Ecrits pornographiques, précédé de « Utilité d’une littérature érotique » – de Boris Vian
Boris Vian est, dans l’imaginaire collectif, un des auteurs les plus sulfureux et provocateurs du 20ème siècle. Mais alors, quand un éditeur décide de regrouper dans un ouvrage ses « Ecrits pornographiques », cela tient en un petit livre de poche de 90 pages. Comment a-t-il pu se créer une telle réputation en si peu de lignes ? La réponse n’est sans doute pas ici. Est-il vraiment question de pornographie ? Je n’en suis pas si sûre. Vian navigue entre les frontières floues de l’érotisme, de l’obscénité et de la pornographie.
Dans ce recueil, le plus intéressant est sans doute la première partie : « Utilité d’une littérature érotique », où sous la forme d’un discours de conférence, Boris Vian livre une analyse de l’érotisme littéraire. Fidèle à sa réputation, il déconstruit les idées préconçues, lance des arguments plus provocateurs les uns que les autres en partant d’un postulat très sérieux : la littérature érotique comme mouvement révolutionnaire préparant le monde de demain. Mais dès le premier paragraphe, il annonce : « Cette conférence n’est pas ce qu’on est convenu d’appeler « sérieuse »… C’est ma faute, je suis un méchant et je ne respecte rien, même les sujets les plus respectables, comme celui-ci. » Tout est dit. Derrière un humour désinvolte, il nous donne une définition très construite de la littérature érotique.
Comme tout bon argumentaire, il commence par nous expliquer ce que N’est PAS la littérature érotique. Et le premier auteur emblématique à être exclu de ce genre est Sade. Sade, qui par une surenchère de pornographie extrême, fini par nous dégouter du sexe. Sade, dont le pouvoir de suggestion est nul, puisque son œuvre est une succession d’actions toutes plus complexes les unes que les autres. Sade, que Vian qualifie en conclusion de « mauvaise littérature », ou éventuellement de « philosophie érotique ». Boris Vian aime nous asséner des points de vue très tranchés et politiquement incorrectes.
Et il est aussi question de politique d’ailleurs. Boris Vian est très vindicatif contre l’Etat qui censure facilement une littérature un peu trop sulfureuse, (nous sommes à la fin des années 40). La littérature érotique est selon lui, « une œuvre d’art donnant au lecteur le désir d’aimer physiquement ». Où est le mal ? L’Etat ne devrait-il pas plutôt s’en prendre à la littérature guerrière qui glorifie sans vergogne les pires crimes! Et ce, alors que l’on nous répète depuis 2000 ans « Tu ne tueras point » mais « Tu aimeras ton prochain ». Il nous explique également que l’érotisme n’est pas forcément là où on l’attend, en citant comme exemple LE livre d’amour par excellence, celui où l’on nous inculque l’Amour du Seigneur…
A la suite de cette conférence, découvrez quelques poèmes érotiques écrits par Boris Vian. Vous y lirez entre autres une parodie de « Liberté » de Paul Eluard, un dialogue truculent entre une jeune fille et un concombre, une messe quelque peu osée, ou encore la célèbre nouvelle « Drencula ». Je ne vous en dis pas plus.
Provocateur, insolent, extrême, Vian est tout cela, pour sûr. Mais ce livre est avant tout une ode à la littérature érotique. Elle a pour but de nous libérer des conventions qui nous oppressent, au même titre que les enfants ont besoin de contes de fées (Vian fait référence à Havelock Ellis), elle nous oriente du bon côté de nos passions puisque « Détourner l’homme de l’amour, l’oriente nécessairement vers l’autre pôle de nos passions la mort ». Mais surtout, elle tient un rôle initiatique auprès des jeunes adolescents, une porte ouverte vers les premiers émois, une découverte sensuelle et suggestive. Et alors que l’on nomme la génération Y, « Génération You Porn » , le livre érotique devient une arme de lutte indispensable. Si l’on ne veut pas que nos jeunes adolescents découvrent la sexualité sur des sites pornographiques, offrons leur des romans érotiques, voire même étudions-les en classe !
Ecrits pornographiques, Boris Vian, Pres. Noël Arnaud, Le Livre de Poche, PARIS, 2010.
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