C’est l’histoire banale d’une jeune femme lambda. Sa première fois ne fut pas un fiasco mais pour paraphraser Jacques Brel, si ce ne fut pas Arcole, ce ne fut pas Waterloo non plus. Dans les bras d’un homme beaucoup plus âgé qu’elle, elle découvrit l’orgasme durant les préliminaires, mais fut désenchantée par une pénétration mécanique et sans joie. Peut-être avait-elle tout simplement trop investi sur cet acte, le fait est que la désillusion fut totale. « Tout cela pour ÇA » se dit-elle après coup.
Quelques autres flirts plus ou moins poussés ont suivis, puis ce fut le premier grand amour, le désir de le concrétiser. L’envie de l’autre, elle l’avait chevillée au corps et la réciproque était vraie. Il n’y eu pas de précipitation, l’amant était expérimenté et plutôt doué. Tout se passa formidablement bien jusqu’au moment de la pénétration. Malgré toute l’envie qu’elle pouvait avoir, il n’y eut rien à faire, elle fut impossible. Il en fut de même les jours suivants, les semaines suivantes… Malgré toute la patience et la douceur du jeune homme, rien ne changea. Elle en arriva à redouter ces moments d’intimité pour ne plus être frustrée, pour ne plus cacher ses larmes dans l’oreiller et ne pas perdre la face.
C’est peu de dire que plus le temps passait, et plus cette jeune femme se sentit mal, envahie par une honte qu’elle ne pouvait exprimer. Il faut dire que chez elle, on ne parlait pas de sexe ou alors pour monter du doigt telle ou telle femme, que l’on accusait d’être une moins que rien. Ses amies de son âge n’étaient guère plus informées qu’elle-même. Durant des mois elle souffrit en silence, voyant fondre l’estime qu’elle avait d’elle-même chaque jour un peu plus. A aucun moment il ne lui vint à l’idée d’en parler avec son partenaire (lui-même ne fit aucune tentative de dialogue d’ailleurs). Ce qui devait arriver arriva : un jour elle apprit que son amant allait voir ailleurs, si l’herbe était plus verte ! Et cette herbe, c’est dans les bras de sa meilleure amie qu’il la trouva. Blessure profonde qui vint se rajouter à toute la masse de souffrance déjà présente.
Ce n’est que quelques mois après qu’elle osa en parler, à une amie qu’elle considérait comme une presque sœur et qui était plus âgée qu’elle. « Ce que tu as s’appelle du vaginisme » lui dit-elle aussitôt. Quézaquo ? Elle n’avait jamais entendu parler de cela. Son amie lui expliqua en quoi consistait ce trouble, à savoir une contraction involontaire des muscles vaginaux qui rend impossible toute pénétration. Elle découvrit par la même occasion que c’était un trouble on ne peut plus répandu. Elle n’était donc pas anormale, d’autres femmes étaient comme elle ! Rien que cela fut pour elle un soulagement immense. Elle n’était pas FAUTIVE.
Elle s’interrogea beaucoup sur la cause de ce vaginisme. A l’époque, il n’y avait pas internet pour trouver des informations, aussi elle chercha en elle-même des réponses. Puis un jour, remonta à sa mémoire un événement douloureux. Une violente dispute avec sa mère qui venait d’apprendre sa liaison avec son premier amour. Tout lui revint, les cris, les insultes… Même si elle avait eu la volonté de tirer un trait sur cet événement, les mots eux avaient laissé leur empreinte au fond d’elle-même. Comment s’abandonner lorsque l’on a quelque part dans la tête, l’idée que l’on est une putain ou une salope ?
Quelques temps plus tard, elle fit une nouvelle rencontre, reprit une relation amoureuse. Et là, comme par miracle et sans qu’aucun cézame n’ait été prononcé, son corps s’ouvrit à l’autre et au plaisir.
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Cette jeune femme, vous l’aurez peut-être deviné, c’était moi. On imagine souvent que le vaginisme est là dès le début d’une vie amoureuse, mais cela n’est pas systématique. S’il y a une multitude de vaginismes possibles, la seule chose dont on soit quasiment certain, c’est que dans tous les cas, les causes sont largement psychologiques. Parmi elles on trouve :
- Le poids d’une éducation stricte
- Les jugements que la société peut faire peser sur les femmes « libérées »
- Le manque de confiance en soi
Plus on tarde à en parler, plus on s’enferme dans un cercle vicieux (douleur, frustration, mésestime de soi) qui ne fait que renforcer le problème.
Du moment où j’osai mettre sur la table ce qui me faisait souffrir, j’avais fait la moitié du chemin vers la guérison, l’introspection fit le reste. Dans mon cas je la fis seule, mais ce n’est pas toujours possible. Il ne faut alors pas hésiter à se faire aider en consultant : psychothérapeutes, sexologues, ils sont là pour cela et ne porteront aucun jugement.
Une seule certitude, la honte est votre pire ennemie en matière de sexualité. Et je ne sais pas pour vous, mais moi quand quelque chose ne va pas au lit, c’est tout mon être qui va mal. C’est pourquoi j’ai décidé il y a déjà quelques décennies, de ne plus me taire.
Pour en savoir plus sur le vaginisme : http://www.lesclesdevenus.org/index.html