Cet article fait suite à une reflexion entamée il y a plusieurs mois. Depuis j’ai lu plusieurs articles de porn studies [1], me confortant dans ma position. Il y aura sans doute d’autres articles découlant directement de mes lectures, que je partage le matin sur notre compte Twitter.
Je parle ici de la pornographie définie par Marie-Anne Paveau dans son livre Le Discours Pornographique [2] comme une représentation explicite de la sexualité ayant un objectif d’excitation. En gros, j’envisage la pornographie comme un ensemble de productions culturelles appartenant à une sous-culture.
Régulièrement, des articles s’attachent à nous dire que le porno est mauvais pour la santé, entre autre chez les jeunes où il biaiserait les comportements sexuels [3]. C’est le cas d’Israël Nisand qui crie à tout va combien le porno est dangereux pour les enfants, sans ne citer aucune étude venant corroborer ses arguments [4].
Il y a généralement des biais importants dans ces articles alarmistes :
– l’argumentaire repose sur des faits non vérifiables ou des non dits
– les quelques exemples qui sont utilisés pour démontrer la nocivité du porno sont généralisés à l’ensemble des ados. Ce qui est aussi rigoureux que de dire qu’il pleut tout le temps parce qu’aujourd’hui il pleut.
– l’interprétation de l’ado face aux images pornographiques est rarement prise en compte. On s’imagine mal un ado sauter d’un immeuble parce qu’il a vu Batman le faire. (ou alors il s’agit d’un ado perturbé. Mais c’est une autre histoire)
C’est plutôt la non-éducation, laissant les ados et les adultes face à ce « support d’excitation » sans aucun recul qui pose problème. Nous sommes confrontés à des images pornographiques assez tôt, soit par inadvertance, soit parce qu’on les a cherchées [5]. Et sous prétexte que ce n’est pas à destination des plus jeunes, nous préférons ne pas en parler et faire comme si de rien n’était.
Pire, certains espèrent que le porno disparaisse purement et simplement, conscient que les jeunes peuvent être soumis à ces images – mais ne se posent absolument pas la question de « que faire si mon enfant tombe sur du porno ». Ils préfèrent le laisser seul face à ces images, ou à la rigueur émettre un jugement de valeur « c’est dégoutant », sans vraiment se justifier.
Pourtant il suffirait de leur expliquer. Mais les adultes ont peur ? Honte ? Honte que cela existe ? Honte d’en regarder ? Honte d’être excité face à ces films où des gens « baisent » ? En attendant, on préfère faire comme si de rien n’était.
Le problème le plus grave du porno est – à mon avis – quand les jeunes ont le porno pour unique éducation sexuelle [6]. Et je ne suis pas sûre que les 3 cours d’éducation sexuelles qu’ont les écoliers suffisent à répondre à toutes leurs questions.
Bibliographie
Le porno rend bête, vraiment ? Pourquoi il n’est pas « nocif » au cerveau
Ado et porno : des liaisons vraiment dangereuses ?
Les ados, le porno et la panique morale des parents
Faut-il protéger les ados de la pornographie ?
Le porno change-t-il les ados ?
Les 13 et 14 ans seraient 30 % à consulter des sites porno
Notes
[1]
Les « porn studies » est un courant de recherche sur la pornographie, traitant ce sujet comme un contenu culturel à part entière.
[2]
Marie-Anne Paveau, Le discours pornographique, Paris, La Musardine, « L’attrape Corps », 2014, 394p
dont je partage des extratits et reflexions sous le hashtag #DiscoursPorn
[3]
On parle également souvent de la représentation de la femme dans les films pornos. Porno et féminisme feront l’objet d’un article à lui tout seul.
[4]
« Il faut informer les parents des dangers de la pornographie pour leurs enfants »
« Combien le porno fait du mal à nos enfants »
[5]
Il serait d’ailleurs intéressant de connaître comment a été découverte la première image pornographique : s’agit-il majoritairement d’un accident, d’un hasard ou plutôt d’une recherche de la part de l’enfant/ado ?
[5]
Et encore, il existe très peu d’études liant pornographie et sexualité des adolescents ne comportant pas de jugement moral.
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