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En discutant avec des amies sur l’image de la femme bisexuelle, nous avons observé un phénomène qui mérite d’être relevé : quand certaines d’entre elles abordent leur attirance pour les hommes et les femmes à leur entourage masculin, elles essuient régulièrement des réflexions déplacées et sont parfois témoins d’un changement de comportement de leur part. Quelle image renvoient les femmes bisexuelles et pourquoi font-elles fantasmer ? Quelle place accorde-t-on aux sentiments amoureux ? Comment la société et les médias ont pu avoir un rôle ambivalent dans l’évolution des mentalités ?… Lire la suite
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Ce qu’il y a d’absolument formidable dans l’extraordinaire retour de bâton que les femmes sont en train de se payer pour avoir osé dire qu’elles étaient victimes de violences coercitives et sexuelles, c’est que tous les hommes qui ont jugé bon de s’exprimer sur le sujet, l’ont fait pour s’inquiéter de ce qu’ils allaient désormais faire de leur queue.
On aurait pu croire, on aurait pu penser que nos petits récits de viols les auraient attristés, peinés, ralentis dans leur verbiage. On aurait pu imaginer qu’eux qui se targuent de nos adorer telles des déesses, qui n’ont de cesse que de nous tenir valises et portes, écouteraient, voire se tairaient. On aurait aimé descendre de leur perchoir, d’où ils ne cessent de pérorer pour nous asséner leurs opinions convenues sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas.
Alors évidemment tous ne le font pas de la même façon. Il y a le réaliste, le sexiste assumé qui sait que sans cette bonne vieille séduction à la française, ce doux commerce des mœurs qui le pousse à culbuter les inférieures, à voler des baisers et à taper des culs non consentants, il en serait encore à hydrater le cal de ses mains. Je crois que c’est encore celui que je hais le moins parce qu’il s’assume au moins. Il assume que la sexualité hétérosexuelle est tellement intrinsèquement empreinte de violences, que, si les choses changent, alors sa liberté sexuelle sera amoindrie. Oui il baisera moins parce qu’il ne pourra plus menacer, imposer, faire céder, être un gros lourd, draguer lourdement. Je reste quand même fascinée par tous ces types qui se prennent pour les fils spirituels de Laclos et Casanova quand leur vocabulaire dépasse à peine celui d’un chien en rut semi bourré. Mais à les entendre, c’est la totalité de l’identité nationale française que nous mettrions à mal en parlant violences sexuelles.
Et puis il y a le féministe. Celui qui se dit que la fin des violences sexuelles n’est pas une fin en soi. Ce qui le comblerait c’est d’ensuite pouvoir continuer à fourrer mais dans l’égalité des sexes tu vois. Il est désarmant. Désarmant d’égoïsme, désarmant de bêtise. On ne sait comment lui expliquer que le féminisme ne va rien lui apporter. On ne sait comment lui dire que l’égalité entre les sexes n’est pas là pour qu’il puisse se rassurer sur le fait qu’à la fin il pourra encore baiser des femmes.
Baiser, baiser, baiser. Ils n’ont tous que ce mot-là à la bouche. Tu leur parles viol, ils te demandent quand on aura fini notre comédie pour enfin revenir aux choses sérieuses : baiser. Tu leur expliques que le féminisme concourt à davantage d’égalité pour les femmes, cela leur semble insuffisant. Comment ? Juste pour les femmes ? Tu les sens très déçus. Ils se cherchent des buts. Peut-être lorsqu’elles seront nos égales, pourra-t-on baiser avec elles, se disent-ils.
Ils n’arrivent pas à concevoir qu’on souhaite que la fin des violences sexuelles soit un but en soi. Il leur est tellement étranger (même s’ils affirment le contraire), il est tellement loin de leurs préoccupations, de leurs intérêts, qu’il faut trouver une cause supérieure, une cause qui rassemble : le coït hétérosexuel.
Si cela ne ressemble pas à de la haine, cela en est fichtrement proche.
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Musique d’ambiance pour calmer, chanson «chaude» pour booster la libido, refrain de guerre pour tuer sans affect… Toutes les musiques sont abordées dans le dernier numéro de la revue Terrain –“L’Emprise des sons”– qui questionne leurs effets : réels ? imaginaires ?
