J’ai honte de l’avouer, parce que ça va à l’encontre de tous mes principes, mais ce qui m’attire le plus chez elle, c’est sa profession et surtout la façon dont elle porte son uniforme. Je sais, je sais, j’ai déjà fait toutes ces déclarations radicales à l’emporte-pièce et vous êtes en droit de me juger – n’ayez crainte, je le fais continuellement moi-même. Il se trouve que lorsque je la vois, en service, revêtue de son uniforme strict et immaculé, je craque.
Elle est grande, sculpturale, ses traits sont fins et réguliers, ses cheveux impeccablement attachés en chignon… je suis certaine qu’elle serait foudroyante de beauté dans une robe du soir. Mais placez cette beauté dans un uniforme à la coupe anguleuse et elle devient tout simplement irrésistible. Le chemisier empesé gris est brodé de rouge et d’or qui contraste avec le blanc crémeux de sa peau. En uniforme, elle a l’air d’une Amazone, d’une souveraine.
Et c’est précisément ce qu’elle est: c’est un chef. Le badge qu’elle porte sur sa poitrine gauche l’indique : elle occupe un rang supérieur dans la hiérarchie et les autres – hommes et femmes – qui portent le même uniforme lui doivent respect et obéissance. Elle baigne dans une telle aura d’autorité que j’en frémis à m’en donner la chair de poule.
Je m’approche timidement d’elle, mon cœur tressaille.
— Bonjour madame, comment puis-je vous aider? me demande-t-elle sur un ton froid, mais courtois.
Mon esprit chavire et mon corps est déchiré par le désir. Comme je voudrais lui dire à quel point je la trouve superbe, à quel point je suis chamboulée par sa présence ! Je voudrais tant lui avouer toute la passion que j’éprouve, lui dire qu’elle me fait mouiller comme une folle… mais elle m’impressionne trop, c’est inutile. Jamais n’oserais-je violer les strictes barrières que son uniforme établit entre elle et moi. Elle est en devoir; le mien est de réprimer mes élans libidineux et de m’en tenir à de stricts rapports professionnels. Après l’avoir fixée quelques secondes, la bouche ouverte et salivant comme une idiote, je finis par lui répondre :
— Un trio Big Mac avec un Coke Diète, s’il-vous-plaît madame.
Josianne, assistante gérante, sourit et entre ma commande pendant que je la contemple révérencieusement. Après avoir payé, je pars donner ce bout d’animal mort au vieux monsieur pas trop propre qui sirote un café (sûrement depuis des heures) à la table près de la porte. C’est pas drôle tous les jours d’avoir des principes, je vous jure.