Après La femme que j’aimais dont les droits audiovisuels ont été achetés, La vengeance du djinn, voici le troisième roman de Franck Hériot : Le diable d’abord.
Extrait (choisi)
Tuer le temps. C’était devenu une habitude à chacun de ses rendez-vous. Une mauvaise habitude. Elle s’était installée sournoisement. L’idée d’être en retard lui avait toujours paru insupportable. Il n’aurait jamais expliqué pourquoi, tant il est vrai que cette manie d’arriver toujours en avance répondait plus à une angoisse profonde qu’à une règle de savoir-vivre. Jeune, il se donnait toujours une marge d’une quinzaine de minutes. Peu à peu, cela lui avait semblé insuffisant et le quart d’heure s’était transformé en demi-heure puis en heure sans qu’il y prenne vraiment garde. C’était ainsi et pas autrement. Le pli était pris. Il est vrai que son métier lui permettait une grande souplesse dans ses horaires. Critique littéraire dans un hebdomadaire, un « new magazine », il n’était pas débordé par le travail, prétextant qu’il lui fallait bien prendre le temps de lire la masse considérable de livres qu’il recevait chaque semaine avant d’en faire la critique. Aussi ses articles n’encombraient-ils pas les pages de son journal. Personne n’y trouvait à redire, pas plus son rédacteur en chef - celui-ci qualifiant sa prose d’inutilement vacharde, rares étant les écrivains qui trouvaient grâce à ses yeux - que les lecteurs qui ne semblaient pas s’en plaindre. C’est en tout cas ce que pouvait supposer le peu de courrier dont il était le destinataire. Cette situation lui convenait parfaitement, lui permettant de dégager suffisamment de temps libre pour se consacrer à l’écriture de son roman. Et du temps, au rythme où il allait, il lui en faudrait beaucoup avant d’arriver au terme de cette tâche, de cet Everest qu’il se refusait à croire infranchissable ! Pourtant, après plusieurs années d’un acharnement certes louable mais totalement stérile, il n’avait toujours pas franchi le cap du premier chapitre. Ce n’est pas tant la plume qui lui faisait défaut que l’histoire. Mais avait-il seulement quelque chose à raconter ? Il avait fini, malgré tout, par se poser la question, ne désespérant pas cependant de débusquer, un jour, la trame d’un récit susceptible d’attirer l’attention d’un éditeur, les louanges de la critique et les suffrages du plus grand nombre de lecteurs. En attendant, les feuillets, au lieu de s’empiler sur son bureau, remplissaient sa corbeille ; il faut préciser qu’il restait un farouche partisan de la plume et du papier, se faisait un point d’honneur à ne jamais poser les doigts sur le clavier d’un ordinateur.
Qu’il trouve ou pas une bonne histoire, il lui manquerait toujours cette denrée essentielle au métier de romancier qu’est l’imagination. Et sa vie, monotone et sans saveur, ne suffisait pas à réunir les ingrédients nécessaires à remplir les cases vides. Et elles étaient nombreuses.
Ce matin-là, il n’avait pas failli à son habitude. Arrivé avec une heure d’avance, il allait devoir à nouveau « tuer le temps » avant de rencontrer un jeune écrivain dont il envisageait de faire le portrait.
Résumé
Des corps décapités sont retrouvés accompagnés de messages adressés au commandant Gorin. Alors qu’il cherche à comprendre le pourquoi du comment, la Crim’ à laquelle il appartient a un autre dossier à traiter. Gorin se retrouve confronter à son ex-compagne devenue agent de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur.
Son passé qu’il pensait à jamais enterré refait surface.
Avis
Franck Hériot journaliste spécialisé dans les enquêtes judiciaires et politico-financières est très doué pour semer le trouble dans ses romans jusqu’à la scène finale.
Le diable d’abord voit le retour du commandant Gorin, un taiseux, apparu dans La vengeance du djinn. Un personnage dont personne ne connaît le passé. Au fur et à mesure que l’histoire se déroule, que les enquêtes avancent et s’entremêlent, une partie de la vérité se dessine.
Le diable d’abord. Un voyage en enfer dont on dit qu’il est pavé de bonnes intentions.
C’est oublier que la vie est toujours pleines de surprises, ce que nous démontre magistralement Franck Hériot.
Même les meilleures intentions peuvent conduire aux pires résultats : il ne suffit pas de couper tous les liens qui rattachent tout à chacun à son enfance pour que ceux-ci disparaissent aussi facilement que certains souvenirs s’effacent.
PERSONNE N’ÉCHAPPE À SON PASSÉ
Le diable d’abord, Franck Hériot, Le Cherche Midi, 432 pages 19 €
Disponible aussi en format numérique
A noter : La femme que j’aimais chez Pocket depuis janvier 2013