« La mystique de l’instantané : la conscience aigüe qu’une existence ne vaut que par les beautés que nous parvenons à lui arracher, sur le parcours qui la conduit à l’abîme. Hors de ce combat, nous sommes les dupes heureuses […] les stupides pourvoyeurs en mort d’une réalité qui, de son vivant, ne la porte déjà que trop en elle » (M. Moreau)
Cela fait un moment que je voulais faire ça : raconter ma nuit du 24 avril 2015, de la tombée du soir jusqu’à l’aube du lendemain, dans un bel endroit du 17e arrondissement de Paris. Une de ces rares nuits qui ne s’oublient pas, qui ne s’oublieront jamais. Et puis le temps me manquait terriblement ces dernières semaines, et puis, et puis … surtout, je me demandais comment parvenir à raconter une telle nuit, à exprimer son intensité hallucinante et sa beauté - sa magie – alors que s’entremêlent aussi inextricablement, à tous les instants des souvenirs que j’en ai, la surprise, le trouble, l’érotisme, la volupté… le plaisir... les cris… Autant de sensations évidentes quand on les vit à corps perdu, mais moins faciles à décrire, à exprimer après coup… Surtout cette espèce de griserie que j’ai ressentie toute la nuit, impalpable mais sur le coup, tellement évidente : cette sensation de lâcher totalement prise, d'évoluer dans une dimension toute autre de la réalité. Une dimension dédiée aux seules sensations, aux intuitions, dimension où, contrairement à l’autre, l’habituelle, celle de la raison, je pouvais vraiment tout oser… Et puis je me demandais aussi « de quel droit » me l’approprier, cette belle nuit, donner des éléments sur les participants et en trahir le mystère : de quel droit braquer une sorte de projecteur sur une soirée dont le secret était clairement l’essence, et la philosophie ?... « Le sexe, parce qu’il est avant tout le domaine de l’incertitude et du trouble, se dérobe toujours à la transparence » (Robert de Herte, 2001). Evidemment ! L'intime doit savoir le rester : ne pas tout dire, tout montrer, préserver sa part d’obscurité.
Mais en même temps, j’ai envie de garder longtemps en mémoire le trouble de cette nuit, comme quelque chose de beau, de rare et précieux, un instant de ma vie de pur érotisme.
D’ailleurs, dès que je repense à cette nuit, les souvenirs m’envahissent et les sensations aussitôt me débordent : à peine commencé à l’évoquer que tout se recrée en moi, tel un précipité magique : la surréelle douceur de l’atmosphère, le clair-obscur de la lueur des petits flambeaux, la connivence manifeste entre tous les participants, et l’abandon progressif à un état de trouble indéfinissable, autant que l’affolement de réaliser que « tout est possible », « tout est totalement permis cette nuit », et partagé… Je me rappelle cet instant de la soirée, au début, un verre à la main, où tout le monde ressentait combien la torpeur ne faisait que s’accroître à mesure qu'on se rapprochait de minuit, que la licence se propageait déjà, que tout le monde partageait clairement les mêmes envies… C'était un peu la douceur avant la tempête, avec une part de comédie : j'aimais cet instant d'incertitude, d'impatience contenue : tellement troublant...
Et puis… J’ai donc changé d’avis, puisque je publie ici ce récit. Plaisir libertin s’il en est que celui de raconter, par le menu, ses plaisirs : le péché de chair adore se confesser, « s’exposer et se raconter dans le moindre détail » : il n’est qu’à penser aux plus de 2000 pages que Casanova a noircies pour raconter l’Histoire de ma vie...
Alors, par où commencer… Disons qu’il y a un demi-siècle, d’autres auraient parlé de « délit d’excitation à la débauche » pour qualifier cette soirée. Séduction facile, sensualité très volage, mœurs vraiment légères... Entre adultes consentants, responsables, respectables, mais aussi remplis de désirs, de fantasmes, et trop conscients de n’avoir qu’une brève vie pour s’y aventurer... Féerie a priori sans lendemain, donc, mais qui pourtant m’a laissé une marque profonde, une étrange, une durable impression. A notre époque, on appelle ça, en tout cas dans le contexte libertin, une « soirée privée ».
