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«I wanna, I wanna, I wanna, I wanna, I wanna really really really wanna zigazig ha», il y a 20 ans, les Spice Girls poussait leur cri primal. Voilà un anniversaire qui ne rajeunit personne mais qui nous réjouit tous! Oui bon d’accord, presque tous. Que les mélomanes se rassurent, Victoria Beckham avouait il y a quelques semaines que son micro était toujours sur off lorsqu’elle chantait avec ses copines, pour le bien de nos oreilles juvéniles. Et alors, leurs fans s’imaginaient que les filles épicées allaient laisser passer un tel jubilé sous silence radio? C’était mal connaître leur tempérament impétueux, encore moins leur sens inné du marketing.
Surtout qu’un peu partout dans le monde, il suffit d’une simple apparition pour que la Spice Mania reprenne, elles le savent bien. Le potentiel est là, comme un trésor intact, suspendu dans le temps, un jackpot assuré en cas de besoin. Après plusieurs semaines de vraies et fausses rumeurs, l’insoutenable suspense touche à sa fin: c’est maintenant confirmé, les Spice Girls se reforment le temps d’une tournée internationale. Au complet, précisons. Car même avec son micro éteint, Posh aime se faire attendre, comme pour rappeler avec une pointe de sadisme à ses copines que la seule qui a vraiment réussi sa vie post-Spice, c’est elle. Mais là c’est bon, les 5 ont sorti leurs agendas pour arrêter quelques dates et ont donné leur accord pour enfiler le costume.
Le temps de l’insouciance
En attendant de ressortir les platform sneakers et autres combis léopard, un rafraîchissement de mémoire s’impose pour comprendre le monde avant et après les Spice Girls. Réunies sur casting en 1994 à Londres, elles représentent un temps insouciant où le spectre du terrorisme n’occupait pas l’espace qu’il occupe dans nos consciences aujourd’hui. Une ère en techno-color, comme une trêve entre le renoncement au glamour du mouvement grunge dans les années 90 et le chaos des années 2000, initié à New York le 11 septembre 2001.
Telles 5 furies lâchées sur les écrans de MTV, elles n’étaient ni très belles, ni très talentueuses. Mais elles avaient une énergie irrésistible et furieusement contagieuse. Elles ne se prenaient pas au sérieux, considérant la bannière du Girl Power qu’elles portaient fièrement comme une invitation à une fête sans fin. Trop beau pour être vrai? Dans tous les cas, lorsque Geri, heu pardon, Ginger Spice décide de se faire la malle en 1998 pour voler de ses propres ailes, le girl band perd sa chanteuse la plus emblématique et le phénomène s’essouffle.
Telles 5 furies lâchées sur les écrans de MTV, elles n’étaient ni très belles, ni très talentueuses. Mais elles avaient une énergie irrésistible et furieusement contagieuse.
Baby Spice a ensuite tenté de se façonner une image plus sophistiquée qui n’a pas réussi à susciter l’intérêt du public et des médias. Verdict? Sans ses couettes, elle est tombée aux oubliettes. De son côté, Posh est partie bouder ailleurs, lovée dans les bras de son mari accessoire fashion/footballeur. David Beckham? Sa vie, son œuvre. Son mariage est de loin ce qui lui a rapporté le plus d’argent et de visibilité. Pendant ce temps, les deux Mel se forgeaient une pseudo crédibilité dans l’univers de la pop: la première, Miss B aka Scary Spice, aux côtés de Missy Elliott pour son premier essai solo, la seconde, mademoiselle C, soit Sporty Spice, avec la complicité de feu Lisa Left Eye du groupe TLC sur le très réussi Never Be The Same Again, gros succès planétaire en 1999.
En 2016, leur retour annoncé coïncide avec un besoin urgent de chanter et danser tous ensemble, envers et contre tout. Pour renouer avec l’innocence, le temps d’un concert et pour toujours. Aux haineux et aux envieux, un seul credo: Spice Up Your Life!
Tout commence avec la disparition d’Alexander McQueen le 11 février 2010. Promis à une destinée hors du commun versant glam & dark, l’enfant chéri de la mode se suicide à tout juste 40 ans. La perte est brutale, l’hémorragie est vive, son esthétique aux coupes envoûtantes comme des carapaces hante à jamais l’histoire de la mode. Inconsolable, ses adorateurs cherchent les raisons qui ont bien pu pousser l’écorché à commettre l’irréparable. En vain. Son destin scellé trop tôt augure d’une nouvelle ère.
D’un coup, le paradoxe du caractère à la fois amnésique et nostalgique de la mode rompt avec ses humeurs romanesques pour mettre en lumière les difficultés d’un secteur constamment sous pression: une collection en chassant une autre, les designers sont soumis à un calendrier épuisant. Les objectifs fixés par les financiers aux commandes sont de plus en plus élevés dans une conjoncture très rude. Le faste et le chic laissent place à une réalité plus sombre et compétitive, reflétant le chaos ambiant, tant au niveau économique que climatique: les saisons devenues imprévisibles jouent de sales tours aux collections jusqu’ici pensées et conçues pour les traverser confortablement.
Endeuillé par la perte de McQueen, l’un de ses plus célèbres anciens élèves, le Central Saint Martins College à Londres – la référence en mode dans les années 90 – voit son autre enfant terrible péter les plombs filmé en public. Assis à la terrasse d’un café parisien le 24 février 2011, John Galliano, alors directeur artistique de Christian Dior, profère des insultes racistes et antisémites à ses voisins de table. La maison de luxe ne peut évidemment pas tolérer un tel comportement et le licencie avec effet immédiat. Après la lune de miel, c’est la déconfiture. Pour sa défense, l’extravagant couturier blâme sa consommation d’alcool et de médicaments pour tenir la pression. Aujourd’hui, Galliano se retape une santé grâce à Dieu, grand bien lui fasse.
