Ce matin, Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, a révélé sa charte de la laïcité qui devra désormais figurer dans chaque établissement scolaire français. Si nous ne devons pas négliger l'importance des symboles - comme l'affichage de la déclaration des droits de l'homme affichée depuis 2011 - nous devons également nous méfier du message qu'ils peuvent renvoyer. La laïcité reste selon moi une notion fort mal comprise... pas forcément par ceux que l'on croit. Il aurait donc pu être opportun d'en reparler, de la définir plus clairement mais certainement pas de la manière dont cela a été fait et dans le climat actuel.
Un concept mal compris
Beaucoup de gens semblent ne pas exactement comprendre ce qu'est une charte et la confondent avec une loi. Ainsi ce midi, dans l'émission d'Europe 1 consacrée au sujet, des auditeurs se sont demandés "comment on allait l'appliquer", sans comprendre qu'elle répétait juste les principes de la loi de 1905. Beaucoup donnaient l'impression d'une soudaine urgence en considérant que si on faisait cette charte, c'est que la laïcité était réellement en danger. Entretenir des peurs qui n'ont pas lieu d'être à l'heure actuelle me semble un jeu dangereux.
La laïcité est à mon sens très mal comprise et j'en suis le témoin tous les jours à travers les nombreux commentaires sur le sujet que je peux lire. De nombreux français sont intimement persuadés que la laïcité interdit l'expression publique de sa religion et qu'à ce titre, le voile musulman est par exemple interdit en France. Beaucoup pensent que la neutralité de l'Etat en matière religieuse s'applique également aux citoyens. Il n'aurait donc pas été, selon moi, négatif de leur rappeler ce qu'est vraiment la laïcité, même si c'est évidemment tout l'inverse qui a été fait. Beaucoup de français confondent - peut-on les en blâmer ? - ce qui est appliqué dans les établissements scolaires où les signes religieux ostentatoires sont interdits et la vie en dehors. Ce point n'est absolument pas clair pour certains et il me semble urgent de dire et répéter qu'une femme qui porte un voile - hors lycées et collèges et administrations publiques - en a totalement le droit. Mieux, la laïcité lui garantit ce droit.
Une stigmatisation permanente
Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy était présent ce midi sur Europe 1 pour discuter de cette fameuse charte. Il évoqua très rapidement les "5% de musulmans qui font du prosélytisme et ne s'intègrent pas" (qu'on m'explique en quoi le prosélytisme religieux de particuliers est-il contradictoire avec la laïcité ET l'intégration) pour finir par parler de "20 cas qui lui ont demandé du halal à l'école". Halal qui n'est pas concerné par la charte, on se demande donc bien ce que cela venait faire ici ; enfin si on en est à gâcher du papier et du temps pour 20 personnes...
Peillon lui-même avait évoqué l'islam face à cette charte, laissant ainsi entendre à tous et toutes que les seuls visés par cette charte sont les musulmans qui ne respecteraient pas la loi.
Alors c'est la gauche évidemment ; on a droit à deux pas en avant "oui alors des musulmans veulent imposer leur religion à tous" et un en arrière "non mais rassurez-vous c'est une minorité". Au final cela revient bien au même que le discours véhiculé par la droite depuis dix ans ; le musulman a des demandes déraisonnables, sans cesse renouvelées visant à établir la charia en France.
Chaque demande faite par les français musulmans, de manière individuelle ou collective est vécue par bon nombre de français non musulmans comme une exigence qui serait obligatoire, abusive ou illégale. Ainsi lorsque des musulmans portent plainte contre quelques caricatures, on hurle au déni de la liberté d'expression, sans considérer qu'utiliser son droit de justiciable est totalement démocratique. Lorsque des musulmans demandent de la nourriture halal en cantine scolaire, il convient simplement, me semble-t-il, d'étudier la demande, de voir si elle est économiquement possible et d'accepter ou non. Mais les demandes faites par les musulmans sont toujours vues comme frappées au coin du prosélytisme et de l'intolérance ; un musulman qui porte plainte veut forcément lapider tous les caricaturistes et un musulman qui demande du halal, veut, à terme, interdire le porc sur le territoire français. Disons le tout net s'ils pouvaient surtout fermer leur gueule et ne rien réclamer, tout irait beaucoup mieux.
Mais revenons en à cette fameuse charte. Depuis plusieurs mois, des lobbies catholiques font pétition sur pétition pour empêcher l'enseignement du genre à l'école ; ils font de la désinformation claire, mentent, alimentent les peurs en alignant les contre-vérités sur le sujet. Peillon, bien conscient du nombre d'électeurs représentés, s'était d'ailleurs complètement déballonné sur le sujet. Ces gens, envisagent ni plus ni moins de remettre en cause l'enseignement prodigué dans nos établissements scolaires ; le leur reproche-t-on ? Ont ils été visés aujourd'hui dans les media ? Les a-t-on simplement évoqués ? Pourtant, je lis dans la charte qu'il s'agit de protéger les élèves et de leur permettre de faire leurs propres choix sans prosélytisme et pression. Sans prosélytisme et pression, y compris catholique ? Je lis ça et là que de nombreux étudiants empêcheraient la bonne tenue des cours par leurs propos créationnistes ; que ne s'émeut-on de ses parents d'élèves qui commettent mensonge sur mensonge, délire sur délire pour empêcher que des cours soient menés à bien ? Quand ont ils été pointés du doigt ? Quand leur a-t-on reproché leur prosélytisme ? L'enseignement du genre fait partie intégrante du programme de SVT ; le remettre en cause au nom de l'idéologie catholique est donc bien contraire à la loi de 1905.
Cette charte, qui aurait pu être une bonne idée, devient une nouvelle fois, une manière de stigmatiser les musulmans qui seraient tout d'un coup irrespectueux des lois, violents, non défenseurs de' l'égalité homme/femme. J'attends donc avec impatience, le rappel de Peillon de l'obligation de respecter les choix éducatifs faits à l'école, y compris face aux cours de SVT sur le genre.. à moins qu'il soit considéré que certains ont plus le droit de contester que d'autres.
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