Jardin de Mirbeau aux Damps de Camille Pissaro 1891
Le soleil inonde mes épaules, j’écris en terrasse, en bordure des bouleaux. La petite chatte tigrée a fini par manger la souris qu’elle avait attrapée. Son frère et sa sœur avaient depuis longtemps lâché l’affaire. L’un était étendu sur les planches, l’autre sur le pas de porte. Les deux, après avoir guetté le jeu sanguinaire, affichaient une morgue désabusée.
Il paraît que Brad a épousé Angelina en cachette alors qu’on avait annoncé leur mariage depuis des semaines. Oui, parfois, il m’arrive de lire quelques actualités people. Il paraît aussi que la France à changer de gouvernement. Mais quel gouvernement ? Le Premier ministre est toujours le même qui s’est empressé de supprimer tous ces anciens tweets pour en écrire un nouveau : « Cohérence, cohésion, clarté : trois mots d’ordre pour ce premier Conseil des ministres. Faisons avancer la France ! MV » Quel foutage de gueule quand les uns viennent de quitter le navire alors que les autres sont nommés à des ministères voisins de ceux où ils officiaient plus qu’ils n’oeuvraient ! Faut-il s’éloigner des villes et prendre plaisir à jardiner tel un Octave Mirbeau pour remarquer que la pauvreté et la colère ne se cessent de croître ? Qui se souvient de son *appel paru le 28 novembre 1888 dans le Figaro ? « Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est d’ailleurs pas en son pouvoir de te donner. » écrivait cet écrivain, critique d’art et journaliste. Loin du tournis des grandes agglomérations, je respire la liberté et elle sent bon le chèvrefeuille, les phlox et l’herbe coupée, j’écoute le chant de la nature et il sonne beau la stridulation des grillons, le gazouillis et les trilles des mésanges, des pinsons, de la fauvette à tête noire ou du pivert qui chantent l’été.
Je ne sais pas où tu es. En Normandie, en Provence, à Bud, à Pest, à New York, à Florence ou à Moscou ? Je t’avouerai que je ne me pose pas souvent la question. Il ne me reste que quelques gouttes de Bal Musqué et je ne vois toujours pas quel parfum pourrait le remplacer. J’ai presque taillé toutes mes haies, semé de la salade à couper, des radis noirs et des navets. J’ai repiqué de la menthe aquatique et de la reine des prés. J’ai aussi réparé la roue de ma brouette et bouturé des roses qu’un cousin m’avait offertes. J’hésite encore à rentrer le ficus. Aucun invité, fille ou garçon, n’a prévenu de son arrivée prochaine. Les cloches sonnent l’angélus. Le thé est bu. Je ne fumerai pas de cigarette ce soir. Il est l’heure d’arroser les massifs et de rentrer les chatons. Je poursuivrai mon écriture plus tard.
*La grève des électeurs, Octave Mirbeau