Prophéties
Au-delà du drame et du fait divers, la mode opère sa véritable mue en profondeur. Une métamorphose qui n’échappe pas à la Néerlandaise Li Edelkoort. Prescriptrice de tendances depuis plus de trente ans et créatrice du magazine Bloom, elle publie en 2015 son Manifeste antifashion, dans lequel elle déconstruit méticuleusement le système de la mode et déclare très sérieusement que cette dernière n’a plus rien à dire. Son analyse démontre le dysfonctionnement de chacun des maillons de la chaîne, des écoles aux designers, mais également la presse et ses divas, les bloggeurs, les collections elles-mêmes. La raison principale? Les dirigeants – des financiers – qui ne comprennent rien aux subtilités et surtout à la nécessité de tous ces rouages. Un constat qui s’applique à d’autres secteurs que l’industrie textile…
Mais alors, si la mode telle qu’on la connaît s’effondre, à quoi ressemblera la mode de demain? Jeremy Scott donne un élément de réponse avant tout le monde: connu pour son goût du kitsch white trash, le designer américain est le challenger idéal pour relancer la marque italienne Moschino. Sa première collection automne-hiver dévoilée en février 2014 à Milan rend hommage à l’esthétique rouge et jaune de McDonald’s. Pas très chic, mais très choc et surtout très fun! Pour la première fois, toutes les pièces et accessoires de la collection sont instantanément disponibles en boutiques. Une révolution qui privilégie l’immédiateté. Son flair fait des émules, notamment avec Burberry et Tom Ford, qui exprime dans un communiqué en février 2016 sa volonté de se rapprocher des besoins de sa clientèle: «Nous vivons avec un calendrier et un système d’un autre âge», déclare-t-il. «Aujourd’hui, une collection doit être disponible immédiatement. Les défilés et leur calendrier tels que nous les connaissons ne fonctionnent plus. Pour y remédier, la solution est simple: présenter nos collections lorsqu’elles arrivent en magasins. Ainsi, le défilé booste les ventes sans délai.»
Pendant ce temps-là, les départs des directeurs artistiques emblématiques se succèdent avec fracas. Après Raf Simons qui annonce qu’il quitte Dior en octobre 2015 après quatre ans de collaboration, Lanvin confirme quelques jours plus tard sa séparation avec Alber Elbaz, mettant fin à quatorze ans d’une idylle fashion unique. Dans une récente interview, le designer d’origine marocaine observe: «On s’imagine que la mode est une fête sans fin, mais c’est faux. J’avais l’impression de glisser vers le business du divertissement et je m’interroge, tout simplement, si c’est vraiment cela à quoi j’aspire». En avril 2016, c’est Hedi Slimane – le visionnaire sans concession qui avait dessiné l’allure filiforme et rock de l’homme Dior des années 2000 – qui annonce son départ de la maison Saint Laurent après plusieurs semaines de rumeurs et de spéculations.
Renouveau
Un exode annonciateur de renouveau, à en croire Jean-Pierre Blanc, le directeur de la Villa Noailles et fondateur du festival de mode à Hyères. «J’adore Li Edelkoort, mais je ne supporte pas cette vision apocalyptique. C’est vrai, les temps sont durs, dans la mode aussi. Mais n’estce pas justement quand tout est noir que la créativité triomphe? Je veux le croire, et c’est une des raisons pour lesquelles le festival existe depuis plus de trente ans, pour encourager la jeunesse à continuer sans cesse».
A voir les mines réjouies à la sortie du défilé du concours cette année, cette énergie qui pulse au gré des passages des collections des 10 finalistes et le frisson provoqué par celle du gagnant, le Japonais Wataru Tominaga, on a envie de le croire: la relève est là, prête à tout réinventer et délestée au passage d’un star-system encombrant. Retour à la poésie en petites séries. Comme une fable, quelques semaines plus tard, les nombreuses stars foulant du pied le red carpet du gala du MET – un des rendez-vous de mode les plus attendus de l’année à New York – semblent s’être passé le mot d’ordre, grotesque, pourtant le thème de la soirée est «la mode à l’ère technologique». Les reines de la provoc ne manquent pas à l’appel. Comme le relève aussitôt la presse internationale, Madonna, Lady Gaga, Beyoncé & Co auront rarement été si mal accoutrées par les couturiers les plus prestigieux. Telles des reliques du passé, elles s’offrent en pâture et sans glamour aux objectifs des photographes. S’il plane sur l’événement ce jour-là un goût d’arsenic et vieilles dentelles, il souffle sur Hyères la promesse de lendemains qui chantent.
«Fille de» ou «fils d’une machine à fantasmes», cela signifie-t-il forcément être né sous une bonne étoile? Pas si sûr. Si la question revient régulièrement dans les colonnes de la presse people, elle n’en demeure pas moins brûlante de vérité pour celles et ceux qui ne se remettent pas du fardeau de parents célèbres. Qu’importe la cuillère en argent dans la bouche à la naissance si le destin vous rappelle sans cesse que vous n’êtes à jamais qu’une pâle copie de l’original(e)… Le dernier en date à relancer le débat, c’est Rocco bien sûr.
