Portrait d'une sportive qui n'hésite pas à parler de lutte contre le sexisme et la LGBTphobie, qui s'apprête à participer aux prochains Jeux Paralympiques.
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Ugo Jil-Gimenez, alias Papacito, 38 ans, influenceur d’extrême droite toulousain, a été condamné vendredi 26 avril 2024 par le Tribunal correctionnel de Paris à 5 000 euros d’amende pour injures homophobes et incitation à la violence, suite aux plaintes déposées par quatre associations LGBT+, dont STOP homophobie.
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Devant la recrudescence des agressions homophobes, notamment des guet-apens organisés via les plateformes de rencontres, la municipalité de Montreuil a initié une campagne de sensibilisation pour informer et encourager à la vigilance les utilisateurs, et inciter les victimes à déposer plainte.
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Un «collectif de gouinexs en tout genre» marchera à travers Genève ce vendredi. Un hommage à la pionnière Goudou Manif de 1982, mais aussi une protestation contre l'institutionnalisation et la récupération des visibilités lesbiennes en 2024.
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En juillet 2020, STOP homophobie et Mousse ont porté plainte contre le site ParoledeDieu.fr suite à la publication d'un article incitant au meurtre et à la discrimination envers les homosexuels, en se référant à un passage du Lévitique. L'audience de plaidoirie se tiendra devant le Tribunal correctionnel de Paris ce jeudi 25 avril 2024 à 13h30.
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Quatre individus, dont deux mineurs, ont été placés en garde à vue ce mardi 23 avril. Ils sont suspectés d'avoir tendu des pièges, pendant plusieurs mois, principalement à des hommes homosexuels via le site « Coco ».
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Cet article Résonances astrales. #1 Transmutations plutoniques provient de Manifesto XXI.
Dans cette nouvelle série de chroniques, l’astrologue Marion Versatile, thérapeute et artiste transdisciplinaire aux nombreux talents, nous livre une précieuse analyse d’actualité astrologique. À rebours des horoscopes profanes et réducteurs, elle propose de réancrer l’astrologie dans une vision émancipatrice. La poésie de ses mots met ainsi à jour les grands bouleversements individuels et collectifs que nous traversons, et offre des outils de compréhension symbolique du monde au prisme des météos cosmiques.Dans ce premier volet des Résonances astrales, Marion Versatile nous emmène aux confins du transit de Pluton en Verseau, un événement cosmique majeur pour les décennies à venir.
Étoile du soir, toi qui ramènes
Sappho
Ce qu’a dispersé le clair jour naissant…
Charmant paradoxe, ce sont parfois les astres que la nuit révèle qui éclairent ma vision du réel. Le langage symbolique des corps célestes – planètes, lunes, soleils, astéroïdes, comètes – habite notre psyché profonde d’aussi loin qu’homo sapiens ait cherché à faire sens du monde. Au fil du temps, des civilisations, de la science et des cultures, les archétypes structurant l’inconscient collectif se sont affinés, jusqu’à atteindre, dans leurs infinies déclinaisons, un degré de sophistication remarquable. Loin d’une lecture rigide et réductrice de l’existence, l’astrologie est une pratique de la nuance et des contradictions subtiles – une grille de compréhension au potentiel transformateur et thérapeutique puissant. Comme sur un miroir, nous nous pencherons au fil de cette chronique sur les différents reflets que le Cosmos offre à voir. Ce premier volet aborde les grands axes du transit de Pluton en Verseau, un cycle qui atteindra son terme en 2044.
Divinité de la mort et des enfers, l’archétype souterrain de Pluton évoque la transmutation au sens alchimique du terme. Une renaissance n’advient qu’au prix d’un transfert d’énergie. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. « Et quand tu verras ta matière noircir, réjouis-toi, car c’est le principe de l’Œuvre »* (1). Dans ces devises chères aux philosophes de l’occulte, domine un concept : le processus de création implique une nécessaire étape de destruction. Nigredo, Putrefactio, Mortificatio. Noirceur, Putréfaction et Mort, dans un déroulé continu, viendront nourrir le terreau fertile d’un jour nouveau. Un gouffre semble s’ouvrir sous nos pieds, au fond duquel un trésor que seul·es caresseront les voyageureuses de l’obscur.
À l’aube d’un changement majeur, oscillant entre peur et excitation, les notions de pouvoir, de souveraineté et de contrôle, accompagnées de questions éthiques et existentielles profondes, sont au cœur de cette avancée spectaculaire orchestrée par une minorité d’individus.
11ème signe du zodiaque, le Verseau est un signe fixe* (2), associé à l’élément de l’Air. Bien que l’astrologie du XXème siècle ait voulu le ranger sous l’égide d’Uranus, il est fondamental de souligner que le signe est traditionnellement gouverné par Saturne* (3). La planète à cerceaux représente la structure. C’est une notion maîtresse pour ce signe, qui n’aime rien tant que bâtir des architectures mentales, intellectuelles, sociales, idéologiques.
Saturne est également associé au temps, ce qui peut se manifester chez le Verseau à travers la prévoyance et l’avant-gardisme. Situé en opposition au Lion, domicile du Soleil associé au pouvoir de l’Ego, le Verseau sort quant à lui de la norme individuelle. Il évoque le collectif, le progrès, la technologie, la science, l’inconnu, les idéaux et les systèmes.
© Léa Nana L’Œuvre au noirMars – juin 2023. Pluton est sorti du Capricorne (également gouverné par Saturne) pour entrer une première fois dans le Verseau, poursuivant ainsi sa traversée sous égide saturnienne. On dit de Pluton qu’il est en chute* (4) dans les signes saturniens, car si Pluton transforme, Saturne conserve. Ce dernier symbolise les effets du temps qui passe, oxyde avec lenteur et dégrade la matière : c’est là l’Œuvre au noir, étape primordiale du travail alchimique.
Janvier 2024. Pluton entre dans le Verseau pour la seconde fois, et y restera cette fois-ci jusqu’en septembre 2024. Cette micro planète s’installe entre douze et trente ans dans chaque signe qu’elle visite. Comme à chaque période de transition, elle effectue plusieurs allers-retours entre son ancienne et sa nouvelle demeure. Comme à chaque début imprégné de la fin qui le précède, Pluton achève son travail par petites touches. Il s’assure, de rappels en ricochets, que les leçons du chapitre antérieur ont été intégrées. Faisant émerger avec émoi, parfois brutalité, les transformations à venir. Avant de s’installer durablement dans le Verseau, de novembre 2024 à janvier 2044, Pluton y effectue donc deux passages introductifs. C’est au travers de ces brèches, que l’on traverse actuellement, que se dessine l’indice de bouleversements imminents.
248 années. C’est le temps nécessaire à Pluton pour parcourir l’entièreté du zodiaque. D’une époque à l’autre, se tissent les échos d’impulsions semblables.
À l’échelle planétaire, l’expression de Pluton en Verseau s’observe d’abord dans le domaine de l’innovation technologique et scientifique. L’impact de certains progrès a définitivement transformé le cours de l’histoire humaine. L’essor sans précédent de l’intelligence artificielle, depuis l’avènement de ChatGPT jusqu’à la sortie récente de Sora, les casques de réalité virtuelle ou encore l’implantation des puces Neuralink semblent nous pousser au bord d’un précipice vertigineux. À l’aube d’un changement majeur, oscillant entre peur et excitation, les notions de pouvoir, de souveraineté et de contrôle, accompagnées de questions éthiques et existentielles profondes, sont au cœur de cette avancée spectaculaire orchestrée par une minorité d’individus.
Révolutions célestesIl nous appartient seulement d’embrasser la puissance de ce courant purgateur : y prendre part ou le subir. Les explorateur·ices des profondeurs le savent, confronter la noirceur nécessite du courage.
Deux Pluton en Verseau en arrière, ce même mélange de sentiments contradictoires accompagnait la publication de Des révolutions des sphères célestes de Copernic et De humani corporis fabrica de Vésale, ouvrages datant de 1543, piliers scientifiques révolutionnaires bouleversant durablement la conception que les humain·es avaient d’eux-mêmes. Le premier suggérait que le Soleil, et non la Terre, était au centre de l’univers, terrassant par la même occasion un paradigme philosophique et religieux entier. Le second est considéré comme l’ouvrage fondateur de l’anatomie moderne.
La compétition et l’espionnage industriels font également partie de ces luttes d’influence dans la course au progrès. Ainsi en 552, l’empereur Justinien organisait le vol des vers à soie à l’Empire de Chine, court-circuitant un des commerces les plus lucratifs de cette époque.
À ces dérives qui souvent accompagnent les transits plutoniens, s’ajoute la censure. Si cela résonne particulièrement fort aujourd’hui, les tentatives de contrôle de l’information n’en furent pas moindre face à l’expansion sans précédent que permit l’invention de l’imprimerie. Dans les années 1540, le Sénat de Milan publiait l’Index italien des livres interdits, une pratique de censure institutionnelle qui serait ensuite reprise à travers toute l’Europe, par l’Église et les États.
Toutes les innovations associées à Pluton en Verseau ne sont pas pour autant marquées de terreur ou de manipulation. En 795 était érigée la première manufacture de papier à Bagdad, ce qui influencerait la diffusion des savoirs et de la recherche. En 1798, Jenner développe le premier vaccin contre la variole, fondement de l’immunologie. En 1796, Volta invente la première pile électrique, poussant Napoléon a annoncer l’avènement d’une nouvelle ère. En parallèle, James Watt met au point la machine à vapeur, qui jouera plus tard un rôle prépondérant dans la Révolution industrielle.
Héritages cycliquesLes cycles de Pluton en Verseau ont également été marqués par des changements de paradigme politique. Au cours de la dernière séquelle en date, entre 1777 et 1798, se déroulaient les révolutions américaine, française et haïtienne. Cette dernière revêt une importance particulière puisqu’elle constitue la première révolte d’esclaves qui a abouti à la création d’un État. Au risque de souligner l’évidence, ces événements étaient profondément animés par des luttes de pouvoir (Pluton) et d’idéaux collectifs (Verseau).
Au cours du cycle précédent, en 1532, advenait la fin de l’Empire inca par la conquête coloniale espagnole. À la même époque, le Français Jacques Cartier atteignait le golfe du Saint-Laurent et baptisait ces terres Canada, dans une même impulsion coloniale, bien que moins sanglante.
Les bouleversements de paradigme majeurs contemporains au passage de Pluton en Verseau sont nombreux. C’est par exemple le cas du sacre de Charlemagne en 800, premier empereur à unifier une partie de l’Europe depuis la chute de l’empire de Rome. Il en va de même pour l’édit de Milan en 313 sur la liberté religieuse, à l’initiative de Constantin. Celui-ci est d’ailleurs le premier empereur à se convertir au christianisme après des siècles de massacre des chrétiens, ce qui initiera l’essor spectaculaire de cette religion à travers le monde. Citons enfin la destruction du second temple de Jérusalem en 70 avant JC, lors de la première guerre entre les Romains et les Juifs, point de départ à la diaspora juive et à la pratique du judaïsme rabbinique. Chacun de ces événements a eu, et continue d’avoir, des répercussions majeures dans l’Histoire telle que nous la vivons.
Les transformations auxquelles nous invite Pluton adviendront avec ou sans notre accord. Il nous appartient seulement d’embrasser la puissance de ce courant purgateur : y prendre part ou le subir. Les explorateur·ices des profondeurs le savent, confronter la noirceur nécessite du courage. La rédemption de nos systèmes malades et corrompus n’adviendra qu’au travers de l’acceptation : la reconnaissance humble de ce qui habite notre inconscient le plus sombre. Quelles névroses, quelles pulsions, quelle voracité morbide portons-nous en héritage ? Quels terreaux choisirons-nous de nourrir pour le patrimoine du futur ?
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* (1) L’Œuvre au Noir est la première étape du cheminement alchimique, qui consiste à la dissolution d’une chose pour advenir à sa transformation. Elle est suivie de l’Œuvre au blanc, de l’Œuvre au jaune et de l’Œuvre au rouge, pour aboutir au Grand Œuvre – la réalisation de la pierre philosophale, principe littéral ou symbolique d’immortalité et d’union avec l’Esprit. Cet extrait provient du Rosaire des Philosophes, datant du XVIème siècle.
* (2) Il existe trois modalités sous lesquelles se rangent les signes : cardinale (pour ceux qui initient, Bélier, Cancer, Balance, Capricorne), fixe (pour ceux qui font prospérer, Taureau, Lion, Scorpion, Verseau), et mutable (pour ceux qui renouvellent, Gémeaux, Vierge, Sagittaire, Poissons).
* (3) En astrologie traditionnelle, le Capricorne et le Verseau sont régis par Saturne, les Poissons et le Sagittaire par Jupiter, le Bélier et le Scorpion par Mars.
* (4) Selon le système des dignités et des maîtrises, une planète peut être en domicile ou en exaltation dans un signe, ce qui facilitera son fonctionnement, ou bien en détriment voire en chute, ce qui suggère qu’elle agit dans un signe qui est inconfortable voire contraire à sa nature.
Sources :
• Cosmos and Psyche: Intimations of a New World View. Richard Tarnas. 2006
• The Astrology Podcast : Pluto in Aquarius in History. Nick Dagan Best and Chris Brennan. January 2024
• Rosaire des Philosophes. Réedition contemporaine. Etienne Perrot. 2008
Relecture et édition : Sarah Diep, Coco Spina
Artwork : Léa Nana
Cet article Résonances astrales. #1 Transmutations plutoniques provient de Manifesto XXI.
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L’assurance maladie paie-t-elle les dépistages des IST? J’ai déjà atteint ma franchise.Ivo (29 ans) Salut
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Cet article L’emo ambient de claire rousay provient de Manifesto XXI.
L’artiste américaine claire rousay s’est fait une place sur la scène expérimentale avec une musique ambient et instrumentale qui incorpore des enregistrements activés dans son quotidien à toute heure du jour ou de la nuit. Des conversations à distance, des notes vocales, des trajets, des morceaux de vie qui invitent l’auditeur·ice à ses côtés. Sa musique devient discrètement une extension de la réalité et des sentiments. Comme si on faisait partie intégrante de sa peau ou de ses vêtements. Rencontre.Ancienne batteuse pour des concerts à l’Église avant de prendre ses distances avec le christianisme, claire rousay était une emo kid. Aujourd’hui c’est une artiste « emo ambient ». Une étiquette qu’elle s’est créée et qu’elle aime afficher sur du merch. « Si ta musique ne se vend pas, tu peux faire des putains de t-shirts et casquettes et les gens achèterons ça » me dit-elle.
Début mars, il est 10 heures du matin à LA, 19 heures à Lyon, je rencontre claire en visio pour échanger sur son nouvel album sentiment, qui conjugue ses aspirations pop avec son esthétique musicale concrète. Ses derniers collages proposaient différents niveaux d’écoute simultanés, le raffut de son quotidien en conversation avec des cordes qui composent un journal audio délicat et dans la durée. Ils ont rencontré un succès notamment sur le label de Felicia Atkinson, Shelter Press, avec le disque everything perfect is already here.
Avec sentiment, on reconnaît ce qu’on aime dans sa musique mais cette fois, elle choisit de prendre un micro et une guitare en mains pour renouer avec des formats plus courts, plus accessibles pour ce qu’elle veut nous raconter en ce moment. Un projet qui accueille sa voix autotunée parmi d’autres présences ponctuelles. L’une d’entre elles, tirée de la pièce pour voix « Crying », qu’elle a jouée à Paris à la Maison de la Radio en 2022 à l’occasion du festival « Présences électronique », ouvre le disque.
Manifesto XXI – J’étais à Présences électronique quand tu as joué ta pièce « Crying » sur l’acousmonium (un orchestre de haut-parleurs disposé en face, autour et dans le public du concert ndlr) à la Maison de la Radio à Paris en 2022. Comment est-ce que tu décrirais cette expérience ?
claire rousay : C’était super intéressant. Voyager et immédiatement devoir apprendre ce système complexe de diffusion, c’est assez conséquent. J’ai dû me débrouiller pour savoir comment je voulais présenter cette pièce sur l’acousmonium en assez peu de temps, 25 minutes de soundcheck. Mais je suis assez satisfaite du résultat.
C’était une expérience singulière parce que la pièce comprend beaucoup de langage et le tout en anglais parlé. Après le concert, il y a quelqu’un·e a qui m’a dit « je ne comprenais rien de ce qui était dit, mais par la façon dont c’était dit, je pouvais dire que c’était extrêmement émotionnel, et j’ai pleuré », et ça m’a donné l’impression d’un succès. J’étais super heureuse d’être invitée, honorée de faire partie de cette programmation d’individus et d’artistes qui ont performé cette année-là. Ce sont des personnes dont j’écoute la musique depuis très longtemps.
Un extrait de « Crying » ouvre ton nouveau disque, sentiment, voudrais-tu nous dire deux mots sur le choix de ce titre ?
Dans un premier temps c’était un peu une blague, parce que des gens abusaient de ces mots : intime, sentimental… pour décrire ma musique. Et j’ai pensé, pourquoi pas me l’approprier en réponse aux journalistes musicaux, et puis ça a semblé fonctionner.
J’ai utilisé cet extrait de « Crying » pour le début de l’album comme un moyen de réemployer des enregistrements qui ont été faits, dans le but de jouer cette pièce live à nouveau. Plutôt que plusieurs voix jouées en même temps, dans ce morceau d’introduction, il n’y en a qu’une. J’ai joué différentes versions de cette pièce, notamment avec des membres d’un ensemble qui lisent le texte live tous en même temps, ce qui crée des séquences de langage décalées, les mots se superposant les uns aux autres. Pour sentiment c’était un bon point de départ d’utiliser une voix de cette pièce, d’un point de vue émotionnel et conceptuel, pour préparer l’auditeur·ice au reste de l’album. D’une certaine façon, c’est la nouvelle direction que prend ma musique.
Dans le dossier de presse, tu dis que la « pop » est le moyen de communiquer tes idées et émotions cette fois-ci. Tu penses que le format chanson est plus adapté à ce que tu veux dire en ce moment ?
Oui en effet. Il y avait des choses que j’avais envie d’exprimer et que les outils et moyens que j’utilisais avant ne me permettaient pas. Il n’y avait pas d’autres façons de dire ce que j’avais envie de dire. Particulièrement le format chanson pop, les très courts formats. J’ai travaillé sur d’autres projets pendant l’écriture de l’album, avec des ensembles, sur des films, des pièces très longues. Il y a des choses que je ne pouvais pas apporter à ces projets et qui devaient trouver une place quelque part. C’est ce qui m’a amenée à écrire sentiment, et j’ai bien aimé rassembler toutes ces pièces courtes pour former un ensemble cohérent.
Se préoccuper seulement de ce qui est cool, expérimental, ou pop, c’est quelque chose d’assez petit, comparé à ce qui se passe ou ce qui s’est produit dans le monde.
claire rousay
Comment c’est de découvrir une scène, qualifiée d’ « expérimentale », qui peut-être nerd et parfois dédaigneuse de la pop ?
C’est une chose à laquelle je pense beaucoup et dont on parle souvent avec mes ami·es qui font autant de la musique dite expérimentale, instrumentale, et qui s’intéressent aussi à la pop et à des éléments pop. Il y a pas mal de gens qui vont utiliser les inclinaisons ou explorations pop de certain·es artistes pour dévaluer le travail qu’iels font. En disant genre « ce que tu fais n’est pas vraiment expérimental ou tu n’es pas assez cool pour être dans le club des gens qui font de l’expérimentale. » J’essaye de rester loin de ce type de personnes et d’environnements, parce que je pense qu’il y a tellement d’autres choses dont on peut se préoccuper. Se préoccuper seulement de ce qui est cool, expérimental, ou pop, c’est quelque chose d’assez petit, comparé à ce qui se passe ou ce qui s’est produit dans le monde. Dans ta communauté, être trigger par l’autotune, ou la forme chanson, vs le field recording, le drone, ou autre, c’est assez trivial. Si mon nouveau disque fait fuir ce genre de personnes de mes shows et de ma musique, si je ne suis pas assez cool pour iels, c’est OK. Je m’en fous (rires).
Quelles sont tes pop stars préférées en ce moment ?
Hum. Pour ce qui est des pop stars très connues, j’étais bien branchée Charli XCX, évidemment, il y a quelques années, avec la mixtape Pop2. J’étais genre « oh wow ». C’était de l’hyper pop dans un registre mainstream donc pas totalement hyper pop, je trouvais ça très intéressant. Ensuite les frontières se brouillent quand je pense au hip-hop et au rap : Young Thug, je le considérerais comme une popstar, mais c’est un rappeur. Mais l’autotune et l’esthétique que j’aime chez Charli XCX, Young Thug l’utilise aussi. C’est cool de voir différents types de personnes utiliser les mêmes outils. Quand j’étais enfant, j’étais à fond Britney, of course. Elle était tellement cool. Yung Lean est aussi génial. La liste est longue…
Je trouve ça fun de se décrire avec une étiquette qu’on s’est créée soi-même, plutôt qu’avec une étiquette que les gens ont posée sur toi.
claire rousay
Tes t-shirts emo ambient se vendent comme des petits pains, c’est comment d’être une artiste emo ambient ?
C’était une blague entre ami·es au début, et c’est cool qu’aujourd’hui d’autres veulent les porter. Prendre la sentimentalité, la crudité, la naïveté, les outils et les sons de la musique emo et tout ce qui vient avec le genre et appliquer ces émotions à la musique ambient m’intéresse. sentiment mixe vraiment les deux esthétiques pour le coup. J’étais genre « mettons de la guitare lente, et des percussions… » ce qui est nouveau pour moi. Ma définition d’emo ambient change, mais je m’identifie bien à cette étiquette. Je trouve ça aussi fun de se décrire avec une étiquette qu’on s’est créée soi-même, plutôt qu’avec une étiquette que les gens ont posé sur toi.
sentiment est comme une bande-son de ton quotidien, un trip sentimental mis en journal qui intègre ses environs. Es-tu d’accord avec cette idée ?
Oui, je m’intéresse à beaucoup de sons différents, et à beaucoup de livres et de films aussi. Quand tu mets tout ça dans un même cerveau, après ça sort comme quelque chose de beaucoup plus cohérent que tu pourrais l’imaginer. Ce n’était pas mon intention de départ de faire un album dans lequel chaque morceau coule l’un dans l’autre. More Eaze joue du violon sur le disque tout du long. Elle a une manière spécifique de jouer et participe au fait que l’ensemble se tient. D’autres collaborateur·ices présent·es sur mes anciens disques m’ont aussi aidé sur celui-là, ce qui fait que les gens perturbés par les moments pop pourront quand même s’y retrouver car ça sonne comme la musique que je ferais d’habitude.
Quel est ton rapport à ta voix ? Et dans quelle mesure tu penses que la voix et le texte vont infuser ta musique dans le futur ?
J’utilise des tonnes de traitements sur ce disque, j’aime bien ce qu’ils font à la voix. Peut-être que dans le futur je ne m’y intéresserai plus et que vous pourrez entendre une prise claire et sans effets. L’autotune de Young Thug, Yung Lean, du rap soundcloud, je trouve ça très cool et je n’avais pas eu vraiment l’occasion de l’utiliser jusqu’à présent.
J’aime utiliser une variété de présences vocales. Par exemple, au début du disque j’utilise une voix brute d’un de mes amis, qui a une voix très masculine, après des voix très autotunées, et enfin des voix distantes dans les field recordings. J’explore un panel large de vocalisations sur le même disque, en fait. Dans l’hyper pop les voix sont souvent trop pitchées aiguës, et ça me fait mal aux oreilles après un temps. J’ai besoin de pauses, sinon je deviens folle.
sentiment évoque la solitude, penses-tu que les personnes queers sont plus susceptibles de ressentir la solitude ?
C’est une bonne question. Je dirais que oui. Tout groupe de personnes marginalisées est probablement plus enclin à ressentir davantage la solitude. La solitude est inévitable lorsqu’une forme d’oppression se produit, lorsque des personnes qui ont plus de pouvoir vous disent que ce que vous vivez est faux, étrange. Cela peut être assez isolant.
Mais je pense aussi qu’il existe une solidarité au sein des groupes marginalisés, et en particulier dans les communautés queer, que je n’ai connu nulle part ailleurs. Comme le nombre de personnes queers qui se soutiennent les unes les autres. D’après mon expérience, c’est beaucoup plus exprimé que pour d’autres groupes de personnes. Les hommes blancs ne se soutiennent pas les uns les autres, du moins pas de la même manière que les queers.
