Vous vous êtes assise à côté de moi dans le métro, vous sentiez la Javel. Petite et ronde, vous aviez les traits d’une femme du Sud. Le sac à vos pieds était rempli de produits et ustensiles d’entretien. Rapidement, vous avez sombré dans un sommeil profond, votre tête appuyée sur la fenêtre.
Vos mains calleuses, travailleuses, portaient les stigmates de longues années passées dans l’eau.
Vous terminiez votre travail et je partais rejoindre des amis pour prendre un café sous le beau soleil parisien.
Madame, j’aurais voulu vous dire… À quel point j’ai ressenti pour vous un élan d’affection et de tendresse.
Madame, j’aurais voulu vous demander… Si quelqu’un vous avait remerciée pour votre travail ou si vous aviez quitté les lieux avant que les employés n’arrivent, si vous étiez de ces personnes de l’ombre qui nous rendent service, et nous sont invisibles.
Madame, j’aurais voulu vous rassurer… En vous disant que vos efforts n’étaient pas vains, que votre fille sera la première universitaire de votre famille, que votre petite-fille, elle aussi, fera des études et que votre arrière-petite-fille aura des ambitions d’artiste…
Elles vivront dans de beaux appartements ou de belles maisons. Elles travailleront dans des bureaux, confortablement assises et non les mains dans l’eau. Elles auront des allures soignées, des mains manucurées et des cheveux bien coiffés. Elles ne sentiront pas la Javel. Elles n’oublieront pas d’où elles viennent, qui vous êtes.
Dormez Madame, reposez-vous, sachez que grâce à vous, celles qui vous suivent auront de belles vies et que leurs mains douces prendront les vôtres avec amour jusqu’à votre dernier souffle.
(cc) Carmen Zuniga
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