Roger, un jeune garçon, part à la campagne avec sa mère, sa grande sœur, sa tante et une femme de chambre. Entouré de toutes ces femmes, il va s’éveiller à la sexualité et finir par s’y adonner pleinement.
Au début du récit, alors qu’ils jouaient ensemble, le narrateur nous raconte la chute de sa sœur et la position indécente dans laquelle cette dernière se trouva malencontreusement. C’est alors qu’il découvre pour la première fois l’anatomie du sexe féminin. Il prend conscience peu à peu de son propre organe, commence à bander et découvre les sensations agréables que provoque le contact d’une main féminine lors du bain par exemple :
« Alors ma tante m’essuya et s’attarda à l’endroit sensible peut-être plus qu’il n’était nécessaire. Cela m’excita au plus haut point, je me tenais au bord de la baignoire pour pouvoir tendre le ventre davantage et je me remuais tellement que ma tante me dit doucement :
C’est assez, Roger, tu n’es plus un petit garçon. Dorénavant, tu te baigneras seul. »
S’ensuit alors la découverte de la masturbation et de l’éjaculation : « Je remarquai dans la suite, que l’onanisme ressemblait à la boisson, car plus on boit, plus on a soif… ». Dans ces quelques pages, l’humour n’est jamais loin. La précédente citation tout comme « Je pensais aux femmes et cela me semblait dommage de gâcher mon sperme en me branlant » en attestent. Nous sommes là à la fin du quatrième chapitre. Les sept suivants tournent ostensiblement à la pornographie. Ses sœurs, sa tante, les femmes mariées, une future mère, les servantes, toutes sont la proie de ce nouveau don Juan, âges et catégories sociales confondus. Coït, fellation, sodomie, cunnilingus, feuille de rose, etc… tout y est ou presque. Le narrateur flirte également avec la scatophilie en prenant plaisir à regarder les femmes faire leurs besoins. Il ne s’oriente pas vers les pratiques sadomasochistes mais écouter le récit des relations sexuelles entre Mme Muller et son mari ne le laisse cependant pas indifférent. « Lorsqu’elle lui avait foutu cinquante ou même cents coups, elle devait se presser d’enconner son membre à demi-mou, sans cela il débandait de suite, sauf lorsqu’elle lui léchait le cul ou se laissait lécher par lui entre les doigts de pied. Alors il bandait dur, mais toutes ces choses étaient très désagréables. »
Toutes les aventures de Roger se parent à la fin d’une ambition autre que la seule recherche du plaisir et découverte des corps. Le but ultime en serait la procréation. La sœur aînée, la tante, et une servante sont enceintes de Roger. Ce n’est pas là la traduction d’un besoin narcissique. Non. Cette attitude est donnée comme purement altruiste : « J’espère en avoir bien d’autres et, ce faisant, j’accomplis un devoir patriotique, celui d’augmenter la population de mon pays. »
Le vocabulaire, souvent très cru, et certaines scènes peuvent mettre mal à l’aise le lecteur. Plus que le langage employé, on peut se demander si ce n’est pas plutôt le désir du narrateur de pousser certaines de ses conquêtes dans leurs retranchements et son penchant pour le voyeurisme qui dérangent. Nous avançons dans le récit et nous nous faisons alors doublement voyeurs. Cette posture est-elle inconfortable en elle-même ou est-ce le fait de prendre du plaisir à suivre ce point de vue qui l’est ? Une chose est sûre, Apollinaire nous surprend avec ce roman d’initiation amoureuse et sexuelle.
Que l’on soit dégoûté ou charmé, on est captivé par les descriptions des femmes conquises, qu’elles soient gênées ou qu’elles s’abandonnent à tous les plaisirs. Les tableaux érotiques se succèdent rapidement, ce qui ne laisse pas le temps au lecteur de s’ennuyer. Heureusement toutefois qu’il s’agit d’un court récit. Je n’en aurais probablement pas continué la lecture si le nombre de pages avait été plus imposant.
Mais, précisément parce que l’auteur nous déroute ici, parce que l’humour domine, parce qu’il aborde notamment la masturbation féminine et masculine d’une manière décomplexée, et parce que Les exploits d’un jeune don Juan date de 1911, il est intéressant à lire.
Nous découvrirons la prochaine fois, du même auteur, Les onzes mille verges ou les amours d’un hospodar, publié en 1907
Folio, Gallimard, 1979, 109 p.
Johanna
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