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«La question des intersexes intéresse beaucoup les étudiants en médecine», constate le professeur Ansermet, chef de service de pédopsychiatrie aux Hôpitaux universitaires de Genève, professeur à l’Université de Lausanne (UNIL). Depuis qu’un cours à option sur ce sujet a été créé en 2010 à l’UNIL, ce ne sont pas moins de 150 étudiants qui y ont été sensibilisés au travers des années. Avec seulement 20 places disponibles, il faut s’y prendre vite puisque le cours affiche toujours complet.
Un véritable engouement qui atteste du désir d’aborder cette question. Il faut dire que dans le cursus de médecine obligatoire, la question des intersexes n’est qu’évoquée. Cet enseignement optionnel apporte donc un éclairage nécessaire à l’heure où l’ONU ne cesse de condamner partout des interventions non-consenties visant à déterminer le sexe de l’enfant. Et la Suisse ne fait pas exception. Si à Lausanne on s’est décidé à agir, à Genève par exemple, il n’existe pas de cours spécifiquement lié à l’intersexualité. Une disparité qui est à l’image des différences de traitements en Suisse.
«Il n’y a toujours pas d’évidence médicale et il y a de très grandes différences d’un médecin à l’autre.» Daniela
«Tous les traitements des personnes intersexes sont arbitraires en Suisse, s’indigne Daniela Truffer, membre fondatrice de l’ONG StopIGM.org. Il n’y a toujours pas d’évidence médicale et il y a de très grandes différences d’un médecin à l’autre.» Une indignation d’autant plus vive que cette valaisanne a été elle-même victime de mutilations dès son enfance. «Quand j’étais toute petite les médecins m’ont ouvert le ventre et m’ont enlevé mes testicules saines, sans informer mes parents. Les médecins ont décidé de faire de moi une fille, entre autre parce que mon pénis était trop petit. Encore aujourd’hui la castration me cause des problèmes de santé», raconte la militante. Une réalité vivement condamnée par l’ONU qui a notamment qualifié ces interventions de «pratiques préjudiciables» et de «traitements inhumains».
Encadrement des pratiques
En Suisse, Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine (CNE) a publié en 2012 une prise de position concernant «l’attitude à adopter face aux variations du développement du sexe». Il encourage à ne pas avoir recours à une intervention sans le consentement de la personne concernée. Ces mises en garde n’ont néanmoins pas changé la pratique partout. «On n’attend rien des médecins. Quelques-uns d’entre eux sont disposés à changer leurs pratiques, mais la plupart arrêteront seulement de mutiler quand ils y seront contraints», ajoute Daniela Truffer.
A la faculté de médecine de Lausanne, des mesures ont tout de même été prises. Preuve s’il en est, ce cours à option à l’attention notamment des futurs médecins. «Nous avons créé ce cours en 2010 suite à la commission des sciences humaines, explique le Dr Meyrat, chirurgien en pédiatrie au Centre hospitalier universitaire vaudois. Il s’agit d’une plateforme entre médecine et sciences humaines qui regroupe une quinzaine de professeurs». Généticien, chirurgien plastique, gynécologue, pédopsychiatre, avocat ou encore associations et patients se relaient pour parler de cette question riche en problématiques.
«À chacun de construire sa propre solution»
«Entre le sexe chromosomique, génétique, endocrinien, cérébral, social, lié au genre, il n’y a pas de marqueur clair de la différence des sexes, indique le professeur Ansermet. Au delà de ces repères, à chacun de construire sa propre solution». Une pluralité des pistes de réflexions qui fait entrevoir toute la complexité de l’intersexualité, dont la seule terminologie pose problème. «Historiquement, les terminologies ont varié, explique le pédopsychiatre. On a parlé de pseudo-hermaphrodisme, d’ambiguïté génitale, puis d’intersexualité, de DSD (désordre du développement sexuel), maintenant de variation du développement sexuel.» Les questions se bousculent et démontrent l’importance d’une telle réflexion que le professeur qualifie de «problème sociétal majeur».
Si à l’Université de Lausanne, on en prend toute la mesure, à Genève la question est abordée en surface. «La problématique est abordé de façon obligatoire dans l’apprentissage par problèmes de l’unité de reproduction. Cela permet aux étudiants de développer un problème réel et discuter les différentes prises en charge possibles mais nous n’avons pas de cours ou de séminaire pour discuter des problèmes éthiques». Un enseignement qui n’intègre donc pas de réflexion de fond. Pour unifier les pratiques, Daniela Truffer est claire: «Il faudrait une loi qui interdise les mutilations génitales intersexes, mais qui facilite aussi les traitements consentis aux personnes majeures.»