Qu’est-ce que tu lis en ce moment ?
En ce moment j’ai beaucoup de livres ouverts en simultané. Authenticity Is a Feeling de Jacob Wren, Closer de Dennis Cooper, Amygdalatropolis et Negative Space de B.R. Yeager, Deliver me d’Elle Nash.
Une tournée est prévue ?
Oui, j’ai posté quelques dates. Pas de concert en France mais sûrement à la fin de l’année, je vais annoncer des dates pour l’automne. Pour le moment au Royaume-Uni, et en Europe il y a Amsterdam, Berlin, Prague, et aussi au Canada.
Je vais être accompagnée d’instrumentistes, et on va recréer la chambre qui figure sur la couverture de l’album sur scène, où je joue dans mon lit. Donc ça va être une forme de performance pop, un mélange de Robert Ashley, Young Thug et d’ambient…
sentiment est disponible à l’écoute à partir du 19 Avril 2024 sur toutes les plateformes et sur le Bandcamp de claire rousay.
Suivre claire rousay : Site internet / Instagram
Relecture : Benjamin Delaveau
Image à la Une et photographies par Zoe Donahoe et Mike Boyd
Cet article L’emo ambient de claire rousay provient de Manifesto XXI.
Cet article 100% L’EXPO 2024 : focus sur 6 artistes de la sélection provient de Manifesto XXI.
Le rendez-vous annuel de la scène artistique émergente a lieu jusqu’au 28 avril 2024 avec la 6e édition de 100 % l’EXPO au sein de la Grande Halle de La Villette.À 100% l’EXPO, nous pouvons découvrir les œuvres d’une cinquantaine d’artistes récemment diplômé·es de 6 écoles d’art publiques françaises. Pour elleux, cet événement est une opportunité de bénéficier d’une grande visibilité, mais aussi d’un accompagnement professionnalisant : Une formation avec TADA Agency est proposée aux artistes de 100 % pour la création de leur statut d’artiste-auteur·ice et des professionnel·les de la culture étaient présent·es pour des speed-dating organisés par le collectif Diamètres, le lendemain du vernissage avec les artistes inscrit·es, une première cette année. Autre première cette année, un jury a été invité pour sélectionner les artistes. Il était composé de Prune Phi, artiste plasticienne, qui avait exposé lors de la 3e édition de 100 % en 2021, Thomas Conchou, directeur artistique de la Ferme du Buisson et Daisy Lambert, curatrice indépendante.
Le plus important pour commencer une édition, réside dans le choix des écoles qui recevront l’appel à candidature. Là-dessus, 100% a bien évolué depuis ses débuts en 2018, et la collaboration entre l’ancien président de La Villette, Didier Fusillier, et l’ancien directeur de l’école des Beaux-Arts de Paris, Jean de Loisy. « Forcément, les grosses écoles parisiennes étaient présentes. On nous a fait des retours qui nous ont interrogé·es : est-ce qu’on n’était pas en train de reproduire quelque chose d’un peu élitiste ? » reconnait Inès Geoffroy, la directrice des espaces d’exposition de la Villette. La Villa Arson de Nice a été la première école hors capitale à faire partie de l’exposition. Cette année, La Villette collabore ainsi avec Les Beaux-Arts de Marseille, les Beaux-Arts de Paris, l’École des Arts Décoratifs de Paris, La Villa Arson, l’École Nationale Supérieure de Paris-Cergy et l’École des Beaux-Arts Nantes Saint-Nazaire.
Pour opérer une pré-sélection parmi les nombreuses écoles d’art de France, Inès Geoffroy choisit les artistes sur la base d’une réflexion concernant la scène artistique de la jeune création. Elle cible les écoles dont l’enseignement, et donc les pratiques des élèves diplômé·es résonnent avec les problématiques culturelles actuelles. Bien que la Villette n’impose aucun thème et que les travaux artistiques soient créés indépendamment les uns des autres, les œuvres dialoguent entre elles, par les enjeux qu’elles soulèvent sur l’environnement, l’identité, la mémoire, l’histoire, le colonialisme ou le soin… Se dessinent ainsi les sujets qui occupent les jeunes artistes aujourd’hui.
Focus sur six artistes parmi une sélection diverse et pointueMaty Biayenda (diplômée de l’EnsAD en 2023)
Elle brille dans le noir, 2022/2023
Dans son installation Elle brille dans le noir, Maty Biayenda célèbre les récits occultés des personnes trans et racisées. À travers des portraits textiles, elle donne vie à ces histoires fragiles d’idoles ou de personnes inconnues. En détournant la toile de Jouy française, elle pointe du doigt le passé colonialiste et la fétichisation persistante des corps racisés. Maty Biayenda fusionne habilement passé et présent, fiction et réalité. Son travail explore les frontières mouvantes de l’identité et de la désirabilité, confrontant le fétichisme véhiculé par le male gaze par la réappropriation des stéréotypes. En ouvrant de nouvelles voies pour la représentation et la reconnaissance des figures trans et noires, Maty Biayenda invite à une réflexion sur l’histoire, la mémoire collective et l’identité.
Lina Goudjil (diplômée des Beaux-Arts Nantes Saint-Nazaire en 2021)
Le grand bazar, 2023
Lina Goudjil mêle peinture, dessin et objets du quotidien pour créer une fresque politique et satirique sous forme de frise à trois niveaux. Des personnalités publiques ou politiques aussi variées que Zinédine Zidane, Emmanuel Macron ou Bisan Owda, côtoient des messages de contestation parfois humoristiques – sur les violences policières, le graffiti, l’écologie… Mobilisant le flux incessant d’informations et d’images auxquelles nous sommes confronté·es, l’œuvre de Lina Goudjil peut résonner auprès de toustes un·e chacun·e. Notre regard s’attache à un dessin puis est appelé par un autre, ainsi, une histoire se crée, celle de notre société contemporaine. Les visages y sont vivants et expressifs, ce qui rend l’installation dynamique et captivante.
Reda El Toufaili Kanaan (diplômé de l’ENSAPC en 2023)
It in hot ((( $ex))) stuff, don’t touch it or u will burn, 2023
L’installation It in hot ((( $ex))) stuff, don’t touch it or u will burn propose une expérience immersive où l’intimité et le tabou se rencontrent. Elle se présente sous forme d’une salle, dans laquelle on pénètre après avoir franchi des rideaux blancs. Un bruit continu de tondeuse nous plonge dans un sentiment de gêne qui fait écho à l’intime. 4 écrans diffusant des vidéos de chemsex, teintées de rouge, sont dissimulés par des rideaux de douche transparents, que les spectateurices sont invité·es à tirer pour découvrir ce qui nous est caché. Parallèlement, une télévision posée au sol diffuse des vidéos du quotidien de Reda El Toufaili Kanaan. Elles ont été capturées avec le même caméscope que celui utilisé par sa famille pour filmer son enfance. Cette installation révèle les couches profondes de tabou permettant une lecture de l’intime du point de vue racisé et queer de l’artiste.
Une performance de l’artiste aura lieu le 20 avril dans le cadre de la programmation de Jerk Off.
Attandi Trawalley (diplômée de la Villa Arson en 2021).
Care as a color, 2023
Artiste multidisciplinaire, Attandi Trawalley s’inspire des théories du care, à travers une exploration des subjectivités féminines noires et des récits familiaux fragmentés, pour créer des œuvres qui apaisent et réconfortent, agissant comme des objets à chérir. Elle puise dans sa propre expérience et ses origines sud-africaines et sénégalaises pour nourrir une pratique artistique ancrée dans le quotidien et les gestes du soin. Dans son installation monumentale Care as a color, l’artiste évoque la gestuelle de l’intime et du renouveau, convoquant un désir de rétablir des liens entre nos corps, nous-même et notre environnement. Elle utilise la technique du batik dans ses œuvres, aux teintes naturelles et imprégnées d’affection. Le batik est un savoir-faire ancestral de teinture sur des tissus de coton, choisis pour leur douceur. C’est avec une grande patience que la batikiée lave les tissus puis réchauffe à la bougie les motifs qui se révèlent lors du retrait de la cire, les berce dans un bain de teinture aux couleurs naturelles et les entrelace afin de laisser l’eau s’en évaporer. Care as a color assemble également des sculptures composées de cheveux synthétiques tressés qui rappellent sa précédente performance Braid Me mettant en scène deux femmes, l’une avec une longue tresse inachevée et l’autre à l’extrémité qui natte dans une perspective de réappropriation du soin de ses cheveux libérés des standards de beauté occidentaux.
Solveig Burkhard (diplômée l’ENSBA en 2021)
Kids waiting for something, 2024
Solveig Burkhard crée des décors immersifs et interactifs où l’enfance et les drames collectifs se rencontrent. L’artiste y dénonce l’adultisme et encourage les adultes à revisiter leur propre enfance dans ces espaces d’émancipation. Dans Kids Waiting for something, la salle d’attente d’un cabinet de pédopsychiatrie devient un lieu de réflexion sur nos projections individuelles et collectives. Depuis le vernissage, l’œuvre de Solveig Burkhard évolue au gré du passage des visiteur·ices, devenant ainsi vivante. Un petit mot à l’entrée nous invite en effet à nous approprier pleinement l’espace : « Vous pouvez toucher à tout, jouer, dessiner, faire des perles, lire… » à condition de revenir en enfance, du moins, dans nos cœurs. Ici, des objets symboles de l’effondrement sociétal, côtoient l’espoir et la reconstruction par le jeu.
Pour l’événement Repenser l’enfance, qui a eu lieu le 13 avril dernier, Solveig Burkhard et Marc Lochner ont fait une performance au sein de cette installation.
Zoé Chauvet (diplômée de l’EnsAD en 2021)
Altær, 2021 / 2023
Zoé Chauvet, artiste photographe et vidéaste, façonne une archive intime de son univers, explorant les identités queer et la construction du soi. Son projet Altær, accompagné d’une tracklist de la compositrice Talita Otović, émerge de la volonté de (re)donner de l’importance à la fluidité des corps et à leurs histoires, les voyant comme une architecture qui construit la limite d’une réalité intangible. Guidée par une quête de nouvelles narrations et de futurs alternatifs, elle tente de faire dialoguer le genre du portrait avec des supports photographiques expérimentaux pour capturer de façon sensible voire sensorielle le portrait de ses ami·es et de ses rencontres. Sa pratique artistique devient une ode à la mémoire, comme un pouvoir, capable de rappeler les luttes passées pour mieux construire celles à venir.
En plus de la cinquantaine des sélectionné·es, 100% l’EXPO invite comme chaque année des collectifs pour une programmation parallèle. Ce samedi 20 avril, le festival Jerk Off propose un après-midi de performances, tandis que le collectif Kluster organise une soirée clubbing à La Folie.
Retrouvez toute la programmation et les informations pratiques sur le site internet de La Villette.
Édition : Anne-Charlotte Michaut et Apolline Bazin
Image à la une : EL TOUFAILI KANAAN Reda, haram, i want to turn into you, 2023, ENSAPC, © Maxime Vignaud
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Le polémiste franco-suisse était jugé pour ses propos à l’encontre d’une journaliste qu'il avait qualifié en 2021 de « grosse lesbienne » et « militante queer », suite à un article le concernant qu'il estimait à charge.
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Le Parlement suédois a adopté une loi régulant les procédures chirurgicales de changement de sexe et abaissant de 18 ans à 16 ans l'âge minimum requis pour changer de mention de genre à l'état civil.
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Depuis ce matin, l’ouvrage Transmania, ouvertement « transphobe et complotiste », fait l'objet d'une campagne publicitaire, notamment exposée dans la capitale. Saisi par Emmanuel Grégoire, premier adjoint (PS) à la maire, la régie publicitaire, JCDecaux, a annoncé leur retrait des affiches, précisant que les propos véhiculés par le visuel étaient contraires à leur charte de la déontologie.
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Avec La Bella Estate, délicat récit d’apprentissage, Laura Luchetti propose un film à la fois sensuel, poétique et révélateur du contexte social d’une époque, l'Italie à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
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Cet article AD Rose : « Je veux entraîner les victimes dans un geste de réparation » provient de Manifesto XXI.
Triste Tigre de Neige Sinno, Politiser l’enfance de Vincent Romagny, L’inceste de Camille Laurans : ce ne sont que quelques titres de livres sortis en 2023 autour de l’inceste et de la politisation de l’enfance. Une richesse de pensée et de pratiques au sein de laquelle Firestar d’AD Rose se démarque par le choix d’une poésie acérée et d’un objet de couleur rouge, sans équivoque. Tout, dans ce recueil de poèmes publié chez Rotolux Press, est explosif.En 2021, le souvenir traumatique de l’inceste fait surface et AD Rose confronte ses parents. Il n’obtient aucune réparation. Il est mis face à un mur d’omerta. S’ensuit cette cascade entraînante de notes prises sur son portable, presque pas retouchées. Comme l’écrit dans la préface la poétesse Victoria Xardel : « Avec Firestar, AD Rose tire une balle dans les jambes de celleux qui regardent leurs pieds. »
J’ai aimé Firestar et il m’a libéré. J’ai trouvé ce recueil féroce et indulgent à la fois. Et je m’y suis senti à l’aise, parce que c’est un langage oxymorique que je connais. Cette frontière subtile entre la quête d’un amour véritable et la connaissance profonde de la violence de l’intime. Ce petit livre détonant m’a rappelé quelque chose qui ne semble pas acquis par toustes : se faire justice n’est pas une affaire de politesse et de médiations, mais un geste extrême de courage qui met en péril nos corps et nos existences, surtout quand on est enfant. J’ai aimé ces poèmes précisément parce qu’ils ne sont pas un essai sur l’inceste, ni une production polie qui mettrait à distance la violence et ce qu’elle fait à nos corps. AD Rose n’essaie pas d’enrober nos pires angoisses de coton et de mots aussi mielleux que vides. Ces poèmes sont une autorisation collective à bannir la communication non-violente et le suprématisme de celleux qui se pensent « adultes », pour contempler l’inceste sans filtre. Le lexique du cœur, de la vie, du souffle, du ciel, de l’amour nous projette néanmoins dans la guérison. Pour sortir de son état de « mort-vivant », AD cherche et prodigue du soin. La détonation laisse la place au choix de l’amour. Firestar me fait penser à Rihanna : « we found love in a hopeless place ».
Manifesto XXI – Des démarches d’organisation collective sont en cours, un peu partout en France, autour de la question de la protection des enfants des violences qu’iels peuvent subir, dont l’inceste. Ton livre vient apporter une belle pierre à cet édifice. Comment interviens-tu dans ce mouvement de politisation de l’enfance, qui a accompagné la sortie, entre autres, de Politiser l’enfance, dirigé par Vincent Romagny ?
AD Rose : L’idée, avec Firestar, a toujours été de s’insérer dans un mouvement et de ne pas s’arrêter à la sortie d’un livre. Je voulais créer un projet collectif et qu’on réfléchisse ensemble à comment s’organiser, pour cesser d’être des figures isolées. Avec ces sujets, le risque est de s’arrêter à la sensibilisation. Mais il faut aussi pouvoir donner des outils concrets pour répondre à des questions concrètes : comment on accueille la parole des personnes incestuées ? Comment on se confronte à sa famille quand on est victime d’inceste ?
Créer un réseau d’entraide permet également de se donner un relais. Ce sont souvent les personnes concernées qui travaillent sur l’inceste et les violences, et c’est épuisant. T’as pas envie que ta life, ce soit ça tout le temps. On a donc contacté Vincent Romagny pour mettre en place des présentations croisées, pendant lesquelles on laisse la parole aux gens. On fait circuler collectivement la pensée critique, certain·es témoignent, la parole est libre. On essaie de mettre en pratique l’idée de Tal Piterbraut-Merx selon laquelle, en nous remémorant nos souvenirs traumatiques d’enfance, nous faisons classe, et on crée un rapport de force : conjurer l’oubli.
L’intersectionnalité, c’est faire de la politique de la multitude. On lutte contre le patriarcat, pas contre les jeunes garçons qui ont été incestués, violés, torturés, et qui disent “nous aussi”.
AD Rose
Quand je t’ai proposé cette interview, tu m’as dit par message que tu avais envie de raconter un autre récit de l’inceste, qui ne soit pas celui des femmes cis de classes sup. Qu’entendais-tu par là ?
J’étais en colère parce que je voyais des féministes médiatiques se prônant « intersectionnelles », capitaliser sur le récit de l’inceste, en excluant les hommes victimes d’inceste de leur propre lutte contre le patriarcat, tout en tokenisant mes camarades LGBT+ dans le même mouvement. Ce qui en dit long sur leur proposition politique. Pour ces personnes, l’intersectionnalité signifie : politique de l’identité. Pour moi, l’intersectionnalité signifie : politique de domination multiple, c’est-à-dire que le politique ne vient pas de mon identité mais des rapports de force qui la produisent. Ainsi, le discours que ces personnes ont tend à dépolitiser la lutte contre l’inceste et les rapports de domination adultes/enfants, reconduisant inévitablement les mêmes dynamiques de silenciation dont souffrent les victimes d’inceste. Ce sont ces mêmes personnes qui prônent la libération des paroles, mais qui sont terrifiées à l’idée d’intégrer la question des hommes victimes dans la lutte féministe. Or, l’intersectionnalité, c’est faire de la politique de la multitude. On lutte contre le patriarcat, pas contre les jeunes garçons qui ont été incestués, violés, torturés, et qui disent « nous aussi ».
À un niveau personnel, comment as-tu vécu cette sensation d’être invisibilisé par celleux que tu avais perçu comme des allié·es ?
En colère, car imagine : tu sors du silence, ce qui est déjà une aventure extrêmement périlleuse et souvent malheureusement mortelle. Tu le fais en puisant, entre autres, dans les ressources féministes et queers. Et puis tu as des personnes qui peuvent incarner ces savoirs et ces pratiques, qui se positionnent sur l’inceste, voire qui sont activistes à plein temps sur le sujet, qui elleux-mêmes finissent par te nier profondément et politiquement : c’est humiliant et tu te sens dépossédé·e d’une parole qui t’avait semblé jusqu’alors avoir une valeur politique. Et cela en plus de potentiellement t’exclure des réseaux matériels de solidarité.
AD Rose © Lune JusseauLes livres, ça ne sauve pas la vie, et les gens qui prennent position existent, mais ils ne sont pas médiatisés.
AD Rose
Dans le message que tu m’as envoyé, tu parlais aussi d’une « façon bourgeoise » de raconter l’inceste. En quoi consisterait-elle ?
Toutes les personnes qui ont témoigné sur l’inceste ces derniers temps sont des femmes de classes sup qui ont sorti des livres et/ou des podcasts. Cela participe à une réception très positive de ces productions culturelles autour de l’inceste – et tant mieux, personnellement j’ai beaucoup aimé Triste Tigre de Neige Sinno. Mais cela entraîne aussi des discours élitistes : « les livres ça sauve la vie », « c’est rare qu’on prenne position sur ces thématiques »… Tout ceci est faux : les livres, ça ne sauve pas la vie, et les gens qui prennent position existent, mais iels ne sont pas médiatisé·es.
Une des choses fondamentales qui fait la différence entre les gens qui survivent à l’inceste et celleux qui se suicident à la fin, c’est le soutien matériel, notamment économique, surtout dans le cas d’une personne isolée parce qu’elle a quitté sa famille alors qu’elle en était tributaire, comme ça a pu être mon cas. Tu peux avoir accès à toute la production culturelle, la plus critique qui soit sur ta situation, si tu ne peux pas dormir et manger, te prendre en charge psychologiquement, après avoir rompu avec tes parents par exemple, t’y passes. Ça repose donc la question classique de savoir de quelles manières ces luttes sont visibilisées, et surtout au détriment de quels autres discours ?
© Virginie Ribaut StudioCréer un réseau d’entraide permet également de se donner un relais. Ce sont souvent les personnes concernées qui travaillent sur l’inceste et les violences, et c’est épuisant. T’as pas envie que ta life se résume à ça.
AD Rose
Il me semble que le souci de la mercantilisation des luttes, c’est qu’il y a des discours avec lesquels il est moins évident de capitaliser. Par exemple, je me demande à quel point, dans les travaux grand public sur l’inceste, on inclut le travail du chercheur queer transféministe Tal Piterbraut-Merx, disparu en 2021.
Pour moi, le travail de Tal Piterbraut-Merx, c’est l’apport théorique le plus radical sur l’inceste et la politisation de l’enfance qu’on a aujourd’hui en France. Je vous encourage à écouter un podcast que j’ai co-produit avec Margot Mourrier Sanyas pour la sortie du livre, dans lequel un épisode est dédié à la pensée de Tal, avec le philosophe et proche de Tal, Sam Ducourant. Ensuite, sa pensée a quand même circulé dans des espaces plutôt destinés à des personnes très éduquées, comme le livre collectif La Culture de l’inceste, dirigé par Juliet Drouar et Iris Brey, où il y a bien un chapitre posthume de Tal Piterbraut-Merx. Son apport est précieux, car au-delà de la philosophie politique, il était un militant très actif, ce qui fait que sa pensée a toujours été en relation avec le terrain – ce qui lui a permis de répondre à des questionnements triviaux comme : doit-on protéger les enfants ? et quels outils et postures déployer en ce sens ? Selon lui, les enfants sont considéré·es comme des individus autonomes et comme une classe sociale à part entière, dont nous pourrions être les allié·es.
Le principal travail a été de ne pas me censurer. De ne pas faire des trucs théoriques pour mettre de la distance. De ne pas essayer de faire des trucs “nobles”.
AD Rose
Venons-en au livre en lui-même et à ton geste d’écriture. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais la poésie permet peut-être de ne pas enrober les choses, de ne pas contenir la colère, de ne pas faire de la communication non-violente, un outil souvent utilisé comme un moyen blanc et bourgeois d’éviter le conflit et qui renverse les rapports de force. Après avoir lu ton poème « Les volets de l’humanité capitaliste », j’ai dû faire une heure de pause et réfléchir à ce que je venais de lire. Qu’est-ce que cette forme t’a permis ?
Je parle depuis une position située de prolo qui a eu accès à des formes d’érudition. Ces deux identités sont en conflit permanent en moi, alors le principal travail a été de ne pas me censurer. De ne pas faire de la théorie pour mettre de la distance. De ne pas essayer de faire des trucs « nobles ». J’ai été à l’écoute de ce que mon corps voulait exprimer, et mon corps, il voulait tabasser des choses. Il n’y a quasiment pas eu de retouches : je voulais prendre soin de cette partie de moi, de cet enfant prolo qui avait la haine tout en s’étant socialisé à une forme de culture bourgeoise. Une culture qui te fait sentir l’humiliation de mal parler et de ne pas savoir mettre des formes.
Ceci n’est pas un témoignage “salvateur”. Je veux entraîner les victimes dans un geste de réparation et d’organisation collective.
AD Rose
Dire la violence a tendance à crisper les audiences un peu trop habituées aux bonnes manières. Celleux qui se perdent dans des luttes métaphoriques et lointaines et qui se retrouvent démuni·es lorsque la violence devient tangible.
Oui. Et c’est une chose qu’on peut me reprocher encore aujourd’hui : de ne pas surveiller mon langage, de ne pas prendre de pincettes… mais ça, c’est un truc de classe. Ces remarques peuvent être pertinentes, mais le polissage n’est pas ce dont j’avais envie dans cet ouvrage. Je pense que ça ne sert à rien d’essayer de décrire l’inceste. En ce sens, j’aime que Neige Sinno avoue cet échec dès le départ. Ce qu’on peut faire en revanche, c’est affecter les gens. C’est donner envie aux victimes d’aller défoncer leurs parents. Brûler des foyers. Ceci n’est pas un témoignage « salvateur ». Je veux entraîner les victimes dans un geste de réparation et d’organisation collective.
Comment as-tu fait pour garder cette authenticité du ressenti dans ta poésie ?
