«À l’internat, je me faisais insulter. Tout le monde me regardait comme un pédé… Au bout d’un moment, je me suis dit stop!» Michael organise alors sa première soirée. Le thème: drag-queen. «On a monté un spectacle ; deux footballeurs du lycée étaient déguisés en gogo-dancer, moi et un autre, on était travelotés. J’ai fini par faire un lap dance sur les genoux du proviseur. Nous sommes passés instantanément du statut de paria à celui de star!»
Michael a 37 ans et cela fait plus de 15 ans qu’il organise des soirées à Lyon ; enfin, au départ, c’était lui, à présent c’est Chantal La Nuit. «Je m’ennuyais beaucoup dans le milieu mainstream. En fait, il n’y avait rien de culturel. Les gens venaient là juste pour consommer de la soirée… La fête dans le milieu gay se résumait à la recherche de bites et de culs». Le tournant, c’est d’avoir participé aux UEEH (Universités d’été euroméditerranéennes des homosexualités), un événement interassociatif, où il découvre des gens «comme lui», qui cherche à réfléchir aux questions de genre, à ce que le monde gay et lesbien peut apporter à la culture. Il y découvre «un milieu créatif très puissant, toujours en mouvement».
Contre l’invisibilité
«J’en avais marre des clichés qu’on trouvait dans le milieu gay masculin: Les mecs s’y regardaient en chien de faïence, il y avait peu de mixité et je m’y ennuyais. Il n’y avait ni ambiance, ni ambition culturelle. En fait, les soirées où les convives viennent costumés, c’est un contrepied à l’invisibilité des gays. Quand t’es ado, que t’es pd, tu fais tout pour qu’on te remarque pas. Tu te dis: Oui, je suis pédé, mais au moins je ne suis pas une folle.»
Lors d’un séjour à Barcelone, Michael découvre les queers. De retour à Lyon, il décide de se rendre en talon aiguille à une soirée, juste des talons. Dans la boîte, un fringothèque. Il enfile une robe, une perruque blonde qui contrastait étrangement avec sa barbe… («Conchita Wurst, la salope, m’a tout volé!») Il fait un malheur. «On m’a demandé comment je m’appelais, j’ai répondu spontanément Chantal.»
Comment est Chantal? «Elle a du bagout, elle est grivoise et elle aime bien montrer son cul.» Au cours du temps, le personnage a évolué: elle est passée de la cagole marseillaise en mini-jupe à la bourgeoise en robe élégante et minimaliste, «mais elle est toujours blonde et montre toujours son cul». Au départ, les soirée se déroulaient dans un petit bar, puis dans une péniche (Sonic), finalement au Sucre, un lieu de culture alternative. De minuit à une heure, une performance artistique ou un concert. Ensuite, de la musique indie-dance, house et techno… la fête dans tous ses états.
L’univers de Chantal
Chantal vous reçoit dans sa mythologie, avec des créatures queer, des gens costumés, des apollons en Spandex, des filles torse nu. Garçons sauvages se veut un espace de liberté, où chacun vient avec sa propre singularité. Le maître mot est de parvenir à rire de soi-même. «J’ai vu pas mal de mecs qui venaient à reculons à nos fêtes, la première fois du moins – c’est quoi ce truc? – et la fois d’après, c’est eux qui débarquent en talon!» Près de 80 % des 800 convives sont costumés. Le public devient acteur. «Si tu portes un costumes, tu es là pour déconner, l’ambiance est posée.» Tout de même, n’est-ce pas un risque que de souligner le cliché pédé – soirée – débauche, surtout dans le contexte politique actuel? «C’est pas grave. On aime faire la fête. Et chez les hétéros, c’est pareil.»
La France vire à droite. Laurent Wauquiez, un républicain aux reflets bleu Marine, a été élu président de la région de Lyon. Mauvais signe? «Lyon ne l’a pas élu, ce sont les régions périphériques. C’est plutôt une ville de centre droit, mais la population reste assez cool.» Chantal se veut confiante: «La rogne de la manif pour tous est en perte de vitesse. Avec le mariage pour tous, la loi dit à présent que deux hommes, deux femmes qui s’aiment ça existent… et vis-à-vis des jeunes, ça change tout.»
Bar, boîte et muséeChantal La Nuit aime Le Lavoir Public, pour les before, de 20h à minuit. «Les consos sont pas chères, l’esprit est bon enfant.» On y voit des hétéros, des gays, des personnes transgenres.
Le Sucre est un lieu culturel alternatif, qui propose souvent des artistes et des DJ, live. Le lieu accueillera les prochaines soirées Garçons sauvages, qui auront lieu le 13 février et le 16 avril prochain.
Lyon vient d’ouvrir un nouveau musée d’histoire naturelle, le Musée des Confluences. «Le lieu est neuf, l’architecture magnifique.» Il propose des expositions thématiques et un cabinet des curiosités.