Progrès et lacunesDans un communiqué publié hier mercredi, le Conseil fédéral s’est félicité des progrès intervenus depuis le rapport du CNE en 2012: «La Confédération a déjà mis en œuvre la majeure partie des recommandations la concernant ou est en passe de le faire, notamment la simplification des démarches pour modifier la mention du sexe dans le registre d’état-civil ou l’amendement des termes discriminants dans les lois ou les ordonnances.»
En revanche, la proposition d’un accompagnement psychosocial gratuit pour les personnes intersexes est rejetée comme irréalisable par l’Exécutif. Interviewée par «Le Temps», la membre de la CNE Maya Shaha déplore ce refus. «Cela a été fait à l’étranger. Quand les enfants grandissent, même avant l’adolescence, ils passent par des phases de vie où le sexe est très important: on se compare, on se pose des questions… c’est une situation très délicate à gérer émotionnellement.»
La spécialiste soulève une autre lacune importante, lorsque l’ambiguïté de genre n’est pas directement identifiable à la naissance. «A ce moment-là, la question de la prise en charge financière se pose: les caisses maladie et l’AI se renvoient alors la balle, car aucune règle légale n’encadre ce cas de figure. Si bien que personne ne veut assurer ces enfants.» F.T.
«L’homophobie peut dans certains cas être le fruit d’une homosexualité refoulée», explique Boris Cheval, chercheur au laboratoire de méthodologie et d’analyse de données de Genève. Une conclusion qui fait suite à une étude qu’il a menée pendant près de deux ans et qui a paru en mars 2016 dans le «Journal of Sexual Medicine». C’est la première étude du genre en Suisse. Dans le panorama des recherches sur la question de l’homophobie comme forme d’homosexualité refoulée ou non, cette recherche apporte un regard plus nuancé et repose sur une nouvelle méthode d’analyse.
Deux écoles de pensée
«Il y a deux grandes écoles de pensée, explique Boris Cheval: celle qui affirme que l’homophobie est une homosexualité refoulée et celle qui conclut que l’homophobie correspond à une répulsion ou un vif dégoût vis-à-vis de l’homosexualité.» Des constats tranchés comme celui d’Henry Adams de l’Université de Géorgie aux Etats-Unis. Dans son article paru dans le «Journal of Abnormal Psychology», en 1996, il avait démontré que les hommes homophobes avaient une augmentation de la taille de leur verge à la vue de vidéos homosexuelles. L’auteur en a alors conclu que ces résultats pouvaient être interprétés comme l’expression d’une attraction inconsciente ou refoulée pour le même sexe.
Mais, comme le souligne Boris Cheval, le paramètre de l’excitation physique n’est pas suffisant pour tirer de telles conclusions, car cet effet peut aussi être la conséquence d’une anxiété ou d’une peur. C’est notamment dans l’étude menée par la professeure Netta Weinstein de l’Université d’Essex (Roy.-Uni) et paru en 2012, que le lien entre homophobie et homosexualité trouve davantage de nuances. Cette étude britannique était la première à documenter les facteurs parentaux et d’orientations sexuelles dans la formation d’une peur intense et viscérale des homosexuels. Elle reposait sur quatre expériences distinctes, menées aux États-Unis et en Allemagne, chaque étude impliquant une moyenne de 160 étudiants. Elle suggérait que l’homophobie était la conséquence fréquente d’une éducation trop autoritaire et qu’elle serait plus prononcée chez les personnes ayant une attirance inavouée vers le même sexe.
Impulsivité
Des conclusions que partage l’étude menée à l’Université de Genève, qui propose toutefois d’aller encore plus loin. En effet, Boris Cheval apporte un éclairage inédit en intégrant à son travail un paramètre supplémentaire: le processus impulsif. «Ce processus est inconscient et porté par les émotions, précise le chercheur. Dans le cas de l’homophobie, c’est la réaction immédiate à un stimulus homosexuel. La vue d’un couple d’hommes s’embrassant ou d’une couverture osée d’un magazine gay peut par exemple, provoquer une impulsion incontrôlée d’attirance ou de répulsion. Ce processus s’oppose au processus rationnel qui est, quant à lui, conscient et lent. Dans le cadre de notre étude, il correspond au degré d’homophobie.»
