C’est à des confessions peu banales que la radio publique américaine NPR a consacré un bref et émouvant reportage, diffusé il y a quelques jours. Hector Black, 90 ans, raconte comment il est sorti du placard, après des décennies de doutes et de mensonges. Pour ce pacifiste (néanmoins vétéran de la Seconde guerre mondiale), les premières étreintes avec des hommes remontent à l’université de Harvard, dans les années 1940. «Le mot ‘gay’ ne se disait jamais. Même ‘homosexuel’ était, au plus, chuchoté», se remémore le retraité.
Une «guérison» trompeuse
Dans les années 1950, il s’est résolu à «guérir» de son homosexualité. «Les gens pensaient alors que le traitement était de prendre des œstrogènes. J’en ai pris, jusqu’à ce que je commence à avoir des seins. Alors, évidemment, j’ai dit stop. Je pensais que ça suffisait.» De fait, il tombe amoureux de celle qui deviendra sa femme et la mère de ses enfants: Susie. La famille vit dans un quartier noir d’Atlanta, ville alors au cœur du combat contre le racisme et pour les droits civiques, auquel les Black prennent part. «C’est extraordinaire à quel point le fait d’être gay m’a aidé à comprendre ce que cela signifie d’être différent. Bien sûr, je pouvais me fondre dans la majorité – ce que les Afro-Américains ne pouvaient pas – mais je savais ce que cela voulait dire de faire partie d’une minorité méprisée.»
Contrairement à ce qu’il avait espéré, Hector reste attiré par les hommes, et commence à vivre une double vie. Susie s’en apercevra bien vite, donnant lieu à des scènes douloureuses au sein du couple. Dans les années 1970, ils quittent Atlanta pour une région rurale du Tennessee, où Hector vit toujours. A l’abri des tentations? Au contraire. Les Black ont pour voisins une communauté dont plusieurs membres sont ouvertement gays. Leur proximité replonge Hector dans ses doutes. «J’ai eu l’impression que tout le travail que je faisais serait jeté à la poubelle si j’acceptais d’être un simple ‘pédé’.»
Déclic
Ce n’est que dans les années 1990 que Hector a décidé de s’accepter tel qu’il est. Le déclic est venu d’une de ses filles, qui venait de leur annoncer qu’elle était lesbienne. «A ce moment-là, je me suis dit: comment se fait-il que j’aime toujours ma fille et qu’en même temps, je me haïsse pour ce que je suis?» Susie et Hector n’ont pas divorcé après ce coming-out tardif. Le couple a notamment milité contre la peine de mort après l’assassinat de leur fille Patricia, en 2000, et publiquement défendu une forme de pardon envers le meurtrier. Ils sont restés unis jusqu’au décès de Susie, l’été dernier.
» Source: NPR