Chewbacca – flickr/V Threepio
DSK refait parler de lui, et la justice française aussi, avec l’ouverture du procès qui vise à juger sa participation à ce que le parquet a qualifié de « réseau de proxénétisme ». Au menu : des agressions sexuelles non qualifiées, une définition du proxénétisme capillarotractée, une justification libertine qui n’a rien à voir avec le libertinage. C’est une affaire tellement incohérente, ignoble et confuse qu’il en devient difficile de savoir par quel côté l’aborder.
L’agression sexuelle
Quand on lit les extraits de l’instruction qui ont circulé dans la presse, on ne peut éviter le dégoût face aux actes qui y sont décrits. Une femme tenue sur un lit et forcée à la sodomie. Une fille de moins de vingt ans, ivre, prise à la chaîne dans les toilettes. Un DSK à qui il est « inconcevable de dire non ». Tristane Banon, Nafissatou Diallo, et maintenant ces prostituées anonymes (et celles qui se sont courageusement portées partie civile) qui décrivent un satyre qui ne contrôle pas ses pulsions.
DSK était un homme enfoncé très loin dans un monde où les femmes lui étaient dûes, où « non » n’était pas une réponse. Et tous les journalistes complices qui savaient mais ne disaient pas. Nous sommes dans un énième témoignage d’agression sexuelle qui n’aura pas de conséquence pour les protagonistes mis en cause.
La qualification en proxénétisme
La justice n’a donc pas su ou pas pu renvoyer les protagonistes devant un tribunal pour agression sexuelle. On perçoit pourtant dans ces soirées ce qui s’apparente à du traffic d’influence : un politique de haut rang se fait offrir des soirées très peuplées de prostituées, en attendant certainement un retour, une faveur dans un dossier, une influence. Bref, du traffic d’influence? Non plus! Cela n’a peut-être pas pu être étayé par le juge d’instruction lors de son enquête. Soit. Donc non-lieu et tout le monde rentre chez soi?
Que nenni! La loi la plus malléable de l’arsenal judiciaro-sexuel est là pour sauver tout le monde : le proxénétisme pardi! Cette activité est décrite par la loi française comme le fait de « tirer profit de la prostitution d’autrui, en partager les produits ou recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ». Elle peut donc englober le propriétaire de l’appartement d’une prostituée, son chauffeur de taxi, ses enfants adultes mais hébergés sous son toit, voire même l’Etat qui perçoit les impôts (mais ne rêvez pas, l’Etat n’a jamais été poursuivi). Alors quitte à pousser le bouchon de l’absurde, allons-y : les clients de prostitués sont des proxénètes, car ils bénéficient de l’activité de la prostitution en retombées sexuelles. Voilà une stratégie Chewbacca qui donne encore une belle occasion de croire en la justice, tiens…
La défense libertine
Alors vous allez me dire, ha! Facile! La défense va démonter cet argumentaire absurde! Les clients de la prostitution ne sont pas (encore) pénalisés, et le proxénète est, revenons à la raison, celui qui fait travailler les prostituées (et pas celui qui achète leurs prestations). La base juridique de ce raisonnement est absurde, monsieur le juge! Relaxons tout le monde!
Malheureusement, si la logique s’appliquait dans cette histoire, ça se saurait. La stratégie employée est donc la plus naïve qui soit : « aaaaaaah c’étaient des prostituées? Mais je ne savais pas moi monsieur le juge! Je pensais que toutes ces filles n’en voulaient qu’à mon aura d’homme de pouvoir et à mon sex-appeal incommensurable! On ne m’a pas dit, on m’a tout caché, je suis blanc comme neige. Tout ça c’était pendant des soirées libertines, voyez-vous. » Et voilà qu’on va essayer de se demander si oui ou non les orgies de prostituées de DSK pouvaient ressembler à des soirées libertines. Car on peut éventuellement le croire : homme de pouvoir, effectivement désiré par de nombreuses femmes, DSK pouvait ne plus savoir faire la différence. Mais qu’il ait considéré ses partenaires comme des libertines ou des prostituées ne change pas le dégoût et l’image de viols généralisés qui s’imposent à la lecture de l’ordonnance de renvoi, loin de vraies soirées libertines où le consentement des participants a un rôle primordial. On se retrouve au point de départ de l’agression sexuelle passée sous silence : la boucle est bouclée.
C’est donc la justice Chewbacca qui s’étalera à longueur de chronique judiciaire durant ce procès. Rions-en un peu, à défaut d’en pleurer.