Je reçois beaucoup de mails grâce à ce blog, et c’est génial :-) Certains d’entre eux me procurent de profonds moments de joie, et surtout me confortent dans l’idée que je suis loin d’être seule à penser de cette façon, à vibrer sur cette corde-là. Certes, dans le lot, chaque jour plusieurs critiques, plus ou moins "amicales" (mais rien de trop virulent non plus). Pour prendre l’exemple du dernier mail négatif reçu hier soir :
"Votre
police me heurte ("police" sans faute d'orthographe, pour l'autre, je ne sais ...) : sa taille, son gras, ses couleurs, tout me pousserait à quitter votre salon ... si le contenu ne le sauvait. De grâce, sauf si vous privilégiez les lecteurs aveugles - au toucher dit-on sans pareil - , accordez vous - sur la forme uniquement - au classicisme ambiant. Le fond n'en souffrira pas, et pour moi, au contraire, le partage sera facilité. Choisissez un fond blanc.
La longueur de vos billets me rebute ; chaque partie, souvent, mérite d’être dégustée, et là, le buffet servi est « pantagruélique » (je pense au billet sur Onfray par exemple) ; devant cette profusion, je recule, puis je reviens doucement picorer quelques phrases, les digérer, les confronter à ma pensée, à mes façons d’être. Par touches successives, je déguste, mais il me semble que mon plaisir serait plus grand si vos billets étaient plus courts, non pas plus synthétiques mais servis en plusieurs temps ; bref vous m’avez compris, au service à la française je préfère le service à la russe. (je parle de mon plaisir, parce qu’il me semble qu’un auteur écrit pour son plaisir propre mais aussi un peu pour celui de ses lecteurs).
Les titres racoleurs à l’excès ne sont pas utiles selon moi ; Bien sûr ils claquent et vont attirer quelques lecteurs Morts De Faim, et leur nombre flattera rapidement votre ego (j’imagine qu’un compteur, derrière une tenture, vous rapporte le nombre de vos lecteurs) mais votre plume est trop belle pour les retenir ; ils ne sont pas votre cible, et vous ne les transformerez pas ; vous pouvez donc vous en tenir aux titres factuels qui vous paraissent adaptés sans vous forcer au racolage, sans vous forcer non plus à la langue de bois."Langue de bois, moi ? Ça alors…
Mais je ne reçois pas que des critiques, loin de là ;-) Plus souvent des demandes de rencontres que des attaques virulentes… Hier, j’ai même reçu une vibrante déclaration d’amour (objet du mail, « je vous aime, je suis absolument fou de vous », rien que ça !). Sinon, c’est plutôt ce genre, reçu hier soir aussi :
"L'intelligence et la virtuosité de votre plume vous rendent aussi intéressante qu'excitante. Le libertinage m'a toujours attiré mais je n'ai jamais vraiment franchi la marche. Je fantasme beaucoup. Je réalise un peu. Et voilà que grâce a vous, petite merveille de femme, je peux quasiment vivre se qui se passe derrière les portes closes, dans les bois sinistres, et dans la plus belle intimité du monde, le désir féminin ! Camille, vous êtes exquise, continuez, je vous lis avec tellement de plaisir."Bref, je ne sais pourquoi ce blog existe, au juste, mais je sais que je lui dois beaucoup de bonheur.
Ah, et plus que ça. Il me semble qu’il a joué le rôle d’entremetteur, sans lui serais-je parvenue à m'attirer les faveurs de ce lecteur qui m’est devenu si cher ?
