Fléau en Algérie, le harcèlement sexuel est quotidien pour les femmes : dans les transports en commun, dans la rue, de jour et notamment après 20h, au travail ou dans les universités. Être une femme en Algérie, c’est subir chaque jour la pression morale masculine, des regards bien trop indiscrets et gestes déplacés, sous le silence des lois et de la société. Car si la Constitution algérienne est assez complète à l’égard de la protection des droits des femmes, c’est tout autre chose en application : il n’y a pas assez de lois, et les procédures judiciaires ou tribunaux spécialisés manquent. Ainsi, faute de lois, il est difficile de se faire respecter …
Le harcèlement sexuel en chiffres
Comme le montre l’infographie du site web algerie-focus.com, « 66% des travailleuses du secteur public et 40% des étudiantes affirment subir le harcèlement sexuel en continu sur leur lieu de travail ou d’étude ». Cette infographie a été réalisée à partir d’une enquête nationale faite par la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH) en association avec la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM).
L’enquête nous renseigne également sur les principaux auteurs du harcèlement sexuel en Algérie :
Sur 40% d’étudiantes ayant affirmé subir continuellement le harcèlement sexuel en milieu estudiantin, 33,4% avouent que le principal harceleur est l’enseignant, également incriminé par 26,8% des étudiantes étrangères.
Pour les femmes travailleuses, dont 60% ont affirmé vivre continuellement sous la pression du harcèlement sexuel, le directeur de l’établissement est considéré comme première source de harcèlement, incriminé dans 30% des cas. Le chef du bureau est responsable dans 20% des cas, tandis que les agents de sécurité sont mis en cause dans 14% des cas.
Pour ce qui est du lieu du harcèlement sexuel au travail, 30% des travailleuses interrogées ont déclaré que les agressions se produisaient dans le bureau du directeur, tandis que 23% évoquent des lieux divers au sein de leur établissement. 50% des femmes interrogées ont raconté des histoires personnelles émouvantes qui témoignent de leur cauchemar. Plusieurs ont même avoué être contraintes de démissionner en raison des pressions subies.
Les femmes algériennes sont-elles protégées et leurs droits garantis ? Que dit la loi ?
Le harcèlement sexuel est quotidien, et les violences à l’égard des femmes fréquentes. Sont-elles protégées par la loi et leurs droits garantis ?
Une infographie interactive récente sur « Les droits des femmes dans le monde » du journal britannique The Guardian (réalisée à partir des chiffres de la Banque mondiale et de l’Union Européenne) souligne que la Constitution algérienne est un modèle pour la protection des droits des femmes. Elle prône la non-discrimination, mentionne la notion de genre, et garantit l’égalité devant la loi.
Les lois protègent également les femmes en condamnant le harcèlement en général et dans le milieu professionnel (le nouveau code du travail algérien prévoit des dispositions sur le harcèlement sexuel. Même si, dans cet avant-projet, les législateurs qualifient plus le harcèlement sexuel de chantage que de faute professionnelle grave …). Toutefois, le harcèlement dans le milieu de l’éducation et les lieux publics n’est pas condamné.
L’Algérie a également des progrès à faire au sujet du droit des femmes au travail. Pour les congés de maternité et paternité, la loi rend obligatoire son indemnisation. De plus, elle impose un salaire égal pour un travail égal. Cependant, la loi ne protège pas les femmes de la discrimination à l’embauche, de la question concernant le statut familial de la femme, ni du licenciement des femmes enceintes. Les employeurs n’ont également pas à prévoir de temps de pause pour les femmes qui allaitent.
L’infographie met en revanche clairement en évidence le retard législatif du pays sur de nombreux points, notamment à propos des violences conjugales. En fait, le terme n’existe même pas dans la loi. Il n’y a donc aucune procédure spécifique dans le domaine, et aucun abus conjugal, que ce soit d’ordre émotionnel, financier, physique ou sexuel n’est inclus dans la législation.
Autre point important : l’avortement. Il est uniquement autorisé pour sauver la vie de la mère, préserver sa santé physique ou mentale. À l’inverse, pour le viol, l’inceste, la malformation du fœtus, pour des raisons économiques et sociales ou sur demande, il est interdit.
Une violence banalisée et une société gangrenée
Face au manque de lois et aux perpétuelles offenses contre les femmes, la violence s’est banalisée. C’est qu’en Algérie, si le code pénal prévoit des sanctions pour le harcèlement sexuel, le code du travail confond encore harcèlement sexuel et chantage, ne le définissant donc pas proprement. Les victimes ne sont alors pas protégées, et les auteurs de harcèlement perpétuent leurs actes en liberté, banalisant la violence … Mais pourquoi toutes ces agressions ? Chaque jour, la femme algérienne subit des offenses continues, basées sur les contraintes religieuses et la discrimination. La société algérienne étant très conservatrice et machiste, les femmes sont réduites au silence sous la pression sociale, et éduquées dans la peur. Par ailleurs, les violences à leur égard aggravent l’ampleur du phénomène. De fait, la dénonciation est compliquée en raison de la pression sociale, de la peur de vengeance, et du déshonneur. La présence des femmes est ainsi minimisée, critiquée et confinée. Dans ce cercle vicieux, les femmes sont donc de plus en plus humiliées, isolées et les hommes affamés.
Dans une telle société, pour justifier la violence et le harcèlement, rendre coupables les victimes, toutes les raisons sont bonnes. La société conservatrice algérienne pointe ainsi du doigt, par exemple, la tenue vestimentaire des jeunes filles. En Algérie, porter un pantalon moulant avec une tenue séduisante est trop provoquant, ce qui inciterait les hommes au harcèlement. Une bien belle hypocrisie, car même voilées, les algériennes n’échappent pas aux agressions dans les rues ou transports publics … La tenue vestimentaire n’est donc qu’une fausse excuse pour justifier ces actes pervers.
Malgré les lois, le problème réside donc surtout au cœur des mœurs du pays. Une algérienne peut se déplacer seule, voyager, sortir, mais sous certaines « conditions ». Elle ne peut pas s’habiller comme elle le voudrait, ne peut pas sortir quand elle le voudrait, ni sortir sans autorisation familiale. En fonction de l’heure, le risque d’agression ou de harcèlement est plus ou moins élevé. De plus, pour elle, sortir sans bon prétexte fait d’elle une fille aux mœurs légères. À l’inverse, pour l’homme, pas besoin d’excuses.
Crédits photos : © vanessa moselle (Flickr)
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