Je n’avais pas pour but de faire de la poésie. Quand ma mémoire traumatique a ressurgi, je me suis rendu compte que j’avais été dissocié toute ma vie et que je le suis encore parfois. J’ai compris toute ma vie en quinze secondes. C’est arrivé en écoutant le podcast de Charlotte Pudlowski Ou peut-être une nuit. Je me suis d’ailleurs rendu compte que je l’avais déjà écouté un an auparavant, mais j’avais supprimé cette information de ma mémoire. C’était très douloureux mais aussi extraordinaire. Tu as été mal vingt-deux ans de ta vie et là, tu comprends pourquoi. Ça ne te sauve pas, mais ça te donne des clés pour essayer de t’en sortir. J’ai donc essayé de retranscrire ces quinze secondes sur le bloc-notes de mon téléphone portable, pour ne pas oublier. J’ai écrit en marchant dans la rue, lors de moments de colère, de façon très spontanée et (presque) sans retoucher mes écrits.
Faire le choix de l’amour n’est pas un truc débile de romantisme, c’est quelque chose de tangible et qui fait la différence. L’amour est une ressource déterminante. Je remercie mes ami·es qui m’ont fait comprendre à chaque instant que ma vie compte.
AD Rose
Dans ton livre, je sens une grande quête d’amour. D’en recevoir et d’en donner. Je ressens le début d’une belle réflexion sur le soin et sur la réparation. Je dirais que c’est finalement ce qui m’a le plus marqué. Une douceur radicale. Les deux cohabitent parfaitement et je dois t’avouer que ça me parle. L’explosion de colère libératrice qui permet de vraiment penser la réparation.
À la suite d’une présentation à La parole errante à Montreuil, avec Vincent [Romagny], je discutais avec une personne incestuée autour de la ressource économique, de comment elle détermine qui reste en vie et qui y passe. Dans ce discours, nous parlions aussi de l’amour que nous recevons dans ces moments. Il est déterminant. Il y a la ressource matérielle et la ressource de l’amour. Oui, il faut le dire, si je n’avais pas eu l’amour des gens qui m’ont entouré, je ne serais pas là. Iels m’ont appris ce qu’est l’amour, comment on le pratique, iels m’ont permis d’imaginer avec des outils de care. Faire le choix de l’amour n’est pas un truc débile de romantisme, c’est quelque chose de tangible et qui fait la différence. L’amour est une ressource déterminante. Je remercie mes ami·es qui m’ont fait comprendre à chaque instant que ma vie compte. J’espère, par mon livre, pouvoir contribuer à ce mouvement.
Firestar, par AD Rose, Rotolux Press, 160 p, 18€
Relecture et édition : Anne-Charlotte Michaut, Apolline Bazin, Sarah Diep
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Justin (35 ans)
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Un étudiant en cours de licence aurait scandé de manière ostensible des propos homophobes que la direction de la faculté a condamné, rappelant qu'ils étaient illégaux et intolérables, en société jusqu'aux amphithéâtres. Le procureur de la République a également été alerté.
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La victoire de Bassirou Diomaye Faye issu de l'opposition sénégalaise permet d'entrevoir un pays qui sauvegarde son modèle démocratique, même si cela n'entre pas en contradiction avec des velléités d'illibéralisme et de surpénalisation de l'homosexualité, au nom de la défense ou de la promotion des « valeurs nationales « valeurs culturelles nationales » et d'une certaine idée du panafricanisme.
L’article Sénégal : Des élections, du changement et des incertitudes pour la communauté LGBT+ est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
La victoire de Bassirou Diomaye Faye issu de l'opposition sénégalaise permet d'entrevoir un Sénégal qui sauvegarde son modèle démocratique, même si cela n'entre pas en contradiction avec des velléités d'illibéralisme et de surpénalisation de l'homosexualité, au nom de la défense ou de la promotion des "valeurs nationales" et d'une certaine idée du panafricanisme.
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La chambre basse du parlement thaïlandais a massivement voté mercredi 27 mars en faveur de la légalisation du mariage entre personnes de même sexe. Mais le projet de loi doit encore être confirmé par le Sénat.
L’article En Thaïlande, les députés approuvent un projet de loi sur l’égalité du mariage est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
La chambre basse du parlement thaïlandais a massivement voté mercredi 27 mars en faveur de la légalisation du mariage entre personnes de même sexe. Mais le projet de loi doit encore être confirmé par le Sénat.
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Appel à rassemblement en soutien à Amos, victime d’une agression homophobe dans un bar à Paris, et au Gouvernement pour une politique publique effective contre la haine anti-LGBTI.
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En Suisse, la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) fait l'objet d'une campagne auprès des jeunes pour prévenir certains cancers. La prévention institutionnelle est quasi inexistante pour les hommes gay et bi. Ils sont pourtant particulièrement touchés.
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Il est accusé d’« extorsion et vol avec arme » commis en raison de l’orientation sexuelle dans des agressions survenues à l'automne 2022. Il encourt la perpétuité.
L’article L’auteur présumé de plusieurs guets-apens homophobes devant la cour d’assises de Paris est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Ce vendredi 22 mars, en soirée, Matthias, référent de STOP homophobie, a été agressé verbalement et physiquement par plusieurs individus dans un bar de Nice. La scène a été filmée par les caméras de surveillance.
L’article Nice : un référent de STOP homophobie agressé dans un bar par un groupe de jeunes est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
La répression continue de s'intensifier en Russie où le service des renseignements financiers vient d'ajouter les personnes LGBT dans sa liste des « terroristes » et des « extrémistes ».
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Il y a trente ans, l'association Ensemble contre le Sida initiait la première mobilisation des médias français afin de lever des fonds pour soutenir la recherche et accompagner les structures dédiées. Malheureusement, il reste encore des progrès à faire pour la prévention, le dépistage ou l'accès aux traitements.
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Alors que les enjeux en lien avec la transidentité sont de plus en plus visibles, l'accès à l'emploi reste problématique pour cette population. On fait le point avec Anis Kaiser, de TGNS, en prélude à une table ronde organisée par la Ville de Genève.
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Interrogée sur BFMTV, l'ex-candidate à l’élection présidentielle associe la hausse des demandes de transitions chez les mineurs aux « perturbateurs endocriniens » qui bouleverseraient leur cycle hormonal. « Et c'est prouvé », assure-t-elle.
L’article Quand Ségolène Royal lie « glyphosate et perturbateurs endocriniens » à une supposée « augmentation de la dysphorie de genre chez les mineurs » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Cet article « Le care n’est pas une thématique ! » : rencontre avec le collectif SMAC provient de Manifesto XXI.
Si le « care » est sur toutes les lèvres, et au cœur de nombreuses expositions ou projets culturels depuis plusieurs années, qu’en est-il de sa mise en œuvre effective par les institutions ? Comment va la santé mentale des artistes et des travailleureuses du secteur de l’art contemporain, et qui s’en préoccupe ? Un collectif s’est (enfin !) constitué pour s’emparer de cette question.Après avoir participé à un talk sur la santé mentale en mai dernier, Audrey, Priscilia et Daisy ont décidé de poursuivre leurs discussions. C’est ainsi qu’est né le collectif SMAC (Santé mentale dans l’art contemporain) il y a quelques mois, avec l’objectif de « s’intégrer dans un écosystème solidaire, et de développer des outils d’accompagnement » à destination des artistes et travailleureuses de l’art. On est allé·es rencontrer les trois co-fondateurices.
Manifesto XXI – Pouvez-vous vous présenter et nous dire comment vous vous êtes rencontré·es ?
Audrey Couppé de Kermadec : Je suis journaliste (notamment pour Manifesto XXI, ndlr) et artiste, et la question de la santé mentale est assez présente dans mes œuvres. L’an dernier, je faisais partie des lauréat·es du Prix Utopi·e, et on m’a demandé de co-animer une conférence autour de la santé mentale des artistes avec Priscilia.
Priscilia Adam : Je travaille dans l’industrie musicale : j’ai une boite qui s’appelle hydr avec laquelle je fais du management d’artiste et des relations presse. Je fais aussi partie du collectif CURA, qui s’occupe de la santé des artistes et des professionnel·les de la musique. C’est pour ça qu’Agathe Pinet (co-fondatrice du Prix Utopi·e, ndlr) m’avait proposé de participer au talk avec Audrey. On s’est dit que ce serait bien d’avoir quelqu’un·e du milieu de l’art contemporain avec nous, donc Audrey a convié Daisy.
Daisy Lambert : Je suis commissaire d’exposition indépendante, et je mets en place une pratique décoloniale de la curation. J’ai accepté l’invitation d’Audrey, parce qu’en tant que commissaire, on est souvent amené·es à gérer des situations complexes entre les artistes et les institutions. Par exemple, quand on travaille sur une exposition, on doit respecter des temporalités ou des délais imposés, donc on se retrouve parfois à mettre la pression aux artistes via la demande des institutions. Ça fait longtemps que je me demande comment, en tant que commissaire, on peut temporiser et mieux accompagner les artistes. Et en tant qu’indépendante, ma propre santé mentale est parfois mise à mal dans les relations que je peux avoir avec les institutions.
© Bérangère Portella (Amanite Paris)Après cet état des lieux, on n’avait pas envie d’en rester là, on voulait agir plus concrètement, en se fixant des objectifs à atteindre.
Priscilia Adam
C’est après ce talk que vous avez décidé de créer un collectif ?
Priscilia : Oui, en faisant des recherches, on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas beaucoup de ressources et de chiffres sur ce sujet. Ce premier talk était donc plutôt un état des lieux, et après, on n’avait pas envie d’en rester là, on voulait agir plus concrètement, en se fixant des objectifs à atteindre.
Audrey : Quelques mois plus tard, on a fait un deuxième talk au Consulat, qui venait clôturer une journée destinée aux artistes et intitulée « kit de survie dans l’art contemporain ». L’idée cette fois-ci était d’échanger avec une artiste (Julia Gault), mais aussi avec le public. Beaucoup de personnes présentes partageaient le même sentiment de solitude face à leurs problèmes, et on a ressenti une véritable volonté de se retrouver, de créer du lien. C’est à ce moment-là qu’on s’est rendu compte qu’on était attendu·es.
Comment avez-vous pensé les choses à partir de ce moment-là ?
Daisy : On a réfléchi à des développements à court, moyen et long terme. En s’inspirant beaucoup de ce qu’a fait CURA pour les musicien·nes, on s’est dit qu’une des premières choses à faire est de mener une enquête sur l’état de santé mentale des artistes et des travailleureuses de l’art, notamment indépendant·es. Ce n’est qu’à partir de données concrètes qu’on peut mettre en place des choses, c’est essentiel pour qu’il y ait une prise de conscience collective. Ensuite, il faut créer une mutualisation des ressources, une mise en réseau avec des collectifs et des associations qui existent déjà – on a rencontré La Buse, on va discuter avec La maison perchée ou TADAM par exemple. On s’inscrit vraiment dans une logique de complémentarité. On voudrait également que le partage d’outils et ressources soit dématérialisé, pour qu’il soit accessible au plus de personnes possible. Et puis il y a aussi des ressources à créer, comme une charte des bonnes pratiques en santé mentale, un peu sur le modèle de ce qui existe sur les VSS ou sur les rémunérations.*
Le fait de parler de santé mentale amorce un mouvement collectif, et c’est ce qu’on recherche : mettre en place une logique d’entraide et de partage, pour se rassembler et faire front ensemble.
Audrey Couppé de Kermadec
Quel est le concept des « Apéros Santé Mentale » que vous avez mis en place ?
Priscilia : C’est une manière de répondre sur du court terme aux constats qu’on a faits, notamment le fort sentiment d’isolement. Le but est de créer un espace de rassemblement et de rencontre, pour que les personnes puissent témoigner et trouver des amix, des allié·es, se rendre compte que leurs problèmes sont partagés par d’autres, et que des solutions sont possibles. On a animé le premier (le 17 janvier au Palais de Tokyo, ndlr) toustes les trois, mais on fera aussi intervenir d’autres personnes.
Audrey : Le fait de parler de santé mentale amorce un mouvement collectif, et c’est ce qu’on recherche : mettre en place une logique d’entraide et de partage, pour se rassembler et faire front ensemble. Pour les prochains apéros, on voudrait inviter des professionnel·les de la santé mentale, mais également venant de cadres thérapeutiques non traditionnels. On aimerait aussi proposer des activités créatives et/ou qui engagent nos corps.
Quel est votre rapport au circuit institutionnel de la santé mentale ? Comment allez-vous choisir vos intervenant·es ?
Audrey : Chacun·e a le droit d’avoir son avis sur les professionnel·le·s de la santé mentale en Occident, mais toujours est-il qu’il peut y avoir des outils utiles là-dedans, et ça aide beaucoup de personnes. Bien sûr, on conserve un regard critique, et on a aussi envie d’explorer d’autres formes de soins, moins traditionnelles. L’idée est de balayer un large éventail de stratégies, d’outils et de ressources pour que chacun·e puisse s’y retrouver.
Priscilia : Les personnes peuvent s’inscrire aux apéros en fonction des intervenant·es et des activités proposées.
Daisy : Souvent, quand on parle de santé mentale, on pense aux psychologues et psychiatres en premier lieu, et ce ne sont pas des formes de thérapie qu’on veut exclure. En revanche, c’est ce qui est le plus valorisé et ce qui peut être, partiellement, pris en charge. Les autres formes de thérapies sont donc beaucoup moins accessibles, et on aimerait donner accès, même si c’est de manière temporaire, à des pratiques curatives qui ne sont pas celles de psychiatres ou de psychologues.
Pourquoi avoir choisi la forme d’un apéro ?
Audrey : D’abord pour que ce soit après la journée de travail, et parce qu’on avait envie de quelque chose d’informel. On voulait un cadre qui favorise l’échange, et qui ne soit pas aussi unilatéral ou intimidant qu’un talk ou une conférence. Il fallait que les gens puissent se sentir à l’aise, pour s’exprimer sur un sujet quand même très vulnérabilisant.
Daisy : Je voudrais préciser que le collectif se développe lentement, parce qu’on est directement impacté·es par des problèmes de santé mentale liés notamment aux problèmes structurels de notre milieu. Pour le moment, on s’est mis·es d’accord pour s’investir de manière bénévole pour l’Apéro Santé Mentale à peu près une fois par trimestre. Pour le reste, on a besoin d’un cadre et surtout de financements, parce que le collectif ne va pas tenir si on s’épuise à travailler de manière entièrement bénévole. On a été rémunéré·es pour nos deux talks, et on a décidé d’investir une partie de cet argent pour payer les boissons pendant le premier apéro. On a proposé un système de prix libre, mais on ne rentre pas du tout dans nos frais. On cherche des financements, on postule à des appels, on essaye de faire fonctionner nos réseaux en en parlant autour de nous, mais c’est long. Il y a beaucoup de gens qui ont des beaux projets à développer, mais qui ne se concrétisent pas forcément par manque de ressources financières.
© Audrey Couppé de Kermadec
Oui, c’est sûr ! D’ailleurs, vous me disiez vouloir vous former, est-ce que vous pouvez m’en parler ?
Daisy : Pour l’instant, on avance à partir de nos vécus, de nos expériences, de situations auxquelles on n’a pas su faire face, ou pas avec les bons outils. Donc on s’est dit qu’il était capital pour le bon développement du projet de commencer par un processus de formation. Il en existe en France, organisées par le PSSM, mais ça coûte de l’argent. Pour être dans une logique de redistribution et de transmission, on voudrait devenir nous-mêmes formateurices, et c’est encore plus cher. On aimerait vraiment faire cette formation à trois, parce que ça nous semble important de se défaire du fonctionnement individualisé, pour agir en collectif, mais ça restreint encore plus les possibilités de trouver des financements…
L’idée serait de faire payer les institutions, et peut-être de mettre en place un système de prix libre pour donner accès à une initiation pour les artistes et travailleureuses de l’art. Quand on parle d’institutions, on pense particulièrement aux écoles d’art, parce que c’est souvent là que des problèmes de santé mentale, parfois déjà en germe, se développent. Il y a vraiment quelque chose à faire au niveau du personnel des écoles pour mieux accompagner les élèves, et les orienter vers des cadres thérapeutiques si besoin.
On a identifié des facteurs aggravants : l’environnement de travail très solitaire, l’injonction à la productivité, la faible rémunération, les multiples discriminations…
Audrey Couppé de Kermadec
Priscilia, qu’est-ce que tu as identifié comme différences en termes de santé mentale entre l’industrie de la musique et le secteur de l’art contemporain ?
Priscilia : Ce qui m’a le plus frappée, c’est la structuration du travail. Dans la musique, on travaille plus en équipe, et il y a tout un réseau d’accompagnement des artistes, tandis que les plasticien·nes sont plus livré·es à elleux-mêmes, et doivent gérer beaucoup toustes seul·es – de la production à la communication ou la stratégie par exemple. Dans la musique, le travail artistique, de création, est davantage différencié du reste, qui est pris en charge par d’autres personnes – des boîtes d’édition, des tourneurs, etc. Il y a également une différence en termes de rémunération, avec la possibilité d’avoir l’intermittence, même si ce n’est pas toujours facile, il existe un système qui peut permettre de souffler pendant un an. Après, il y aussi des problèmes communs entre ces deux milieux, comme l’addiction, la difficulté à distinguer vie perso et vie pro, le rythme de travail irrégulier, et la précarité évidemment…
Audrey : Tu avais aussi parlé de la temporalité de la création.
Priscilia : Oui, le rythme est plus structuré. Vient d’abord la création du projet, puis une réflexion sur la stratégie, qui aboutit à la commercialisation, et enfin la tournée. Ensuite, dans l’idéal, il y a une pause, un temps de résidence pour re-créer, et on recommence le cycle. C’est beaucoup plus étalé et compartimenté que pour les artistes plasticien·nes, où j’ai l’impression qu’il y a un peu tout en même temps.
Audrey : Quand t’es musicien·ne, au-delà de la promotion évidemment, il me semble que l’œuvre peut vivre indépendamment de toi, alors que quand t’es artiste plasticien·ne, elle est beaucoup plus associée à toi : tu crées, mais tu dois aussi être présent·e pendant le montage, puis au vernissage, te montrer, expliquer ton œuvre, etc. C’est très engageant et énergivore. On attend souvent de toi que tu aies de nouvelles œuvres à montrer à chaque exposition, alors que tu n’as la plupart du temps pas le temps de produire.
Daisy : Les gens adorent la nouveauté, donc il faut toujours des nouvelles productions. En tant que commissaire d’exposition, c’est pareil. Si on postule à un appel à projet en disant qu’on veut refaire une même exposition mais sur un autre territoire, pour toucher un autre public, on est sûr·e de ne pas être sélectionné·e alors que ça permettrait aux artistes et aux commissaires de souffler un peu tout en partageant un projet à plus grande échelle.
Audrey : Oui, ça fait partie des facteurs aggravants qu’on a identifiés : l’environnement de travail très solitaire, l’injonction à la productivité, la faible rémunération, les multiples discriminations… Par exemple, en termes de rémunération, les droits de monstration sont faibles, et c’est rare d’avoir aussi un budget de production, donc c’est souvent : « soit tu crées une nouvelle pièce mais t’es pas payé·e, soit tu montres une pièce que t’as déjà montrée plein de fois ». C’est un peu frustrant…
Le problème c’est que même au sein des institutions, il y a une forme de hiérarchisation, dans le sens où ce ne sont pas forcément les personnes avec qui on est en dialogue qui choisissent combien sont payé·es les artistes. Une prise de conscience collective à plus grande échelle est nécessaire.
Daisy Lambert
Daisy : De l’autre côté, en tant que curateurices, on essaye de négocier des budgets de production et de bons honoraires pour les artistes quand on travaille avec les institutions, mais on se rend assez vite compte qu’il n’y a que très peu, voire aucune, marge de manœuvre. En fait, si on fait un ratio avec le temps d’exposition, ça peut vouloir dire qu’on paye l’artiste 40 euros par mois une fois qu’iel a déduit ses cotisations Urssaf. Est-ce que, vraiment, on veut faire ça ? Le problème c’est que même au sein des institutions, il y a une forme de hiérarchisation, dans le sens où ce ne sont pas forcément les personnes avec qui on est en dialogue qui choisissent combien sont payé·es les artistes. Une prise de conscience collective à plus grande échelle est nécessaire. C’est difficile de faire entendre que les rémunérations sont injustes, qu’elles ne sont pas à la hauteur de la reconnaissance de la valeur du travail des artistes et des travailleureuses de l’art – les commissaires, mais aussi les critiques d’art par exemple. Parfois, des petites structures associatives rémunèrent mieux qu’une grosse institution !
Audrey : Il y aussi les freins liés aux discriminations de race ou de classe. Quand t’es au croisement de plusieurs oppressions, le devant de la scène ne t’est pas accessible. Les appels à projets sont souvent détenus par des institutions très blanches et beaucoup de facteurs font que, potentiellement, ton travail ne sera pas retenu ou même pas regardé. Et évidemment, ça atteint la santé mentale.
Daisy : La place n’est faite qu’à certain·es. Par exemple, certain·es artistes racisé·es n’ont pas envie de parler de race dans leur travail, donc iels ne cochent pas la bonne case et on ne va pas s’intéresser à elleux. Sauf qu’en fait, c’est une forme de discrimination.
Audrey : Oui, il y a des artistes racisé·s qui n’ont pas forcément envie d’être tout le temps ramené·es à [la race] et d’en parler dans leur travail, iels ont envie d’exister ailleurs.
Daisy : C’est pareil pour les identités de genre.
Audrey : Ça soulève la question de la tokenisation : on va t’exposer, mais toi et pas d’autres noir·es, pour cocher la case et s’en laver les mains après. Ça crée une forme de compétition malsaine entre des personnes qui ont déjà difficilement accès au devant de la scène. En réalité, ce n’est que de la surface, pour coller aux problématiques actuelles et se prémunir de critiques.
Et ça crée encore une nouvelle injonction pour les artistes : devoir absolument parler de sa race ou de son identité de genre dans son travail…
Daisy : Oui, et une partie des personnes veulent s’exprimer là-dessus et c’est super qu’on les voie, mais d’un autre côté, il faut laisser la place à tout le monde, à partir du moment où le travail artistique est intéressant.
Audrey : Et qu’on nous voit comme des êtres multidimensionnels ! Parce que c’est le problème de la race, souvent on nous voit comme des êtres unidimensionnels, on est cantonné·es à un sujet et on ne peut pas parler de plusieurs choses. Quand tu es racisé·e, on attend souvent que tu parles de ta souffrance, et t’as pas vraiment le droit de parler d’autre chose.
Qu’est-ce que vous pensez de cette mode du « care », qu’on retrouve un peu partout depuis quelques années, notamment dans des expositions ou les discours institutionnels ?
Daisy : Je pense qu’on s’est dit qu’on avait besoin de faire collectif autour du sujet parce que le care est traité comme une thématique, et non pas comme quelque chose qui implique d’agir. On en parle beaucoup mais il nous manque des moyens pour agir concrètement ! Et c’est le cœur du problème : il faut arrêter d’être dans une forme de représentativité pour être dans une forme d’agentivité.
Audrey : Tout à fait, comme si la représentation était une fin en soi ! Souvent, il n’y a pas besoin de creuser très loin pour voir que c’est superficiel, et que les mêmes institutions qui mettent en avant des expositions sur la santé mentale ou le care, qui vont faire appel à des artistes qui ont des pratiques de soin, vont elles-mêmes précariser les artistes, mal les accueillir ou participer à la dégradation de leur santé mentale. Le care n’est pas une thématique !
* Il existe des barèmes de rémunération, comme celui de DCA (association française de développement des centres d’art contemporain) par exemple. Pour les violences sexistes et sexuelles, le ministère de la Culture a édité un « Plan de lutte contre les violences et le harcèlement sexistes et sexuels dans les arts visuels » (à télécharger sur cette page). Il existe également d’autres documents qui ne sont pas à proprement parler des chartes mais qui donnent des clés pour un fonctionnement plus éthique, comme par exemple cette fiche-ressource éditée par le réseau Arts en résidence.
Image à la une : © Audrey Couppé de Kermadec
Relecture et édition : Apolline Bazin
Cet article « Le care n’est pas une thématique ! » : rencontre avec le collectif SMAC provient de Manifesto XXI.
Cet article Avec Dragclown Affairs, le pitre queer s’expose en galerie provient de Manifesto XXI.