Bon, j’avoue, je triche un peu, ce n’est pas un « pur lecteur » qui serait arrivé sur le blog par le plus grand des hasards. En fait, je l’ai croisé ailleurs, donc je sais pas mal de trucs sur lui (comment il est, ce qu’il fait dans la vie…). Je m’étais juste dit « tiens, cet homme serait éligible à la catégorie de mes amants, si d’aventure… » (bien qu’un peu jeune à mon goût). Et de fait, il m’avait approchée, mais en me draguant comme si j’étais une vraie débutante à qui il allait apprendre la vie et le plaisir... Ce qui m’avait piquée au vif (genre, j’ai l’air de tomber du nid, moi ? Pffff…), mais en même temps, en me parlant avec infiniment d’élégance, notamment de « cette impression rare d’acuité de vie » liée à ces instants de plaisir « qui habitent mes fantasmes » (mais qu’en savait-il, alors, de mes fantasmes ? tsss, arrogance toute masculine...). Bref, tentant le tout pour le tout, parce qu'il semblait me plaire franchement, j'avais cherché à lui faire comprendre qu’il y a belle lurette que j’ai gagné mes galons de gourgandine, et que j’étais plus habituée à regarder les hommes les yeux dans les yeux, que de me coucher à leur pieds en attendant qu'ils daignent me révéler quelques vérités sur le plaisir… Je lui avais alors donné l’adresse de ce blog, un peu pour l’intriguer je pense. Et ce fut tout. Nous étions mi juin, il ne devait y avoir, à cette époque, qu’un ou deux billets publiés, et rien ne me permettait de dire qu’il était libertin, derrière son personnage public somme toute assez lisse… C'était mon coup de dés. Mon premier acte, plein d'espoirs...
Ce à quoi, il m’avait écrit plus tard qu’il regrettait de devoir se dire « too bad » à mon sujet, ajoutant, « vraiment, il serait dommage de nous manquer ». Il ajoutait être « très sélectif » et ne rechercher « que l’intense ». Ce qu’il était inutile de m’écrire, encore une fois, il me prenait pour une oiselle tombée du nid, sans grande expérience des hommes, vraisemblablement...
Et puis nos échanges se sont perdus, en juin.
Quand il m’a réécrit mi-juillet, cet incroyable mail qui m’avait laissée totalement KO (l’intuition, la certitude à sa lecture que j’avais « quelque chose à vivre » avec cet homme) :
"Je suis assez monogame pour ne pas me disperser et rivalise avec soeur Anne pour guetter un tressaillement. Mettant cette attente a profit, me suis rendu, a la faveur d un dimanche matin desoeuvré où je devrais [avancer sur un dossier professionnel – je censure], sur votre blog et découvrir en vous mon Grand Timonier.
Votre plume me bluffe, votre sens critique me conquiert, la justesse de vos vues m'impressionne et, somme toute, je crois que je bande pas mal aussi, en fait.
Etant sur le point de franchir le seuil d'un de ces endroits avec ma maitresse, avec laquelle je vis une relation longue et passionnée, vos témoignages et votre lucidité me sont précieux, à la fois sur le choix de l'endroit et sur ce qu'il est permis d'en attendre.
Et je me/nous retrouve tellement dans vos échos, dans tout ce qui s'opère entre votre chéri et vous sur ce seuil, ayant déjà compris toute l'amplification qu'il y a à rechercher au sein d'un couple dans cet avant et cet après. Vous êtes trop lettrée pour que je vous assène Clemenceau, mais bon sang combien il avait raison dans le fait que le meilleur moment est quand on monte l'escalier...
Fondons une association des anti- récréatifs, voulez vous? Militons pour la prise de tête dans le sexe, condition indispensable de l'épanouissement. Promulguons la nuance entre l'abattage et tout ce qui fait qu'un geste absolument identique se charge d'une électricité chavirante, parce que regards, transgression, défi. Préservons le sens critique, car sans liberté de blâmer il n est guère d'éloge flatteur.
Et accessoirement, posez vos mains sur mon sexe en me regardant dans les yeux [je censure la fin]."
Et voilà, c’est aussi beau et mystérieux que cela, un désir qui s’allume. Juste une intuition lumineuse ressentie à la lecture de quelques mots. Et ceux-là m'ont tant fait frissonner...