«Certaines vibrations sonores, bien réglées, auraient la capacité d’agir sur le corps et le psychisme d’autrui, avec ou sans son consentement.» Vrai ou faux ? Victor Stoichita, ethnomusicogue au CREM-LESC (Université de Paris Nanterre), a réuni plus d’une dizaine d’experts dans le dernier numéro de la revue Terrain consacré aussi bien à la musicothérapie, qu’aux usages meurtriers des sons ou à leurs détournements dans les usines, les jungles et les temples… On y apprend que lors des interrogatoires renforcés, en Irak ou à Guantanamo, quelles que soient les musiques choisies, les personnes torturées finissent toutes par craquer. Même pas besoin de «musique» d’ailleurs : c’est le bruit qui les brise. Pire encore (?), l’absence totale de bruit : «Que ce soit avec une musique permanente, des pales d’hélicoptère, un bruit blanc ou un silence complet, on obtient le même résultat», explique Juliette Volcler, spécialiste des armes sonores. Si les GI choisissent spécifiquement des morceaux de hard rock ou des chansons sexuellement explicites, c’est plus pour se conditionner eux-mêmes : la musique leur donne le sentiment qu’ils dominent. S’agit-il d’auto-suggestion ? La musique les rend-elle vraiment plus agressifs ? «Il est difficile de distinguer entre les effets qu’ils ressentent et l’efficacité plus ou moins magique qu’ils attribuent à la musique en général», note la chercheuse.
La magie des sons : blanche ou noire ?
Explorant la question des influences attribuées aux sons, Victor Stoichita enchaîne : plus que de musique, il faudrait parler d’une «technique sonore d’enchantement». Que l’enchantement repose sur les effets réels des vibrations ou sur la puissance que nous leur attribuons, peu importe. Pourvu qu’on y croit… De façon révélatrice, dans la plupart des sociétés humaines, on pratique une «magie des sons», dit-il. C’est de la magie blanche quand elle vise à restaurer les équilibres physiques/psychiques des humains. De la magie noire quand elle vise à les rendre plus manipulables. Dès les années 1930, en Occident, d’innombrables recherches en psychoacoustique sont menées sur les techniques audio de mind control : certains sons permettent-ils de transformer les auditeurs en robots ? L’entreprise Muzak teste des musiques sur les ouvriers : ils s’agit d’augmenter la productivité. A l’inverse, d’autres musiques sont jugées dangereuses : le rock ou le metal, par exemple, pourraient-ils transformer les jeunes en zombis décérébrés ? «Le rock’n’roll pourrait être un complot communiste, certaines chansons pop écoutées à l’envers révèleraient des appels subliminaux au suicide ou au satanisme, et les hystéries collectives lors des concerts des Beatles en diraient long sur les «lavages de cerveau» que la musique peut opérer.»
Discothèque : des morceaux pour se relaxer, d’autres pour s’exciter
Alors que les technologies d’enregistrement et de diffusion sonore ouvrent l’espoir de «contrôler la réponse émotionnelle du public par des moyens mécaniques» (1), les industries du divertissement et du marketing explorent méthodiquement les techniques de «façonnage de la foule» qu’il s’agit de faire pleurer, rire ou mouiller sur commande. Que l’efficacité de ces techniques relève du mythe, peu importe, insiste le chercheur : pourvu qu’on y croit, ça marche. L’idée que la musique peut infléchir les émotions (donc le comportement) est d’ailleurs si profondément ancrée qu’il est courant de posséder un répertoire de morceaux classés «pour les vertus apaisantes ou stimulantes», ainsi que le note Stoichita, comparant la discothèque à une pharmacopée : «un dîner romantique, une rupture amoureuse ou un moment de fatigue en rentrant du travail ne suggèrent pas les mêmes sélections.» L’usage de la musique-comme-médicament s’appuie d’ailleurs sur des théories médicales très largement diffusées dans les médias, qui assimilent le plaisir musical à une réponse positive des circuits de récompense… Les mêmes circuits qui répondent aux stimuli de la nourriture et de l’activité sexuelle.
«La musique aussi jouissive qu’un orgasme»
Les mêmes que ceux «ciblés par les drogues comme la cocaïne et l’amphétamine», ajoute narquoisement Stoichita qui note l’immense succès obtenu par les découvertes des neurobiologistes qui parviennent à «prouver» que la musique procure du plaisir : des souris âgées de douze semaines semblent produire davantage de dopamine sous l’effet du Divertissement en ré majeur de Mozart (Sutoo & Akiyama 2004). Un presto de Vivaldi à 150 bpm induit des fréquences cardiaques et respiratoires plus élevées qu’un raga indien méditatif (Bernardi et al. 2006). La techno met en transe, parce ses fréquences modifient celles du cerveau (Pigani 2013). «Les médias populaires relayent régulièrement ces découvertes sous des titres prudents comme «La musique aussi jouissive qu’un orgasme» (Le Journal des Femmes, 2 mars 2017) ou «La musique agit dans le cerveau comme une drogue» (Le Figaro Santé, 23 février 2017)», commente le chercheur qui rappelle, à juste titre, que beaucoup des études menées sur la musique –lorsqu’elles concernent une autre activité comme le bricolage ou la cuisine– donnent des résultats équivalents en termes d’influence sur nos rythmes biologiques. Ce n’est donc pas forcément la musique elle-même qui agit sur les cobayes lors des expériences, mais l’état psychologique dans lequel ils se mettent, puisqu’ils croient : le pouvoir de la musique serait-il auto-réalisant ?