« Se soustraire au monde où règnent l’ordre, la morale et le temps, renverser l’usage ordinaire, détourner à son profit toutes les impulsions capables de servir [la volupté] – tel est le propre du libertin ». C’est un essai de définition du libertinage (donné dans l’Erotika Biblion du 18e) qui me convient assez bien. Ce 24 avril 2015, cette fameuse nuit qui m'a laissé une telle nostalgie, tout avait commencé par ce qu’il y a de plus normal : nous avons pris l’apéritif, dîné –dans une liberté de parole certes absolue -, changé de pièce pour prendre le dessert, etc, rien que de très banal dit ainsi, mais pourtant pas : tout cela dans un système de valeur totalement renversé, où le désir était vraiment l’essentiel, éclipsant tout le reste - et tout particulièrement toute "notion du temps", comme on dit. Ce soir-là, nous avions tous toute la nuit, c’était une donnée qui m’était chère… Pas de regards affolés vers sa montre pour ne surtout pas rater l’échéance d’une épouse ou d’un époux maintenu dans l’ignorance de cette soirée, ou je ne sais quelles autres obligations familiales pour venir hanter l’esprit de qui que ce soit. Nous avions tous, vraiment, une nuit entière à consacrer à l’érotisme et au plaisir, sans autre préoccupation que d’en prendre : du soir jusqu’à l’aube du lendemain, une pure parenthèse de plaisir soustraite à nos "vies ordinaires". Seul le désir, l’envie d’être ensemble avait le droit d’exercer ses prestiges (torrides, du reste) : aucun autre élément extérieur. Et rien que ce seul fait me semble déjà en dire long sur ma vision de l’érotisme : à l’instant où nous étions tous réunis, à peine la porte refermée et c’était la liberté, le plaisir de ne plus rien devoir à personne, le temps arrêté, l’Eden le temps d’une nuit, et toutes les raisons d'en profiter... Comment s’étonner, après, de la tournure plus que débridée qu’a pris la soirée ?
Organiser une telle soirée, c’est rassembler les bonnes personnes, évidemment et avant tout, puis soigner un minimum le contexte : préparer le décor, ménager la volupté, prévoir quelques alcools étourdissants, etc… j’y reviendrai. Il suffit donc d’un peu de sensibilité et de temps passé en amont, rien que cela, puis après l’esprit libertin fait le reste : le seul fait que chacun sache que cette soirée doit se dérouler dans une absolue libertésuffit à déchaîner les imaginations, l’excitation, et rapidement, toutes les audaces. Du coup, à peine esquissé les présentations que tout se met déjà à nous dépasser : un état de trouble immense se répand, une atmosphère de désir intense qui s’accroît à chaque nouvelle arrivée, puis tout s'enflamme au fur et à mesure que la séduction se déploie - et même en ayant tout organisé, prémédité et imaginé, on se retrouve immensément troublé par l’atmosphère : il y a quelque chose d’alchimique en cela. C'est la magie de « faire surgir » l’esprit libertin, comme Breton le surréaliste cherchait « l’Or du temps » dans « l’érotique-voilé »… L’esprit libertin, c’est ce quelque chose de volatil, présent dans l’air - ce désir manifeste, grisant et presque obsédant, délicieusement étouffant jusqu’à ce qu’on lui cède enfin, ce mystère que les mots ne peuvent décrire : il faut l’avoir déjà vécu, j’imagine : avoir connu au moins une seule fois « un si beau soir sans pudeur », pour saisir ce à quoi je fais référence, mais que je ne parviendrai pas à décrire... « Ceux là seuls qui ont été portés à cette région conçoivent que cette extase est inexprimable » (Blanchard, 1785).
La soirée échappe aux organisateurs, donc, et c’est fabuleux… On n’est absolument plus maître (maîtresse… hum) des éléments qu’on a déchaînés… Ce genre de soirée, quand ça fonctionne, ce sont de grands moments de l'érotisme le plus débridé, mais très lumineux : cela laisse des souvenirs de bonheur et de volupté, de partage, de plaisir de vivre.