Du 21 mars au 31 juillet, la galerie Natalie Seroussi accueille une ambitieuse exposition d’art queer intitulée Dragclown Affairs. Le vernissage aura lieu jeudi 21 mars avec des performances de huit des artistes exposé·es, un moment-clé de l’exposition où on vous recommande chaudement d’y aller !Nombreux·ses sont les drag queens et les drag kings qui définissent leur art comme « du clown du genre » ou du « clown pour adulte ». Certain·es revendiquent même de marier les deux univers, et ce printemps une exposition leur est dédiée : Dragclown Affairs est une proposition originale de Rémi Baert, commissaire et historien de l’art, spécialiste de la figure du clown. Pour sa première exposition curatée en solo, il a réuni pas moins de 13 dragclowns venu·es de Malte, Berlin, Grand Rapids ou encore Melbourne. Le jeune commissaire d’exposition a eu à cœur de valoriser la richesse des pratiques artistiques pluridisciplinaires des artistes dragclowns, qui vont du costume à la sculpture en passant par le dessin et le vitrail. Chacun·e présentera au moins une œuvre inédite.
Figure tantôt innocente, tantôt inquiétante, le clown a beaucoup à nous révéler sur nos angoisses, sur cet autre que nous sommes et les rapports de pouvoirs qui nous façonnent. Dragclown Affairs nous invite à jouer avec. Les artistes réuni·es filent une myriade de réflexions sur aussi bien le validisme, les parcours trans, la beauté ou l’héritage culturel. Iels jouent pour certain·es avec les codes de l’opéra de Pékin à l’instar de Key Bevan ou ceux du folklore mexicain comme Jorge Torres. Plusieurs artistes de la jeune garde rassemblée mettent la relecture de l’histoire de l’art sous un prisme queer au centre de leur pratique.
Ainsi l’artiste canadien·ne FrankieB Lambert, qui travaille à une série de représentation des sept pêchés capitaux, « retourne une histoire raciste et classiste du clown en faveur de la défense des consommateur•ice•s de drogues, d’expressions de genre, de sexualité et de corporalité libérées des carcans ou encore des luttes du mouvement Black Trans Lives Matter ». L’artiste Sascha Cowan revisite quant à iel la tradition du fou médiéval tant dans son personnage The Fool que dans sa pratique de tatouage et d’organisation de soirées.
La fête est bien présente dans les pratiques de ces bouffon·nes modernes. C’est bien une constellation de rejetons proches des club kids qui sera réunit à la gallerie Nathalie Seroussi et la scène française est représentée par les bordelais·es De La Saboté•e et De La Beuchaire, co-fondateurices de la bien nommée Maison De La. Pour tisser des ponts avec d’autres époques et mouvements, le travaux des artistes émergent•e•s de Dragclown Affairs seront mis dialogue avec une sélection d’œuvres des avant-gardes du XXème siècle dont René Magritte, Nan Goldin, André Breton, Niki de Saint-Phalle, ou encore Michel Journiac, pionnier d’un certain art drag en France.
Dragclown Affairs, jusqu’au 31 juillet à la galerie Natalie Seroussi, 34 rue de la Seine 75006 Paris
Image à la Une : Finn Darrell, photo de Travis Sherwood
Cet article Avec Dragclown Affairs, le pitre queer s’expose en galerie provient de Manifesto XXI.
Un groupe de travail composé exclusivement de sénateurs Les Républicains a annoncé qu'il déposera une proposition de loi cet été, visant principalement à interdire toute transition médicale avant l'âge de 18 ans.
L’article Des parlementaires LR veulent interdire le changement de genre avant la majorité est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Les médias indépendants rapportent une intensification de la répression contre les personnes homosexuelles et transgenres en Russie, une situation qualifiée d'« obsession » par Jean-Marc Berthon, ambassadeur français pour la défense des droits LGBT+, qui la relie « aux angoisses profondes du pays quant à son déclin démographique et au délitement de la famille ».
L’article Russie : « Pourquoi cette obsession anti-LGBT+ du Kremlin ? » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Il y a longtemps, j'ai subi une circoncision du prépuce. Maintenant, mon érection n'est plus aussi rigide qu'avant. Est-il possible qu'il y ait un lien entre la circoncision et la rigidité du pénis?
Simon (27 ans)
L’article Circoncision et plaisir est apparu en premier sur 360°.
Cet article Douce Dibondo : « Avec la charge raciale, la menace de mort est perpétuelle » provient de Manifesto XXI.
Dans son analyse psycho-politique La charge raciale : vertige d’un silence écrasant (Fayard), Douce Dibondo soupèse le fardeau que la blanchité fait peser sur le corps et le mental des personnes racisées. Rencontre.Combien de fois me suis-je surpris·e à censurer les expressions créoles qui se bousculaient spontanément derrière mes lèvres ? Combien de fois ai-je devancé les remarques racistes par l’humour ou performé une politesse forcée pour dégoupiller les stéréotypes ou les menaces de violence ? Hypervigilance, lissage des attitudes et des aspérités, évitements, modifications physiques et surcompensations… Ce sont, entre autres, les conséquences de ce qu’on appelle la charge raciale. Un concept qu’analyse l’ouvrage éponyme de Douce Dibondo, paru le mois dernier chez Fayard.
On connaît bien la charge mentale, « l’espace mental et l’énergie psychologique » [Camille Robert et Louise Toupin, Travail invisible : portraits d’une lutte féministe inachevée] porté·es par les femmes pour gérer la vie de famille, un terme popularisé en France par la dessinatrice Emma. La charge raciale, quant à elle, concerne toutes les tactiques déployées par les personnes racisées pour survivre dans une société majoritairement blanche. Cette charge nous dépossède de nous-mêmes, nous dissocie de nos corps et de nos individualités qui ploient sous le poids de mille stratégies de silenciation et d’adaptation.
Dans son premier essai, La charge raciale : vertige d’un silence écrasant, Douce Dibondo explore les traces que laisse le racisme sur le corps des personnes noires et le fardeau qu’il fait peser dans leur psyché. Comme elle l’avait déjà amorcé auprès du journaliste Anthony Vincent dans leur podcast Extimité, la poétesse et autrice démasque les silences et replace les intériorités au centre de la race. L’essai est aussi une main tendue pour dépasser les stratégies individuelles de survie, vers une libération commune.
La noirité, c’est le pendant positif de la noirceur. Dans le livre, je fais un parallèle avec les trous noirs. Et la noirité est la singularité des trous noirs, ce point le plus dense, le plus attractif, là où il y a le plus de gravité : il est insécable, on ne peut pas le détruire.
Douce Dibondo
Manifesto XXI – Quelle distinction fais-tu entre la charge mentale et la charge raciale ?
Douce Dibondo : Avec la charge raciale, la menace de mort est perpétuelle. On le voit à travers ce que les personnes noires ou racisées ont vécu tout au long de l’Histoire : il y a toujours cette tuabilité, c’est-à-dire cette capacité que l’Occident et la suprématie blanche ont de tuer des corps qui ne leur servent pas ou plus. On le voit aussi au quotidien : qui fait le travail le plus dur, qui est corvéable jusqu’à en mourir, qui se frotte au danger de la police, aux violences médicales ? Cette menace de mort est même parfois intériorisée et pousse à se taire.
Tu parles aussi de la charge raciale comme d’une dette qu’on porte d’avance : c’est une dette envers qui et de quoi ?
Quand je parle de dette raciale, je parle de ce que la condition noire porte en elle. Je fais une analogie avec ce que le philosophe Charles W. Mills qualifie de contrat racial. Il montre qu’au XVIIᵉ siècle, l’Occident fonde un contrat social censé régir la société « civilisée » par des lois souveraines, tout en justifiant la colonisation et l’assujettissement de millions de personnes. Dans ce contrat social-là, il y a une clause implicite qui érige les un·es (les Occidentaux) au rang de personnes, et les autres (les personnes racisées) à celui de non-personnes. Nous (personnes racisées) sommes signataires de ce contrat par la force des choses et portons le poids de devoir sans cesse prouver notre humanité, notre droit d’exister et de vivre. C’est ça, la dette raciale. Et les enfants racisé·es la portent en elleux quand iels naissent.
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On hériterait donc de cette charge raciale selon toi ?
Oui. Même si les neurosciences et l’épigénétique en sont encore aux balbutiements, il y a des études qui montrent comment le trauma et les secrets se transmettent de génération en génération. Imaginons une dette, une charge raciale, qui existe depuis près de quatre cents ans : évidemment, cela se reflète dans les systèmes familiaux et communautaires. On le voit, entre autres, avec le colorisme (discrimination, en particulier au sein d’un groupe racial ou ethnique, favorisant les personnes à la peau claire plutôt que celles à la peau foncée, ndlr). On hérite également de mécanismes, comme celui de la silenciation à travers lequel on s’auto-censure pour se protéger. Cet héritage se retrouve dans ce que la chercheuse Patricia Donatien-Yssa appelle la blès. La blès, ce sont toutes les maladies psychosomatiques, les troubles, le psychisme effracté et les dépressions avec lesquels les personnes issues des Antilles peuvent naître.
Je vois aussi le silence comme un antidote. Pourquoi ne pas se préserver en arrêtant de témoigner pour quémander une validation auprès de la blanchité ? On peut prouver notre existence de manière communautaire, dans un silence qui nous sert d’abord à nous.
Douce Dibondo
Dans ton livre, tu parles beaucoup de silence, de silenciation et d’une charge silencieuse. Tu as également un rapport particulier au silence. Comment en es-tu sortie ?
Le silence dans lequel je me murais enfant était en partie dû à une neuroatypie, mais aussi à mon caractère introverti. Une autre facette de ce silence est arrivée de manière plus fracassante, avec la guerre civile au Congo que j’ai vécue quand j’avais 4 ans. Ma famille n’a jamais parlé de ce qu’il s’était passé. Ma mère m’a toujours dit que je n’avais jamais pleuré, que je ne m’étais jamais plainte. Pendant très longtemps, je ne me suis pas rendu compte de ce que j’avais traversé. Avec le recul, je sais que ce n’était pas normal de ne rien extérioriser à cet âge. Récemment, je suis tombée sur un article de Dr. Muriel Salmona sur ce que le traumatisme fait à la mémoire, l’amnésie, le silence des victimes et comment le système nerveux nous protège en bloquant la parole. Tout a fait sens. De manière plus collective, en tant que personnes noires, on vit des traumas jour après jour et nos systèmes nerveux compensent et érigent des silences, des censures et des évitements. Il y a des contournements, comme l’humour ou le divertissement, qui nous permettent de porter des masques et de nous distancier de cette douleur.
Ça peut paraître paradoxal, mais je vois aussi le silence comme un antidote. Si notre système nerveux se protège en faisant silence, pourquoi ne pas se préserver de manière collective en arrêtant de témoigner pour quémander une validation et une humanisation auprès de la blanchité ? Cette preuve de notre existence, on peut la faire de manière communautaire, dans un silence qui nous sert d’abord à nous.
Tu expliques que l’Occident sépare le corps de l’esprit pour nous déconnecter et mieux nous contrôler. Tu parles aussi de la charge raciale comme d’une blessure qu’on ressent viscéralement dans nos corps. Toi, comment ressens-tu cette blès ? Où se dépose la charge raciale en toi ?
Pendant longtemps, j’ai eu mal aux épaules, aux omoplates et au foie. J’avais le diaphragme raide et des calculs. En fait, je ne respirais pas. Quand je riais, je ne riais pas avec mon corps, mais avec ma tête. Intellectualiser mes émotions m’a permis de me protéger de la douleur de cette charge raciale. Quand je suis arrivée en France à 12 ans et que je me suis rendu compte de mon bagage, mon corps s’est distancié de lui-même. Je n’arrivais pas à poser mes limites, ni à mettre des mots sur le racisme, le sexisme ou la misogynie. Puis j’ai rencontré des personnes qui m’ont aidée à comprendre ce que je vivais et j’ai enfin pu respirer. Mais le retour de bâton a été dur. J’ai été malade pendant très longtemps, mon système immunitaire était défaillant.
Nos corps sont des surfaces d’alarme, et quand la charge raciale prend trop de place, ils se coupent pour survivre. C’est aussi pour ça, selon moi, que la suprématie blanche se permet de capitaliser sur notre souffrance. Elle ne nous voit plus que comme des corps, mais pas des corps souffrants, des corps utiles dont on peut s’emparer pour se divertir et pour désirer. Notre subjectivité et notre intériorité sont totalement mises de côté. Parfois même par nous-mêmes, par survie.
En tant que personnes racisées, on voit tout : l’humour soi-disant innocent, les remarques, l’ignorance autour de la négrophobie, etc. Et même si on se tait ou qu’on ne fait pas un travail de pédagogie, on se traîne une charge : celle de savoir et de remarquer.
Douce Dibondo
Quel est l’endroit ou le moment où tu ressens la charge raciale la plus lourde ?
Au travail. C’est l’endroit où on met le plus de masques, surtout si on est à l’intersection de plusieurs discriminations. Mais aussi dans les relations interpersonnelles. C’est là que se joue une intimité ouverte à une Histoire qui nous dépasse. En tant que personnes racisées, on voit tout : l’humour soi-disant innocent, les remarques, l’ignorance autour de la négrophobie, etc. Et même si on se tait ou qu’on ne fait pas un travail de pédagogie auprès de nos proches non-concerné·es, on se traîne une charge : celle de savoir et de remarquer. Souvent, on arrive à faire l’effort de comprendre d’où vient ce manque de vigilance, on excuse certains manquements car on se rappelle l’humanité des personnes non-concernées, mais elles ne voient pas toujours la nôtre. Pourquoi ce manque d’empathie de la part de la blanchité ? C’est ce qui nous tue, que ce soit à l’échelle du génocide en Palestine, ou à celle du couple interracial.
En tant que personnes noires assignées femmes, on est en bas de l’échelle de l’humanité. Pourtant, on a toujours eu cette capacité à se mettre à la place de l’Autre, mais le contraire est très rare. Et ça, c’est tellement lourd. Alors j’essaie de me détacher du fait de vouloir éduquer, de vouloir tout pardonner trop vite pour aller de l’avant. Je creuse en moi-même, j’écris ce que je vis et je m’autorise à porter ma rancune ou ma colère le temps qu’il faut.
Penses-tu qu’identifier cette blessure, la ressentir dans son corps, dans son intériorité, c’est refuser ce silence et s’alléger du poids de la charge raciale ?
La charge raciale vient de l’extérieur, elle est presque indépassable. Plus on se rapproche de notre intériorité, plus cette charge s’allège. Sans tomber dans l’essentialisation, en tant que personnes minorisées, on vient de générations qui ont réussi à obtenir des droits, à se libérer, à résister, à brûler la maison du maître. Il y a des choses en nous qu’on peut aller puiser, notamment à travers la créativité dans son sens le plus large. Et ce n’est pas forcément individualiste. Cette intériorité peut se sonder à plusieurs. Là, par exemple, il y a plein de connexions qui se créent entre toi et moi. On respire, et nos cœurs sont en train de se synchroniser. Et puis avec tes questions, tu me fais voir les choses sous un autre angle et je me sens comprise, donc on avance.
Cette intériorité passe aussi par une lutte existentielle, en n’ayant plus peur de renverser la dichotomie entre le corps et l’esprit. C’est avec cette fusion-là qu’on va réussir à s’alléger de la charge raciale de manière commune. Ça peut passer par les rituels ou par la réparation du vivant, par exemple.
Pour paraître crédibles, on se sent obligé·es d’être les plus rationnel·les et les plus carré·es. J’espère qu’on va se rapprocher d’autres manières de comprendre l’être humain. Que nos savoirs dits “alternatifs” soient au même plan épistémologique que tout le reste.
Douce Dibondo
Tu expliques que même à la gauche de la gauche, on a tendance à ne parler du racisme que sous le prisme de la matérialité, ce qui n’est pas suffisant. Est-ce que l’intériorité est la pièce manquante ?
Quand je parle de ce biais de la gauche, je m’inclus dedans. Moi aussi, j’ai construit ma pensée sous un prisme matérialiste, avec des arguments que je pouvais balancer à la face de mes adversaires politiques. Quand on creuse, on se rend compte que ces adversaires ont l’inconscient collectif de leur côté. Un inconscient bardé de forces invisibles qui nous dépassent. Et nous, pour paraître crédibles, on se sent obligé·es d’être les plus rationnel·les et les plus carré·es, d’où ce recours à la matérialité. J’espère qu’on va se rapprocher d’autres manières de comprendre l’être humain. Que nos savoirs dits « alternatifs » soient au même plan épistémologique que tout le reste.
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Dans les discussions qu’on a pu avoir autour du racisme, et dans certaines parties de ton livre, tu rappelles que même les motivations des puissances coloniales ne sont analysées que sous le prisme de la matérialité. On ne parlerait que de motifs rationnels et économiques et on oublierait l’intériorité, l’agentivité et l’intentionnalité des acteur·ices de la suprématie blanche. Tu peux en dire plus ?
La sociologie française nous apprend que la société dicte le comportement des individus. La théorie allemande nous dit que les individus ont des intentions et que ce sont ces intentions-là qui créent la société. En général, on divise ces deux manières de penser, mais les deux sont liées. Je me suis dit : si la colonisation et le système esclavagiste s’expliquent par des motifs rationnels comme l’économie, quelles sont les autres raisons ? Comment des personnes ont pu déshumaniser d’autres humains ? Je suis allée chercher du côté de la psychanalyse et du penseur et psychiatre Carl Gustav Jung. Je me suis rendu compte que la psyché et l’inconscient de la civilisation occidentale étaient influencés par l’alchimie.
Dans l’alchimie, Jung explique que l’Homme évolue du noir, le nigredo, c’est-à-dire la noirceur, le mystique, l’infantile et la mort, au point ultime de l’albedo, soit la blancheur, le désir, la conscience, la pureté et le Soi. Tous ces concepts rappellent ce qui est projeté sur les personnes et les corps noirs. Quand les « colons alchimistes » sont arrivés en Afrique et dans les Amériques, ils ont vu des personnes « infantiles » à purifier et à éduquer, parce que noires. Ce sont des choses qui sont inconscientes. Par la suite, la civilisation occidentale a dû justifier cette pulsion de puissance et ce sentiment de supériorité. Sans rentrer dans un racisme moral, il faut parler de cet inconscient collectif. Il porte des forces invisibles que les professionnel·les de la santé, les antiracistes, les chercheur·ses devront déterrer. Il faut s’emparer de cette question de l’intériorité, autant chez les personnes noires que chez les personnes blanches.
Je m’inscris dans une tradition afroféministe où le “je” raconte le vécu des personnes noires par la fiction et le récit de soi. C’est un moyen de me rapprocher des gens de la communauté, et de moi-même. Plus on parle du “je”, plus on parle du “nous”.
Douce Dibondo
Justement, on nous refuse cette intériorité. Toi, comment arrives-tu à dire « je » et à faire émerger le Soi ?
C’est un apprentissage de tous les jours. Si je me dis que je suis un être détaché de tout regard extérieur, je meurs à petit feu. Je suis un être social, j’ai besoin de la communauté. Mais une communauté qui puisse s’autocritiquer et se soutenir. Pour cela, il faut qu’on accepte les individualités de chacun·e. Mais dans une société où on nous met sans cesse en compétition, où les Noir·es sont vu·es comme un groupe monolithique, où les seules portes qui nous sont ouvertes sont celles du divertissement, comment réussir à dire « je » et « nous » ?
Moi, je le fais par la poésie. C’est ce qui m’aide à être traversée par le « nous ». Je reconnais d’où je viens et quels sont les apports de mes ancêtres : celleux d’il y a trois cents ans, comme celleux mort·es il y a trente ans ou un an. Je dis « je » à travers l’art, la créativité et la mémoire ; en discutant avec mes parents et mes ami·es, en allant creuser dans leurs expériences noires. Ce qui me connecte, c’est aussi l’attention permanente, le fait de créer des entités et des collaborations avec les gens qui m’entourent. Je pense que ça se ressent dans l’écriture de l’essai. Je n’ai pas voulu adopter une posture académique. Je m’inscris dans une tradition afroféministe où le « je » raconte le vécu des personnes noires par la fiction et le récit de soi. C’est un moyen de me rapprocher des gens de la communauté, et de moi-même. Plus on parle du « je », plus on parle du « nous ».
Tu utilises le terme de « noirité » : peux-tu expliquer pourquoi tu le préfères à d’autres mots, comme blackness, noirceur ou négritude ? Et pourquoi le concept de blackness ne prend pas en France ?
En France, on a du mal à traduire le terme de blackness. Aux États-Unis, dans la communauté afro-américaine, blackness renvoie à la condition noire, c’est-à-dire à la condition sociologique faite de discriminations mais aussi de fierté et de dignité noires. Ici, on a eu le concept de négritude, qui s’inscrit dans un mouvement diasporique en réponse à la société française. Blackness est parfois traduit par « noirceur ». Mais on n’entend jamais « je suis fièr·e de ma noirceur », cette traduction ne prend pas. Il existe tout de même une conception de la noirceur qui vient des afro-pessimistes qui l’inscrivent dans une mort sociale. Selon elleux, à partir du moment où les personnes noires ont été déportées du continent africain, la face du monde a été changée. Et depuis, le noir est le néant. Pour moi, c’est une part de la vérité qui souligne une partie de notre histoire. Mais que fait-on de l’autre vérité ?
La noirité, c’est le pendant positif de la noirceur. Dans le livre, je fais un parallèle avec les trous noirs. Le trou noir est le point le plus dense, le plus attractif, là où il y a le plus de gravité : il est insécable, on ne peut pas le détruire. Pour moi, c’est là que se trouve la dualité de la charge raciale. Je fais aussi l’analogie avec la manière dont on se raconte au Congo. Je vois évidemment la blessure de la déportation, mais je vois aussi l’espoir et la résilience du continent africain.
Le mot résilience est souvent accolé aux personnes noires, surtout aux femmes noires. Est-ce que tu n’as pas l’impression qu’il y a un piège là-dedans ? Personnellement, je déteste ce mot.
Si, bien sûr. Le mot a été galvaudé. Souvent, ce terme nous refuse notre douleur et notre expérience traumatique. Quand je parle de résilience, je parle de la conscience de ses émotions, de sa douleur et de sa colère et du fait d’en avoir assez, de dire au système qui nous fait souffrir « vous n’aurez pas cette part de moi ». La résilience, c’est aussi savoir quand partir. Et dans ce départ, faire en sorte de ne pas y laisser la personne qu’on est. Être résilient·e, ce n’est pas s’inscrire dans une positivité toxique, ni être dans une force surhumaine ou ravaler ses émotions, au contraire.
Quel est l’endroit ou le moment où tu te sens la plus légère ?
Entourée de personnes noires. J’arrive à être moi-même, je ressens de la joie, j’ai l’impression que la charge raciale est répartie et donc qu’elle s’allège. Mais ça peut être très dur quand on sort de ces moments de communauté. Je me demande toujours : était-ce une illusion ? Non, c’est l’utopie qu’on mérite.
Photo à la Une : © Céline Nieszawer / Leextra / Éditions Fayard
Relecture et édition : Sarah Diep et Benjamin Delaveau
Réécouter notre discussion « Prendre soin de soi dans une société raciste : une question communautaire ? » menée lors du Take Care Festival en 2020 avec la fondatrice du compte Insta La charge raciale (aujourd’hui @mangouinistan)
Cet article Douce Dibondo : « Avec la charge raciale, la menace de mort est perpétuelle » provient de Manifesto XXI.
Au croisement de la pop, de la soul et du R&B, le Genevois d’adoption Janti Sabak fait résonner sa musique avec une véritable sincérité. Aperçu d’un itinéraire singulier, à l’occasion de la sortie du très beau Silent Screams.
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Ce vendredi 15 mars, un homme a été insulté et violenté par plusieurs personnes dans un établissement du 10e arrondissement, où il passait la soirée avec des amis. L'attaque aurait été filmée et notamment diffusée sur Tik Tok.
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Les tribunaux de Tokyo et de Sapporo ont une nouvelle fois jugé que l'interdiction du mariage entre personnes du même sexe était « en état d’inconstitutionnalité » et violait de leur « droit fondamental de fonder une famille ».
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Trois ans après son coming-out, le défenseur australien de 24 ans est désormais fiancé. Il a fait sa demande surprise depuis la pelouse du Coopers Stadium, où il évolue depuis quatre ans, avec le soutien de son club.
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Cet article « Parlons de santé mentale »: folie douce et discours tièdes provient de Manifesto XXI.
