Déjà en 2012, les Américains s’empoignaient autour des restaurants Chick Fil-A, coupables de soutenir des mouvements ultraconservateurs antigay. Appels au boycott, kiss-in et même une tentative d’attentat s’étaient succédé, tandis que les partisans de la famille traditionnelle se gavaient du poulet frit de l’enseigne. L’an dernier, la Fast Food Nation s’était divisée à nouveau devant le Whopper gay de Burger King: emballé dans un joli papier arc-en-ciel, mais identique à l’original… «car on est tous pareils à l’intérieur!» Une leçon de morale bien graisseuse, que n’avaient pas digérée les mouvements familialistes.
Objection de conscience
Les psychodrames alimentaires continuent au rayon pâtisserie. Ainsi plusieurs commerçants se sont retrouvés cloués au pilori pour avoir refusé de confectionner un gâteau pour un mariage gay. Certains se sont même retrouvés devant les tribunaux pour discrimination. L’Amérique chrétienne a ruminé sa vengeance. Elle a finalement pris la forme de projets de lois pour la «restauration de la liberté religieuse». Le mois dernier, l’Indiana a été le premier Etat à adopter ce type de texte, qui permet aux commerçants d’invoquer l’objection de conscience pour ne pas servir certains clients – notamment gays et lesbiennes.
Du fast-food à la boulangerie, la bataille s’est alors déplacée autour du four à pizza. De fait, un modeste établissement de Walkerton a alors eu l’infortune (ou plutôt la chance) d’étrenner la fameuse loi sur la «restauration de la liberté religieuse» en refusant de livrer des pizzas à une noce gay. L’incident s’est répandu comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, faisant de Memories Pizza la cible immédiate d’insultes et de menaces en tous genres, selon sa tenancière. Mais miracle: les messages de soutien ont également afflué, avec des dons. En deux jours, plus de 850’000 dollars auraient été promis. «Dieu nous a bénis parce que nous restons fermes dans ce que nous croyons», a commenté la très pieuse pizzaiola Crystal O’Connor.
Filandreux
Cette dernière affaire, filandreuse comme de la mozzarella, laisse perplexes quelques uns des plus farouches partisans de l’égalité. «Même les lesbiennes ne mangent pas de pizza à un mariage!» s’est étonné l’animatrice Rosie O’Donnell. Néanmoins, des militants LGBT ont réagi au quart de tour, en lançant une grande opération #Pizza4Equality. Elle propose de récolter des dons pour les jeunes LGBT sans-abris. Avec un succès mitigé (40’000 dollars) pour l’instant, malgré un slogan sidérant: «Parce que la pizza devrait être utilisée pour le bien, pas pour le mal.»