Anorexie. Ce mot, tout le monde le connaît, mais peu en parlent. Pourtant, l’incidence de l’anorexie s’élèverait entre 3 000 et 6 000 nouveaux cas chaque année en France. 1 Le livre Dix-sept heures douze, place d’Italie d’Anaïs Nighoghossian lève le voile sur cette maladie. En partageant l’histoire de son propre combat contre l’anorexie mentale, elle permet de briser le tabou pour tous-tes.
Le livre « Dix-sept heures douze, place d’Italie » d’Anaïs Nighoghossian « L’anorexie n’est pas une maladie de fille à papa »L’anorexie mentale est un Trouble du Comportement Alimentaire (TCA), qui touche 1 à 2% des 12-20 ans en France, soit environ 400 000 jeunes. Elle se manifeste par une perte de poids intentionnelle. 90% des personnes anorexiques sont de sexe féminin, essentiellement âgées de 14 à 20 ans. 2Pour Anaïs Nighoghossian, jeune trentenaire, au parcours scolaire brillant et cadre sup parisienne, la règle n’a pas fait exception. C’est à 14 ans que la maladie fait irruption dans sa vie, sans cesser de lui coller à la peau jusqu’aujourd’hui.
Anaïs dit avancer « comme un automate » au quotidien. Des racines de l’histoire familiale, aux passages en hôpitaux psychiatriques, jusqu’à sa vie d’adulte qui remplit « le frigo, l’agenda, le dressing, le livret A… », elle livre son parcours de combattante, sans fard et avec beaucoup de style. L’écriture est fluide, les mots glissent et percutent, dans un flot qui nous porte sans qu’on ne puisse s’arrêter en chemin. L’arrogance du talent se joint avec brio à sa sensibilité à fleur de peau.
… mais c’est une maladie ancrée dans le fémininSeuls 10% des victimes d’anorexie mentale sont de sexe masculin. De façon générale, les TCA (anorexie, boulimie) se manifestent majoritairement chez les jeunes filles en période d’adolescence.
L’anorexie n’est pas une maladie de fille à papa. Elle s’invite partout : chez les filles d’ouvriers, les immigrées, les jeunes comme les vieilles, les riches ou les fauchées, les gamines précoces, les enfants sages comme les enfants terribles. Ce livre raconte mon histoire, mais aussi celle de milliers de jeunes femmes ».
Anaïs Nighoghossian, extrait du livre « Dix-sept heures douze, place d’Italie«
On retrouve essentiellement la maladie dans les sociétés occidentales, où le culte de la minceur est un idéal de beauté valorisé. Anaïs mentionne sa tendance à la dysmorphie corporelle (la dysmorphie renvoie au caractère obsédant d’un défaut physique, réel ou imaginaire). À 16 ans, elle développe une obsession pour le thigh gap, cet écart entre les cuisses, qui fut regulièrement promu par les magasines de mode féminins.
Cover issue d’un article sur le Thigh Gap sur le site Musculation-FemmeEn 2022, la presse américaine vantait le retour de la mode « heroïn chic ». Ce terme fait référence au monde du mannequinat des années 90, qui favorisait l’ultra maigreur et la consommation de drogue. Heureusement, cette tentative de retour fut vivement critiquée !
Couverture de l’article du NY Post sur le retour de l’Heroïn ChicLes jeunes filles et femmes paient le plus lourd tribut d’une société patriarcale qui réifie le corps féminin. Comment sortir facilement de l’anorexie, quand la société valorise positivement l’ultra maigreur et dévalorise les « personnes dites grosses » ? Comment voir sa maladie, quand le reflet du miroir correspond aux critères de « beauté fatale », pour reprendre l’expression de Mona Chollet ?
Durant ses premières séances de groupe de parole à l’APHP 3, Anaïs Nighoghossian note d’ailleurs qu' »il n’y a que des femmes, des ados, des quinquas, des femmes sans âge ».
Sortons du tabou et du déni sur les TCALa société ferme les yeux sur ce trouble mental, pourtant l’anorexie n’est pas une maladie rare et présente un taux de mortalité élevé (5 à 15 % des anorexiques décéderaient prématurément).4
Or, le problème du tabou, c’est qu’il rend aussi l’information sur le sujet difficile d’accès, notamment pour les familles concernées. L’anorexie agit comme une forme d’addiction sur les personnes touchées, ce qui rend le combat d’autant plus rude. C’est un long chemin, semé de petits mensonges, de douleur, de solitude, d’angoisses et de manies.
Ce qu’on retient du livre Dix-sept heures douze, place d’Italie, c’est que derrière une apparence frêle, Anaïs Nighoghossian fait preuve d’une force incroyable, pour avancer et grimper les échelons de son existence. À l’image de son écriture qui va droit au but, elle ne craint plus de regarder en face son anorexie, et nous empêche également de fermer les yeux.
Je ne dois pas me laisser aller. On ne doit pas regarder en arrière. Jamais. Maman dit qu’elle a confiance. Un grand soleil m’attend. Plus haut, plus chaud, plus ardent. Il faut s’accrocher. »
Anaïs Nighoghossian, extrait du livre « Dix-Sept Heures Douze, Place d’Italie«
Dix-sept heures douze, place d’Italie est édité par Jets D’Encre. Disponible au prix de 21,10 €.
1 https://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/maladie-tout-savoir-anorexie-181/page/3/ 2 https://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/maladie-tout-savoir-anorexie-181/page/3/3 Assistance Publique Hôpitaux de Paris 4 https://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/maladie-tout-savoir-anorexie-181/page/3/L’article Vivre avec l’anorexie, la lutte d’Anaïs Nighoghossian est apparu en premier sur Desculottées.