Les productions médiatiques sur la santé mentale se sont multipliées, mais quelles discussions servent-elles ? Dans cet article la chercheuse indépendante Léna Dormeau propose une réflexion critique de la circulation des paroles de la souffrance psychique.Le mois dernier, la journaliste Lauren Bastide a dévoilé Folie douce, un « podcast de conversations intimes pour libérer la parole sur la santé mentale ». Le descriptif donne le ton. Sans surprise, ce sera donc la formule gagnante de La poudre, son podcast précédent (des témoignages intimes dans une ambiance feutrée), couplée à l’un des thèmes les plus vendeurs de ces quinze dernières années. Qu’on s’entende bien, je n’ai pas plus en grippe le podcast de Lauren Bastide que n’importe quel autre contenu ayant le souhait de « parler de santé mentale » sans jamais la définir. Bon je reconnais, pour le coup le titre me crispe un peu mais on y vient après, et le sujet va bien au-delà de cette seule production.
Libération de la parole et libéralisation du discoursSi l’effet d’annonce produit un engouement médiatique à la mesure de la notoriété de la productrice, le projet en tant que tel est en réalité la réplique d’un format maintes fois réchauffé et finalement assez convenu. Il s’insère sans originalité dans un paysage sonore déjà très fourni et simultanément assez confus sur le sujet, où chaque contenu « sur/autour/à propos de la santé mentale » présente globalement une structure assez identique. Le choix narratif fait la part belle au témoignage à la première personne, et les difficultés et souffrances vécues peuvent toutes être rapportées à une catégorie diagnostique du DSM (dépression, TDAH, bipolarité, trouble borderline, etc.). Sans surprise toujours, la question de l’apaisement de la souffrance n’est abordée que sous son versant thérapeutique (médicamenteux et/ou psychologique), mais jamais en termes politiques.
N’en déplaise à celleux qui s’accrochent à cette idée : non, parler ne suffit pas. Plus encore, cela peut être dangereux, mais comme toujours, tout dépend de qui parle.
Durant les dernières années, j’ai consommé énormément de ces récits, certains d’entre eux m’ayant particulièrement touchée, faisant écho, parfois, à mon propre parcours. Et c’est précisément à cet endroit qu’est née une importante partie de mon travail. Car si la sensibilité à cette forme de narration testimoniale peut atténuer voire désamorcer la critique, quelque chose en moi continuait pourtant de résister à cette seule mécanique émotionnelle d’affiliation. Pour le dire autrement, il n’est pas aisé d’opposer quoi que ce soit à une histoire singulière, lorsqu’elle est présentée comme « un simple témoignage ». Pourtant, ces « simples témoignages » sont bien inscrits dans une ligne éditoriale portant, elle, des objectifs clairs et revendiqués (quand ils ne sont pas directement économiques) : « libérer la parole », « redonner espoir au travers d’histoires inspirantes de rétablissement1 », « dédramatiser et démocratiser la santé mentale2 », « briser les tabous3 », etc. Parler sans entraves comporterait alors, presque par essence, tous ces corollaires : l’apaisement, le partage, la déstigmatisation, la démocratisation, voire une modification organique des politiques publiques et des structures sociales. Or, cela n’est évidemment pas le cas. N’en déplaise à celleux qui s’accrochent à cette idée : non, parler ne suffit pas. Plus encore, cela peut être dangereux, mais comme toujours, tout dépend de qui parle.
Selon Gayatri Chakravorty Spivak – et je la rejoins sur ce point -, toute parole subalterne, tant qu’elle est formulée dans la langue dominante et aussi oppositionnelle soit-elle, reste à jamais tributaire de la matrice discursive qu’elle confirme par le fait même d’intervenir en son sein.
Si l’argument est implacable, il n’en reste pas moins central : seules les personnes pouvant parler, parlent. J’utilise ici le verbe pouvoir non pas pour désigner une capacité effective à s’exprimer (qui serait par ailleurs validiste), mais bien pour souligner la présence ou l’absence de sa possibilité même. J’importe ici les précieuses réflexions de la philosophe et théoricienne post-coloniale Gayatri Chakravorty Spivak qui, dans Les subalternes peuvent-elles parler ?, répond par la négative à cette question. S’interrogeant sur les conditions de possibilité de la prise de parole des femmes indiennes, historiquement dominées, Spivak analyse le processus de subalternisation et identifie, outre un rapport de force matériel, que la confiscation d’un discours permettant l’auto-représentation constitue une forme de domination dont il est quasi impossible de s’extraire. Selon elle – et je la rejoins sur ce point -, toute parole subalterne, tant qu’elle est formulée dans la langue dominante et aussi oppositionnelle soit-elle, reste à jamais tributaire de la matrice discursive qu’elle confirme par le fait même d’intervenir en son sein. En d’autres termes, se raconter ce n’est pas seulement dire quelque chose, mais bien davantage être audible parce que d’autres acceptent que nous le soyons et nous permettent de l’être. Car cette audibilité, quoi qu’on en dise, comporte bien des conditions, souvent tacites et à peine conscientisées.
En premier lieu, le cadre d’écoute et de recueil de la parole n’est jamais neutre. Pour le dire en des termes qui me sont plus familiers, celles et ceux qui tendent le micro sont propriétaires ou détenteurices des moyens de production des contenus et de leur diffusion. A la question : mais qui sont donc ces producteurices qui règnent en maître·sse·s sur nos oreilles ? La réponse est sans appel : majoritairement des personnes blanches issues des classes moyennes et supérieures éduquées, dont l’appétence pour ce format testimonial, plus qu’un effet de mode, reste un marqueur de classe permettant d’asseoir sa légitimité au sein de la hiérarchie sociale4. Aussi bien intentionnée que soit la démarche, « donner » la parole dans un espace contrôlé n’a que très peu à voir avec un réel partage (de l’espace médiatique, du pouvoir politique, des moyens économiques de la production). C’est pourquoi, très logiquement, le discours produit s’accorde5 également aux codes et contraintes structurelles du système au sein duquel il s’exprime. Il sera donc invariablement organisé, résilient, et émotionnellement stable (bien qu’émouvant). Plus important encore, il doit se rapporter au vocabulaire hégémonique sur la souffrance (donc issu du champ psy*6), valoriser un travail sur soi ayant eu des effets positifs notables et surtout, rappeler que, in fine, il y aura toujours des professionnel·le·s de la santé mentale et/ou de la psychiatrie pour vous aider. L’ultime tabou à briser sur la santé mentale était donc celui-ci et la conclusion désormais toute trouvée : allons chez le·a psy* et parlons-en ouvertement. Ne sommes-nous pas toustes un peu fous/folles finalement ?
La santé mentale, la folie et les folsBon, je spoile d’entrée de jeu : non, nous ne sommes pas « toustes fous/folles ». Se dire « un peu zinzin » ou parler de « folie douce », ça pose quand même quelques problèmes. Non pas, comme j’ai pu le lire, qu’on aurait à s’offusquer qu’une journaliste traite ce sujet sans en être « experte », mais bien parce que le concept de santé mentale a été forgé justement pour être distinguable de la folie. Je me permets au passage de souligner que l’accusation de « non-expertise », récurrente et adressée tous azimuts, en dit long sur les professionnel·le·s de la santé mentale et la défense de leur monopole. Bref. Ce que l’on sait désormais grâce à la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), c’est que tout le monde a une santé mentale. Elle serait un universel, envisagée comme un « état de bien-être qui permet à chacunE de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ». Si j’étais taquine, je pourrais dire que ceci est la définition de la conformation à la norme dominante, et qu’à ce titre la santé mentale est un concept néolibéral de marchandisation de la souffrance psychique au service de l’ordre social. Mais recentrons-nous.
Le sanisme, appelé aussi mentalisme désigne le fonctionnement d’un système d’oppression permettant, voire encourageant, la maltraitance des personnes perçues comme folles, sous couvert de les entraîner vers plus de « sanité d’esprit ».
L’idée qu’à l’instar de la santé, nous avons toustes une santé mentale, visait à rompre avec le clivage « sain·e d’esprit/malade mental », au profit d’un continuum d’une santé mentale pouvant être émaillée de « troubles ». Ainsi, la statistique selon laquelle une personne sur cinq sera touchée par un trouble psychique/psychiatrique au cours de sa vie devient le terreau d’une nouvelle norme saniste, que les podcasts de témoignage renforcent à grands coups de résilience et de souhaits de déstigmatisation (des troubles plus que des personnes d’ailleurs). Le sanisme, appelé aussi mentalisme (qui est un anglicisme dérivé de sanism ou mentalism) désigne le fonctionnement d’un système d’oppression permettant, voire encourageant, la maltraitance des personnes perçues comme folles, sous couvert de les entraîner vers plus de « sanité d’esprit ». Car si tout le monde est concerné par la santé mentale, en revanche tout le monde n’est pas fou, et les vrai·es fou/folles, il faut bien les soigner (de gré ou de force). Parler des difficultés qui jalonnent le quotidien permet alors d’éclairer son parcours en lui donnant un sens, tout en agissant comme un soulageant révélateur : « ouf, je n’étais donc pas fou/folle ». Avec une forme d’efficacité opératoire – c’est-à-dire qui n’a pas d’autre valeur que de fonctionner – se raconter offre le sentiment de « s’en être sorti·e/ s’en sortir », et d’une certaine façon de pouvoir poursuivre une « vie normale ».
De ce point de vue, les troubles présents en début de spectre vont être considérés comme « peu invalidants » (car ponctuels et/ou de faible intensité et permettant à l’individu de rester fonctionnel), quand l’autre extrême visera davantage des troubles perçus comme plus « lourds » au plan clinique, et nécessitant davantage d’attention psychiatrique.
La folie n’est jamais douce et ne s’exprime pas derrière un micro dans une narration convenue et inspirante. Elle est proprement inaudible, délirante, sans contours, multiple, critique, fragmentée, protéiforme. Et parce qu’elle échappe à toute classification, elle est durement réprimée.
Être fol (adjectif épicène pour fou/folle), c’est n’être même plus sur le spectre, et parfois n’y avoir jamais été. S’auto-désignent comme fols des survivant·e·s de la psychiatrie ou psychiatrisé·e·s, étant toujours ou ayant été l’objet du pouvoir psychiatrique, et le dénonçant comme système illégitime, non-pourvoyeur de soin, et produisant de la coercition et de la normalisation. La folie, pour nous, renvoie à une relation de pouvoir, un rapport historique de domination, une volonté validiste de neutraliser la différence radicale et de la mettre hors d’état de nuire à l’ordre social. Elle est une construction sociale dont l’institution psychiatrique s’est portée garante et gestionnaire. Institution qui ne répond – par la contrainte, la contention et l’enfermement – qu’à sa propre incapacité à considérer la souffrance hors-norme et les expériences minoritaires (écologiques, sensorielles, imaginaires, etc.), dans ce qu’elles ont de plus déstabilisantes. Dire qu’une catégorie est une construction sociale ne signifie nullement qu’elle n’a aucune existence ni conséquences dans le monde, bien au contraire.
Si la folie résiste, c’est parce qu’elle est intraduisible. Si les fols résistent, c’est parce qu’illes ont repolitisé leur condition et ont compris que se fondre dans la narration dominante serait une nouvelle mort. Je ne romantise pas la folie. Parce que nous mourrons. Bien plus que les non-fols. Nous sommes plus maltraité·e·s, plus violé·e·s, plus précaires, plus enfermé·e·s, plus contrôlé·e·s, plus rejeté·e·s, plus à risque de développer des maladies chroniques, plus vulnérables aux addictions, presque toustes polytraumatisé·e·s, et bien plus suicidaires. La folie n’est jamais douce et ne s’exprime pas derrière un micro dans une narration convenue et inspirante. Elle est proprement inaudible, délirante, sans contours, multiple, critique, fragmentée, protéiforme. Et parce qu’elle échappe à toute classification, elle est durement réprimée. Sauf à avoir cédé, au moins partiellement, aux sirènes renormalisatrices des structures dominantes (ce qui est mon cas), les fols restent les ingérables de ce monde, les sans-voix de l’Histoire, des figures du débordement qui justifie leur contention, et leur oppression (au nom du soin). Mon allégeance, je le sais, est la condition de mon audibilité.
Personnellement, c’est sur tout ça que j’aimerais qu’on « libère la parole ». Mais comment libérer la parole quand celle-ci est perçue comme une déraison ? Ou plus sûrement, comment libérer la parole sur la folie alors que les fols ne peuvent pas parler ?
Il n’y a plus personne pour « parler de santé mentale » dans ces moments-là. Et c’est dans ce silence que nous existons.
A toustes mes adelphes fols, à nos silences et nos débordements
Edition et relecture : Apolline Bazin, Léane Alestra, Salvade Castera
Image à la Une : générée sur Midjourney
Cet article « Parlons de santé mentale »: folie douce et discours tièdes provient de Manifesto XXI.
Le 29 février 2024, lors d'un concert à l'Accor Arena de Bercy devant plus de 20 000 personnes, l'artiste a lancé des propos injurieux, extraits de son album Or Noir, incitant à la violence contre les personnes homosexuelles. STOP homophobie et Mousse déposent plainte.
L’article Plainte contre le rappeur Kaaris pour injure et provocation publiques homophobes est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Du 23 au 26 février dernier, STOP homophobie a accueilli à Paris des membres du CSD Mittelhessen, une association partenaire de défense des droits des personnes LGBT+ basée à Giessen, en Allemagne, pour des échanges d'expertise et leur faire découvrir la capitale et ses monuments.
L’article Europe : L’amitié franco-allemande à l’heure du militantisme LGBT+ est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Fondé il y a quatre ans, Swiss Gay Fetish organise de discrètes soirées à thème quelque part dans le canton de Fribourg, selon une recette assez unique. Avec un brin d’appréhension, on s’est invité au sein de cette communauté à la réputation sulfureuse, mais où l'on trouve finalement beaucoup de bienveillance et de convivialité.
L’article Voyage en terre inconnue chez Swiss Gay Fetish est apparu en premier sur 360°.
Cet article H•Alix & Bye Bye Binary à La Station : rage & amour dans nos typos provient de Manifesto XXI.
A partir du vendredi 15 mars H•Alix Sanyas et Bye Bye Binary investissent La Station – Gare des Mines avec leur expo LEADER PRIDE, restitution d’une résidence lors de laquelle iels ont travaillé sur une fonte à haut potentiel de lisibilité : LOVE & RAGE.Peut-on parler de révolution typographique ? Si le mot « révolution » est souvent galvaudé, nous avons envie de l’utiliser pour parler du travail de H•Alix Sanyas et de la collective franco-belge Bye Bye Binary. Que seraient les écritures queers sans des typographies qui transforment nos livres en des objets accessibles et explosifs ?
© Bye Bye BinaryCes dernières années, H•Alix et Bye Bye Binary ont injecté beaucoup d’empathie et d’adelphité dans nos ouvrages queers avec leur travail autour des écritures post-binaires. Par leurs recherches visuelles, iels détournent les outils straights du design pour répandre sous licence libre de nouveaux glyphes débinarisants. À l’issue d’une résidence croisée entre La Station – Gare des Mines et le 6B, le 15 mars ouvre donc l’exposition LEADER PRIDE, de H·Alix Sanyas et Bye Bye Binary. Ce moment de création a abouti sur une fonte à haute lisibilité, pouvant être déclinée en deux versions : LOVE & RAGE.
© Bye Bye BinaryL’espace d’exposition est à la fois décor et scène, conçu pour raconter les colères et les amours qui l’habitent. Jouant à la frontière de l’art et du graphisme, la collective s’insère dans un processus d’in-discipline et de détournement. On y retrouvera des objets imprimés, des drapeaux décors ou mots d’ordres, des fanzines, des affiches ou des éditions convoquant des formes d’écritures collectives, tout autant inédites qu’empruntées à de grand·es auteurices ou militanx. Attention, il faudra être vif·ves, l’exposition ne sera visible que les 17, 18, 19 et 20 mars, de 15h à 20h !
Rendez-vous vendredi 15 mars pour le vernissage dès 19h. Ensuite afterparty à partir de 21h avec un live de Franky Gogo, le crew Bye Bye Binary (B2B Laura Conant et Marouchka) puis un club curaté par le collectif With Us, avec Transterror, Nana Benamer et Cici That Walk. Préventes ici
© Bye Bye BinaryAvec des pièces de : Axxenne, Barthélémy Cardonne, Camille°Circule, Chloé Elvezi, Clara Sambot, Eugénie Bidaut, Enz@ Le Garrec, Félixe Kazi-Tani, H·Alix Sanyas, Laura Conant, Laure Giletti, Léna Salabert Triby, Ludi Loiseau, Mariel·le Nils, Marouchka Payen, Max Lillo, Reuss Maureen Leprêtre, Roxanne Maillet, Marie Mam Sai Bellier, Sophie Vela.
Cet article H•Alix & Bye Bye Binary à La Station : rage & amour dans nos typos provient de Manifesto XXI.
The queen is back! L'icône drag américaine Sasha Velour fera escale à Genève le 5 avril sur la scène du Théâtre du Léman, avec son tout nouveau spectacle, The Big Reveal Live Show. Présentation d'un phénomène.
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Tout à la fois electro, trash, hi-NRG et heavy metal, avec une louche de drag, le duo berlino-vénitien débarque aux Docks, samedi à Lausanne, dans les bagages de la soirée 360° Fever. On fait connaissance?
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Un collectif d’associations LGBT+, dont STOP homophobie, et de personnes transgenres et non binaires forme un recours devant le Conseil d’État. Revendiquant le droit de définir librement l'identité de genre, il demande l’annulation de deux circulaires de 2017 relatives au changement de prénom et de mention du « sexe » à l’état civil.
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Cet article La Zone d’intérêt : à l’origine du mal, l’idéologie de l’espace vital provient de Manifesto XXI.
La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer – Oscar du meilleur film international 2024 – suit le quotidien de la famille de Rudolf Höss, directeur du camp d’Auschwitz pendant la seconde guerre mondiale. Sam Leter propose une analyse du film en s’intéressant particulièrement au concept nazi d’« espace vital », son déploiement dans l’œuvre et sa résonance contemporaine d’un point de vue antiraciste. [Attention spoilers]Dans La Zone d’intérêt, la vie de la famille Höss s’inscrit parfaitement dans le nationalisme chauvin préconisé par l’idéologie nazie. Le camp d’extermination d’Auschwitz est le lieu de travail de Rudolf Höss, chargé de l’amélioration de son « efficacité » mortifère. C’est autour du mur qui sépare la maison aryenne des non-Aryens massacrés dans le camp que se joue tout l’enjeu du film. Il ne s’agit pas d’un simple portrait de la banalité du mal, mais plutôt d’une exploration de l’idéologie de « l’espace vital ». En effet, cette « zone d’intérêt » est une conception territoriale de l’espace vital nazi, le Lebensraum, qui favorisait la survie et la croissance impérialiste du peuple allemand. À l’échelle globale, les divisions entre populations d’origines et d’ethnies différentes sont toujours d’une virulente actualité. Alors que la France vient d’adopter une loi immigration qui renforce l’institutionnalisation de la xénophobie et que le régime d’apartheid et de colonisation en Israël-Palestine ne cesse d’amplifier les massacres, le Grand Prix du 76ème Festival de Cannes nous donne l’opportunité de reconsidérer notre intérêt pour le droit humain au-delà d’une hiérarchisation raciste.
Depuis l’été 2023, je revendique ouvertement mon héritage et ma culture juive pour défendre une vision antiraciste et décoloniale de la société. C’est en m’inspirant de mouvements de résistances antifascistes tels que le FTP-MOI, et de collectifs juifs antisionistes tels que le Bund, que je parviens à trouver un lien entre mon identité juive et mon militantisme. Dans cette transmission de mémoire, le dernier film de Jonathan Glazer nous permet de reconnaître notre passé pour repenser notre espace de vie présent.
Suprématie blanche et domestication de la NatureLe lien à la terre est essentiel dans La Zone d’intérêt. La construction majestueuse et artificielle d’un jardin floral à côté d’un camp de concentration illustre un contraste d’épanouissement vivace face à une destruction génocidaire. Elle évoque l’idéal de puissance de création de la race aryenne, qui parvient à former un jardin paradisiaque à partir de rien. Le personnage d’Hedwig Höss, incarné par Sandra Hüller, remarque d’ailleurs qu’il n’y avait que de « mauvaises herbes » trois ans avant leur arrivée près du camp d’Auschwitz. Cette image nourrit un mythe d’excellence fertile qu’on retrouve souvent chez des nationalistes, convaincus que leur génie civilisationnel peut générer un fleurissement total en terres arides. Lorsque Hedwig fait fièrement visiter à sa mère cette fabrication ultra-saturée, heurtant au gris suffocant des bâtiments du camp à l’horizon et de la fumée meurtrière qui survole ce jardin utopique, elle énonce : « on a planté des vignes pour cacher le camp ». La surface de beauté naturelle pleine de vie cache l’atrocité. Sa mère répond, bouche bée : « c’est paradisiaque ».
Ces images nous rappellent que le génocide de la Shoah a empêché toute une génération d’enfants assassiné·es de sentir avec insouciance l’arôme des fleurs et de goûter les fruits de la vie.
Son bébé à la main, Hedwig lui fait sentir l’odeur des fleurs dans un moment paisible, une découverte des sens qui constituent notre sensibilité humaine. Ces images nous rappellent que le génocide de la Shoah a empêché toute une génération d’enfants assassiné·es de sentir avec insouciance l’arôme des fleurs et de goûter les fruits de la vie. Cette destruction de l’enfance innocente ne cesse de se reproduire avec les génocides en cours.
Encouragée par le Führer à habiter un espace vital afin de cultiver une végétation fertile et éduquer ses enfants, cette famille allemande représente le modèle type de la race aryenne. Lorsque le commandant Rudolf Höss annonce à son épouse Hedwig qu’il va être promu et devra quitter le camp d’Auschwitz pour celui d’Oranienburg, la réaction foudroyante d’Hedwig, qui refuse catégoriquement de quitter sa demeure, en dit long sur l’attachement à l’espace vital. Ce lieu domestique symbolise sa fierté personnelle en tant que mère de famille allemande. Il est nettement plus important que sa relation avec son mari, qui place la patrie et la nation avant tout.
Son profond attachement à cet espace évoque un élément crucial du darwinisme social et de la colonisation. Hedwig, qui incarne la suprématie blanche, est prête à se battre pour défendre sa nouvelle maison scintillante. En sécurisant ce foyer artificiel qui manifeste sa supériorité civilisationelle, elle défend l’idéal même de la nation et de la possession expansive des terres : son espace vital qui lui semble dû.
Un mur pour oublier la culpabilité de l’horreurEn se séparant physiquement et visiblement de l’horreur, la suprématie blanche se déresponsabilise de ses crimes contre l’humanité.
La Zone d’intérêt est une masterclass de mise en scène notamment par son traitement architectural de l’espace. On ne voit la vie que d’un côté du mur, celui des bourreaux et non, l’autre côté, celui des mort·es par millions de l’idéologie raciste nazie. Tant qu’il y a un mur de séparation, alors la famille Höss peut mener sa vie quotidienne sans soucis. En se séparant physiquement et visiblement de l’horreur, la suprématie blanche se déresponsabilise de ses crimes contre l’humanité. On retrouve cette dynamique entre la France et ses colonies, où la vie opulente de la bourgeoisie n’est possible qu’aux détriments de l’exploitation des industries capitalistes en terres colonisées. Pourtant, ce rapport de violence est caché de la population française, prenant place en outre-mer ou sur d’autres continents.
En évitant même de parler de cette histoire coloniale dans notre système éducatif, nous bâtissons des murs de vertu dans nos esprits qui nous permettent de maintenir une certaine distance bienveillante avec le mal que nous entreprenons. Ces murs symboliques sont stratégiquement mis en place par l’idéal nationaliste français afin de garantir un confort occidental et un attachement au style de vie français, sans aucune culpabilité pour la souffrance de l’autre côté des murs.
« Des juifs dans la maison ? » demande la mère d’Hedwig, choquée, lors de sa visite à sa fille, qui lui montre fièrement son domaine. Si des personnes juives se trouvent dans la maison Höss, elles sont évidemment domestiquées et traitées comme des subordonnées. On retrouve aujourd’hui dans nos sociétés européennes un traitement inégalitaire entre les habitant·es du foyer européen, et les réfugié·es et migrant·es provenant de pays lointains, souvent démuni·es sur leurs terres natales par l’impérialisme et la colonisation européenne. La nation occidentale considère uniquement ces personnes pour leur potentiel économique et leur labeur d’emplois ingrats. La maison dans La Zone d’intérêt évoque cette conception hiérarchique et capitaliste de la nation européenne, de plus en plus anti-immigration et ouvertement islamophobe.