Sous ses dreadlocks, l’ado de 15 ans est visiblement un peu à côté de ses pompes. Normal à son âge. Mais si en plus, cette transition houleuse vers l’âge adulte se fait sous l’œil des médias du monde entier, rien ne va plus. Surtout que lorsqu’elle ne fait pas de zèle avec son éducation trop stricte, son icône gay de mère n’hésite pas à dégainer sur les réseaux sociaux en exposant son fiston dans les pires postures.
Hache de guerre
Vu sous cet angle-là, être le fils de Madonna ressemble en effet plus à un cauchemar qu’à un cadeau. Saoulé par le comportement de sa mère, l’enfant terrible avait fini par se réfugier chez son père Guy Ritchie à Londres en décembre. Refusant tout contact avec elle, il s’estampillait «son of a bitch» sur son compte Instagram. Autrement dit, un compliment pour l’éternelle dévergondée du showbiz, dont le dernier hit s’intitule justement, «Bitch I’m Madonna». Une fois son Rebel Heart Tour terminé, elle s’est empressée d’aller le rappeler à la raison entre quatre yeux. Chronique d’une querelle familiale ultra-médiatisée, la hache de guerre serait en passe d’être enterrée entre le fils et la mère rebelle.
D’autres ne peuvent malheureusement pas en dire autant. Si on ne déplore aucun nuage dans le ciel des familles Spears et Beckham pour l’instant, certains ne se remettent pas de leur enfance fracassée. On pense immédiatement à Ludovic Chancel, le fils de Sheila qui n’existe médiatiquement qu’à travers le récit de son enfance volée, abandonné selon lui par sa mère au profit de son public. «Après mon enfance passée dans une bulle isolée du monde, cette prise de contact avec la réalité est pour le moins brutale. Je fais connaissance avec la violence des autres, leur jalousie haineuse, la férocité avec laquelle ils s’attaquent aux plus faibles. Les jours heureux de ma prime enfance ne sont plus qu’un lointain souvenir», écrit-il dans son livre exutoire «Fils de», paru aux Editions J’ai Lu en 2005. Evidemment, l’ouvrage n’a rien arrangé aux difficultés de leur relation.
«J’aurais préféré accoucher d’un petit chien.» Brigitte Bardot
Dans le registre des mamans qu’il vaut mieux avoir en photo qu’en pension, il en est une autre qui a toujours plus brillé par ses déclarations chocs et grossières que par ses talents d’actrice. Il s’agit de Brigitte Bardot bien sûr. «J’aurais préféré accoucher d’un petit chien»: l’ex-sex-symbol des années 60 Brigitte Bardot ne fait pas dans la dentelle lorsqu’elle évoque sa grossesse et son accouchement qu’elle compare à «une tumeur» dans ses mémoires, «Initiales B.B.» parues chez Grasset en 1996. Aussitôt dit, aussitôt son fils Nicolas lui colle un procès aux fesses depuis la Norvège, où il construit sa vie loin de son illustre maman.
L’ombre du gigantesque Depardieu n’aura pas contribué à atténuer le mal de vivre de son écorché de fils Guillaume, décédé des suites d’une pneumonie à 37 ans. Quant à Maria Riva, fille unique de Marlene Dietrich, elle se souvient d’une mère abusive et jalouse aux colères homériques. Violée à 20 ans par une amie lesbienne de ses parents, elle ne reçoit aucun soutien et déclare avoir été d’une certaine façon formée pour ça: «toujours consentante, conditionnée à ce qu’on se serve de moi, sans identité propre». Courage, Rocco!
Dans la culture gay, il y a un avant et un après Absolutely Fabulous. Débarquées sur la chaîne anglaise BBC Two en novembre 1992, Edina Monsoon – Eddy pour les intimes – et son acolyte Patsy Stone ont aussitôt été propulsées au rang de femmes totem au panthéon des bien-nommées icônes gay. Au générique, une brunette attifée en Christian Lacroix – son Dieu absolu – éternellement tiraillée entre sa fille intello-barbante Saffron et son amie toxique Patsy, une version déglinguée d’Amanda Lear à la sauce Ivana Trump pour le mauvais goût vestimentaire. Comment résister à pareil combo? Impossible. Au fil des épisodes des 5 premières saisons de la série, les aventures, ou plutôt les mésaventures, des deux quadras Londoniennes complètement accros à la mode, à la drogue et au sexe avec de jeunes éphèbes deviennent cultes et marquent toute une génération.
A l’instar de Carrie Bradshaw dans Sex & The City, dont les chroniques existentialo-glam écrites depuis son lit de princesse fashion dans son appartement de rêve à Manhattan inspirent toute une génération de futures bloggeuses, les existences d’Eddy et Patsy, noyées dans des bulles de champagne incarnent «une vie de rêve» pour leurs nombreux fans.
