La galanterie comme «art de plaire, d’aimer et d’être aimé» recouvre une gamme de conduites variées, parfois contradictoires, allant du «plan drague» à l’expression de la plus exquise urbanité… Parfois même galanterie désigne une MST. Comment s’y retrouver ?
La galanterie est-elle une spécialité française ?
Il est courant de dire que «c’est la langue française qui a fourni à toutes les autres l’appellation, sinon la chose» et que seuls les Français possèdent l’art de la galanterie. Pourquoi ? Certains s’appuient sur l’étymologie et affirment que la Gaule et la galanterie sont liées… « Esprit gaulois et galanterie sont la même chose, remontant tous deux au verbe Galler, se réjouir, s’amuser, mener joyeuse vie», raconte Yves Giraud dans L’Art d’aimer en romandie (1979).
Ce n’est pas tout à fait exact : Gaulois vient de Gali qui veut dire, littéralement, «les furieux» en Gaulois et qui a donné Gaillard. Confère le vieil Irlandais Gal qui signifie «vapeur, fureur».
Quant au mot Galant, c’est le participe présent de l’ancien verbe Galer, «s’amuser», mot issu du francique Walare («se porter bien»), dérivé de Wala («bien»). Confère l’Anglais Well «bien» (ou Well well «bien bien»).
La galanterie a-t-elle un rapport avec le galop ?Il n’y a donc aucun rapport entre la Gaule et la Galanterie. Non seulement parce que les racines de ces deux mots n’ont rien à voir mais parce que le mot Galer qui a donné Galant est d’origine francique, c’est-à-dire germain. A noter que ce verbe Galer («s’amuser») se retrouve dans : gala, régaler, galéjade, régalade, galopin et… galop. Il existe en effet un lien entre le Galop et la Galanterie. Le verbe Galoper –qui se compose de deux mots franciques Wala Halupan (l’équivalent de l’allemand moderne Wohl Laufen)– signifie «bien courir». Faut-il en déduire que ceux qui «galantisent» (ainsi que l’on dit au 18e siècle) sont des coureurs.
La galanterie est-elle l’art de courir les femmes ?Au début, non. A l’origine, le galant est celui qui aime s’amuser, faire la «gale», la fête, qui recherche les réjouissances, l’amusement, l’euphorie. Il n’y a d’abord aucune connotation de séduction dans ce mot. Mais l’amusement présuppose la fête collective, la réunion rassemblant hommes et femmes, ce qui explique pourquoi, progressivement, le terme prend un sens plus général : est galant celui qui cherche à plaire aux dames. La galanterie devient donc une disposition de caractère, un penchant naturel : « l’attache qu’on a à courtiser les dames», dit Furetière (Dictionnaire universel, 1690). Mais elle est aussi un comportement appris, celui de l’homme qui a assimilé les règles de civilité. Richelet définit donc le galant comme « un homme qui a de la bonne grâce, qui est bien fait et qui, pas ses manières, tâche à plaire aux dames.» Le Dictionnaire de l’Académie (1694) définit également la galanterie comme «les respects, les soins, les empressements pour les femmes qu’inspire l’envie de leur plaire».
La galanterie est-elle une maladie vénérienne ?La Galanterie désigne aussi bien le cadeau que l’on fait à une femme que celui qu’elle vous fait en retour, à savoir une maladie sexuellement transmissible ou, ainsi que le formule joliment Furetière : « quelque petite faveur de Venus qui demande des remèdes». Le Littré donne ainsi quatre définitions de galanterie :
1/ « Se dit des présents. «Et si vous faites cas de ces galanteries / vous n’aurez qu’à choisir / disposez de mes pierreries «(Rec. de Vers.)».
2/ « Fleurettes, douceurs amoureuses.» Autrement dit : flatteries bien tournées, belles paroles. «Combien voyez-vous de jeunes gens qui vont de ruelle en ruelle distribuer leur galanterie enjouée, sans avoir aucun dessein formé ? » (Mademoiselle de Scudery).
3/ « Res nihilis». «On dit aussi «Cette affaire-là n’est qu’une pure galanterie (res nihilis) «pour dire «Ce n’est pas une chose de conséquence.»
4/ « On dit qu’un homme a gagné quelque galanterie avec une femme, pour dire une vilaine maladie qui demande des remèdes et qui est généralement l’effet de la débauche. »
Un galant homme n’est pas un homme galantC’est probablement lorsque l’art de la cour se développe, vers le XVIIe siècle, que le mot se met à désigner deux choses radicalement opposées. Une disjonction s’opère. Il prend deux sens différents, presque antithétiques dont le Littré de 1771 résume ainsi la teneur : «Il y a beaucoup de différence entre un galant homme et un homme galant. Un galant homme est plus de tout dans la vie ordinaire, il a des agréments plus profonds et le temps a moins de prise sur lui. Un homme galant devient à la fin le rebut et le mépris du monde. «(Le Ch. de M.). » Pour le dire en termes clairs : «Galant homme» désigne un homme poli, honnête et agréable. Alors qu'«Homme galant» veut dire séducteur, seulement préoccupé d’obtenir les faveurs des femme s.
