Votre supplique au Monde, m'a profondément émue.
Profondément émue car j'ai compris ce que sous-tendait, d'un coup, votre manifeste lancé par une femme dont l'humanisme n'est d'ailleurs plus à démontrer.
Au fond vous souhaitez nous protéger nous les femmes honnêtes, du viol comme vous le dites à demi-mot ("Que se passera-t-il quand il n'aura plus cette soupape de sécurité ? Certains deviendront-ils dangereux ?"). Tant de délicatesse vous honore d'ailleurs.
Je me permets de vous faire remarquer Frédéric, qu'il y a également des hommes violés, et sans doute pas assez de prostitués masculins ; je vous propose donc de continuer votre mission altruiste en devenant désormais prostituée au bois afin que les nombreux hommes frustrés puissent passer sur vous l'envie de violer d'autres hommes. Au fond c'est un bien maigre désagrément et j'espère que vous penserez, si l'envie vous prenait de devenir puritain, à la patrie et aux hommes reconnaissants.
Vous savez Frédéric, nous nous sommes égarées ; j'ai bien compris que discuter d'une activité occupée en majorité par des femmes, des immigré-e-s, des homosexuels, des précaires, n'est au fond que le symptôme de mon puritanisme bourgeois. Je me pose d'ailleurs la question et attend votre réponse avec impatience ; est ce qu'au fond le féminisme tout entier n'est pas puritain ? On a beaucoup critiqué certaines de vos œuvres littéraires alors qu'elles n'étaient, somme toute, qu'un pied de nez humoristique d'une minorité dont on parle trop peu ; l'homme hétérosexuel blanc.
J'ai conscience Frédéric que vous souffrez. j'ai conscience que vos souffrances sont totalement comparables avec celle d'une femme qui avortait avant la dépénalisation et qui risquait jusqu'à deux ans de prison ; au fond nos prisons sont aussi morales et c'est là où les coups de boutoir féministes pour l'égalité nous ont conduit ; la souffrance d'hommes de qualité tels que vous. J'ai pleinement conscience de la misère sexuelle des hommes dont on ne parle pas assez ; j'ai donc quelques idées peut-être un peu novatrices mais qui pourraient vous satisfaire. Je vous suggère donc de vous intéresser à cet intéressant instrument de conception assez moderne, voire d'investir intelligemment votre argent dans cet objet si totalement fonctionnel. J'ai bien conscience que cela ne remplace pas le corps d'une "fille de joie" (félicitations Frédéric votre poésie quelque peu désuète m'a mise la larme à l'oeil) mais que voulez-vous Frédéric, ces détestables puritains que nous sommes, manquent parfois d'imagination. Par ailleurs la pratique du yoga à haute dose peut vous permettre à terme d'atteindre bucalement certains organes. Cela vous evitera de gagner les "bas-fonds" où un homme de votre qualité n'a décidément rien à faire.
Ce qui m'intéresse Frédéric dans votre texte, c'est votre analyse des hommes qui selon vous, vont tous voir des prostituées et violeront s'ils ne peuvent plus en voir. cette haine du masculin m'inquiète Frédéric et une question me vient à l'esprit, vous êtes féministe c'est ça ?
Arriver à être publié dans le Monde sur un sujet que vous dites, de votre propre aveu, ne pas connaître, constitue toutefois une vraie performance et j'en suis assez admirative. Je vous prie donc de bien accepter les excuses d'une féministe qui n'a pas su détecter l'immense humaniste que vous êtes (votre souci des femmes violées vous honore encore une fois), l'homme de réflexion (l'intéressant et original rappel à 1968), votre humour (votre comparaison entre le skateboard et la prostitution m'a fait la journée), votre connaissance historique et votre sens bien placé de l'indignation.
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