«On vous a trouvé la meilleure excuse pour regarder du porn : sauver les abeilles.» Lancée par Pornhub, la chaîne Beesexual propose des vidéos d’abeilles en train de butiner… Ces vidéos sont doublées par des pornstars.
Depuis le 22 avril (jour de la Terre), le site Pornhub, en partenariat avec l’agence publicitaire française BETC Pantin, fait campagne en faveur des abeilles par le moyen de l’humour décalé. Sur la chaîne Beesexual –jeu de mot sur bee (abeille) et bi– des vidéos d’hyménoptères sont visibles gratuitement. Pour chaque vidéo regardée, Pornhub s’engage à faire une donation à deux associations de défense des abeilles : Opération Honey Bee et Le Centre pour la Recherche sur les Abeilles. L’enjeu est de taille, ainsi que l’explique Corey Price, vice-président de Pornhub : «La plupart des plantes dépendent des pollinisateurs pour se reproduire. Malheureusement, les abeilles doivent maintenant lutter pour leur survie. Etant donné que nous avons 110 millions de visites par jour, nous pensons que toutes les personnes qui profitent de Pornhub pourraient peut-être participer à la sauvegarde d’une espèce si précieuse. C’est notre devoir de garantir que les abeilles puissent continuer à polliniser et à forniquer.»
«Une abeille trans se tape une fleur de cerisier timide»
Sur la chaîne Beesexual, les vidéos ont des titres parodiques : «Comment faire jouir une fleur en trois secondes», «Une domina dénudée donne la fessée à un hélianthème», «Les leçons coquines de prof. culbutineur», «La première baise à trois d’un couple poly-nisateur», «Maya l’abeille déflore toutes les vivaces au gode-ceinture»… Prises en macro, ces vidéos montrent les abeilles faire orgie de nectar, écarter les pétales, plonger leur trompe dans les pistils et s’enfoncer jusqu’au cou dans le pollen. Le doublage est assuré par des stars du porno gay, hétéro et queer (1) dont les dialogues (malheureusement non doublés) sont parfaitement parodiques. A défaut d’être excitant, c’est très drôle. Il arrive même, en regardant les vidéos, qu’on se sente gagné par la frénésie bourdonnante des abeilles. De fait, les butineuses sont souvent associées à l’érotisme. Pourquoi ?
La faute au miel
La faute au sucre, répond l’anthropologue Gilles Tétart : «la sensation gustative euphorisante procurée par les sucreries rappelle [les hommes] au souvenir d’une autre espèce de la jouissance…» Dans Le sang des fleurs, Gilles Tétart rappelle ce fait qu’en Occident, la gourmandise «a souvent fait l’objet d’une réprobation morale implicitement liée à la question du plaisir sexuel.» Presque rien ne sépare les lèvres du haut de celles du bas. Il suffit d’un coup d’oeil dans notre littérature érotique, dit l’anthropologue. Les fluides liées à la jouissance sont souvent comparés au miel. De même que le voyage de noces («lune de miel») durant lequel les jeunes mariés sont censés s’initier au plaisir. Il existe aussi un rapport direct entre la piqure d’abeille, le dard et l’érotisme. Un conte licencieux d’Aquitaine en témoigne : «La fille qui avait un essaim au cul». C’est l’histoire d’une jeune femme possédant plusieurs amants et dont le sexe est comparé à une ruche bourdonnante.
«La fille qui avait un essaim au cul»
«La Catinelle avait deux galants, le premier riche mais simple d’esprit le second pauvre mais dégourdi. Un jour, le dégourdi dit à l’autre : “Tu vas voir la Catinelle. Je t’avertis qu’elle a un essaim au cul. Moi, à aucun prix, je ne la prendrais.” L’imbécile courut aussitôt chez sa maîtresse pour savoir si c’était vrai. “Catinelle, dit-il, le bruit court que tu as un essaim au cul. Avant d’aller plus loin, il faut que je sache si c’est vrai.” “C’est bien facile, dit la Catinelle, tu n’as qu’à y mettre le nez, Prends garde seulement que les abeilles ne te piquent pas !”» Ce genre de conte n’est pas isolé. Il s’appuie sur une tradition datant de l’antiquité qui associe le plaisir à la peine : dans les Idylles de Théocrite (-315 - 250 av. J.-C), un conte nommé «le voleur de miel» raconte que Cupidon voulut un jour dérober les rayons d’une ruche et se fit piquer. Se plaignant qu’un aussi petit insecte procure une douleur si vive, il se plaignit à sa mère, Vénus, qui se moqua : «Toi-même mon fils, ne ressembles-tu pas à l’abeille ? Tu n’es qu’un enfant, mais quels maux ne fait pas ta blessure ?»
Le plaisir ne va pas sans souffrance
Vers 1525-1530, Lucas Cranach peint de nombreuses versions de cette histoire. Son tableau Vénus et Cupidon voleur de miel met en scène une femme nue au sourire narquois, sûre d’elle et pleine d’audace. Elle ignore superbement les plaintes du petit Cupidon. Il n’y a pas de miel sans venin. Ni de désir sans douleur. C’est à prendre ou à laisser.
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A LIRE : Le sang des fleurs. Une anthropologie de l’abeille et du miel, de Gilles Tétart, éditons Odile Jacob, 2004.
A VOIR : Rendez-vous sur la chaîne Beesexual sur Pornhub. Pour plus d’infos : www.beesexual.com
NOTE (1) : Abella Danger, Julia Ann, Brett Rossi, Charlotte Stokely, Kira Noir, Domino Presley, Dante Colle, Avery Black, Olivia Austin, Will Pounder, Stirling Cooper et Joanna Angel.
CET ARTICLE FAIT PARTIE D’UN DOSSIER «MIEL SEXUEL» : «L’érotisme de la cire : un rêve d’éternité ?» ; «Du porno (drôle) pour sauver les abeilles ?» ; «Ouranos et le fantasme de la castration» ; «Contre quoi donnerais-tu ta vie ?» ; «Sainte Rita et le miracle de l’épine».