L'expérience de ce genre de soirées, donc, quand elles sont bien organisées, c’est pénétrer, s’enfoncer dans ce monde ineffable, celui que pour l’avoir connu une seule nuit on n’oublie plus, ce monde de l’art de vivre, de« bien vivre » (« Vita brevis, carpe diem », comme disaient les romains avant leurs fameuses orgies), se laisser glisser sur la pente des plaisirs en abdiquant progressivement toute retenue, redécouvrir qu’on n’en est jamais blasé, que le trouble est absolument inépuisable… Savourer ce plaisir très charnel d’être présent au monde, juste présent au monde, "juste ça" mais c'est absolument immense… C’est cette dimension parallèle où on se sent plus libre que jamais, où tout est décuplé, où le plaisir est partout à portée de mains… Inutile de dire, d’ailleurs, que j’ai plus d’une fois crié, hurlé ma jouissance cette nuit-là, dans ce cadre, ce contexte particulier, cette atmosphère si délicate et bestiale… (totalement bestiale par moments… je vais raconter… mais je n’en suis pas encore là…). Cette dimension parallèle dont on revient toujours terriblement troublé, je disais, et qui nous laisse dans son sillage un peu secoué, les idées en vrac (la preuve : ce récit est décousu, je n’arrête pas de dire que c’était génial, mais je n’ai toujours pas commencé à raconter…), puis qui nous fait dire après que la vie vaut d’en profiter, tout bien considéré, tant ce genre de nuits la rend souveraine, essentielle…
L’ambiance propice, donc : il s’agit de ménager ce secret, ce clair-obscur tout particulier qui permet de faire surgir Eros, de le rendre manifeste, présent dans l’air, gagnant les esprits et les corps comme par contagion… Dans les moiteurs de l’air… C’est ce qu’on appelait déjà au XIIXe : « l’argument d’un érotisme du présent », et on aurait tort de réduire le sujet à une « simple » question de décor : à un peu de luxe, au lieu (hauteur sous plafond et long couloirs obscurs…), à quelques artifices (l’arôme taraudant de l’ambre brûlé, les grands champagnes… entre autres artifices), et à la quasi obscurité... C’est tellement plus que cela : celle ou celui qui organise la soirée dévoile sa singularité, sa vision de l’érotisme, incarne sa mise en scène. Et c’est souvent saisissant, vraiment. Parmi toutes les soirées auxquelles j’ai pu assister, à priori autour du même scénario (une nuit à consonances libertines, dans un cercle restreint, ambiance « société secrète »), pas deux ne se confondent. Chacune porte le sceau de ses organisateurs, et je peux dire par exemple qu’un dîner « libéré » chez ma grande amie A. n’a rien à voir avec un dîner libertin chez les D, ni avec aucune autre soirée. Pourtant on sait vivre, on sait jouir et savourer - en cela pas de différence !- chez les différentes personnes que je viens de citer… la différence est ailleurs, dans la mystery story que nous raconte l’organisateur, dans sa façon de titiller comme ceci ou comme cela nos imaginations, et en cela, donc, pas deux soirées ne se confondent…
Et celle-là, donc, cette soirée du 24 avril 2015, c’est moi qui l’organisais…
Moi qui organisais : moi qui ai lancé les invitations, et moi qui endossais le rôle de maîtresse de la licence, en sus de maîtresse de cette maison, où, ces derniers temps, S. et moi recevons souvent. « La reine des péchés dans la fournaise du soir », comme l’écrivait il y a trois siècles un auteur libertin à propos d’une de ces « maîtresses de salons littéraire » pour qui les lettres n’étaient qu’un prétexte qui ne trompait jamais longtemps les convives. « Maitresse des péchés », donc, ad honores, mais je me suis fait aider… j’y reviendrai. En attendant, les salons littéraires où les esprits critiques, pourfendeurs des arts et de tous les plaisirs se rencontraient et, glissant rapidement du salon aux boudoirs, se baisaient : il est clair que ça m’a toujours énormément fait fantasmer. C'est vraiment une image (une légende ?) à la base de mes constructions fantasmatiques.
Donc pas deux soirées libertines ne se ressemblent, l’organisateur-trice y imprime son empreinte… Quand on repense au 18esiècle, merveilleux siècle des plaisirs, il y avait déjà toutes sortes de soirées, si différentes, autour pourtant de ce même empressement à saisir les plaisirs : finalement rien n’a changé. Le libertinage a toujours eu mille visages. Aujourd’hui plus que jamais, on peut tout abriter derrière le concept bien lustré, de mes soirées jusqu’aux plus glauques arnaques d’ « organisateurs » faiseurs de fric, pour qui la chair n’est jamais qu’un marché bien juteux… (un couple d’amis me racontaient dernièrement qu’ils avaient été sollicités pour participer à une « soirée privée » qui devait être géniale, grandiose, fabuleuse… L’organisateur, beau parleur tout droit sorti du web, est parvenu à les convaincre : moyennant 200€ dont 75% devait être réglé d’avance via virement, la soirée serait sublime… L’organisateur se prétendant « un simple particulier », il ne voulait pas avancer les frais sans un engagement ferme – donc financier – d’intérêt, mais oui mais oui… Ils se sont retrouvés dans un vague appartement entièrement vide, dans le 20e, avec des planches posées sur tréteaux et des gobelets en plastique de cidre, et 3 ou 4 matelas posés directement au sol. Une 15e de couples pigeons s’étaient laissés avoir… Inutile de dire qu’ils ne sont pas allés porter plainte, pour « arnaque à la soirée cul »…).