Ratages
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Beaucoup d’eau. Dans les années 2000, aucun des comebacks plus ou moins poussifs du tandem vieillissant à la télévision ne parvient à faire oublier la fraîcheur des premiers épisodes. En 2001, l’abominable adaptation française réalisée au cinéma par Gabriel Aghion ne fait que renforcer le manque. Ni Balasko dans le rôle d’Eddy, ni Nathalie Baye dans le rôle de Patsy n’arrivent à la cheville des originales. Malgré toute leur bonne volonté, les deux actrices restent enfermées dans un registre purement français, alors que la série anglaise est hilarante car elle est, justement, so british. Un peu comme si on demandait aux Nuls de faire du Benny Hill: mission impossible. Qu’à cela ne tienne, les puristes oublient vite ce fâcheux incident et, faute de nouveaux épisodes, se replongent dans le coffret intégral en réalisant avec effroi que l’humour hystérique des débuts a pris un méchant coup de vieux. Argggh, l’épreuve du temps. Il ne suffit pas d’insérer des tweetos et des références à la dynastie Kardashian pour assurer les fou-rires. Un peu dépités, les fans commencent à se faire une raison…
Alors quoi, quelqu’un oserait penser qu’elles allaient s’en aller comme ça, Patsy et Eddy, sans crier gare? Sans une dernière rafale de scandales, sans chercher à avoir le dernier mot? Sans persister à être absolument fabuleuses pour toujours? C’est bien mal les connaître! 2016 marque le grand retour des deux fabuleuses. Autant décaties que botoxées, elles sont assoiffées de glamour et de sensations fortes. Une énième saison pour le petit écran? No way babies, elles reviennent au cinéma. Verdict le 1er juillet, date de la sortie du film en Grande-Bretagne. A voir le premier teaser diffusé il y a quelques semaines sur YouTube, on ne perd rien pour attendre, sweety darling!
«Sinon, tu n’as pas de problème avec ton homosexualité?», en guise de clôture d’un entretien d’embauche pour un job qui n’est absolument pas en lien avec la sexualité et encore moins la vie privée… On peut naïvement s’imaginer qu’il s’agit là de bienveillance. Pourtant, il n’en est rien. Car dans la pratique, quand des allusions homophobes – souvent camouflées derrière l’excuse d’un humour bien gras – s’immiscent dans des séances de travail, le malaise s’installe.
Réagir? Ah la la, ces drama queens, tout de suite à grimper sur leurs grands chevaux roses, penseront les protagonistes des gags homophobes. Se taire? Est-il stipulé dans le contrat que notre sexualité, où plus exactement les fantasmes qu’elle suscite, peuvent être sujets à des railleries que nous sommes censés encaisser en silence? Non? Alors on décide de ne pas se laisser faire et de se défendre contre la diffamation qui se la coule douce entre deux petites phrases perfides. Au nom de son propre honneur et des instants honteux à être le dernier choisi des équipes de foot à l’école, à jamais gravés dans nos mémoires. Nous sommes malheureusement encore trop nombreux à avoir été contraints de nous fixer un barème de tolérance en solitaire et de prendre notre courage à deux mains pour exprimer tout haut que la limite a été dépassée. SeulE(s) contre tous.
Alors on a développé cette faculté de l’autocensure
Les réseaux sociaux n’ont rien arrangé à nos affaires. Craintifs de voir nos existences géo-localisées dans un premier temps, nous avons vite fait de remplacer nos vies privées par le concept de l’auto-romance. On ne compte plus le nombre de faits divers sordides d’adolescents qui ont préféré mourir après avoir été outé, harcelés et humiliés sur les réseaux sociaux. Alors on a développé cette faculté de l’autocensure. Qui n’a jamais écrit un statut ou un commentaire avant de l’effacer pour ne pas soulever de polémique inutile? Plutôt qu’une réaction d’indignation ne soit lancée sur un malentendu, on préfère garder nos opinions pour soi et pour l’entourage proche. Ou comment se recréer une sphère privée en vue de tous.
Cette nouvelle étape de la courte existence des réseaux sociaux est aussi peut-être la plus intelligente. Mais elle a un prix: celui du lissage et du nivellement, quitte à faire l’impasse aussi sur les belles histoires. Comme cette voisine de palier, une dame âgée, qui lorsqu’elle nous a surpris, mon ami et moi nous embrasser sur le pas de porte, a rétorqué silencieusement à notre réaction gênée d’avoir été chopés sur le vif par un sourire espiègle qui en disait long, semblant nous dire: «Rassurez-vous, j’en ai vu d’autres, il m’en faut plus pour être choquée!»
Une jolie fable moderne, démontrant que face à l’intolérance croissante des plus jeunes, nous avons beaucoup à apprendre de la sagesse des plus vieux. Spontanément, j’ai voulu écrire cette histoire sur Facebook, car je la trouve belle et emplie d’espoir. Je me suis vite ravisé, rappelé par le souvenir de l’homophobie latente de certains de mes collègues…
Hier – pour des raisons professionnelles – je suis allé acheter mon tout premier selfie stick. Je précise pour des raisons professionnelles parce que comme tout le monde, quand je vois une grappe de touristes sourire agglutinés au bout de leur bâton, je me moque gentiment. Débarqué comme un ovni dans la panoplie des accessoires glorifiant l’ego, le selfie stick n’a pas bonne presse sous nos latitudes. Un peu comme les Crocs, on l’associe à la beaufitude. Arrivé à la maison avec mon nouveau gadget, déballage. Puis mode d’emploi. Premier éclat de rire en lisant la notice en français: dans la langue de Molière, cette vulgaire extension de smartphone a été rebaptisée «bâton à égoportrait». En perdant du fun propre à l’anglais, notre outil plombe tout de suite l’atmosphère.
Action. Ou plutôt, essais in vivo. A bout de bras, je me scrute dans l’écran, je teste mes profils pour voir lequel est le meilleur. Duckface? Regard de braise? Menton en l’air? L’air naturel? Infinies possibilités de moues, de la tête à claque à la gueule d’amour. Self-fascination magnifiée par le self control de la situation. Vis ma vie en selfie. En gérant les deux côtés de l’objectif, la crainte d’être capturé dans une mauvaise posture disparaît. Là on devient le manager de sa propre image. On est à la fois Pinocchio et Gepetto, muse et pygmalion. Inquiétant délire égotique. Pourtant, à l’ère où l’on pin sur Pinterest au moins autant qu’on pine et qu’Instagram sublime nos vies, la menace de l’isolement social n’a jamais été autant présente.