Les homophobes vont démontrer un intérêt homosexuel, mais uniquement s’ils ont une attraction latente envers l’homosexualité, précise-t-il. Nous ne mettons pas tous le monde dans le même panier
C’est donc en confrontant ces deux mesures que l’étude a été menée sur 38 étudiants hommes de la faculté de psychologie de Genève. «Le degré d’homophobie a été estimé à l’aide d’un questionnaire, explique le chercheur. Nous avons ensuite mesuré pour chaque volontaire l’intensité de son impulsion attractive ou répulsive à la vue d’images homosexuelles et hétérosexuelles. Enfin, nous avons mesuré le temps de regard des étudiants devant les images homosexuelles. Cette dernière donnée fournit une mesure comportementale de l’intérêt sexuel. Nous avons ainsi pu montrer qu’un haut degré d’homophobie et une forte attraction impulsive vers des stimuli homosexuels permettent de prédire que la personne passera plus de temps à regarder une image à caractère homosexuel que les autres.»
Pour Boris Cheval le lien entre homophobie et homosexualité est donc clair, mais pas systématique. «Les homophobes vont démontrer un intérêt homosexuel, mais uniquement s’ils ont une attraction latente envers l’homosexualité, précise-t-il. Nous ne mettons pas tous le monde dans le même panier.» Comme les autres études qui établissent un pont clair entre homophobie et homosexualité, le dénominateur commun reste le conflit interne entre deux tendances fortement opposées. «Cette dissonance a pour effet de créer une tension et un stress qui engendrent des comportements agressifs vis-à-vis des homosexuels», poursuit le chercheur. Selon lui, il serait donc possible d’imaginer dans le futur des moyens d’amener ces personnes à réduire ces tensions.
» En savoir plus sur le site de l’Université de Genève
«Avec l’arrivée de la trithérapie en 1996, la perception se modifie et passe d’une épidémie mortelle à une maladie chronique grave» explique Michael Voegtli, chercheur et co-auteur de l’ouvrage Homosexualités masculines en Suisse. En effet, il y a vingt ans, être atteint du virus du sida était synonyme de peine capitale. C’est dans le début des années 1980 que cette maladie fait son apparition en Occident. On parle alors de «peste gay» ou de «cancer gay».
En 1985 le virus est identifié. Des hommes et des femmes, dont de nombreux homosexuels et des toxicodépendants meurent. C’est l’hécatombe. Partout, les médias publient des images choquantes tandis que les associations, les médecins, les offices de santé publique et les politiciens s’activent afin de gérer l’épidémie. Aucun traitement efficace n’existait jusqu’à la découverte révolutionnaire de la trithérapie en 1996. Dès lors, les choses changent: avoir le sida dans le monde occidental n’est plus une fatalité.
La trithérapie est une combinaison de trois médicaments (antirétroviraux) pris chaque jour de la semaine. Ce traitement empêche le virus du Sida de se répliquer et améliore ainsi l’immunité et l’état général. Une avancée scientifique majeure qui a sauvé des vies mais qui, au début, s’est faite au prix d’un nombre élevé de comprimés et d’une toxicité non négligeable.
Catalyseur
«À Genève par exemple, c’est à la fin du mois de juin 1996 que les premières trithérapies ont été administrées aux patients hospitalisés alors qu’elles n’étaient pas encore homologuées par Berne», précise Barbara Pralong Seck, coordinatrice et membre de la direction du Groupe sida Genève. Une situation rendue possible notamment grâce à l’association Dialogai qui a joué un rôle de catalyseur.
«La trithérapie était miraculeuse. En quinze jours ou un mois, les gens étaient déjà debout»
«Nous avions très vite constitué un dossier sur les bienfaits de la trithérapie à l’attention du conseiller d’Etat Guy-Olivier Segond, explique Francis Sträuli, ancien membre du comité Dialogai. Il a été très réactif puisque Genève a joué un rôle pionnier dans le remboursement du traitement. Dès lors tous les autres cantons ont suivi». En effet, pour les patients les plus affaiblis, chaque jour compte. L’arrivée du médicament a donc véritablement bouleversé des destins. «La trithérapie était miraculeuse pour de nombreuses personnes, se souvient Zaqueu Guimaraes, président de l’association PVA. En quinze jours ou un mois, les gens étaient déjà debout.» Cependant il fallait compter avec des effets secondaires conséquents.
