A l’été 2005, un tribunal de Mashhad ordonnait l’exécution d’une sentence de mort contre Mahmoud Asgari, 16 ans, et Ayaz Marhoni, 18 ans. L’agence de presse iranienne avait diffusé la photo des deux jeunes la corde au cou, devant leurs bourreaux masqués, sur fond de ciel bleu. Elle sera republiée des milliers de fois et bouleversera le monde. Quel crime avait-ils bien pu commettre? Homosexualité, avaient affirmé les associations LGBT, relayées par une partie des médias occidentaux: une illustration parfaite des prescriptions pénales de la République islamique. Très habilement, Téhéran avait démenti. Les deux ados auraient été reconnus coupables de viol sur un garçon de 13 ans, avaient martelé les autorités.
Presque dix ans plus tard, c’est une autre photo symbole de barbarie qui fait le tour du web: la mise à mort d’un jeune homme, présenté comme condamné pour homosexualité par un tribunal de la charia de Mossoul, dans le nord de l’Irak occupé par l’organisation Etat islamique (EI). Les bourreaux poussent leur victime, qui semble se débattre, par dessus le parapet d’un building qui domine la ville. D’autres photos issues de la même vidéo montrent un second homme subir le même châtiment ce jour-là, ainsi que d’autres mises à mort, de «bandits» crucifiés et d’une «femme adultère».
Les jihadistes ont manifestement choisi de faire de l’exécution de prétendus homosexuels le clou de leurs spectaculaires exécutions
Dimanche passé, 360° a choisi de publier cette image pour ce qu’elle est: un document issu de la propagande d’EI. Peu importe que la victime de cette exécution atroce ait été ou non homosexuelle ou «gay». A la différence de l’Iran de Mahmoud Ahmadinedjad, où les homosexuels «n’existaient pas», les jihadistes d’EI revendiquent tapageusement l’exécution des «gens de Sodome», comme ils les appellent. Ils ont manifestement choisi d’en faire le clou de leurs spectaculaires exécutions et, par la même occasion, un message de défi à l’Occident. A noter que le Haut commissariat de l’ONU pour réfugiés a estimé que les images de ces exécutions étaient probablement authentiques. EI aurait également tué des médecins, des avocates et d’autres femmes ayant exercé des professions libérales ou des mandats politiques, au terme de pseudo procès, ces dernières semaines.
La photo de l’exécution des deux ados de Mashhad, en 2005, bouleversait par la jeunesse des condamnés et par le supplice lui-même. Dix ans plus tard, la propagande des soldats du califat monte encore d’un cran dans l’inhumanité et le cynisme. A ce titre, l’image de Mossoul est universelle, parce qu’elle nous place nous-mêmes – gays, hétéros, cathos, musulmans, athées, qu’importe – dans la position du condamné, confrontés à un vide vertigineux. La moindre des choses est de le regarder en face.