On remarque aussi dans le film l’influence de l’entourage sur la psychologie des enfants allemands. Plusieurs séquences illustrent les deux frères en train de jouer aux soldats, en imitant des rôles militaires. Une scène en plein hiver nous dévoile l’amusement du grand frère qui enferme le petit frère contre son gré dans la serre du jardin. Cela pourrait sembler bon enfant si on n’était pas au courant de ce qui se déroulait derrière le mur du jardin. En réalité, il est terrifiant de voir que leur source de divertissement est de reproduire à échelle d’enfant les dynamiques de violence d’un génocide. Ils incarnent les jeunesses hitlériennes, endoctrinées dès le plus jeune âge à dominer en toute impunité.
Ce film est innovant sur son traitement de la mémoire de la Shoah car il ne fait pas que montrer les horreurs commises sur les Juif·ves, mais se focalise surtout sur les raisons pour lesquelles elles ont été commises: protéger la suprématie blanche et le modèle de famille bourgeoise au cœur de l’idéal de vie raciste du nazisme.
Afin de maintenir la pureté de la race aryenne, le fascisme nazi a souhaité exterminer toutes les races considérées inférieures et impures, dont la population juive. On remarque ce dégoût envers les Juif·ves dans la scène où Rudolf se nettoie le sexe après avoir violé une prisonnière juive dans son bureau. Toute fréquentation avec l’ennemi devient ignoble, une saleté à nettoyer, et, comme solution finale, à exterminer.
L’approche formelle du film, qui repose sur un minutieux travail sonore, nous suggère que l’horreur ne doit pas simplement être entendue, mais écoutée de manière active pour être comprise. Ainsi, ce film est innovant sur son traitement de la mémoire de la Shoah car il ne fait pas que montrer les horreurs commises sur les Juif·ves, mais se focalise surtout sur les raisons pour lesquelles elles ont été commises : protéger la suprématie blanche et le modèle de famille bourgeoise au cœur de l’idéal de vie raciste du nazisme.
Chaque bruit est un signe qui dévoile la véritable face de l’horreur humaine, et La Zone d’intérêt est un cri pour illustrer les dangers de cette horreur. Comme l’a exprimé son réalisateur Jonathan Glazer dans le magazine Rolling Stone, « ce n’est pas une leçon d’histoire, c’est un avertissement ». Pour que l’horreur ne se reproduise pas en boucle, ses mécanismes historiques doivent être rappelés, et ses manifestations actuelles dénoncées.
Déconstruire les murs : retrouver un intérêt pour la justice humaineAu lieu de perpétuer les cycles de violence, nous pouvons collectivement apprendre de l’histoire en prenant conscience du Lebensraum comme justification idéologique de la Shoah et de l’expansion territoriale.
Aujourd’hui, la France normalise l’idéologie d’extrême droite avec la loi immigration et des politiques islamophobes. Si l’on souhaite apercevoir un meilleur traitement des immigré·es et minorités, cela nécessite un démantèlement de l’idéologie même de la suprématie blanche, en luttant pour un changement structurel au niveau des institutions culturelles et étatiques. Au lieu de créer des murs de séparations pour s’aliéner dans l’entre-soi et exterminer les personnes dissidentes à la norme avec une indifférence silencieuse, nous pouvons dédier nos ressources à penser à des manières de vivre dans l’entente de la différence. En tant que personne juive qui porte les traumatismes intergénérationnels des pogroms antisémites envers les Juif·ves d’Europe de l’Est, je ne peux rester silencieux face aux structures de domination coloniale perpétrés par l’État israëlien en Palestine depuis maintenant 76 ans, et face au racisme d’État en France, dont les fondements remontent à la colonisation européenne. Au lieu de perpétuer les cycles de violence, nous pouvons collectivement apprendre de l’histoire en prenant conscience du Lebensraum comme justification idéologique de la Shoah et de l’expansion territoriale. Nous pouvons redéfinir notre vision du bien commun, en proposant un partage équitable des terres hors de la conceptualisation dominante de l’État-nation. Ayant grandi dans un pays colonisateur tel que la France, j’estime qu’il est de notre responsabilité collective et citoyenne de s’organiser pour bâtir une cohabitation bienveillante, sans hiérarchisation raciste, sans traitement inégalitaire, et sans extermination meurtrière. Après l’écoute, vient l’action – alors, la justice vaincra.
Relecture et édition : Benjamin Delaveau, Apolline Bazin et Léane Alestra
Images : © A24 / BAC Films
Cet article La Zone d’intérêt : à l’origine du mal, l’idéologie de l’espace vital provient de Manifesto XXI.
Le président Akufo-Addo a déclaré que son gouvernement ne prendrait aucune mesure concernant le projet de loi anti-LGBTQ+, récemment voté par le Parlement, jusqu'à ce que la Cour suprême se prononce sur un recours en suspens. Il pourrait donc renoncer à promulguer le texte face aux pressions économiques.
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Deux chercheurs viennent de publier une sociologie de l’icône de la pop française, qui fédère autour d’elle toute une communauté, notamment gay.
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Cet article Virginie Despentes, la menace Woke au théâtre provient de Manifesto XXI.
Du 12 au 16 mars à Lille, le Théâtre du Nord accueille Woke, la première pièce de théâtre co-écrite et mise en scène par Virginie Despentes. À dix jours de la première, on a lu les premières pages du texte, assisté à un après-midi de répétition : voici en exclusivité un aperçu de la pièce racontée par son autrice et sa troupe.L’affiche de Woke, signée Maïc Baxane, donne le ton : une hydre aux multiples têtes masculines, féminines, exultantes, piercées ou voilées, fait un cœur avec ses doigts au-dessus d’une boule disco. Côté casting, c’est un peu les Avengers du « wokistan » : la pièce est un texte inédit co-signé par Virginie Despentes, le philosophe Paul B. Preciado, les romancier·es Anne Pauly et Julien Delmaire. À la distribution, on retrouve des complices de longue date de Despentes dont le rappeur Casey et l’actrice Sasha Andres (Bye Bye Blondie) et de nouveaux visages comme l’acteur Félix Maritaud et l’artiste de cabaret Soa de Muse. De ce qu’on a pu voir de la création en cours, l’œuvre est à la fois tendre et mordante, dense (peut-être un peu trop ?), lucide mais pas fataliste. « Je ne sais pas si la pièce est bien, dit Virginie Despentes, mais je sais depuis le début, et en accord avec les autres, que ce qu’on veut, c’est que les gens n’en sortent pas abattus. On a compris qu’on était dans la merde, on va pas en rajouter. » Woke a beaucoup de choses à dire sur l’état de la France, mais s’il faut trouver un fil rouge pour raconter cet OVNI théâtral, c’est sans conteste la joie, comme technique de résistance et force de création, qui anime la troupe.
Au commencement était l’insulteWoke se construit sur une mise en abyme : on y voit se dérouler les discussions qui ont animé les auteur·ices de la pièce pendant sa conception. On suivra principalement les pérégrinations de leurs quatre personnages-avatars en quête d’espoir, et iels seront vite rejoints par leurs saboteurs intérieurs, sortes de Jiminy Cricket énervés. À l’origine de cette œuvre polyphonique, dont la bande son navigue entre le groupe punk Le Tigre et le rappeur Kendrick Lamar, il y a un désir d’aventure collective chez Virginie Despentes : « J’aime bien travailler en groupe. J’aime bien la solitude de l’écriture, mais j’aime aussi la rompre parfois. » Au cours de sa carrière, Virginie Despentes n’a participé qu’une fois à un atelier d’écriture… pendant le confinement, sur Zoom. Beaucoup moins réjouissant que de réunir trois ami·es à Lille pour écrire une pièce et filer une réflexion collective sur le rôle de l’écrivain·e, ses hauts et ses bas : « On a parlé de nos pratiques d’écriture, de nos projets, de nos problèmes d’édition. Parce qu’on est trois à être édité·es chez Grasset, il nous est arrivé des choses particulières à ce moment-là et [l’écriture de la pièce] était un espace pour en parler. » Dans un contexte réactionnaire, l’exposition publique de l’écrivain est encore plus rude. Ainsi, la pièce est rythmée par une série de trois interviews – menées par les comédien·nes élèves de l’École du Nord –, un florilège de questions et de micro-agressions réellement vécues par les auteurs et autrices de la pièce : « Est-ce que vous condamnez les violences ? / Ferez-vous traduire la pièce en africain ? / Est-ce que vous n’êtes pas devenu·e le porte-parole du califat queer qui colonise actuellement le service public ? / Ne serait-ce pas, à la fin, du fascisme à l’envers ?… »
© Maïc BaxaneNous avons une chose que les fachos n’ont pas, c’est l’humour. Et puis la créativité, la joie, le fait de ne pas se prendre au sérieux.
David Bobée
Alors Woke est-elle une réponse aux attaques des conservateurs de tous poils ? Non… mais un peu quand même. Ce titre est en fait arrivé assez tard, « par provoc » explique Virginie Despentes. « Ça a été une discussion parce qu’on ne se définit pas comme woke, mais à la fin, on est défini·es comme ça. On s’est dit qu’on était “wokisé·es” de facto. Maintenant, ça nous concerne comme insulte » résume-t-elle. Cette insulte, David Bobée, le directeur du Théâtre du Nord, la connaît bien lui aussi. Depuis sa prise de poste en 2021, les critiques à l’égard de ses engagements et choix de mise en scène font ruer dans les brancards les médias conservateurs. C’est lui qui a proposé à Virginie Despentes de devenir artiste associée de l’institution située sur la Grand’Place, les deux ayant déjà travaillé ensemble sur la série de lectures Virile. Dans la pénombre de la salle où il assiste à la répétition, il dit sa « fierté » de la voir mettre en scène son texte avec « la joyeuse bande » : « C’est pour moi une des pensées phares du XXIème siècle. En tout cas, elle m’a fait avancer et je pense qu’on est nombreux et nombreuses dans ce cas. Pour moi, elle a toujours un coup d’avance sur les questions féministes et progressistes. » Ce titre pied de nez l’amuse lui aussi : « Nous avons une chose que les fachos n’ont pas, c’est l’humour. Et puis la créativité, la joie, le fait de ne pas se prendre au sérieux. » Outre le fait que cette panique autour du wokisme est un non-sens théorique et historique, le metteur en scène relève que « c’est un vrai fantasme rampant, qui viendrait menacer une forme d’identité : les juifs et les bolchéviques hier, les islamo-gauchistes plus récemment… Les fachos aiment se faire peur. »
De là à passer à la mise en scène, qu’est-ce qui intéresse la romancière dans le langage du théâtre ? Travailler avec d’autres personnes, exactement comme quand elle a adapté deux de ses romans en films. Ces cinq dernières années, elle raconte avoir progressivement délaissé le cinéma, où de moins en moins de choses l’intéressent, au profit du théâtre où elle a découvert des créations audacieuses. « C’est un pack. Je trouve que le contrat est intéressant. Déjà, parce que le public théâtre, ça me surprend, mais il est ouvert à vachement plus de propositions. » Elle en fait le constat elle-même : « Je vois que je suis plus curieuse, patiente, ouverte, plus intéressante quand je vais au théâtre. » Un ensemble de paramètres qui font de l’expérience collective au théâtre l’endroit pour offrir une forme de réconfort au public ou au moins « cette sensation quand même très importante de la culture, que tu n’es pas seul·e à voir les choses comme tu les vois. »
Les artistes qui collaborent sur cette création semblent en tout cas avoir réussi à créer un groupe soudé en peu de temps. « C’est une chose qui me touche beaucoup cette confiance dans la rencontre » raconte Mascare, artiste de cabaret. « Parce que c’est jamais gagné ça, et là y’a un plaisir et une malice à se retrouver. Je crois que la malice en général c’est ce qui me fait me sentir le plus en vie. » La veille de notre visite, toute la troupe a fêté l’anniversaire de Mata Gabin. Sur le plateau du Théâtre du Nord, l’ambiance est studieuse et euphorique. Ça rigole beaucoup, ça parle d’avoir des super-pouvoirs, quelqu’un propose des séances de reiki individuelles et tout le monde appelle Casey en chœur pour commencer la répétition. Alors il leur fait quoi ce texte aux interprètes ?
Inverser le rapport de forceTout ce texte, c’est comme un refuge, en fait.
Félix Maritaud
« Ce que j’aime dans la pièce, c’est qu’on parle de tout. Tout le monde en prend plein la gueule d’une certaine manière » expose Soa de Muse tout de go. La queen de la première saison de Drag Race France souligne aussi la volonté « d’expliquer comment bien faire » des auteur·ices. Il est vrai que les thèmes ne manquent pas avec les Quatre Fantastiques réuni·es à l’écriture. Woke évoque aussi bien l’histoire de l’esclavage que les Gilets jaunes, et la panique morale transphobe. Comment la violence nous traverse et qu’en faire. Le statut d’écrivain, qui plus est reconnu, est un endroit de privilège, Virginie Despentes en a conscience. Il y a un défi dans l’intention de livrer la partie de soi et son art, tout en voulant faire écho aux problèmes d’autrui. « Tout ce texte, c’est comme un refuge, en fait. Quand je l’ai lu la première fois, ça m’a fait “Waouh !”. J’ai eu envie que tous mes copains, copines, copaines et adelphes le reçoivent, raconte Félix Maritaud. C’est comme un endroit où iels ont le droit de s’exprimer, où leurs paroles sont câlinées et prises en compte. Ça veut dire aussi soumises à une critique. »
On a besoin, à un moment, d’imposer de la légèreté.
Soraya Garlenq
La pièce s’ouvre sur une scène choc, une proposition d’un personnage-auteur qui ne convient pas aux autres. Autour d’une grande table, iels argumentent qui pour, qui contre. Ce n’est sans doute pas ce à quoi s’attendent les détracteurs des « wokes », mais la pièce valorise le débat, ce qui en fait un point fort pour Félix Maritaud : « Dans ce dialogue, il y a un espoir, parce qu’on n’a plus l’habitude d’idées contradictoires qui peuvent communiquer. » Il est vrai que dans le paysage médiatique, les bonnes discussions semblent remonter à la Préhistoire, une ère lointaine pré-CNews. Mais l’incapacité à débattre et à s’écouter ne concerne pas que les réacs, et le miroir est tendu à toustes.
Soraya Garlenq et Félix Maritaud © Romy Alizée
« Ce que je trouve beau dans cette pièce, c’est qu’on sait d’où on parle et qui parle. Et ça, c’est tellement important… Parfois, dans le théâtre, la parole est empruntée », résume Soraya Garlenq qui incarne un personnage lesbien badass. Woke fait bien la part belle à des vécus et représentations minoritaires, toujours avec humour. « On a besoin, à un moment, d’imposer de la légèreté, d’imposer cette réalité-là qui existe aussi dans nos espaces. On en a besoin même dans nos militances. Parce qu’elle est importante. C’est ce qui nous ressource », poursuit la comédienne. Les plateaux composés de personnes queers et racisées sont encore trop rares au théâtre. Woke est l’occasion d’une réflexion sur ce fameux terme de minorité. Évoquant le droit à la complexité pour toustes et l’enchevêtrement de vécus, Soraya est formelle : « On est plus nombreux·ses que la majorité. La majorité n’existe pas. » Seul homme cisgenre sur le plateau, Félix Maritaud fait un travail spécial pour cette pièce, celui d’incarner le personnage le plus normie : « Créer un archétype d’homme blanc qui serait la minorité d’un espace, c’est rafraîchissant, en fait. » Les deux comédien·nes sont convaincus que l’avancée des idées progressistes est inexorable, quitte à invoquer aussi le mouvement des planètes qui travaille dans le sens d’une révolution !
J’avais envie de travailler avec des gens qui voient ce que c’est quand ils disent que la précarité, c’est humiliant. Que c’est une terreur.
Virginie Despentes
Outre Pluton et corps célestes en action, la grande force révolutionnaire au centre du propos de Woke, c’est l’amour, une idée qu’on connaît bien à Manifesto XXI. Pour enfoncer le clou, en fond d’une scène, on peut lire « Antifa love » en grandes lettres rouges un peu kitsch. Un message qui résonne auprès de David Bobée : « Ce qui peut le plus faire peur aux fachos, c’est qu’on les aime quand même. » Mais n’est-ce pas un peu idéaliste quand la menace est réelle ? « On en a besoin, comme on a besoin que les médias arrêtent de jouer aux souffleurs de braise, que les politiques calment leur positions partisanes et électoralistes où ils tendent à s’auto-radicaliser et se faire plus stupides qu’ils ne le sont… » En somme, chacun·e son rôle. Il conclut : « On a tous un travail pour arrêter d’être des connards. La culture ne pourra pas tout, ce qui est sûr c’est qu’elle ouvre des voies et qu’elle a une puissance symbolique qui va bien au-delà des murs de ce théâtre et des cinq cents personnes par soir qui feront la pièce. »
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Woke est une œuvre queer. Mais lors du casting, un autre critère compte particulièrement aux yeux de Virginie Despentes : « C’était aussi important pour moi que tous les gens qui sont sur scène et qui vont parler d’argent puissent le faire d’une façon qui me semblait crédible et sincère. » La classe est un des thèmes forts qui traverse sa langue et son œuvre, comme celle d’Anne Pauly et Julien Delmaire. « J’avais envie de travailler avec des gens qui voient ce que c’est quand ils disent que la précarité, c’est humiliant. Que c’est une terreur. »
C’est ça, la cancel culture. C’est le moment où tu as un pouvoir financier qui dit : “Vous n’existez pas et vous n’avez pas voix au chapitre.”
Félix Maritaud
Au début du projet de la pièce, une connaissance de Virginie Despentes lui reproche de « prendre une place » qui pourrait revenir à un·e auteur·ice issu·e du théâtre public. Une critique que la romancière balaye en faisant les comptes : à part pour Bye Bye Blondie où elle a touché une aide du CNC, elle n’a jamais bénéficié d’aides à la création. « Je me suis dit : ouais, c’est cool, cette vie dans laquelle on pourrait faire ce genre de pièces avec de l’argent public. » D’autant qu’à force de coupes et de financiarisation, l’autrice est convaincue que les financements publics de la culture vont bientôt disparaître : « C’est sûrement la dernière décennie où ça peut m’arriver. »
Virginie Despentes © Romy Alizée
En dehors de la bulle Woke, il reste bien fort à faire pour améliorer les représentations et conditions de travail des comédien·nes LGBT. En marge de la répétition, quand on évoque la prise de parole de Muriel Robin sur le plateau de Quelle époque !, Soraya Garlenq relève d’abord le manque de représentations des vécus queers dans leur complexité, « une première souffrance », mais le sujet s’étend bien au-delà, dans les critères qui sont posés par l’industrie du cinéma dès l’étape du casting : « On va valider ceci ou invalider cela, parce que plus haut, c’est les gens qui ont de l’argent qui décident. » Le rapport financier qui joue aussi pour la distribution des œuvres queers. Félix Maritaud évoque les difficultés de nombreux films à susciter l’intérêt de distributeurs français qui les refusent : « C’est ça, la cancel culture. C’est le moment où tu as un pouvoir financier qui dit : “Vous n’existez pas et vous n’avez pas voix au chapitre. On ne peut même pas vous donner de la nourriture pour que vous existiez parce que vous ne pesez rien.” »
Cette thématique de l’argent fait ressortir le volet économique de la guerre culturelle faite aux « wokes ». Les réacs, « les méchants » comme elle les appelle avec ironie, « ils ont beaucoup d’argent. En face, on n’en a pas. » Virginie Despentes estime que de nombreuses personnes ont sous-estimé l’ampleur du projet réactionnaire. « C’est Dustan qui disait avant de mourir : “On voit tout le temps des choses qui semblent complètement impossibles, qui deviennent complètement normales.” J’ai l’impression que c’est ça tout le temps : le gouvernement, Macron, Darmanin, la télévision… » Plus qu’un abattement, elle dit ressentir « un effarement », notamment face au traitement politique et médiatique du génocide palestinien. Dans ce contexte, l’art de la joie est une pratique exigeante. Qu’est-ce qui apporte de la joie militante à Virginie Despentes au quotidien ? Première réponse, sans hésiter, sa chienne. Deuxième réponse, aller en Espagne où l’ambiance militante est moins morose, et enfin lire les Sud-Américain·es, « parce qu’ils sont vraiment moins dans une dépression politique ». Elle précise : « Ça m’apporte peut-être pas de joie mais plutôt une confiance qui dit qu’en fait on n’est pas condamné·es à être dans le désarroi à ce point-là. »
Dernière ligne droite« Le jeu est une donnée importante à convoquer quand on se sent en perte de courage », relève avec sagesse Mascare, qui incarne un personnage crucial pour la résolution de la pièce. C’est en se rendant au cabaret La Bouche, que Mascare a co-fondé avec Soa de Muse et deux autres artistes, que Virginie Despentes a découvert ses talents de MC. Pour donner vie à Woke, elle a également observé le travail de Rébecca Chaillon, beaucoup discuté avec Vimala Pons et Vincent Macaigne qui a été « vachement généreux » dans ses conseils. Des références de théâtre public que l’autrice admire, mais dont il serait bien difficile de dire qu’elle s’est inspirée. « Ces trois-là sont tellement impliqué·es dans ce que c’est que le théâtre, que je ne me dis pas que je vais appliquer la même méthode parce que je crois que ça ne produirait pas exactement le même résultat » reconnaît-elle en riant. Le temps de répétition limité fait partie du challenge : quatre semaines seulement pour une première mise en scène avec plus de dix comédien·nes sur scène, c’est chaud.
Mascare © Romy Alizée
Et comment ça se passe les coupes dans le texte ? Le quatuor a fait un pacte, Virginie est seule responsable de la mise en scène. Elle a promis de les tenir au courant mais, rattrapée par la réalité du travail, « en fait, je leur envoie trois photos de temps en temps. Et des bisous, quoi » dit-elle en blaguant. « Là je n’ai plus de temps… Là, c’est… Poussez-vous, il faut que je passe. » Quelques coupes ont surpris ses collègues, elle tempère, veillant à travailler dans le respect de l’œuvre commune tout en prenant en compte les retours de sa troupe. « Maintenant que je mets en scène, je me rends compte que c’est une discipline qu’on ne maîtrisait pas bien, aucun·e d’entre nous » constate-t-elle. Ça fait partie du jeu, un challenge auquel peu d’autres grand·es écrivain·es contemporain·es se risquent. Elle conclut : « La pièce nous ressemble à tous les quatre. Mais seule, j’aurais pas écrit ça, c’est sûr, et je crois qu’aucun·e d’entre nous non plus. Moi, je suis contente pour le moment. »
Sa troupe lui reconnaît son sens de l’écoute et sa capacité à adapter sa mise en scène sans ego. Dans la dernière ligne droite, il reste mille et un détails à régler. La metteuse en scène cherche la disposition idéale pour la grande tirade de Mascare. Une grande lettre W est amenée pour servir de promontoire. Le symbole est cocasse, mais l’option semble un peu casse-gueule. « L’endroit où on a le plus besoin de travailler maintenant, c’est la conscience du public et de l’espace » relève Soa, qui conclut optimiste : « On a hâte de déconstruire la vision du théâtre, s’enjouer et foutre un peu le bordel. » Comme nous on a hâte de voir cette pièce tourner pour rencontrer le public qui a besoin de cette œuvre. Pour qu’adviennent des majorités alternatives, au moins le temps d’une représentation.
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Relecture et édition : Sarah Diep et Léane Alestra
Photos dans l’article : © Romy Alizée, pour Manifesto XXI
Artwork en couverture : Léane Alestra
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Les députés ont adopté à l'unanimité, en première lecture, mercredi 6 mars 2024, la proposition de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité, sur le fondement d'anciennes lois discriminatoires.
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Le tribunal de Padoue, près de Venise, a rejeté une requête du parquet qui contestait les actes de naissance d'une trentaine d'enfants de couples lesbiens, pour ne reconnaître que leur mère biologique.
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A l'initiative du Global Black Gay Men Connect, une pré-conférence portant le renforcement de la prévention contre le VIH/SIDA, à destination des publics issus de l'immigration, se tiendra à Munich en Allemagne, le 20 juillet prochain, quelques jours avant la 25ème conférence internationale de lutte contre le sida.