Des effets lourds
«Les premières trithérapies ont été marquées par des effets secondaires multiples tels que des effets gastrointestinaux, diarrhées, lipodystrophie (répartition non harmonieuse des graisses), troubles du métabolisme des sucres et des graisses», développe la professeure Alexandra Calmy, responsable de l’unité VIH-Sida aux Hôpitaux universitaires de Genève.
A ces symptômes physiques, s’ajoutaient aussi des effets psychologiques parfois sévères. «Lorsque j’ai testé les premiers traitements, j’avais envie de me jeter par la fenêtre se souvient Zaqueu Guimaraes. Ça a foutu en l’air ma perception de la réalité. J’ai donc arrêté plusieurs fois les médicaments avant de trouver une formule qui me convienne.»
«Au début, on ne savait pas combien de temps la trithérapie pourrait faire de l’effet sur l’organisme, ce qui a créé de l’anxiété chez de nombreuses personnes, entraînant parfois des suicides»
De plus, à cette époque les médecins n’avaient pas de recul sur l’efficacité à long terme du traitement. «Au début, on ne savait pas combien de temps la trithérapie pourrait faire de l’effet sur l’organisme, ce qui a créé de l’anxiété chez de nombreuses personnes, entraînant parfois des suicides», se rappelle Barbara Pralong-Seck. Un sentiment de sursis accablant dont elle a été témoin puisqu’à cette époque, elle participait déjà aux efforts de l’association. «Je me souviens qu’une personne m’avait dit: ce que je vis est comparable à la réalité d’un camp de concentration. Je suis sur le pas de la porte, sur le point de sortir, mais personne ne peut me garantir que ne vais pas y retourner. C’est insupportable.»
Il faudra attendre près de quatre ans, soit le début des années 2000, pour que les gens soient davantage en confiance. «Cette période marque un nouveau souffle et ouvre un véritable horizon d’espoir», affirme la coordinatrice du groupe Sida Genève. Pourtant même si le traitement est efficace, il ne permet pas pour autant de guérir. Le monde médical parle alors de «maladie chronique» et pour les patients, cette nouvelle est un véritable coup de massue.
L’espoir fragile
En 2007, la déclaration du professeur Bernard Hirschel, responsable de l’Unité VIH-sida des hôpitaux universitaires de Genève (HUG), permet néanmoins un nouvel élan. «Cette annonce stipulait que les malades traités avec virémie indétectable depuis au moins six mois, ne sont pas infectieux par voie sexuelle, éclaire la coordinatrice de l’association. En d’autres termes, les personnes sous trithérapie et dans une relation stable pouvaient arrêter de mettre des préservatifs, faire des enfants et retrouver une vie de couple, affective et sexuelle, semblable à la normale».» En parallèle de cela, la toxicité des médicaments ainsi que leur quantité et leurs effets secondaires diminuent progressivement. «Aujourd’hui, en 2016, les thérapies sont plus simples à prendre et sont bien tolérées, assure Alexandra Calmy. Certains patients ne prennent plus qu’une pilule par jour. C’est la formule 3 en 1 en quelque sorte».
1980 Les premiers cas sont détectés aux Etats-Unis 1983 Une équipe de l’Institut Pasteur (Paris) virus est isolé
1986 Mise au point du premier traitement AZT, qui ralentit la progression du virus.
1991 Le ruban rouge devient le symbole officiel de la lutte
1996 Apparition des premières trithérapies.
1997 Premier vaccin expérimental 2007 En Suisse, l’annonce Hirshel stipule que les personnes sous traitement depuis au moins 6 mois ne sont plus infectieux par voie sexuelle.
2009 Première combinaison à dose fixe permettant à de nombreux malades de prendre leur traitement en une seule prise
Selon ONU sida En 2014: 36,9 millions de personnes vivaient avec le VIH (dont 25,8 millions en Afrique subsaharienne et 2,4 millions en occident). 15,8 millions de personnes ont accès à la thérapie antirétrovirale à la fin juin 2015 10,7 millions de personnes avaient accès à la thérapie antirétrovirale en Afrique subsaharienne contre moins de 100 000 personnes en 2002.
