a récemment montré un procès au Royaume-Uni). Les conversations interceptées dans les filières jihadistes sont parfois plutôt «romantiques», voire carrément «hot». Le récit d’une nuit entre un recruteur et sa recrue laisse songeur: «Tu as passé ta main sous mon tee-shirt, tu t’es retrouvé avec ta main sur ma poitrine».
» «L’orientation sexuelle à l’épreuve du djihad», à lire sur lemonde.fr