C’est incontournable, on a droit au cas extrême d’un jeune addict au X gratuit qui va se faire soigner. Mais Envoyé Spécial ne donne aucun chiffre ou estimation sur le nombre d’accros à la cyber-pornographie. Quel est alors l’ampleur réelle du phénomène ? Y a t’il vraiment matière à affoler les parents ? Que voulez-vous ma bonne dame, il y aura toujours des ados très vulnérables victimes de masturbation compulsive, quand ce n’est pas de drogue ou d’enrôlement par des djihadistes. Au fond, c’est la même problématique que les jeux vidéos il y a quelques années. Je me souviens des débats « Faut-il les interdire ? ». Aujourd’hui la question ne se pose plus.
Au delà de la caricature alarmiste et du racolage, le problème c’est qu’Envoyé Spécial n’a traité que la moitié du sujet. Désolée, mais internet, ce n’est pas que du porno. C’est aussi une mine d’infos sur la sexualité.
Maïa Mazaurette du blog à forte audience Sexactu.com s’exprime ainsi sur Libération.fr dans un article il y a 10 jours: « Blâmer Internet pour tous les malheurs du monde est toujours réducteur. Il y a de la mauvaise information sexuelle en ligne, mais aussi des sites bien faits destinés à un public jeune. Et la nouvelle génération a été formée au fake, je crois qu’elle a de l’esprit critique. Les jeunes savent que le porno est du porno, de même qu’ils savent qu’on ne meurt pas vraiment dans un film d’action. Ensuite, ils peuvent choisir d’adopter certaines des normes du porno – celles qui les arrangent. Mais les croire dupes ? C’est un peu facile. »
Exemple: on dit souvent que le porno crée des complexes. De jeunes hommes imaginent qu’ils ne sont pas suffisamment membrés. Mais il suffit qu’ils cherchent sur le net la moyenne française d’un pénis et les voilà rassurés. D’ailleurs, sur les sites d’info comme Liberation.fr, Slate ou 20 Minutes, les articles portant sur des sujets « sexo » (comme on dit maintenant) sont les plus cliqués.
Internet pallie aux défaillances du système scolaire qui ne respecte pas les directives de 3 cours d’éducation sexuelle par an en fin de collège. Dans les années 90, il n’y avait pas de web, pas de porno gratuit mais aussi pas de renseignement fiable accessible en quelques clics.
Envoyé Spécial n’évoque pas le fait que le net permet enfin aux femmes de donner leurs visions de la sexualité au travers de blogs anonymes. Ce qui est inédit.
Enfin, le reportage ne fait que peu allusion à la « porn culture » qui est partout et même institutionnalisée. Quelques exemples: le site de SNCF pour jeunes voyageurs qui reprend les codes du porno, Rihanna dans son clip « Pour it up » qui fait l’amour à son fauteuil ou encore le Stade Français et ses 4 par 3 dans le métro parisien affichant un canard en plastique rose, sous le slogan « 80 minutes de vibrations intenses ».
Finalement, cette enquête ratée est symptomatique d’une télévision qui n’a jamais été à l’aise pour parler de sexe, ne serait-ce que parcequ’il faut trouver des images non-explicites, le poste de télé étant un meuble qui trône dans le salon des familles. Ajoutez à cela, une audience vieillissante des chaines historiques (57 ans de moyenne d’âge chez les téléspectateurs de France 2, source Médiamétrie). Alors quand la télé des séniors tente de parler du porno gratuit et des jeunes, c’est la cata. Ressurgit l’inévitable incompréhension entre générations, vieux cons contre petits cons.
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