Il y a mille ans que je suis venue dire ici l’étrangeté de se savoir matrice potentielle. Quand on est nullipare, on ne sait à peu près rien. Je le sais maintenant. Mille ans plus tard, j’ai deux enfants.
Deux êtres sortis de ma chair qui sont à moitié issus de moi, qui se sont nourris de moi, qui se détachent peu à peu de moi.
Ce sont eux, mille fois plus que ces mille ans écoulés, qui m’ont transfigurée. Je n’ai plus rien à voir avec celle que j’étais. Cela, nous le savons toutes, pour peu qu’on soit passée par là.
Tout devient ambigu. Bonheur et souffrance mêlés. Jeunesse et mort qui se rapproche. Etre prête à donner sa vie dans l’instant et être prête à tuer pour un moment d’égoïsme. Vouloir tout à la fois retenir et accélérer le temps. Se dépasser dans l’épuisement. Se noyer en étant une bouée.
Devenir celle que l’on a toujours été tout en s’en éloignant. Se voir en miroir dans des yeux si différents. Etre éperdue d’admiration en regardant de haut. Etre tellement responsable et ne plus rien maîtriser.
Ce clair-obscur du quotidien, si banal et si extraordinaire, c’était ça, le secret. J’étais si loin de l’avoir deviné et aujourd’hui je le vis. En en prenant plein la tronche et plein les mirettes en même temps et en croisant fort les doigts pour avoir au moins une petite idée de ce que je suis en train de faire.
(cc) Didier
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