Se «battre en galant» : l’homme d’honneurExpurgé de toute connotation sexuelle, le mot Galant (dans son sens «noble») devient, ainsi que Vaugelas le définit en 1647 «un composé où il entre du je-ne-sais-quoi, ou de la bonne grâce, de l’air de la cour, de l’esprit, du jugement, de la civilité, de la courtoisie et de la gaieté, le tout sans contraintes, sans affectation et sans vice. » Qu’on se le dise. Les Lois de la galanterie (1644) enfonce le clou –pas de vice– en précisent que l’exercice de la galanterie requiert «propreté, civilité, politesse, éloquence, adresse, accortise, prudence mondaine.» Rien à voir avec les femmes, donc. «La tradition mondaine ennoblit et intellectualise la galanterie en la purgeant, au moins en surface, de toute concupiscence et en faisant d’elle l’idéal de vie de l’honnête homme en société. »
Lorsque l’on dit d’un officier de l’armée qu’il « s’est battu en galant homme» cela signifie qu’il s’est montré «honnête homme», respectueux des codes d’honneur et des règles en usage dans le monde. Galant, alors, signifie «habile dans sa profession, qui entend bien les choses dont il se mêle. Vous pouvez lui donner votre affaire à conduire, il s’en acquittera bien. » (Littré, 1771). Mais les choses ne sont pas si claires…
Un galant homme peut en cacher un autreUn autre sens, très différent, se développe en parallèle du premier. Ce sens –qui s’impose dans l’usage commun– désigne le Galant comme « celui qui fait l’amour à une femme mariée ou une fille qu’il n’a pas dessein d’épouser» (Dictionnaire de l’Académie, 1694). Rappelons que «faire l’amour», à cette époque, veut dire «faire la cour». Mais il n’y a qu’un pas des jolis mots fleuris au lit… Le Galant est donc l’homme qui s’amuse avec les femmes, qui recherche les aventures : ses intentions ne sont pas honnêtes. « Témoin cet officier suisse qui rendait des visites très fréquentes à une demoiselle. La mère de cette jeune personne, qui craignait de laisser un prétexte à la médisance demanda un jour à cet officier sur quel pied il voyait sa fille
- Est-ce pour le mariage ou autrement, dit-elle ?
Le Suisse répondit avec assez d’ingénuité : - C’est pour autrement.» (L’Art d’aimer en romandie, 1979).
Qu’est-ce qu’un Vert-Galant ?« Anciennement, bandit qui se postait dans les bois. Homme redoutable pour la vertu des femmes», dit Le Petit Robert (1984) de façon un peu floue. Il est probable que l’expression «Vert-Galant» soit née à cette époque où les Galants de feuillée se postaient dans les bois pour attaquer les passants. Ils surgissaient des buissons pour voler et violer. Mais ce sens est escamoté dans les dictionnaires du XVIIe siècle qui font l’impasse sur les crimes sexuels. Pour Furetière (1690), un vert galant est un « homme sain et vigoureux qui est propre à faire l’amour» (conter fleurette, donc). Le Vert-Galant n’est plus qu’un homme entreprenant avec les femmes : à peu près ce que nous appellerions un dragueur. Le Littré de 1771 dit : «On appelle un vert galant un jeune homme sain, vigoureux, qui est propre au plaisir».
Faut-il être dupe de la galanterie ?En 1777, un certain Emer de Vattel décrit la galanterie comme une technique de prédation sexuelle moins brutale et plus gratifiante que le viol. «Nous, les hommes, dit-il, nous sommes physiquement plus forts que vous, les femmes. Raison pour laquelle la galanterie a été inventée : pour donner aux femmes l’illusion qu’elles ont du pouvoir sur les hommes, qu’elles peuvent décider de leur sort, qu’elles peuvent se refuser… Moyennant quoi, nous les hommes, nous en tirons aussi l’illusion que lorsqu’elles acceptent, c’est parce qu’elles nous désirent».
« C’est pour notre propre bien, Mademoiselle, et par un raffinement de volupté que nous autres hommes sommes astreints à tant d’égards et de respects pour les femmes. La Nature nous ayant fait plus forts qu’elles, si nous voulions agir en maîtres, nous croirions n’être redevables qu’à la crainte, ou à une obéissance intéressée, des plaisirs qu’elles [les femmes] nous procurent. Nous avons pris le parti de les ériger en divinités pour avoir la satisfaction d’en être exaucés dans nos prières. Nous nous persuadons ensuite que nous devons notre succès à notre mérite ; et nous éprouvons qu’il est infiniment plus doux d’obtenir de cette façon que de prendre par force ou par autorité. » (Lettre anonyme A une jeune demoiselle sur l’origine et la raison des respects que les hommes témoignent aux femmes, 1777).