«Mais! C’est quoi cette tronche?»
En déroulant la liste de mes selfies dans mon téléphone libéré de son bras télescopique, me revient en tête le traumatisme au moment d’immortaliser un instant entre amis face à un objectif. Le regard plongé dans le noir abyssal, cette crainte de se faire happer l’âme par le petit oiseau. Ce malaise lorsque le photographe me balançait «Mais! C’est quoi cette tronche?», et moi pétrifié – les moyens me faisant faux bond en même temps que la répartie – de rétorquer timidement: «Ben, c’est la mienne !» Ou alors ce sentiment de protection absolue lorsque ces moments de pose groupés se déroulent derrière des lunettes de soleil vissées sur le nez. Un pur instant Adjani, comme elle le chantait dans «Pull Marine»: «…et je n’aurai plus qu’à mettre des verres fumés pour montrer tout ce que je veux cacher…»
Pour ma part, apprivoiser l’objectif m’a pris des années. J’en avais une crainte farouche, à tel point que je les fuyais. Je m’arrangeais toujours pour être absent au moment de la photo, ni vu ni connu. Et ça a commencé très tôt, puisque mise à part une série incroyable, mes parents prenaient peu de photos de moi quand j’étais gosse. Mes souvenirs sont dans ma tête et stimulés par d’autres sens, comme l’odorat ou le toucher. Des années plus tard, après avoir tenté vainement de m’apprivoiser dans des poses stupides sur des selfies à bout de bras, me voilà en train d’apprendre – amoureux solitaire – à faire l’amour à la caméra au bout de mon stick.
Devinette: issu d’une tribu radicalement urbaine, sa mort est régulièrement annoncée dans les médias. Une fin soldée jusqu’ici par de fausses alertes, mais à chaque fois son statut d’icône à claques vacille. Vous l’aurez deviné, on vous parle du hipster. Cet été, après le «normcore», qui se révéla une vaste supercherie en 2014, c’est le «yuccie» qui menace les barbiers de faire faillite.
Le qui ? Le «yuccie», pour «young urban creative», soit le jeune urbain créatif, qui arrive tout droit de Brooklyn, of course. Alors, survirera au temps du buzz ou pas? En tout cas, on sent chez l’inventeur de l’appellation le fantasme d’avoir trouvé la tribu qui remplacera celle – souvent haïe – des hipsters. David Infante, auteur contributeur du site prescripteur de tendances Mashable, s’est penché sur la question existentielle lorsqu’il a réalisé qu’aucune catégorie ne lui correspondait vraiment: «Comment me dénommer ? commence-t-il par se demander dans son billet qui a rapidement fait le tour du monde. A 26 ans, je suis écrivain, je vis dans un quartier cosy de Brooklyn. Je suis un homme blanc hétéro avec un vélo à une vitesse et une moustache, j’ai étudié les arts libéraux, j’ai des opinions et des idées».
Vous reconnaissez-vous dans cet anticonformiste qui veut devenir riche?
Sortons les dicos citadins, il doit bien y avoir une définition pour ce jeune loup des villes ! Apparemment, la réponse est non. «Génération Y? Hipster? Yuppie? Tous à la fois, ou aucun? Comme tout membre privilégié d’une classe créative, en être réduit à la case de hipster est inexact et je mérite une définition précise». Alors il l’a créée. Pour mieux l’apprécier, saisissons le raffinement du Yuccie, qui se revendique diamétralement opposé à son ancêtre. Première surprise, en se référant à la vision de l’auteur, il suffit de regarder autour de nous pour réaliser qu’ils sont déjà partout. Plutôt opportuniste que carriériste, il ne se prend pas pour héros. Mais il ne craint pas de rompre la routine, aussi ronronnante soit-elle.
Comme le souligne l’auteur: «Nous méritons de poursuivre nos rêves et nous devrions aussi en tirer profit». En conséquence, il n’hésitera pas à quitter un poste confortable pour monter sa propre start-up. «En phase avec l’époque, il se réinvente sans aucune difficulté en consultant social coordonnant des campagnes sponsorisées par des marques sur Instagram, il colporte de la weed via Uber, des chiens via Tinder», précise-t-il encore. Plus à l’aise dans les grandes métropoles, il se développe rapidement à New York et San Francisco. Son ambition ? La quête de l’épanouissement au travail, sans pour autant renoncer à un certain confort financier. Prendre des risques certes, mais uniquement s’il en a les moyens.
En deux mots, le yuccie est un «freelance capitaliste qui s’inspire de la contre-culture», comme l’a résumé très justement Elizabeth Nolan Brown dans Slate. Alors, vous reconnaissez-vous dans cet anticonformiste qui veut devenir riche ? Si oui, il est grand temps de raser de près la barbe que vous avez mis des mois à sculpter!
Ciel, que se passe-t-il en Italie? Le vent homophobe qui souffle sur le milieu de la mode transalpine ne semble pas se calmer. A croire qu’être gay et homophobe est la nouvelle tendance chez nos voisins. Après le premier épisode Dolce & Gabbana/Elton John il y a quelques semaines, voici venu le tour de Giorgio Armani. Ah ça, on ne peut pas dire que l’excès de rayons UV contribue à rendre le designer vieillissant plus serein. Au contraire. D’ailleurs, plus le temps passe, plus il ressemble à la moitié sans moustache du duo Statler et Waldord, les vieux bougons au balcon du Muppet Show.