J’apprends donc qu’il a donc une épouse et une maîtresse, mais ça ne le freine pas, bien qu’il appelle cela « ne pas se disperser » - c’est donc qu’on se comprend. Du reste, cela nous place à égalité, ce qui est plutôt pas mal. Je suis tellement impressionnée par l’émotion qu’a représenté pour moi ce mail que je n’ose lui répondre, ou à peine, sinon que ses éloges me touchent en plein cœur. Je lui dis que je lui réécrirais plus intimement, dès que j’aurais un peu de temps devant moi. Et je… [aller, j’avoue :] je suis tellement impressionnée par cet homme que je ne trouve même plus les mots (et entre temps, j’ai reçu 950 mails suite à l’itw rue89). Je rêve tellement de l’agencement parfait, d’ordonner mes mots pour lui dans une berçante et parfaite autant que subtile volupté à laquelle il ne pourrait résister… que je n’y parviens pas. J’écris, je rature, ça ne me satisfait pas, et je pense toujours plus à lui… que je bloque. Je ne lui réponds donc jamais le mail que je lui avais promis, et l’été passe sur cet inachevé, de lui à moi. Je me dis que c’est foutu, j’ai raté le tempo, l’histoire ne s’écrira pas, tant pis… "Too bad", comme il dit...
Surprise, il a l’intelligence de revenir vers moi la semaine dernière, sans m’adresser le moindre reproche (j’aime qu’il n’ait pas fait la moindre référence au mail que je lui avais promis mais jamais écrit, j’aime qu’il ait eu cette intelligence-là, celle du moment opportun, celle de mépriser totalement le temps qui passe, comme s’il ne l’avait même pas remarqué, cet été que j’ai laissé filé sans lui avoir écrit… Eût-il commencé son nouveau mail par un banal « Vous deviez revenir vers moi mais je n’ai rien reçu… » qu’il eût brisé le charme. Mais il a bondi sur le bas-côté pour éviter ce piège, pareil au léopard qui échappe toujours au chasseur en faisant un bon de côté…).
"Après la pause estivale centrée sur la famille et les enfants, je reprends méthodiquement l'exploration délectable de mon côté sombre, entamée grâce à [je censure]. Je me rends donc sur votre blog -non sans avoir entretemps et par hasard noté votre gain de notoriété en vous découvrant un peu plus sur Rue89- et tombe à nouveau en pâmoison.Et là, reflash : ça ne fait plus le moindre doute, je veux me faire baiser par cet homme.
Car en vous lançant un "Philosophons dans le boudoir" avant l'été, je ne concevais pas à quel point je touchais un maître. Votre chronique sur Kerninon, et au delà votre démarche- sont fabuleuses. Je suis terriblement en phase avec vous et proprement fasciné : la volupté postule la cérébralité, la remise en cause de l'ordre établi. Un nouvel anarchisme somme toute. Qui peut être avait été préfiguré par Léon Blum qui avait déjà écrit, ce qui était visionnaire, sur la nature intrinsèquement polygame de l'homme et de la femme.
Ce qui me vaut d'avancer à pas de loup dans ce nouvel univers, préférant me repaître lentement et jouir de chaque montée d'escaliers de relations nouées sur une plume, prolongées par des regards et des propos, et éventuellement dans un lit.
Ce qui me vaut de réaffirmer ma fascination pour la sensualité féminine dans sa dimension très cérébrale, et partant de ma profonde attirance pour [censuré] où la jouissance physique est augmentée par la captation des émois, des regards et des pensées qui ne sont pas dirigées seulement [idem, je coupe]. Ce qui refonde tout, densifie, ourle de pourpre...
Ce qui me vaut d'avoir providentiellement croisé votre chemin. Et donc de vous suivre avec délectation et attention, fasciné par la beauté de votre plume, autant attiré pas vos témoignages vécus que par vos chroniques et surtout par la philosophie de vie qui en émane. Je vous proposais naguère de fonder l'asso de la prise de tête dans le sexe, mais c'est, pour boucler avec le père Blum, un parti politique qu'il nous faut établir.
Continuez."
Je crois.
Je crois que j’en suis sure…
Et rien n’est plus magique, plus délectable et plus envahissant qu’un désir qui s’allume…
Donc là, je m’empresse cette fois de lui demander une fausse faveur (prétexte pour l’appeler), et il me renvoie dans mes buts :
"Non. Gardons ces distances du vouvoiement et de l'écrit, pour en jouer encore un peu. "Le salaud...
Ce à quoi je m’empresse de lui répondre :
"Je vous déteste pour ce que vous m'écrivez ici. Vous refusez d'exaucer un de mes désirs, ce qui est atroce. Je vous déteste."Il me répond :
"J'adore que vous me détestiez du moment que ce n'est pas tiède, que c'est pourpre ou carmin.Cette histoire de couleur me plait infiniment.