En ce qui me concerne, j’imagine que ma soirée était un lointain héritage des soirées appelées « conversations galantes » héritées de la mythologie de l’Antiquité : « volupté et toutes les libertés ». Le génial Wald Lasowski évoque cette « mode des conversations galantes relancée au 18e par Watteau, réunissant des personnes de qualité discutant de l’amour, le soir, au son des violons ». Ou plus exactement, ma soirée serait un croisement entre les « conversations galantes » et les « soupers libertins », alors ainsi résumés : « Bonne chère, meilleurs vins, débauche générale. ». Voilà, un croisement entre les deux : je dirais que je m’efforce de conserver un équilibre entre « les conversations sur l’amour » (l’amour le plaisir… le sexe, le désir…) et « la débauche générale ». Comme une sorte de contrainte, de préliminaire imposé. Un tout petit brin de discipline, dans la sédition, ne nuit pas… et puis on sait la vertu sacramentelle de tout échange sensuel autour d’un couvert mis, moiré de clair-obscur : le dîner s'impose. On a beaucoup écrit sur la gastronomie du sexe, sur le lien pour beaucoup essentiel entre la nourriture, la boisson et l’amour. Le reflet des chandelles dans les verres à demi-remplis d'un vin étourdissant, la conversation totalement libre (sujets séditieux au menu…), et les pensées font le reste… Pour moi, c’est aussi et surtout qu’une initiation graduelle est toujours érotiquement mille fois plus captivante qu’une licence d’un seul coup totale (sauf entre amants bien sur, lire à ce sujet ici, mais là c’était une autre configuration… attendrir pour un temps la vivacité libertine est peut-être le meilleur moyen de la déchaîner, du reste, un peu plus tard, quand la licence devient sans recours…). Et je vais raconter tout cela minutieusement, le déroulement de ma soirée, ce 24 avril, l’équilibre entre la parole et la licence, entre le dîner et la débauche, j’y viens…
A propos des « soupers libertins » du 18esiècle, d’ailleurs, au croisement desquels je situe mon héritage, le (toujours génial) Wald Lasowski cite aussi Besenval, baron libertin et auteur à ses heures, qui décrit les soirées de Mme de Neufville, recevant des hommes et femmes souvent très libres dans la maison d’un de ses amants, rue Cadet, 9e arrondissement (je ne peux plus parcourir la rue Cadet sans y penser, sans imaginer des scènes de débauche… bref) : « Lorsque le vin échauffait les têtes, et surtout celle de […], qui, dans quelque lieu qu’elle soupât, sortait rarement de table de sang-froid, on se mettait à parler ce qu’on appelait « anglais », c'est-à-dire qu’on tenait les propos les plus libres, où l’on nommait chaque chose par son nom ; et le plus souvent on ne se quittait point sans quelques complaisances mutuelles des hommes et des femmes, qui allaient même jusqu’aux dernières faveurs » (Pierre Victor de Besenval, Mémoires du baron de Besenval). Quand le baron évoque le fait de nommer les choses par leur nom, il faut se rappeler qu’à cette époque, on nommait le sexe des hommes par des métaphores pittoresques, notamment « le petit biscuit » (ou « gros biscuit », pour les grosses bites, j’imagine ?). Quant au sexe des femmes, on pense bien sûr à l’expression des « bijoux » popularisée par Diderot (qui donne ainsi la parole, bien avant les Monologues du vagin, au sexe féminin : « la bouche du bas qui ignore tout interdit et préjugé, pour dire la vérité du corps et du désir »)… Biscuits et bijoux, j’imagine en effet sans peine le plaisir qu’il devait y avoir à pouvoir parler de pine, de pieu ou de verge sans se cacher, de clitoris, de pénétration et de jouissance, et l’excitation que ça devait susciter, autour de la table… L’excitation sourde qu’on devait ressentir, rien qu’à énoncer ces mots interdits… Rien que pour cela l’idée de ces dîners me plait déjà, met en marche mon imagination… Il y a en effet énormément de cela dans mon érotisme : le plaisir d’en parler. J’aime inépuisablement parler du désir, entendre les gens me confier leurs secrets à ce sujet, et de sexualité évidemment, c’est un truc magique qui excite sans fin ma curiosité, et souvent mes envies : le seul fait d’en parler...