«Pour les personnes qui viennent ici, PVA est une famille», lance Rocco Senatore, coordinateur de l’association. Une famille désormais menacée dans sa survie puisqu’une coupe budgétaire drastique pourrait sérieusement remettre en question sa pérennité. La nouvelle est tombée le 19 juin dans le cadre d’une séance annuelle avec le médecin cantonal. L’association a alors appris que le Département de la santé allait réduire de moitié sa subvention en 2016. Celle-ci passerait de 200’000 à 100’000 francs. Avec un budget total de 260’000 francs, c’est près de 40% de son financement qui serait amputé.
Les responsables de PVA accusent le coup. «Nous devons nous réorganiser en seulement six mois alors que nous sommes déjà à l’os ici sur le plan financier, souligne Rocco Senatore. En plus, nous n’avons pas reçu de préavis. Cette nouvelle a été une surprise totale. Lors de notre rendez-vous, nous devions simplement présenter notre bilan et montrer que nos objectifs étaient bien atteints comme le préconise notre contrat de prestation quadriennal.»
«Pourquoi s’attaquer aux plus faibles?»
Pour la députée socialiste Lydia Schneider Hausser cette coupe budgétaire n’est pas normale. Elle a donc déposé au début du mois de septembre une question urgente à l’attention du Conseil d’Etat, intitulée «Pourquoi s’attaquer aux plus faibles?» Une initiative saluée par l’association. «Nous avons trouvé la formule de la député très adéquate. Nous sommes la seule association touchée par ces mesures d’économie dans l’enveloppe VIH du Canton. Or, PVA est la plus petite et la plus modeste. Nous sommes une microstructure avec seulement deux employés à mi-temps (la secrétaire et le coordinateur).»
Rapidement alertées, les associations genevoises actives dans le domaine du VIH se sont mobilisées. Parmi elles, Dialogai qui a, entre autre, pour mission de lutter contre l’épidémie. «Toutes les associations concernées par le contrat de prestations VIH ont envoyé une lettre au Département de la santé, s’inquiétant de l’avenir de PVA, explique Mathilde Captyn, directrice de Dialogai. C’est une décision arbitraire et nous devons nous serrer les coudes.»
Face à cette montée aux barricades, le Département de la santé tempère. «Il y a certainement eu une maladresse de communication, explique Mauro Poggia, conseiller d’Etat en charge de la santé. Le service du médecin cantonal n’a pas la compétence de supprimer une subvention. Il ne pouvait qu’amorcer une discussion et non annoncer une décision.» En effet, c’est maintenant au Grand Conseil de Genève de trancher au mois de décembre. Pour l’association, le message n’était pourtant pas aussi clair. «Il y a eu un évident manque de clarté lors de notre rendez-vous, s’indigne Rocco Senatore. On nous a simplement dit que des mesures d’économie devaient être faites et que cette coupe visait le volet thérapeutique de notre travail. Mais supprimer les thérapies c’est inconcevable. Il s’agit d’un ancrage de survie pour certaines personnes.»
Thérapies nécessaires
Il suffit de pénétrer à l’intérieur des locaux de l’association pour prendre toute la mesure de l’importance des ateliers thérapeutiques. Partout sur les murs, des dizaines de tableaux peints par des membres témoignent du travail accompli par l’association. «Certains viennent tous les mardis aux ateliers de peinture depuis vingt ans, précise Béatrice Ascencio, la secrétaire. Nous offrons aussi des massages, de la réflexologie ou encore une aide psychologique mais aucun de ces soins n’est remboursés par l’assurance de base. En tout, cela représente environ 665 thérapies par année.»
Pour PVA, c’est donc clair: le seul mot d’ordre est la mobilisation. «Nous allons nous battre pour influencer la décision du Grand Conseil et une pétition a déjà été lancée, affirme le Président Zaqueu Guimaraes. Du côté du Département de la santé, des négociations sont en vue. «J’ai demandé au médecin cantonal de réunir tous les acteurs dans ce domaine afin de trouver rapidement une solution acceptable», assure Mauro Poggia.
23 ans auprès des personnes séropositivesL’association PVA a été fondée en 1992 par des porteurs du VIH/sida. elle comprend 150 membres. Depuis plus de 20 ans, elle se bat pour le suivi psycho-social de ses membres et mène des actions de lutte contre la discrimination et la défense des droits des personnes qui vivent avec le virus. elle est aussi la seule association à offrir un soutien aux proches.
