Il est 14 h 47, ce dimanche 13 novembre 2016, quand je commence à écrire ce billet. L’année dernière, il y a 365 jours, à cette heure-ci, notre monde n’avait pas encore tout à fait basculé. Les plaies de l’attentat contre Charlie Hebdo se refermaient.
Je pensais à souhaiter son anniversaire à mon meilleur ami. Je pensais aussi à ma grand-mère en me disant que le lendemain, elle aurait eu 101 ans, et à quel point elle aurait détesté ça !
C’était un vendredi du mois de novembre. Il faisait étonnamment beau dans mon sud ouest lointain de la capitale. Je suis rentrée tard chez mon amoureux. J’ai raté la Marseillaise du match de foot.
Il m’a accueillie avec un verre de bon vin et un bon dîner comme il savait les faire. On a mis le match en fond. On était content de se retrouver après une semaine séparés.
Et puis j’ai dit : “J’ai un mauvais pressentiment. Le monde est difficile, agressif. Je sens un truc horrible”. Et pour me conforter, il m’a répondu : “Le pire serait un attentat au stade de France”.
On a chassé nos vilaines pensées. On a bu et on a dîné. Et puis la fin du match. La découverte de l’horreur. La réalisation du pressentiment. La sensation que je ne pouvais pas gérer ça. Que ma génération ne pouvait pas gérer ça.
Cette atteinte si violente à notre culture, à nos modes de vie. Le verre de vin entre mes mains s’est brisé.
On a été frappés au cœur, au centre de ce qui fait notre identité, de ce mode de vie que le monde entier nous envie. Ce qui fait de Paris cet endroit célèbre, cet ode à la liberté.
Et puis les victimes. Parce que le monde est ce qu’il est, parce que les moyens de communication de notre génération font que nos réseaux sont connectés, on connaît tous quelqu’un qui a perdu quelqu’un.
On a tous refait notre emploi du temps. et réaliser qu’une semaine avant, on était là ou là, ou qu’on aurait dû y aller le lendemain. Qu’est-ce qui fait que ce n’était pas le jour où moi, j’y étais ?
Depuis, j’ai l’impression de vivre en apnée. Dans l’espoir que cela ne se reproduise pas. J’ai suivi chaque grand évènement, le cœur serré d’appréhension.
L’Euro de foot, pendant lequel j’ai pu assister à un match. Une bombe agricole a explosé sous nos yeux. J’ai tremblé pendant 10 minutes, les larmes aux yeux. Les fêtes de Bayonne, symbole pour eux de la décadence. Les Jeux Olympiques, qui se sont déroulés de la plus belle des manières.
Ça a un peu pansé les blessures, ça a un peu rassuré mon esprit, mon âme blessée. Mais quelque chose a changé ce jour-là. Peut-être la perte de l’insouciance.
Ce jour qui n’aura plus besoin d’année pour être ancrée dans nos têtes et dans nos cœurs, ce jour où toute une génération privilégiée a découvert la guerre.
Ce jour depuis lequel je n’oublie jamais de dire aux gens que j’aime que je les aime.
(cc) Shinichiro Hamazaki
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