Une loi décisive, une victoire historique ! Après des années de mobilisation, le 6 avril 2016, l'Assemblée nationale a adopté en troisième et dernière lecture la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. La loi est entrée en vigueur le 13 avril 2016, soit 70 ans jour pour jour après la fermeture des « maisons closes ».
Découvrir le texte de la loi au Journal Officiel.
Les principales disposition du texte
L'interview de Laurence Rossignol, Ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes : La loi Veil de notre génération !
Déposée à l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013 par Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues, la proposition de loi avait été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2013. Depuis, elle a connu un parcours semé d'embûches, notamment au Sénat.
Après lectures et modifications dans les deux chambres, après constat de désaccord en commission mixte paritaire, elle est revenue devant l'Assemblée le 6 avril 2016. Les députéEs ont voté le texte par 64 voix contre 12. Le Parti socialiste et le Front de Gauche ont majoritairement voté pour. Les écologistes et radicaux de gauche ont en majorité voté contre, de même que les députéEs Les Républicains.
Un vote marqué par des interventions d'une grande forceLaurence Rossignol, Ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes, a dit à la tribune sa fierté. Elle a salué cette loi, fruit d'une lutte pour l'émancipation, et le combat féministe profondément moderne qui contribuera à la lutte contre les stéréotypes, à la prévention des violences et à l'égalité réelle.
Maud Olivier, rapporteure de la Commission spéciale, a parlé d'une
loi forte symboliquement et concrètement : On ne réduit pas la traite des êtres humains en demandant aux clients, comme vient de le faire l'Allemagne, de mettre des préservatifs : on réduit la traite en tarissant la demande.
Guy Geoffroy, président de la commission spéciale, a qualifié le moment de révolutionnaire, se félicitant que notre démocratie ait enfin ambitionné de combattre une des violences les plus insoutenables, les plus anciennes, les plus installées.
De nombreux communiqués ont accompagné le vote de la loi. Nous avons salué une révolution féministe, progressiste, humaniste : La loi met fin à 76 ans de répression à l'encontre des personnes prostituées en abrogeant le délit de racolage et offre de nouvelles perspectives pour la prévention, la réinsertion et l'accompagnement. En sanctionnant le recours à la prostitution, elle pose une nouvelle étape dans la défense de la liberté et l'autonomie sexuelles : il est interdit d'imposer à autrui un acte sexuel par contrainte nancière.
L'Amicale du Nid a également applaudi, comparant l'importance de cette loi à celle de l'abolition de l'esclavage : Avec davantage de moyens pour accompagner les victimes du système prostitutionnel et la suppression de toute pénalisation des personnes en situation de prostitution, c'est la possibilité pour des milliers d'entre elles de sortir de cette violence sexuelle qui n'est jamais un choix, c'est la reconnaissance de leurs droits de sujets et
de citoyennes, c'est leur protec- tion qui sera mieux assurée.
Pour le PCF, les sénatrices Laurence Cohen et Brigitte Gonthier Maurin, membres de la Commission spéciale, ont salué cette loi comme l'une des rares lois progressistes de ce quinquennat avec le mariage pour tou.te.s.
Le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes s'est félicité du réel choix offert aux personnes prostituées et a dit aspirer à ce que la lutte contre le système prostitutionnel s'étende à toute l'Europe, et en particulier à nos voisins, l'Espagne, l'Allemagne ou encore la Belgique et les Pays-Bas.
À noter, le communiqué hostile du Front National. Il a dénoncé le levier d'immigration que constitueraient les dispositions sur l'autorisation provisoire de séjour ; prenant pour référence Médecins du Monde, il a déploré la pénalisation des clients et entonné l'air de la clandestinité qui mettrait en danger les personnes prostituées, personnes aux droits desquels on ne savait pas le FN particulièrement attaché.
Les principales disposition du texteTélécharger le dossier paru dans Prostitution et Société n°188 : "Une révolution française".
La loi, une révolution françaisePrésent chaque année dans 27 départements auprès de 5000 personnes prostituées et accompagnant plus de 1500 d'entre elles dans leurs démarches sociales, médicales, administratives, juridiques, contentieuses, de formation et d'insertion professionnelle, le Mouvement du Nid salue particulièrement l'adoption des mesures suivantes :
- L'amélioration conséquente des dispositions procédurales garantissant aux victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains une plus grande protection physique et psychologique (anonymat, domiciliation chez un tiers, dispositif de protection renforcée des victimes portant plainte) et un meilleur accès aux indemnisations dans le cadre des procès pour proxénétisme. (Article 1)
- Le renforcement de la lutte contre le proxénétisme sur internet en obligeant les fournisseurs d'accès à internet d'empêcher l'accès aux sites hébergés à l'étranger qui contreviennent à la loi française contre le proxénétisme et la traite des êtres humains. (Article 1)
- La mise en place, pour la première fois en France, d'une politique de sortie de la prostitution ayant pour ambition d'offrir de réelles alternatives aux personnes qui cherchent à quitter la prostitution :
- Accès à un système de protection et d'assistance, y compris par l'octroi d'allocations pour les personnes prostituées n'en bénéficiant pas mais souhaitant s'engager dans un parcours de sortie de la prostitution ; (Article 3)
- Création de commissions départementales chargées d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la prostitution et de la traite des êtres humains ; (Article 2)
- Mise en place d'un parcours de sortie de la prostitution, coordonné au niveau départemental, et incluant la formation de l'ensemble des acteurs invités à y contribuer ; (Article 3)
- Délivrance, sans condition de dénonciation, d'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois pour les personnes étrangères engagées dans un parcours de sortie de la prostitution ; (Article 6)
- Création, au sein du budget de l'Etat d'un fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées. (Article 4)
- L'abrogation du délit de racolage qui faisait porter depuis 1939 la répression du système prostitutionnel sur ses victimes, et non sur ses auteurs prostitueurs ; (Article 13)
- L'interdiction de tout achat d'un acte sexuel et la sanction du recours à la prostitution d'autrui, afin de mettre fin au droit des hommes à imposer un acte sexuel par la contrainte économique ; (Article 16)
- La mise en place d'une politique d'éducation et de prévention de la prostitution en intégrant la lutte contre la marchandisation des corps parmi les sujets traités durant la scolarité. (Article 15)