Rappel des faits pour les vacanciers de Pâques? Lors d’une interview accordée au «Sunday Times», l’aigri aux cheveux blancs lâchait son fiel. Plutôt, il donnait sa définition de l’«homosexuellement correct». Enchanteur, évidemment. Tout aussi ridicule, mais carrément moins fun qu’une leçon de bonnes manières de la Baronne de Rothschild. Morceaux choisis: «Un homme homosexuel est un homme à 100%. Il n’a pas besoin de s’habiller de façon trop homo. Quand l’homosexualité est exhibée à l’extrême – juste pour dire «Hey, je suis homosexuel vous savez», – cela n’a rien à voir avec moi. Un homme doit rester un homme». Amen. Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’homosexualité, a-t-on envie de rétorquer au grincheux. En même temps, qui mieux que lui pour juger son prochain au niveau de la jaquette? Au cas où la mémoire lui jouerait un sale tour, rappelons-lui qu’il en est. Gay ou pas, on s’en fout complètement en fait.
Outrance
Là où ses propos sont particulièrement choquants, c’est qu’ils sont ceux d’un homme ayant bâti son empire dans la mode, l’ultime secteur dont la mission est de prôner la tolérance, d’assumer la différence, d’encourager l’outrance. Tristement dans l’air du temps où tout se radicalise, le vieux réac de la mode italienne n’en sort pas grandi. Dur dur d’être un vieillard pour Giorgio… 2015 est décidément l’année de sa rancitude. Il y a quelques semaines, il s’en prenait à Madonna suite à son envolée dans une cape griffée Armani lors de Brit Awards. En gros, elle était incapable de défaire le nœud avec ses mains, infirmité qui lui fallut sa chute spectaculaire. Autant dire que sa réaction ne fut pas celle qu’on attend d’un gentleman. Donc là, ça commence à faire beaucoup. Assez pour nous couper définitivement l’envie d’acheter ses créations. Mieux, qu’il les garde pour les gays de bon ton qui savent se tenir en public et qui n’exhibent pas leurs préférences sexuelles comme une banderole. On ne vous dit pas bravo l’artiste, mais bon vent le grincheux!
Plus de trente ans que ça dure et on ne se lasse pas de la porter aux nues ou de la descendre en enfer. Adorée autant qu’abhorrée, elle n’a jamais laissé personne indifférent et chacun de ses comebacks se transforment en véritables événements médiatiques. Elle, c’est Madonna bien sûr. Ni ses fans ni ses détracteurs n’ont manqué l’info: 2015 marque son énième retour sur le devant de la scène.
Inlassablement, à mesure qu’approche la date fatidique, le lynchage médiatique s’orchestre pour tenter de l’anéantir. Un scénario à répétition tout ce qu’il y a de plus banal pour cette experte de la controverse. Sauf qu’entre son album «Confessions On A Dancefloor», sorti en 2005, et «Hard Candy» trois ans plus tard, le vent a tourné pour la souveraine des charts. Face à l’ardeur des «haters» qui se déchaînent sur les réseaux sociaux, sa flamme vacille dangereusement. Dur dur, le passage à l’ère digitale pour la reine de la pop. Le nivellement des moyens de communication n’est certainement pas étranger au phénomène. Oui, il semble loin le temps où la sulfureuse star du showbiz menait la danse, savamment accoutrée de ses fameux dessous sens dessus dessous lors de ses tournées qui affichaient sold out en un temps record autour du monde.
Flashback
Dans le film documentaire «Truth or Dare» – prémices de la téléréalité – qui la suivait dans les coulisses de sa tournée «Blonde Ambition», le réalisateur Alek Keshishian dévoilait l’envers du décor de la gloire: la solitude d’une diva en peignoir blanc dans sa suite de luxe. Isolée dans sa tour d’ivoire, elle se montrait furtivement à sa fenêtre pour saluer les hordes de fans qui scandaient son prénom en bas des palaces où elle résidait. Le décor était planté, la reine n’avait plus qu’à sortir au balcon.
Deux décennies plus tard, en guise de tribune, Madonna se retrouve à faire sa promo personnelle via les réseaux sociaux, comme tout le monde. Un selfie à Gstaad par-ci, un #unapologeticbitch par-là, pour la première fois depuis ses débuts, la Ciccone semble un peu, beaucoup, passionnément, à côté de la plaque.
Attendue au tournant, on ne compte plus le nombre de ses posts qui se retournent contre elle. Une photo de son fils de 13 ans avec une bouteille de Bombay Sapphire à la main sur son compte Instagram? Outrage, elle incite les mineurs à la débauche! Lorsque son album a leaké dans son intégralité sur internet, la chanteuse s’est emportée en comparant ce piratage à du terrorisme et un viol artistique sur son compte Facebook avant de retirer ses propos. Pas du meilleur goût, certes, surtout par les temps qui courent. Il n’empêche que les réactions haineuses des internautes étaient disproportionnées par rapport à une simple maladresse de sa part. Elle le sait: on ne lui pardonne rien.
Aussi, lorsque ses fans décident de réinterpréter le bondage facial du visuel de son nouvel album en l’appliquant à des figures historiques comme Jésus Christ, Bob Marley, Nelson Mandela, Martin Luther King ou Marilyn Monroe, les médias pourraient faire le choix de saluer la créativité de ses admirateurs. Mais non, on la cloue au pilori. Plus récemment, parmi toutes les stars qui ont soutenu Charlie Hebdo, elle est la seule à s’être attiré les foudres sous prétexte qu’elle utilisait l’attentat pour faire la promo de son album «Rebel Heart».