«Le constat est frappant, il y a une migration des travailleuses du sexe trans vers les lieux fermés», souligne Carole Besse de la fondation Agnodice qui œuvre pour la promotion d’une société considérant les variations de l’identité de genre et du développement sexuel comme une richesse relevant de la diversité humaine. Depuis le début de l’année, ces femmes sont de plus en plus nombreuses à déserter les pavés de Suisse romande pour pratiquer en salon ou en studio. Et elles le font savoir par le biais de la presse écrite ou sur la Toile. Depuis quelques mois, certains journaux ont même noté une hausse des petites annonces trans. Problème : les acteurs sociaux sur le terrain n’ont pas toujours accès à ces lieux fermés et le message de prévention se perd. Une situation alarmante sur le plan de la santé.
«Les travailleuses du sexe trans sont l’une des populations les plus touchées par le VIH», affirme David Perrot, directeur du Groupe sida Genève. Ce risque de contamination est renforcé en raison notamment, des demandes des clients. «Ils réclament beaucoup de rapports non protégés autrement dit, ils veulent du sperme partout», précise Erika Volkmar, présidente d’Agnodice.
On estime à environ 300 le nombre de travailleuses du sexe trans en Suisse romande. Cependant, aucun chiffre officiel n’existe. Ni la brigade des mœurs, ni l’association Aspasie ni même le Groupe sida ne font la distinction entre femmes, hommes et trans. Une lacune de taille, qui marginalise davantage ces personnes de moins en moins visibles dans la rue.
Pas d’accès
«Nous n’avons pas de porte d’entrée dans les lieux fermés pour le moment, constate Carole Besse. En plus, ça bouge énormément et la large majorité de ces femmes est étrangère. Certaines ne sont parfois là que pour quelques jours». Même son de cloche pour Erika Volkmar: «Il faut entrer en contact avec ces personnes par téléphone mais souvent la barrière de la langue complexifie notre tâche.» Un isolement né notamment de la baisse des tarifs.
A Lausanne par exemple, où la proportion de travailleuse du sexe trans est la plus élevée de Suisse romande, soit 30%, le constat est clair. «Il y a un matraquage des prix depuis quelques années, affirme Carole Besse. Les prostituées qui se trouvent dans la rue disent que c’est une catastrophe. Aujourd’hui, elles acceptent de faire des fellations pour 30 ou 40 francs. Une réalité qui explique en partie cette migration vers les espaces fermés où les tarifs sont plus élevés.» Pour Erika Volkmar, ce déplacement trouve également une autre explication: «L’espace accordé à la prostitution est restreint à Lausanne. Il y a un mouvement de limitation. Par exemple, dans certaines zones réservées à la prostitution, on construit aujourd’hui des logements.» Afin de répondre à ce changement, la fondation met donc en place de nouvelles stratégies.
L’alternative du web
«Depuis deux mois, nous faisons de la prévention gratuite sur des sites internet comme Anibis et nous comptons aussi investir les réseaux sociaux, détaille Carole Besse». Une nouveauté que d’autres acteurs sociaux accompagne. «Nous allons développer une collaboration avec Agnodice sur la question de la prévention sur internet, explique Marianne Schweizer, de l’association Aspasie. Le milieu de la prostitution se transforme constamment, et nous devons être à l’écoute en nous adaptant. Avec le développement des nouvelles technologie, la prévention sur le web devient nécessaire». Actuellement, ces projets n’en sont encore qu’à leur début. D’ici à un an, les messages de prévention sur la toile devraient se multiplier.
«Le fait qu’il n’existe pas de statistique propre aux trans pose un problème de santé public», affirme Erika Volkmar. C’est pourquoi l’Office fédérale de la santé public (OFSP) a mis en place en février 2014, une collecte de donnée baptisée BerDa. ll s’agit d’un outil internet qui permet, sur la base d’un questionnaire, d’établir automatiquement le profil à risque du demandeur de test de dépistage du VIH. «Dans ce questionnaire, la première demande concerne le sexe de la personne, explique Erika Volkmar. Dans les réponses possibles on trouve en plus de hommes ou femmes, transgenre ou intersexe. Une nouveauté qui permet d’obtenir des données statistiques sur les trans». C’est un premier pas car, sans ces données statistiques, il est difficile d’identifier clairement cette population et donc d’adapter la prévention.