http://www.npa2009.org/idees/homosexualite-des-bobos-homophobie-des-prolos-0|Bourgeois réacs et masses laborieuses, unissez-vous! L’homophobie semble être une des valeurs les mieux partagées à travers les différentes classes de la société française. Dans un long article (ne pas s’arrêter au titre, idiot) publié sur le site du Nouveau parti anticapitaliste français, Gaël Klément examine la supposée homophobie de la classe ouvrière, dépeinte comme intrinsèquement hostiles aux LGBT. «Ainsi brosse-t-on une opposition entre, d’un côté, un bas peuple qui serait embourbé dans son homophobie viscérale et, de l’autre, une bourgeoisie éclairée, élite libérale fondée sur les valeurs de tolérance et, notamment, d’acceptation de l’homosexualité», résume l’auteur. Avec en négatif, la démagogie de la Manif pour tous ou d’un Christian Vanneste, qui fulmine contre l’«élite homosexuelle» et son mépris supposé pour les vraies préoccupations des Français.
Selon Klément, cette opposition a une fâcheuse tendance à jouer le jeu du système capitaliste, et ce jusqu’au cœur de la communauté gay. Et de rappeler un épisode historique peu connu, qui illustre l’alliance implicite entre les partisans de l’oppression des homos et «les patrons». En 1992, dans un bar gay San Francisco, des salariés sous-payés qui voulaient monter une section syndicale ont été licenciés par leur patron. «En tant que caste dirigeante, les patrons de l’establishment gay maintenaient simultanément une mainmise sur les ressources de la communauté, tout en proclamant par ailleurs ‘nous sommes tous de la même famille’», a raconté un militant. Le patron a fini par céder après que des ouvriers, en signe de soutien, ont cessé de livrer de l’alcool à l’établissement. Les «ghettos gay» (aujourd’hui, on dirait «villages»), instruments de l’oppression capitaliste?
On s’en sera douté, la démonstration de Gaël Klément est lourdement marquée d’idéologie marxiste, avec son cortège syndical de termes vieillots («travailleurs» vs «patrons», ce qui ne dit plus grand chose de la France contemporaine), mais elle présente plusieurs thèses historiques méconnues (le soutien des socialistes du tournant du XXe siècle aux minorités sexuelles, la répression sélective des homosexuels en France avant 1981). En outre, l’article est loin d’être inintéressant pour analyser la situation actuelle, notamment à la lumière de la Manif pour tous (et de la difficulté pour les mouvements lgbt de mobiliser) ou de la polémique qui a entouré le livre «En finir avec Eddy Bellegueule» d’Edouard Louis. Il s’inscrit du côté des (trop rares) exemples de rencontres entre les lgbt et le mouvement progressiste plus large, comme lors de la grève des mineurs britanniques de 1984-1985, récemment relaté dans le film «Pride», de Matthew Warchus.