Je tiens assez à ça, donc, prendre le temps de la découverte, de l’échange sur sa vision de la société, de la sexualité. Je ne me sens à l’aise dans aucun des deux extrêmes : ni les soirées où la séduction n’existe pas, celles où les participants sont immédiatement invités à se déshabiller et à copuler (quel autre terme ?), ces soirées où « les caresses n’ont pas la parole », pure mécanique des corps désincarnés ; ni à l’inverse les soirées extrêmement ritualisées, presque scénarisées au millimètre, qui se considèrent d’ailleurs bien davantage comme des « cérémonies », des « messes noires » que des « soirées privées »… Actuellement à Paris, ce genre de « cérémonies érotiques rituelles » sont organisées autour d’un réseau « d’initiés » (extrêmement versés dans le SM, un genre de société secrète à la Histoire d'O, mais en vrai... ça fait froid dans le dos), dans la continuité directe des sociétés sexuelles secrètes du 18e, calquées sur la franc-maçonnerie, avec titres, grades et usages associés extrêmement stricts (les grands maîtres, les disciples du premier degré, les initiés, etc…), initiations théâtralisées des impétrantes par tous les membres (appelons ça un gang bang…tous les "membres" ont le droit de "tester" la nouvelle), et actes obéissant à une contrainte esthétique stricte (la moindre pipe, par exemple, doit s’effectuer l’homme debout, la fille à genoux, qu’elle doit garder légèrement écartés, et l’homme doit la tenir par les cheveux, ceci étant censé garantir un geste d’un grand esthétisme pour les voyeurs alentours). Pour le peu que j'en ai vu, Dieu ce que ces soirées m’emmerdent !… Je n’ai pas l’âme d’une soumise, enfin en tout cas pas à un rituel, à une bande toute entière d’ « initiés masqués », « gardiens de l’esthétisme de la débauche » (le pire étant que je ne plaisante pas)… Et pour reprendre le terme maçonnique, les tenues y sont blanches : les « initiés » invitent évidemment régulièrement des « profanes », principalement des jeunes femmes (sinon ce ne serait pas drôle, de baiser toujours entre les mêmes), et c’est ainsi que je peux à présent parler de ces soirées « rituelles » à bon droit… Qu'en dire de plus sinon que c’est chiant comme la pluie, et que je ne m’y suis franchement pas amusée, engoncée dans ce rituel de gens qui se prenaient hyper au sérieux, le tout à la limite du comique dans certaines scènes de sexe « théâtralisées » que je m’abstiens de décrire… Non, décidément, j’aime les gens libres, pas ceux qui décident comment d’autres doivent baiser, dans quelle position, configuration et à quel moment… Dans les soirées c’est pareil : la liberté absolue de chacun est juste une évidence pour moi, je ne suis pas du genre à virer manu militariquiconque a osé commettre le sacrilège d’esquisser une caresse (ou pire : une pipe) alors que « Le grand Maître des Plaisirs » n'avait pas donné le go, et qu’il est écrit quelque part que le rituel l’interdit…
La conclusion à ma digression, finalement, c’est que le plus délicat, peut-être, pour mener une jolie vie érotique, c’est de trouver les complices qui partagent sa lecture du libertinage et des plaisirs, alors que le terme peut recouvrir au moins mille réalités – et encore, sans même parler du fait que d’après moi, près des 2/3 des « soirées libertines » qui s’organisent ces derniers temps sont plus ou moins ouvertement SM. Les soirées qui se terminent en rituel du coup de fouet, ou autres tortures, sans qu’on ait été prévenu de l’orientation très noire de la soirée… ça craint. Donc il s’agit, quand on est invité, de savoir où l’on met les pieds, quel sera l’état d’esprit érotique qui sous-tendra la soirée. On peut vraiment se louper, et j’en suis la preuve : plus d’une fois je me suis retrouvée à des soirées « libertines », les pensées absolument obsédées par deux questions : « 1. Qu’est-ce que je fous là ? », « 2. Comment me barrer le plus rapidement possible ? ». Et en tant qu’organisateur, il s’agit d’être certain(e) que tous les participants sont en connivence avec l’érotisme que vous allez déployer. Voilà pourquoi ces soirées sont privées : on envoie l’invitation à des gens dont on sait le rapport au plaisir (ceci dit, on n’est jamais à l’abri d’un loupé), certainement pas à la terre entière…
Bon, mais assez de références aux autres et au passé… je reviens à ma soirée, en avril dernier. Avant de décrire par le menu son déroulement, quelques éléments sur deux clés de cette soirée : le choix des participants, où et comment je les ai rencontrés, comment s’est crée le lien libertin, puis le lieu, une visite guidée dans son état à l’arrivée des premiers participants…
Pour les participants, j’ai adressé la proposition de soirée quelque chose comme deux mois par avance, à l’ensemble de mon « réseau libertin ». Je savais déjà, évidemment, que … [la suite bientôt !]