Le 14 juin dernier, la Marche des Fiertés LGBT de Lyon était la première dans l’Histoire du mouvement LGBT français à accueillir un char de travailleurs et travailleuses du sexe, sous l’égide de l’association Cabiria (qui effectue depuis des années un travail de terrain indispensable et reconnu auprès des personnes concernées) et du Syndicat du travail sexuel (STRASS). Leur présence et le refus du projet de loi sur «la lutte contre le système prostitutionnel» porté par le mot d’ordre de la Marche ont créé une vive controverse.
On peut comprendre, à défaut de les partager, les craintes des associations, partis politiques ou simples citoyen-ne-s abolitionnistes qui sont pour la plupart animés par un souci sincère d’égalité entre les sexes. On peut aussi regretter la violence des propos que se sont échangés, quinze jours durant, la Lesbian and Gay Pride (LGP) de Lyon et Osez le féminisme ! 69 par communiqués de presse et statuts Facebook interposés : ceux-ci n’ont guère contribué à faire émerger un débat constructif.
Mais si l’on considère, comme bon nombre d’organisations internationales (l’Organisation mondiale de la santé, Médecins du monde…) ou nationales (la Commission consultative nationale des droits de l’Homme), d’associations de lutte contre le sida (AIDES, Act Up-Paris…), féministes (le Planning familial) ou de défense des droits humains (la Ligue des droits de l’Homme), que la pénalisation des clients ne fera que rejeter un peu plus les personnes prostituées dans la clandestinité et les exposer à davantage de risques de contamination par le VIH et les autres IST, alors la solidarité avec celles d’entre elles qui luttent contre ce projet de loi est un impératif.
Comme les personnes LGBT, les personnes prostituées sont victimes de violences et font l’objet d’une stigmatisation sociale en raison de leur activité sexuelle. Par ailleurs, les discriminations dont souffrent encore les personnes LGBT peuvent conduire certaines d’entre elles à la précarité (à la perte d’un toit ou d’un emploi, par exemple), ne leur laissant parfois d’autre choix que la prostitution ; c’est sans doute une des raisons de leur surreprésentation parmi les travailleurs et travailleuses du sexe. C’est pourquoi la présence de ces derniers dans les cortèges LGBT devrait être une évidence depuis longtemps, même pour ceux qui réclament «l’abolition» de la prostitution et/ou la pénalisation des clients.
Certains ont regretté que le mot d’ordre choisi cette année ait «divisé» le tissu associatif LGBT et féministe local ; une «division» toute relative au demeurant, puisque sur la quarantaine de signataires de l’appel d’Osez le féminisme ! 69 à se désolidariser de la Marche des Fiertés de Lyon, seuls trois avaient participé à son organisation les années précédentes tandis que l’écrasante majorité des associations membres du conseil d’administration de la LGP se montraient solidaires du mot d’ordre retenu. Mais il est des controverses qui sont parfois salutaires : sachons plutôt gré à la LGP de Lyon d’avoir organisé cette année, loin des slogans mous du genou et des revendications consensuelles que certains voudraient lui voir adopter, la Marche des Fiertés LGBT la plus politique de France.
Photo : banderole du Syndicat du travail sexuel à la Marche des Fiertés LGBT de Lyon, samedi 14 juin 2014 (DR)
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