Pour se consoler de tant de haine, elle peut se targuer d’être la seule star du showbiz remerciée pour son soutien dans le journal satirique français avec une caricature la représentant dans son bustier à bonnets coniques. «Vous me punissez pour avoir partagé mes fantasmes avec vous, ai-je dit quelque de juste? Je ne regrette rien, telle est la nature humaine, et je vous retourne le miroir», les années passent mais les textes de Madonna restent.
Brendan Jordan, Oh my God! Comment ça, son nom ne vous dit rien?! Outrage, on ne voit que lui! Très exactement depuis que l’ado a décidé de remettre de l’ordre au royaume des divas. La reine du royaume? Lui, lui, lui. Sa spiritual mom? Lady Gaga, of course. Qui n’a pas manqué de couvrir d’éloges le little monster sur Twitter. C’était à prévoir: la madre monster a fait des émules. Du haut de ses 15 ans, Brendan Jordan est prêt à bouffer le monde. Sur le plateau du talk-show de Queen Latifah le 29 octobre, sa maman confessait, émue: «il est né comme ça!» he was born this way, selon le refrain mantra de Gaga. A l’instar de son illustre modèle, l’ado choisit de mettre à profit les traits de son visage plutôt ingrats pour devenir la nouvelle coqueluche des écrans toutes tailles confondues. Un phénomène de foire en d’autres termes, mais pas moins bluffant pour autant. En terme d’auto-promotion, le jeune homme et son karma diva n’ont rien à envier à ses concurrentes superstars. Au contraire, Rihanna, Nicki Minaj et J.Lo ont tout à apprendre de lui. Car lui, la glamour attitude, il l’a dans le sang.
Complètement gaga
Sa petite histoire a commencé comme il se doit, à la télé. Ce qui était censé être une simple news sur l’ouverture d’un shopping centre début octobre sur une chaîne américaine s’est transformé en un véritable happening grâce à lui voir la vidéo ci-dessous). Ce jour-là, il a littéralement volé l’écran, se trémoussant dans son leggins à carreaux et jetant des regards aguicheurs à l’horizon et des grimaces méprisantes en direction des fillettes à côté de lui. Une fois encore, la magie YouTube a fait le reste: la vidéo s’est répandue comme une traînée de poudre partout dans le monde. Buzz. Enfin, le refrain du hit de Whitney Houston «I’m Every Woman» prenait forme humaine en la personne de Brendan Jordan.
La suite, on la connaît. Le ramdam médiatique s’est savamment orchestré autour du très jeune homme aux dents baguées. Invité à gauche à droite, la mini diva fait son freakshow et exaspère autant qu’elle fascine sur son passage.
«Le dîner de cons en live sur nos écrans»
Mais au-delà des rires derrière nos écrans, un gros malaise subsiste: le seul qui ne semble pas réaliser qu’on l’invite pour se foutre de sa petite gueule, c’est lui. Le dîner de cons en live sur nos écrans. Rassurez-vous, on va éviter la sempiternelle morale «On est tous complices de cette déchéance» servie à chaque fois qu’une starlette de la téléréalité débloque dans sa vraie vie. Mais on ne peut s’empêcher de penser que Brendan est un peu jeune pour se ramasser une fois son heure de gloire passée et qu’il réalisera le cynisme des réseaux sociaux et des médias!
Bah, si le réveil est amer, il pourra toujours se faire consoler par Cindy Sander ou Afida Turner, les deux grandes divas les plus incomprises de toute l’histoire du showbizz – Dieu merci, il existe une justice dans l’impitoyable monde de la pop – et surtout les plus grandes victimes de la méchante machine M6. Ensemble, ils pourront former un trio et chanter en canon «Les grands, c’est tous des méchants» qui pourrait bien faire un carton. Ah, l’ironie du sort…
«C’est dans les vieilles casseroles qu’on fait les meilleures soupes», l’adage ne vous convainc pas? Pourtant, si vous n’étiez pas à Ibiza, à Mykonos ou dans le sud, il est fort probable que vous ayez foulé du pied les quais de Montreux ou la sciure mouillée de la plaine de l’Asse cet été. Aux adeptes du jeunisme à tout prix, Stevie Wonder, Elton John et Debbie Harry étaient venus prouver aux Suisses qu’il n’y a pas d’âge de retraite pour les pop-stars.
Extravagances
A respectivement 64, 67 et 69 ans, les trois monstres sacrés ont déclenché l’hystérie sur leurs passages au grand rallye des festivals de l’été, à savoir le Montreux Jazz, Paléo et le Pully For Noise. Au total, 200 ans d’extravagances stylistiques d’Elton avec ses lunettes fantaisies et ses costumes pailletés, les tresses et les lunettes noires de Stevie, sans oublier les moues sexy et les petites robes courtes de la frontgirl à la tignasse décolorée de Blondie.
Vous savez quoi, vous qui préfériez vous trémousser sur des plages de sable fin? Eh bien tout le monde a aimé ça. Pour preuve, les mines réjouies des festivaliers à la sortie des concerts des trois dinosaures du showbiz. Et attention, les plus jeunes n’étaient pas les derniers à crier au génie face à tant de science pop ancestral. Un peu comme si, au-delà de la ringardise, à des années-lumière de leur heure de gloire, les stars du passé jouissaient d’une réhabilitation auprès du large public. Ecrasant au passage les phénomènes du moment, comme Pharrell Williams, pour n’en citer qu’un qui a déçu pas mal de monde cet été. En réponse à sa courte et navrante prestation au MJF, le magistral concert de plus de deux heures de Stevie Wonder au Stravinski a su consoler les festivaliers fanas de soul music.