Des bourses sont offertes pour y participer, auprès des personnes concernées et intéressées.
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Du 4 au 10 mars, c’est la Semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose, une maladie chronique qui touche aussi les personnes queer ayant un utérus. Sauf qu’elles sont souvent plus éloignées du soin en gynécologie et ne bénéficient pas de l’information et du soin dont elles auraient besoin.
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Les deux hommes, en couple depuis 20 ans, se sont unis à l'hôtel de ville de Nea Smyrni, une banlieue du sud d'Athènes, ce samedi 2 mars. Un nouveau moment historique pour le pays qui a tout récemment légalisé la mariage et l'adoption pour tou.te.s.
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Les députés et sénateurs français, réunis en Congrès à Versailles, ont voté ce lundi 4 mars, par 780 voix contre 72 et 50 abstentions, l’inscription de « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG) » dans l’article 34 de la Loi fondamentale.
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Un jeune homme de 20 ans a été condamné à une peine de huit mois de prison avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve pour des violences exercées à l'encontre du coordinateur du centre LGBTQIA+ de Nice, également vandalisé.
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Pour moi, le respect est très important. Mais mes amis gays s’expriment parfois de manière
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L'Alliance Police Nationale, principal syndicat des policiers, a désigné Alain Parmentier comme référent national LGBTQI+ en octobre 2023. Interrogé à ce sujet, il nous a exprimés sa volonté d'appliquer leur slogan, « Agir pour ne pas subir », à la lutte contre les LGBTphobies.
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Si certains états ont récemment opté pour la dépénalisation, ces dernières années ont surtout été marquées par une flambée de lois discriminatoires à l’égard des personnes LGBT+ sur le continent africain.
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En 2022, la Suisse a mis quatre mois de plus que ses voisins à lancer la vaccination contre la variole du singe (Mpox), laissant en plan une communauté gay durement touchée. Un média alémanique a étudié les causes de ce raté.
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Cet article Magazine Julie : hommage à la presse qui prend soin des jeunes filles provient de Manifesto XXI.
Consacré aux jeunes filles âgées d’entre 10 et 14 ans, le magazine Julie a fêté ses 25 ans l’année dernière. On l’a feuilleté ou lu avec assiduité, on y a en tout cas trouvé un espace dont on se souvient avec tendresse. Et puis, alors que les chiffres révèlent un mal-être croissant chez les préadolescentes, on s’est demandé comment ça avait évolué avec #MeToo, Internet, l’époque ?Le constat est alarmant, les jeunes filles ne vont pas bien : il y a même « urgence » selon cette enquête de Mediapart qui cite une étude de la Dress faisant état de +63% de scarifications ou tentatives de suicide chez les jeunes filles entre 10 et 14 ans. Comment répondre au mal-être des ados ? Leur vulnérabilité est au cœur de l’actualité. Avec l’exposition des abus subis par Judith Godrèche, sous l’emprise du réalisateur Benoît Jacquot, la société est amenée à remettre en question le regard qu’elle porte sur les jeunes filles.
Sur une note beaucoup plus légère, en début d’année un vent de panique a soufflé dans le monde sucré des TikTokeuses beauté : impossible d’aller à Sephora sans être assaillie par une horde de petites filles de 10 ans qui se battent pour des produits skin care… Mais pourquoi serait-ce si gênant de partager son espace avec des pré-adolescentes ? Certaines ont plutôt été prises de nostalgie en repensant à leurs anciennes virées à Claire’s et à leurs après-midi passées à lire Star Club. Et évoquent des regrets face à ces espaces de liberté pour jeunes filles qui n’existeraient plus aujourd’hui… Vraiment ? La peau (hydratée) de l’ours a peut-être été vendue trop vite…
En 2019, l’ancienne rédac-chef de Sciences et Vie Junior lance le magazine Tchika, le présentant comme le premier magazine « d’empowerment » pour petites filles, en opposition aux autres magazines « plein de rose, de paillettes, parlant surtout de mode et de beauté ». Un beau projet… Et intéressant d’un point de vue marketing, à une époque où l’éducation non-genrée devient à la mode. Mais parler du premier magazine français d’empowerment est un peu rapide quand le magazine Julie existe depuis maintenant 25 ans. Créé par le groupe Milan, le magazine est à mi-chemin entre une version enfantine de Elle et un pendant féminin de magazines comme Astrapi, créé par la presse catholique.
La presse pour jeune fille, ce n’est pas vraiment une nouveauté. Dès 1905, l’hebdomadaire La Semaine de Suzette proposait déjà des histoires, des BDs et des conseils aux jeunes filles de la bonne société. Toutefois dans la fin des années 1990 qui a vu naître Julie, l’époque n’est plus tout à fait la même. La “femme libérée” est abonnée à Marie-Claire mais Alizée est sur le point de ré-introduire la figure de « Lolita » dans les mœurs et dans la mode.
Alors comment parle un magazine pour petites filles en 1998 ? Tout d’abord en les écoutant principalement. Alors que des termes comme « empowerment » et « sororité » ne font même pas encore partie du vocabulaire des Français·es, le but principal du magazine Julie à cette époque est de répondre aux interrogations des petites filles.
« On voulait faire un magazine qui donne un peu les conseils d’une grande sœur, qui parle aux petites filles de tous les sujets qui les préoccupait, même les plus intimes » ré-affirme Charlotte Villez, rédactrice chez Julie de 2006 à 2010. Le cœur du magazine est la rubrique « Confidences » aka le courrier des lectrices, qui met au centre des sujets comme la puberté, l’amour et la famille.
On pourrait critiquer cette formule de départ du magazine qui laisse la part belle à des sujets assez stéréotypiquement féminin : l’apparence et les relations sociales. Mais ce serait oublier d’une part le manque d’informations sur ces sujets pour les jeunes filles à l’époque : comme aujourd’hui, les cours d’éducation sexuelle étaient loins d’être à la hauteur de l’enjeu ; et d’autre part la concurrence était surtout occupée par la presse catholique, qui dans le meilleur des cas éludait ces sujets et dans le pire, propageait un discours conservateur, comme via le fameux Dico des Filles qui a bien mal vieilli.
Même si le terme « féministe » n’était pas directement employé, l’envie d’encourager les filles et de les pousser en-dehors des carcans était déjà là d’après Charlotte Villez : « On a toujours voulu montrer des portraits de femmes dans des métiers originaux, à des endroits on en aurait plutôt attendu un homme. »
L’ambition de l’équipe du magazine était de montrer que les filles ont autant le droit de rêver d’être pilote d’avion que d’être puéricultrice, et de lever les tabous et auto censures sur les métiers réputés « masculins ».
Mais comme nous sommes tout de même dans les années 2000 et que la concurrence avec les autres titres de presse pour jeunes filles fait encore rage, on trouve aussi des articles plus typiques d’un féminin, comme la mode qui a une grande place dans la formule des débuts. C’est là que l’imitation des magazines adultes est la plus flagrante, avec des vrais shootings de mode, parfois même réalisés à l’étranger. Un sujet qui a toujours été un peu épineux d’après Charlotte Villez : « On s’est toujours posé des questions sur cette rubrique : la mode a une place bien moindre dans la formule actuelle. Mais on ne voulait pas éluder le sujet complètement car cela intéresse beaucoup les lectrices. »
Nous sommes dans l’ère des « pop girls » trés féminines, on achète encore des posters, des CDs, la France s’arrête à chaque finale de la Star Academy : c’est l’âge d’or de Stars Club et de tous les magazines qui proposent des affiches et des paroles de chanson. C’est à cette concurrence que Julie doit faire face.
Parler aux filles sans en faire des lolitas ; assumer d’être un féminin sans aller dans les clichés, voilà l’équilibre que Julie a dû maintenir pour faire durer le titre jusqu’à aujourd’hui. Le magazine a évidemment connu plusieurs formules depuis ses débuts. La fin des années 2010 marquent un premier tournant : #MeToo change les discours, les pop-stars et l’hyper féminité font moins recette, on commence aussi à parler de body positivity et d’empowerment féminin. Julie change son fusil d’épaule : fini les starlettes et les shootings de mode. Le magazine mettra désormais les récits de femmes puissantes en avant et donnera de l’ambition aux jeunes filles.
Mais alors que tous les ingrédients étaient là, la sauce ne prend pas et les ventes du magazine chutent. Après enquête, l’équipe du magazine fait un constat : les jeunes filles ont de telles insécurités liées à leurs corps et à la puberté qu’elles n’arrivent pas à se projeter dans une lutte politique. Pascale Garés, rédactrice en cheffe actuelle de Julie, insiste beaucoup sur ce besoin de sécurité des lectrices : « Ce qu’elles voulaient c’était comprendre ce qui leur arrivait et qu’on les rassure sur leur normalité (si tant est que la normalité existe). Elles ne peuvent pas se lancer dans le monde et dans le combat féministe sans ça. »
Charlotte Villez quant à elle s’interroge sur la place des jeunes dans un débat politique mené par des adultes : « On demande beaucoup de maturité et de recul à des filles très jeunes. On voudrait qu’elles soient déjà hyper engagées et conscientes mais c’est nous les adultes qui projetons nos combats sur elles. »
10-14 ans c’est encore un petit peu tôt pour admirer Frida Khalo ou Sylvia Plath. Dans une société qui les bombarde plus que jamais d’image de femmes, le constat est là: en 2024, les jeunes lectrices luttent encore pour bien vivre avec leurs corps et leurs changements.
C’est là que le magazine Julie trouve sa force et fait d’elle encore une valeur sûre aujourd’hui : dans une société qui réussit à la fois à les infantiliser et à les sexualiser précocement, le magazine rassure, crée un safe space et initie ses jeunes lectrices à la sororité.
Captures d’écran du blog « Service d’urgence » de Julie
Cela fonctionne aussi parce que Julie n’est pas uniquement un magazine, mais aussi une communauté en ligne depuis 2006 avec la création du forum en ligne « Folili » puis du blog « Service d’urgence » qui permet aux jeunes filles de s’entraider sur les problèmes qu’elles rencontrent. Sur ces plateformes, les lectrices s’auto-gèrent et reproduisent l’esprit de bienveillance et de sororité du magazine, ce dont se félicite Pascale Garés : « Les lectrices se gèrent entre elles sur beaucoup de sujets ! (…) C’est bien qu’elles se rendent compte qu’elles sont aussi capables de régler leurs problèmes entre elles sans adultes. »
En cela nous devrions tous prendre exemple sur ces jeunes filles: elles réussissent à faire fonctionner une communauté d’entraide sereinement et sans shitstorm. Un exploit dont peu d’adultes peuvent se targuer aujourd’hui… La lectrice Julie de 2024 n’est peut être pas encore prête à coller des affiches la nuit et à manifester mais il y a une chose qu’elle a comprise peut-être mieux que nous : le vrai sens du soutien entre paires.
Mais la lectrice du magazine Julie d’aujourd’hui a aussi changé de ses prédecesseuses sur un autre point: elle tombe beaucoup moins dans le piège de l’hétérosexualité compulsive. La jeune fille de 2024 n’est plus autant dans la quête perpétuelle du garçon idéal, comme le constate Pascale Garés : « Nous recevons des questions qui sont nouvelles mais on remarque une constante : la volonté des lectrices de se conformer à un modèle. Or il se trouve que ce modèle a changé et qu’aujourd’hui, il n’est plus hétéronormé. »
Les conseils donnés aux filles les aident aussi à apprécier la liberté et l’étendue des découvertes que leur offre cette période de leur vie. L’envie de voir la beauté et non le danger dans la liberté des adolescentes : c’est ce qui fait la nécessite de raconter l’histoire d’un magazine pour « gamines » dans un média queer et féministe en 2024. Parce que l’on ne peut pas espérer élever une nouvelle génération de féministes en ne s’intéressant pas aux problèmes de l’enfance et de l’éducation ; parce que les jeunes filles sont les premières victimes des violences, qu’elles soient sexuelles, symboliques, psychologiques ; parce que l’apprentissage de la sororité ne commencera jamais assez tôt ; parce que le corps des jeunes filles est un terrain de combat que nous ne pouvons pas abandonner aux réformistes et aux conservateurs.
Aussi parce que les jeunes filles, loin d’être futiles et imbéciles, ont aussi des choses à nous apprendre, sur nous-mêmes et sur les modèles que nous voulons être.
En cela, écrire pour les ados n’est ni dérisoire, ni facile : c’est un défi et un devoir et Julie s’acquitte toujours de cette mission avec conscience et passion.
Relecture et édition : Apolline Bazin
Cet article Magazine Julie : hommage à la presse qui prend soin des jeunes filles provient de Manifesto XXI.
Les députés ghanéens ont adopté à l’unanimité un projet de loi élargissant le champ des sanctions pénales à l'encontre des personnes LGBT+ et de leurs alliés, ainsi que la promotion et le financement d'activités liées.
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Les députés tchèques ont refusé de légaliser le mariage entre personnes de même sexe, optant toutefois pour l'élargissement des droits légaux des couples à travers un partenariat civil, déjà autorisé depuis 2006, mais sans autorisation d’adopter.
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Les députés sont revenus sur plusieurs modifications votées par les sénateurs, rétablissant notamment le volet « indemnisations » prévu par le texte initial, ainsi que le périmètre temporel du texte.
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Pour mieux se faire entendre des institutions cantonales, la romande Alpagai et l'alémanique QueerWallis préparent leur mariage.
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Les sénateurs ont largement approuvé, mercredi 28 février, l’inscription dans la Constitution de « la liberté garantie » des femmes « d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse », dans les mêmes termes que l’Assemblée.
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Le 15 février dernier, la Grèce a légalisé le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe au grand dam des religieux qui réclament l'abrogation de la loi, menaçant notamment d'excommunier les parlementaires qui ont « comploté avec le diable » en votant favorablement.
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Dans 20’000 espèces d'abeilles, la réalisatrice espagnole Estibaliz Urresola Solaguren se penche (un rien longuement) sur une identité de genre en éveil. Avec sensibilité, subtilité et intelligence.
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Le gouvernement biélorusse a annoncé l'examen d'une proposition de loi visant à sanctionner la « promotion des relations familiales non traditionnelles », à l'instar de la Russie voisine pour restreindre l'exercice des libertés individuelles tout en réduisant au silence une communauté déjà marginalisée.
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La nouvelle série d'événements proposés par le Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités de l’Université de Genève, «Nus artistiques, nus politiques» s'ouvre ce mercredi avec une conférence abordant les transidentités au Moyen-Âge.
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Le Coco Loko, établissement LGBT friendly de Bordeaux, est depuis le mois de décembre dernier sous pression d’un voisinage raciste et homophobe qui, après avoir tagué d’injures son hall d’entrée, pourtant privé et sécurisé, uniquement accessible aux résidents de l’immeuble donc, menace le gérant, « s’il ne change pas d’activité et surtout de clientèle ». […]
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Papacito est convoqué ce 28 février 2024 devant le Tribunal judiciaire de Paris pour la diffusion de deux vidéos homophobes qui ont déclenché une vague de violences à l’encontre de Christian Eurgal, maire de Montjoi.
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2010, 2017... et voilà 2024! Pour la troisième fois, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, en collaboration avec divers instituts scientifiques et organisations nationales, lance son enquête EMIS.
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Réagissant à la nomination de Gabriel Attal à Matignon, le polémiste avait notamment estimé « impossible de confier les responsabilités d’un pays, d’un gouvernement à une personne faisant partie de la communauté homosexuelle », dans une interview au Média97+. Des propos constituant une violation flagrante de la loi réprimant la provocation publique à la haine ou à la violence homophobe.
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Neuf hommes, jugés « d'apparence féminine », ont été battus, humiliés et placés en garde à vue, ce 17 février, lors d'une descente de police dans un établissement culturel qui accueillait une « soirée inclusive » et donc trop controverse pour les autorités qui ont interdit l'événement.
L’article Russie : Neuf participants à une « soirée inclusive » arrêtés pour « diffusion de propagande LGBT » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Cette année, Les Printemps de Sévelin s'ouvrent sur Atlas Da Boca, pétulant duo pour deux corps trans* de la chorégraphe et danseuse brésilienne Gaya de Medeiros. Interview.
L’article «Il suffit d’un petit geste pour faire vaciller toute la masculinité» est apparu en premier sur 360°.
Deux jeunes de 17 et 20 ans ont été interpellés et placés garde à vue ce 18 février, suspectés de la dégradation de la vitrine du centre, taguée d'injures homophobes.
L’article Le centre LGBTQIA+ de Nice tagué d’insultes homophobes : deux suspects en garde à vue est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Mon ami perd souvent le contrôle de lui-même pendant les rapports sexuels et me fait
L’article Excité au point de faire mal est apparu en premier sur 360°.
Admiral T, artiste de dancehall homophobe et de murder music notoire aux Antilles, continue de tirer des droits d'auteur auprès de la Sacem depuis 20 ans pour une chanson où il présente les homosexuels comme un fléau social. Pourtant depuis 2013, une école primaire porte son nom en Guadeloupe, sans réaction des services de l'Education Nationale.
L’article Guadeloupe : L’île n’en a pas fini de l’héritage homophobe de la « murder music » d’Admiral T (alias Campbell Christy) est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Cet article Joanna, de l’ombre de la dépression à la lumière de la guérison provient de Manifesto XXI.
Tout est dans le titre, WHERE’S THE LIGHT ? Pour son deuxième album, Joanna a composé à partir de la douloureuse expérience d’une dépression. L’artiste en est revenue, et avec un des plus beaux disques de l’hiver. Entretien.C’est une renaissance pleine de grâce et d’audace. Du RnB langoureux et fantasmagorique de Sérotonine (son premier LP), Joanna a évolué vers une large palette de sonorités électroniques. Les morceaux de WHERE’S THE LIGHT ?, soutenus par des passages techno ou des arrangements hyperpop, alternent harmonieusement avec les notes d’un piano mélancolique (« L’ORAGE N’A JAMAIS AUSSI FORT »). A sa façon, chaque chanson raconte le combat pour se reconnecter à l’envie de vivre (« FIGHTING »). Ces compositions riches de contraste ont une saveur particulière, puisque c’est la première fois que Joanna produit ses morceaux elle-même. Côté texte, une poésie de la résurrection se déploie sans éluder « ses démons » comme elle les appelle et les larmes si nombreuses qui ont coulé. Joanna parle toujours de sexe, de sensualité, d’un amour impératif puisque que demain tout peut s’achever (« APOCALYPSE »). Surtout, la chanteuse révèle une voix cristalline et envoûtante. Depuis notre dernière rencontre en 2019, nous avions donc beaucoup à nous dire. Joanna nous a parlé de ballades en forêt, de traumas, condition d’artiste indépendante et de catharsis.
Manifesto XXI – Cet album est un virage esthétique par rapport à ton premier. Je sais que tu crées beaucoup à partir du visuel, alors quel était ton moodboard pour la création de ce disque ? Quelles ont été tes sources d’inspiration ? Ta technique vocale a évolué aussi.
Joanna : Un élément important c’est que j’ai pris des cours de chant quand j’ai tenté l’Eurovision. Ça m’a permis de rencontrer mon potentiel vocal et je l’ai exploité quand j’ai commencé à écrire l’album. En parallèle j’ai passé beaucoup de temps dans la nature, particulièrement dans la forêt et ça a ouvert un truc en moi. C’est comme si, avec ma voix, j’allais chercher les profondeurs des bois. Ce sont les deux choses qui ont donné la couleur de l’album, cette envie d’aller très loin et d’observer des détails, comme pour méditer. J’ai aussi été très inspirée par la technique vocale de Caroline Polachek. Dans sa manière d’en parler en interview, j’ai senti sa passion pour le sujet et ça m’a inspirée. Dans les images je n’avais pas vraiment de référence consciente.
Quand tu es dans la nature et que tu prends le temps d’observer, grâce à la beauté des choses tout devient plus léger.
Joanna
Cet album parle de dépression, un épisode de maladie que tu as traversé. Où est-ce qu’on trouve des lueurs d’espoirs quand on a du mal à voir la lumière au bout du tunnel ?
Dans la forêt, le temps s’arrête. Quand tu te rends compte que le temps est une affaire de perception, dans le sens où chaque chose à sa temporalité, ça permet de sortir de l’urgence et de l’impatience, de toutes ces choses qu’on peut ressentir quand on est en ville. Quand ça ne va pas et qu’on a des attentes. Quand tu es dans la nature et que tu prends le temps d’observer, grâce à la beauté des choses tout devient plus léger. C’est là que tu trouves ton propre temps à toi, et que tu peux admettre que tu ne vas pas bien, que tu peux prendre le temps de guérir.
Tu es passée par de la déconnexion aussi ?
Oui bien sûr. Quand ça allait un peu mieux, j’ai pris une semaine toute seule en résidence pour me remettre dans l’album et je n’allais plus sur Insta. Je n’ai parlé à personne pendant 5 jours et c’est comme si j’avais reboot quelque chose. Je me suis retrouvée moi-même, et avec, la musique que j’ai envie de faire. C’est là que j’ai commencé à faire des prods, c’était comme un nouveau départ. Je pense que je n’avais pas eu de temps seule depuis très longtemps, peut-être parce que ça me faisait peur. C’est bateau dit comme ça mais il faut avoir du temps pour soi.
Je pense [que derrière ce changement] il y a un petit rejet de l’industrie de la musique. J’avais envie d’aller contre tout ce qui m’a fait du mal.
Joanna
Entre le premier et le deuxième album, tu passes d’une couleur RnB à des sonorités électro, voire techno assez marquées. Qu’est-ce que ça veut dire pour toi d’avoir trouvé plus de réconfort dans ces sonorités ?
Il y a deux choses. D’abord je me suis cherchée et c’est à travers le rap que j’ai repris l’écriture. Ça m’a beaucoup aidée à travailler ma poésie, et à partir du moment où j’ai repris l’écriture, mon entourage a changé et je me suis retrouvée plus proche .
Après j’ai toujours été un peu frustrée par les productions que j’ai depuis le début parce que j’étais un peu dépendante des personnes avec qui je travaillais et je n’avais jamais vraiment touché ce que je voulais musicalement. Quand j’ai pris confiance en moi et que j’ai fait le pas d’écrire mes compos, je suis retournée à ce que j’aime profondément. J’écoutais beaucoup de musique électronique ado. Autour de 13 ans, j’ai découvert l’ambient sur soundcloud, et c’est une scène qui m’a toujours porté. Je pense [que derrière ce changement] il y a un petit rejet de l’industrie de la musique. J’avais envie d’aller contre tout ce qui m’a fait du mal.
Qu’est-ce qui t’a fait du mal ?
Le fait de ne pas forcément avoir ma place en studio. Même si j’ai eu de la chance et que je ne me suis jamais vraiment marché dessus, j’ai toujours dû suivre l’avis d’un mec. J’ai été assez influencée, dans le sens où… comment dire ? J’ai toujours fait ce que je voulais faire, mais jamais exactement comme je le voulais. C’est une question de circonstances, et là j’avais vraiment envie d’écouter mon cœur, de trouver les accords qui me touchent vraiment et écrire à partir de ça, explorer. Avant je n’avais pas le temps pour ça, fallait tout le temps sortir des prods et des chansons, qu’en sortant du studio ce soit fini. Une « méthode rap » qui en fait ne me convient plus.
C’est ça qui est dur [quand tu es indépendant·e], rester rêveur et créer, tout en gérant ces sujets. L’un ne nourrit pas l’autre.
Joanna
Est-ce qu’il y a des choses que tu regrettes dans ta précédente era ?
Non franchement. J’ai toujours réussi à aborder les thématiques que je voulais, faire passer des messages, la musicalité était proche de ce que j’aime. Je ne regrette pas, au contraire, c’est grâce à ça que je peux faire la musique que je veux.
Sur ton compte Instagram, tu parles souvent de la difficulté d’être une artiste indépendante, qui a son propre label. Qu’est-ce qui est le plus dur pour toi à ce stade ?
Il y a plusieurs choses. Le premier c’est le sentiment d’être seul·e, et donc c’est important d’être entourée de gens qui comprennent vraiment ton projet, qui y croient. La deuxième chose, c’est l’industrie de la musique en tant que système. C’est en train de profondément changer, on est de plus en plus d’artistes (émergent·es) à avoir nos labels et nos sociétés. On construit sur notre volonté de liberté, en revanche ça reste très longtemps précaire, donc c’est dur financièrement. C’est dur de consacrer du temps aux réseaux sociaux aussi, de les nourrir puisque c’est là que tout se passe. Quand tu es indépendant·e tu as plein d’autres choses à faire, comme l’administratif. Ça fait une charge mentale de 4 personnes ! C’est ça qui est dur, rester rêveur et créer, tout en gérant ces sujets. L’un ne nourrit pas l’autre.