Le mot “fou” renvoie aux «poches à vent» et aux «réservoirs d’air»
L’origine du pouvoir attribué à la musique est ancien. Si ancien, d’ailleurs, que certains sons –dès le Moyen Age– sont considérés comme potentiellement capables de provoquer la débauche. «Une musique inappropriée était avant tout un dérèglement moral», résume Victor Stoichita. Un portfolio d’images commentées par la médiéviste Martine Clouzot en donne un aperçu sidérant dans les dernières pages de la revue Terrain : en marges des livres de prières, des fous ou des couples nus s’adonnent à tous les dérèglements au son d’instruments diaboliques. Préférant la cornemuse au luth et à la harpe, des personnages insensés détraquent les harmonies proportionnelles du monde en soufflant dans un instrument à vent. Faut-il le rappeller : le mot «fou» (fol) vient du latin follis, «le soufflet», le «sac plein d’air», autrement dit «la tête vide». La cornemuse incarne la folie, mais pire encore : la lubricité. «En forme de ventre, panse, fessier – le “bas corporel”–, son outre incarne la bombance, l’abondance, mais aussi le vide et la vanité. Couplée au hautbois, elle dessine les organes sexuels masculins. Ses sonorités puissantes et nasillardes s’apparentent souvent à des flatulences, évoquant, selon les ethnologues, la circulation des airs – les antiques “âmes-souffles” psychopompes – célébrée lors des fêtes des Fous, des Soufflaculs et des Pétengueules où la folie et la musique sont à l’honneur.» Il n’y a pas de cornemuse, ni d’accordéon, dans les orchestres dédiés à la musique sacrée. Aucun instrument n’est innocent.
“Lux Aeterna” par Clint Mansell, en boucle, pour tuer
Aucun instrument, aucun son n’est innocent, et c’est peut-être pourquoi –au fil de plusieurs pages glaçantes d’effroi– Victor Stoichita raconte la part que peut prendre la musique dans les programmes d’auto-anéantissement entrepris «par les soldats pour se “mettre en condition” (psyching up) avant une mission.» Les GI qui s’assomment avec du gangsta rap ou du heavy metal avant le combat affirment que la musique leur permet de «se dépasser» ou de «sortir d’eux-mêmes», dans l’objectif parfois explicite de se «déshumaniser». Est-ce à ce «changement de personnalité» qu’aspirait Anders Behring Breivik, lorsqu’il s’est préparé pour le massacre du 22 juillet 2011 sur l’île d’Utøya ? Victor Stoichita répond : «lui, détestait la musique metal. […] Il avait semble-t-il chargé dans son iPod le morceau «Lux Aeterna» de Clint Mansell. Dans le «manifeste» de 1518 pages qu’il envoya quelques heures avant de lancer son attaque, il avait écrit : «Je ne peux imaginer dans quel état d’esprit je serai pendant l’opération. Ce sera durant un cycle stéroïdien et, par surcroît, dans un rush d’éphédrine. Cela augmentera mon agressivité, mes performances physiques et mon focus mental d’au moins 50-60 %, peut-être même de 100 %. En plus, je mettrai mon iPod à plein volume pour éliminer la peur si besoin. Ce sera probablement “Lux Aeterna” par Clint Mansell, en boucle ; c’est une pièce incroyablement puissante.» (Breivik 2011).» Avec cette bande-son, Breivik a planifié son massacre «comme une sorte de film». Aucun son n’est innocent.
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A LIRE : «L’Emprise des sons, revue TERRAIN n°68, coordonnée par Christine Langlois, Vanessa Manceron et Victor Stoichita, automne 2017.
NOTE (1) Juliette Volcler cite dans son dernier livre (Contrôle.Comment s’inventa l’art de la manipulation sonore) une lettre de David Stevens écrite en 1938.
CET ARTICLE FAIT PARTIE D’UN DOSSIER EN TROIS PARTIES : «Avez-vous entendu une voix ?»,«Wagner m’a tuer», «Les sons peuvent-ils provoquer un orgasme ?».