Les vieilles rombières n’ont pas dit leur dernier mot
Quant à Elton John sur la grande scène du Paléo, même ses plus fervents détracteurs se sont inclinés devant ses impressionnants solos au piano. Et Blondie, l’air de rien, est venue rappeler à ceux qui l’auraient oublié que l’ancêtre des sexygirls des hit-parades, bien avant Madonna, Kylie, Britney ou Miley, c’est elle. Même si elles n’ont plus rien à prouver à personne, les vieilles rombières n’ont pas dit leur dernier mot. Et c’est tant mieux. La leçon à retenir pour les fans de la gérontopop? Contrairement à la jeunesse qui se fane avec le temps, le talent ne disparait pas. Comme dans le refrain de la chanson de France Gall en hommage à Ella Fitzgerald: «Tu vois ça ne s’achète pas, quand tu l’as, tu l’as…» Stevie, Elton et Debbie, ils l’ont. Longues vies à eux!
Michael Alig. Son nom ne vous dit rien, ou alors il vous rappelle vaguement quelque chose. Rassurez- vous, ne pas le connaître n’est pas un crime de lèse-majesté en culture générale, il n’est ni une star de cinéma, ni un politicien brillant. Mieux qu’une star, Michael Alig est, ou plutôt était une superstar. Un peu comme son héros Andy Warhol aimait les fabriquer en série dans sa Factory à New York. New York justement, c’est là que tout a commencé pour Michael Alig au début des années 90, quelques années après le décès du pape du pop art.
«Le conte de fée s’était transformé en cauchemar.»
L’histoire du jeune homme ressemble à un conte de fée américain. Débarqué à un très jeune âge de South Bend, Indiana, son bled natal dans la ville où on ne dort jamais, il a aussitôt été ébloui par la nuit underground et ses créatures clubbeuses de l’extrême. Fin observateur, il a commencé par scruter pour mieux les appliquer les codes de la nuit, ses rois, ses reines, ses princesses et ses wannabes. Luimême a commencé par être un wannabe. Flanqué de son nouveau best friend extravagant James St James, dandy dans l’âme jusque dans les talons compensés de ses platform shoes, Michael Alig, bon élève, a imité minutieusement les manies de son mentor pour se profiler sur le devant de la scène club. Il s’est approprié ses réparties, s’est inspiré de ses looks les plus fous.
De l’alchimie complexe de leur relation passionnelle, emprunte de fascination, de jalousie et d’ambition dévorante de gouverner sur les nuits new-yorkaises, est née une tribu: les Club Kids. Une bande de jeunes pour qui la fête était une religion, qui passaient leur temps à se préparer pour être certains d’être vus en soirée. Logique avec l’excitation de la nuit, les pilules d’ecstasy passaient de langues en langues. Et des tas d’autres drogues. La fête était sans fin. Michael Alig régnait enfin sur New York en trainant son fan-club de plus en plus nombreux dans les soirées qu’il organisait au Limelight, ce célèbre club dans une ancienne église gothique.
Marteau et drano
Telle une diva décadente, il ne sortait pas sans sa garde rapprochée. A savoir Gitsie, Jennytalia, Robert «Freez» Riggs, Richie Rich, Charlie «Dash» Prestano. Mais aussi des futures stars internationales de la nuit, telles qu’Amanda Lepore et RuPaul. Ces créatures hautes en couleurs n’ont pas tardé à devenir les chouchous des plateaux télévisés des talk-shows américains de l’après-midi, un concept encore à ses balbutiements à cette époque-là. Autour d’eux, un ange aux grandes ailes blanches rôdait en permanence, c’était Angel.
Méprisé par Alig qui ne le trouvait pas assez fabuleux, il était cantonné au rôle de dealer pour rester dans le cercle. C’était sa condition. Alig consommait de plus en plus de drogues sans jamais payer Angel. Jusqu’au jour où il a pété les plombs. Arrivé chez Alig – complètement défoncé – il a réclamé son argent en cassant la table en verre du salon. Ils se sont battus, leurs cris ont sorti de sa torpeur le colocataire de Michael, Robert «Freez» Riggs. Il les a rejoint dans le salon, a fracassé le crâne du dealer avec un marteau. Trois fois. Ils lui ont injecté du Drano pour l’achever, ont conservé le corps pendant quelques jours dans l’appartement et se défonçaient sans cesse. Jusqu’au moment où le corps s’est mis à sentir. Impossible de le garder ainsi, ils ont démembré le cadavre, l’ont mis en pièces détachées dans des sacs poubelles qu’ils ont ensuite balancé dans la Hudson River. En décembre 1997, après plusieurs mois à jouer au chat et à la souris avec les investigateurs de l’enquête, Alig s’est déclaré coupable du meurtre. Le conte de fée s’était transformé en cauchemar.
Le 5 mai 2014, il est sorti de prison après 17 ans sous les verrous. Autant dire une éternité, surtout avec l’explosion d’Internet entretemps. A peine sorti, il a demandé à un journaliste qui l’interviewait: «Il faut que vous m’aidiez pour quelque chose. Vous savez, je ne peux apprendre qu’une chose par jour, sinon c’est trop. Pouvez-vous me montrer comment créer une adresse email? pour des trucs de sexe?»