Quand tu parles du système de l’industrie de la musique, tu parles du productivisme ?
Le commercial oui. Typiquement sur un album, même s’il y a deux ans de travail et que des gens ont taffé dessus, si t’as pas de radio, t’as pas de médiatisation, si t’as pas de vues, tu fais pas de concerts… C’est un cercle vicieux. Parfois, je me dis que la dernière carte c’est d’aller bombarder sur TikTok et ce n’est pas ce que j’ai envie de faire. De toute façon, une carrière qui dure dans le temps met du temps à se consolider, et moi j’ai envie que ça dure toute la vie.
On peut guérir [des violences sexuelles] en étant là pour les autres. En se positionnant dans la vie de tous les jours. En fait, il faut extérioriser, il faut que ça sorte du corps. Ça prend du temps et tout le monde n’a pas conscience que notre corps a besoin de sortir [la violence].
Joanna
Dans l’album, la chanson « Ce n’est pas si grave » est suivie de « Je ne suis pas un objet ». Est-ce que tu penses qu’on guérit vraiment de ce genre de traumatismes ?
C’est tellement large comme question. C’est à la fois personnel, psychologique et politique. Dans un premier temps, on apprend à vivre avec. Guérir, c’est vraiment un pas. Il faut travailler sur soi pour ça. Quand j’ai écrit cette chanson, j’étais encore un peu dans le flou. Ce n’est que quand je l’ai chantée sur scène que j’ai réalisé ce que j’étais en train de dire. Je pensais que j’étais passée au-dessus, mais non je me suis rendue compte que j’étais toujours prise dans cette histoire, que j’étais toujours en colère, que ça fait toujours partie de moi.
On peut guérir [des violences sexuelles] en étant là pour les autres. En se positionnant dans la vie de tous les jours. En fait, il faut extérioriser, il faut que ça sorte du corps. Ça prend du temps et tout le monde n’a pas conscience que notre corps a besoin de sortir [la violence]. Ma manière c’est en tout cas de le faire à travers la musique, et en allant faire une psychothérapie (rires).
Il y a une possibilité de guérison en tout cas.
Oui, tous les chemins sont possibles. Le corps est capable de se remettre de tellement de choses.
© Erika Kamano
J’ai une question un peu plus intime pour toi : plusieurs de tes chansons parlent de désir pour des femmes, or on sait que les femmes bi et pan ont une santé mentale plus fragile. Est-ce que ça te parle ?
Je ne savais pas du tout ! C’est sûr que je me suis toujours sentie différente dans ce que je ressentais pour les autres, depuis toute petite. J’ai beaucoup été amoureuse de mes ami·es et je le traduisais en me disant que j’étais un garçon. C’est toujours là, même si je suis très féminine. J’ai commencé à en parler avec CHÉRI [voir leur feat « Torrent de larmes », ndlr], avec qui j’échange beaucoup sur ces sujets et c’est la première personne avec qui j’en parle ouvertement. Je ne me sens pas très légitime de me poser toutes ces questions, alors que j’ai totalement le droit… Mais oui je pense que ça joue dans mon rapport à l’amour, au corps.
Tu parles beaucoup de larmes dans tes chansons, qu’est-ce qui te fait pleurer ?
Beaucoup de choses ! La colère. Le passé aussi. L’injustice. Typiquement, dans ce qui se passe [en Palestine] en ce moment, tout déclenche les larmes.
Joanna sera au Trianon le 10 avril, retrouver toutes les dates de la tournée ici.
Image à la Une : © Erika Kamano
Cet article Joanna, de l’ombre de la dépression à la lumière de la guérison provient de Manifesto XXI.
Cet article État limite, un documentaire plaidoyer pour une autre approche de la psychiatrie provient de Manifesto XXI.
Jusqu’au 29 avril, le documentaire État limite de Nicolas Peduzzi est en ligne sur Arte.tv. Le film suit le quotidien d’un jeune psychiatre dans un système de santé en délabrement. À l’occasion de la projection du documentaire à l’ACID Cannes 2023, nous avons rencontré son réalisateur pour parler santé mentale et état de la psychiatrie en France.Comment bien soigner dans une institution malade ? C’est la question que pose État limite, nouveau documentaire du cinéaste Nicolas Peduzzi (Ghost Song, Southern Belle). Le film nous entraîne dans les couloirs de l’hôpital de Beaujon à Clichy, où l’on fait sans surprise le constat d’un manque drastique de moyens, de l’épuisement des soignant·es et de la souffrance des patient·es qui ne peuvent être accueilli·es décemment. Mais on y rencontre surtout Jamal Abdel-Kader, un jeune psychiatre qui nous emmène dans ses rencontres avec les patient·es et qui nous touche instantanément par son approche militante du métier.
Le Dr. Abdel-Kader livre dans État limite une vision tout à fait politique des problèmes psychiatriques, ne les reléguant pas à des faits individuels, mais à des facteurs systémiques. Tout d’abord, aux conséquences d’une société néolibérale qui nous met aux bans dès lors que l’on n’est plus productifs : « Le fou ne produit rien, donc on le jette », explique-t-il. Ensuite, à une tradition psychiatrique qui « prend les patients pour des cons », et crée très tôt des addictions aux médicaments. Enfin, à l’absurdité de la logique de rendement du système de santé public, qui demande aux soignant·es de rentabiliser quand la priorité est de créer du lien et dégager du temps avec les patient·es.
Ce que l’on retient du documentaire n’est, néanmoins, pas que ce portrait tristement sombre du système de soin français : c’est la force des mots, de l’humour et de l’engagement de Jamal, ainsi que de tous les soignant·es qui l’entourent, qui se battent corps et âme pour rétablir un rapport humain, amical et empathique avec leurs patient·es. La seule question étant de savoir jusqu’à quand ce dévouement peut tenir. Rencontre avec le réalisateur Nicolas Peduzzi.
Manifesto XXI – Est-ce que tu pourrais nous présenter État limite en quelques phrases ?
Nicolas Peduzzi: C’est un documentaire qui parle de la pratique d’un jeune psychiatre très humain, Jamal Abdel Kader. Jamal est un psychiatre de liaison, c’est-à-dire qu’il a une triple casquette. Il s’occupe des gens qui arrivent aux urgences, en psychiatrie, mais aussi des personnes qui ont des maladies génétiques graves qui nécessitent des soins quotidiens. Et parce que ces gens vivent presque à l’hôpital, leur psyché paye le prix de ça. Enfin, il s’occupe d’autres personnes qui sont isolées, seules, mourantes. Il intervient donc dans tous les services, c’est le seul psychiatre sénior de l’hôpital, et il forme aussi des internes.
Pourquoi avoir intitulé le film État Limite ?
C’est un peu un jeu de mot. L’état limite, c’est un état bipolaire en psychiatrie. Et pour moi, c’est plus largement l’état limite de notre hôpital, de notre société, du néolibéralisme. Je trouvais que c’était aussi intéressant de voir un psychiatre et des soignants qui sont à l’état limite de leur pratique, de leur vocation. Jamal se demande : « À quel moment on devient complice en voulant faire bien notre métier ? » En comblant les trous, en acceptant de continuer à travailler comme ça, comme des super héros… Est-ce qu’on ne devient pas complices du broiement du système public, de son échec ?
© GoGoGo Films
Comment tu t’es retrouvé à tourner à l’hôpital de Beaujon ?
C’est assez particulier : mon père a été transplanté à Beaujon dans les années 90 et les soignant·es lui ont sauvé la vie là-bas. Il s’agit donc d’un endroit que je connaissais avec ma mère, qu’on a vécu de l’intérieur. On y est retourné ensemble (ma mère fait les photos du film), pour voir comment le lieu avait changé et ce qu’il se passait aujourd’hui. Je connaissais pas mal de médecins là-bas, donc il y avait cette première entrée.
Vous saviez déjà ce que vous alliez filmer en arrivant ?
On avait l’idée avec ma productrice d’observer un peu, de faire des repérages sur les soignant·es, les internes qui font leurs premiers pas. Et par hasard, j’ai rencontré Jamal aux urgences. Quand il voit la caméra, il m’embrouille d’abord, il s’énerve. Et ensuite, on devient vite assez proche. Je lui demande si je peux le suivre, et je le suis pendant une longue période. On a passé 2 ans et demi à l’hôpital. Pas tous les jours, c’était très éparpillé, mais c’était des temps longs. On a filmé beaucoup de patient·es. Certaines scènes peuvent paraître courtes, pourtant on a passé tellement de temps avec eux. Jamal nous a guidé dans cet hôpital, ces immeubles, puisqu’il est le seul médecin à passer dans tous les services. Je suis tombé amoureux de sa pratique, de sa façon de faire, de son regard, de sa parole. C’était un coup de foudre amical et cinématographique sur cette personne.
Qu’est-ce qui t’a touché chez Jamal ?
À l’hôpital, j’ai été frappé de voir à quel point la santé mentale était délaissée, dans une société où ces problèmes de santé mentale sont une épidémie. Je le savais, mais de le voir à ce point-là… Avec Jamal, ça m’a donné beaucoup d’espoir de voir un jeune médecin regarder l’autre comme ça, de cette façon humaine et humaniste. Ça m’a aussi touché et aussi rendu assez triste de voir que lui aussi patissait, était victime de cet état des choses, des lieux, de cette société. Je trouvais ça effrayant qu’il soit traité comme ça par les institutions.
Comment est-ce que tu décrirais sa pratique ?
J’ai été touché par son extrême finesse avec le gens, son extrême intelligence. C’est fou parce qu’il fait les choses de façon très simple. Il crée du lien avec ses patient·es, il essaye de récupérer du temps, pour passer une heure, deux heures avec un·e patient·e. Pour lui, c’est thérapeuthique de passer du temps avec des gens qui n’ont jamais eu un regard posé sur eux. Sa bataille, c’est aussi que les gens se regardent différemment, et qu’on ne soit plus considérés comme des numéros. Il soigne les patient·es, mais aussi les institutions.
Tu as donc toi aussi eu des expériences dans des services de psychiatrie. J’allais justement dire qu’en tant que cinéaste, ça peut être compliqué d’approcher le sujet sans voyeurisme, si on n’est pas du tout familier du milieu.
Je lutte depuis mon enfance avec ces problèmes. et j’ai passé pas mal d’années ado dans des services de psychiatrie. Donc forcément, ça m’a tout de suite touché quand j’ai rencontré Jamal. J’aurais adoré rencontrer un mec comme ça adolescent. Je pense que ça m’aurait sauvé de plein de choses.
Jamal soigne les patient·es, mais aussi les institutions.
Nicolas Peduzzi
À propos de la présence de la caméra pendant les entrevues avec les patient·es, Jamal expliquait lors de l’avant-première du film : « Les patients oubliaient complètement sa présence parfois. D’autre fois, ça a aussi été une aide pour moi. Pour des personnes qui ont été très dévalorisées, qui ont eu un sentiment d’échec répété, et bien de sentir un regard posé pour eux, ça peut être tout à fait valorisant, thérapeuthique ». La caméra ne les gênait donc pas ?
Parfois j’appréhendais un peu de filmer les patients. Je me disais qu’ils n’allaient pas vouloir, que ça allait prendre trop de leur intimité. Mais c’est vraiment au cas par cas. Il y en a qui ne veulent pas du tout, que ça dérange. Pour d’autres, le plus souvent, ça peut être un objet thérapeutique. C’est des gens qui sont souvent très seuls, introvertis, et étrangement, le fait d’avoir une caméra, de se sentir vus, ça a pu les aider. C’est aussi parce qu’ils avaient envie de partager quelque chose à ce moment-là.
En voyant le film, je me suis quand même posé la question de la protection de certains patient·es qui témoignent. Par exemple, cette femme qui nous raconte les violences conjugales dont elle est victime. Comment avez-vous pensé au fait de préserver ces personnes, à la sortie du film notamment ?
Comme Jamal est psychiatre, il connaissait exactement les patients et leur situation. Quand il y avait un risque pour le patient, il me disait tout de suite : « Non, là, tu ne peux pas filmer ». J’avais complètement confiance en sa vision des choses en tant que psychiatre professionnel. Jamal a cette finesse de savoir s’il y a un danger ou pas. Par exemple, il y avait un jeune garçon de Marseille avait été victime de représailles par des gangs. On n’était même pas à 200 mètres, que le jeune homme nous a dit : « La caméra, c’est dangereux pour moi ». Dans ces cas-là, je mets des photos, ou bien on entend juste leur voix, ou on floute le passage. Tout ça on le voit vraiment et avec eux, au cas par cas.
On leur disait aussi que le focus de notre documentaire était la pratique de Jamal, sa parole. Et qu’évidemment, par la force des choses, on filmait certains patients, parce qu’on suivait Jamal partout. On leur expliquait que c’était un documentaire sur l’hôpital public, l’état de notre société et de la psychiatrie. Ils faisaient confiance à Jamal et ils sentaient aussi l’amitié entre nous. Ils voyaient qu’on était pas là pour faire des choses voyeuristes, mais pour montrer le travail des soignants.
Les gens qui ne sont pas productifs pour le néolibéralisme, sont exclus de notre société, cela n’intéresse pas nos gouvernements de les soigner.
Nicolas Peduzzi
Jamal n’approche pas la santé mentale comme un problème uniquement individuel, il inscrit la psychiatrie dans notre société néolibérale, avec le fait de vivre en ville, la façon dont on soigne habituellement les patient·es…
Oui, ça m’a vraiment frappé. Dans notre famille, on a tous quelqu’un qui souffre de problèmes psychiatriques, de dépression par exemple. Et il y a une tendance à dire : « Allez, vas-y, sors de ton truc ». Mais lui, ce qu’il explique, c’est que nos sociétés, nos villes particulièrement, créent des problèmes psychiatriques de masse. À un moment, il y a cette patiente, qui est addict et qui a perdu son bras et ses deux jambes à la suite d’un accident. Il explique aux sœurs de cette patiente que toute jeune, au lieu de lui parler, de la regarder, de juste créer du lien, on lui avait filé des médocs. Cela a créé des générations d’addicts. En France, on est un des pays le plus prescripteur et consommateur.
Dans le synopsis du film, tu dis que l’institution médicale est malade. Tu pourrais nous expliquer ?
Surtout la psychiatrie. La santé mentale, la psychiatrie, c’est quelque chose qu’on ne peut pas chiffrer. Donc les gens qui ne sont pas productifs pour le néolibéralisme, sont exclus de notre société, cela n’intéresse pas nos gouvernements de les soigner, et par la force des choses, il n’y a plus de moyens. Aujourd’hui l’hôpital public ne soigne plus les gens comme ils devraient être soignés. J’ai vécu beaucoup aux Etats-Unis, et ma frayeur c’est qu’en France on s’approche de plus en plus de même modèle : les gens qui n’ont pas les moyens de se soigner, on les laisse dans la rue.
État limite de Nicolas Peduzzi est disponible sur Arte.tv jusqu’au 29 avril. Sortie en salles le 1er mai.
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La plus haute cour de cet archipel des Caraïbes a rejeté vendredi 16 février un recours contre sa loi anti-gay, héritée du colonialisme britannique mais maintenue dans le code pénal de 1988. Un nouveau revers pour les militants qui dénoncent depuis des années la violence et les abus subis par la communauté.
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Cet article 50 ans de lutte pour le droit à l’IVG : rencontre avec Annie Chemla, militante historique provient de Manifesto XXI.
50 ans après la naissance du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), je suis allée à la rencontre d’une de ses militantes, Annie Chemla. Portrait.Annie fait son entrée à la gare, un sourire radieux aux lèvres et les bras grands ouverts, prête à m’accueillir dans le tourbillon du récit de sa vie féministe. Presque une année s’est écoulée depuis notre rencontre autour du documentaire Mécréantes consacré au MLAC. Aujourd’hui, nos chemins se croisent à l’heureuse occasion de la sortie de son livre, Nous l’avons fait. Récit d’une libération féministe, paru le 25 janvier 2024 aux Éditions du Détour. Cet ouvrage autobiographique, déployé comme un journal intime, dépeint l’engagement d’Annie Chemla au sein du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC). Alors que la constitutionalisation du droit à l’IVG est en débat, ce récit vibrant, empreint de vœux d’héritage, s’adresse avant tout à nous, la relève féministe.
Récit d’une vie de combatsAnnie a grandi en Tunisie au sein d’une famille communiste et elle y vit encore au moment où la contraception, la pilule, le stérilet, et l’avortement, y sont légalisés. Son arrivée en France en 1969 est marquée par cette déconvenue : « le pays de la liberté » interdit tous ces droits qui lui étaient acquis dans son pays d’origine. Déjà syndiquée à l’âge de 26 ans, et après un divorce en 1973, elle refuse que l’accès à la contraception reste un souvenir confiné au passé. Prête à en découdre, elle plonge dans le tumulte du MLAC, un mouvement féministe mixte. Contre l’interdiction de l’IVG, il défie l’État français par la désobéissance civile en réalisant des avortements illégaux. Avec l’aide de médecins volontaires, les militantes apprennent à réaliser elles-mêmes des avortements grâce à la nouvelle méthode par aspiration, dite méthode Karman, qui consiste à aspirer le contenu utérin en faisant le vide dans un bocal, ce qui peut être fait par exemple à l’aide d’une simple pompe à vélo, et qui utilise un matériel souple et non traumatisant pour l’utérus. Une technique certes artisanale mais qui, contrairement aux curetages pratiqués dans les hôpitaux, a l’avantage d’être simple, peu chère, peu douloureuse et surtout sans risques, et peut donc être utilisée hors du milieu hospitalier. Le MLAC pratique des avortements illégaux, mais tout sauf clandestins, le message au gouvernement doit être clair : avec ou sans vous, nous avorterons. Annie Chemla se retrouve plongée dans cet élan collectif qui ne cesse de gonfler et de s’étendre sur tout le territoire français, regroupant à son apogée 15 000 militant·e·s. La fulgurance du MLAC donne naissance à une révolution corporelle ancrée dans une militance inédite : portée par la confiance que lui apporte le travail en équipe, elle s’octroie la possibilité d’apprendre ensemble, un pied de nez joyeux au pouvoir médical. Comme on apprend à bricoler son vélo, Annie découvre son propre col de l’utérus et comment insérer soi-même son stérilet.
Dans un premier temps, Annie ne pratique pas elle-même les IVG. Son rôle est celui de tenir la main – littéralement – à celles qui ont sollicité l’aide du MLAC. L’objectif de chaque antenne du collectif est double : obtenir une autonomie corporelle et organisationnelle en défiant le pouvoir institutionnel, tout en faisant pression pour légaliser l’IVG.
Très vite les demandes explosent, le MLAC de Paris peine à répondre à toutes les demandes, et certaines ne peuvent trouver de solution qu’à l’étranger : le MLAC organise des départs en car vers la Hollande ou l’Angleterre, après avoir négocié avec des cliniques sur place des « tarifs de groupe ». Lorsqu’il n’y a que cinq places pour une centaine de demandes, ce sont les femmes désirant avorter qui doivent elles-mêmes décider ensemble qui reste et qui part. Ces moments aussi forts qu’éprouvants, Annie ne les oubliera jamais.
Lorsque je l’interroge sur de possibles conflits au sein de son groupe, elle en évoque un marquant, celui des déclenchements : « À l’époque, certains groupes du MLAC, plus gauchistes, amorçaient l’avortement en utilisant l’aspiration pour le rendre inévitable, puis, au lieu de le conclure, ils conduisaient les femmes à l’hôpital pour exiger que le corps médical prenne la relève. » Elle poursuit: « L’objectif était de contraindre l’hôpital à prendre l’IVG en charge, et ainsi susciter un débat à l’intérieur de l’établissement hospitalier. Cette pratique m’a toujours révoltée, car la femme n’a aucun choix. Elle se retrouve seule avec le personnel hospitalier en colère, propulsée en porte-drapeau d’une lutte, alors qu’elle demandait simplement de l’aide dans un moment de détresse. »
Malgré cette divergence, le MLAC n’a guère de temps pour les querelles internes. Son organisation est horizontale, portée par un objectif clair. Les militantes sont débordées par la demande des femmes, ce qui laisse peu de place aux conflits d’égos.
De l’adoption de la loi Veil à #MetooLe 29 novembre 1974, la loi Veil est enfin adoptée ! Les militantes du MLAC célèbrent ce droit conquis de haute lutte, arraché par la force collective, et non concédé. Annie commence à pratiquer des IVG après cette avancée législative : la loi ne rembourse pas l’acte médical, qui coûte un demi-smic et est interdit aux mineures et aux immigrées. De plus, les médecins hospitaliers ignorent tout de la méthode par aspiration, alors les demandes auprès du MLAC persistent. Cependant, la motivation première d’Annie dépasse la nécessité d’aider, elle souhaite réaliser des IVG elle-même avant de perdre l’opportunité d’apprendre à les faire. Elle participe à la « reprise de la pratique » au sein du groupe MLAC Place des Fêtes et apprend le geste transmis par d’autres femmes. Cette puissance du « faire ensemble » et la manière dont elles entourent collectivement la femme en demande d’avortement la marquent profondément. Elle reste ensuite impliquée jusqu’à la fin du groupe, en 1980. Ce sont de médecins appartenant aux réseaux du MLAC que naîtront ensuite les premiers bébés éprouvettes, qui aboutiront à la légalisation de la PMA pour les couples lesbiens cisgenres et les femmes cis célibataires en 2022.
En 2011, Annie prend sa retraite et décide qu’il est temps de transmettre cette expérience de joie militante et de force du collectif qui ont tant bouleversé sa vie et lui ont permis de ne jamais baisser les yeux face aux médecins et spécialistes qui ont croisé sa route.
Elle commence alors à écrire son récit, bien que doutant d’être un jour publiée. Elle souhaite transmettre, et rappeler aux nouvelles générations féministes que si le MLAC l’a fait, nous pouvons le faire aussi. Ce nous, Annie y tient particulièrement. Son manuscrit est rythmé par les entretiens avec d’anciennes militantes et médecins, afin de rappeler que le succès du MLAC est celui de la force collective. Tout s’accélère une décennie plus tard, à l’occasion de la sortie du film Annie Colère réalisé par Blandine Lenoir. Présente à l’une des avant-premières, elle est bouleversée par la marée de jeunes féministes qui, à l’issue de la projection, s’empressent de venir la remercier. De là, l’envie de voir son texte publié se mue en urgence.
Ravie de rencontrer cette nouvelle génération féministe, elle reste préoccupée, regrettant que l’époque post-covid ne soit pas marquée par une frénésie utopique, propice à espérer des lendemains chantants. Se gardant de tous jugements agistes, elle espère néanmoins que nous saurons faire preuve de pragmatisme, en choisissant d’élire une gauche imparfaite afin d’endiguer l’avalanche autoritariste qui ne cesse de progresser. Parfois, la peur lui noue l’estomac, lorsqu’elle imagine partir de ce monde avec Le Pen au pouvoir.
Elle me confie aussi sa peine devant le virage réactionnaire de certaines de ses ex-sœurs de luttes à l’instar de l’historienne Marie-Jo Bonnet. La panique morale qui sévit autour des personnes trans la dépasse, elle qui a toujours lutté pour la liberté à disposer de son corps. À ses yeux, les personnes trans militant·e·s constituent bien une forme de relève du MLAC. Elleux qui, comme leurs aînées, s’organisent communautairement pour s’entraider et reprendre le pouvoir sur leur corps, défiant les institutions autant que les normes de genre.
Quant à la constitutionnalisation de l’IVG : « C’est un miroir aux alouettes », lâche-t-elle sans détour à France Inter. Elle me confie : « Je me méfie toujours des droits qu’on nous octroie, je préfère ceux que l’on conquiert. Les droits, on les conquiert et on les défend. Sinon, on régresse. » Depuis #Metoo, Annie Chemla reste cependant confiante, et sûre d’une chose : la relève est assurée.
Nous l’avons fait, Récit d’une libération féministe, Annie Chemla, Éditions du détour, 17€Relecture et édition : Anne-Charlotte Michaut, Benjamin Delaveau, Costanza Spina
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