Je vous suis. Un aveu : captivé."
Il se dit que notre sensibilité a pour chacun une couleur inaltérable, qui sera celle du destin, sinon de nos amours. Et qu’une immense majorité des hommes vivent « gris » de leur naissance à leur mort, du gris des stérilités acceptées, payées de toutes les lâchetés et de toutes les compromissions à la cause de l’Etre, du Désir et des Autres… Alors pourpre ou carmin, je signe. Je signe absolument. Le rouge du feu (carmin royal, eût-dit Kundera), avec une tonalité magique et tragique, à la fois attirée et repoussée par le noir de la mort, tout ça me parle, me touche. J’aime qu’il me dédie cette couleur, c’est d’elle qu’est peint, moi aussi, mon désir toujours brûlant…
Et puis cette initiation graduelle est érotiquement bien plus captivante que ne l’aurait été une licence d’un seul coup totale. Le sexe effréné et obsessionnel, en quête acharnée de luxure, est rarement le plus subtil, nous le savons…
Il m’a écrit, quand même « voyons nous, oui » (il prend le pouvoir, j’adore. Très bien, "je cède la main", comme on dit au poker, mais partie remise mon chéri, attend toi à ma réciproque, la partie commence à peine…). J’adore le terrain sur lequel il est parvenu à placer nos échanges, cet espèce de rapport de force et sa façon de souffler le chaud puis le froid, de se dire « fasciné » puis de refuser le tutoiement, et puis, et puis… Cela ne s’explique pas, ce charme d’entre tous les charmes, ce bruissement de l’instinct qui fait que soudain deux désirs s’orientent l’un vers l’autre, deux intuitions qui croient au même moment de leur existence qu’elles ont quelque chose à vivre ensemble, mêlées, entremêlées un instant…
Alors quoi ? Je sais qui tu es, dans quelle cour tu joues. J’ai compris que tu étais un grand fauve, oui, peut-être moins dévergondé que moi mais pas moins maître dans l’art de la séduction...
On se cherche, on se court après et on se laisse filer, mais sans s’oublier. On revient finalement l’un à l’autre. Et ça me plait, ce drôle de tempo… On est dans le duel d’égo, on veut se céder sans donner l’impression d’abdiquer… Aucun de nous deux ne consent réellement à déposer les armes, celles-là mêmes qui tant de fois durent nous servir, à tous deux, pour d’autres guerres, amoureuses… Parfait ! J’adhère. J’adore. Je te suis.
Alors je fais un vœu... Tu veux te battre ? Je suis prête.
Je ne te laisserai aucune chance : je vais t’apprendre la douceur à quoi rien ne résiste, ni le doux délice d’offenser toute pudeur, ni la transgression radieuse de tous les savoir-baiser, sans parler des fameuses ''bonnes-manières''… Et tu notes le tutoiement, n’est-ce pas, que tu m'interdis pourtant…
Alors nous en sommes-là, toi et moi, je respire à pleins poumons le sublime parfum des premiers rendez-vous, avec leur ivresse toute spéciale de tous les possibles… Oui oui oui, je rêve d’un duel avec toi… Quand ? Où ? Dis-moi.
Et si par extraordinaire nous devions solder notre combat par un armistice charnel, tout serait décrit ici, jusqu’à la plus ardente lubricité que nous pourrions partager, et la moindre caresse, fût-elle d'une ardeur extrême ou d'une moiteur coupable...
T’avertir de la sorte de la publicité que je lui ferais, à cet éventuelle intimité partagée, disons que c’est ma façon d’épicer le plaisir, d’écrire - déjà- contre toi, au propre et au figuré, mes pages les plus osées…
Alors bien sur, toi qui me parles d’anarchie dans ton mail que j’ai cité ci-dessus, tu vas t’insurger. Je t’entends déjà m’arguer que la vraie rébellion est initiatique, et donc secrète. Que les vrais rebelles, comme les vrais libertins, se cachent de l’être, et que tu réclames le secret. Certes. Mais justement. Nous allons donc voir jusqu’où tu es prêt à jouer, pour moi...