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C’est l’histoire de deux personnes qui n’auraient jamais dû se croiser. Encore moins se fréquenter. Lui s’appelle Boulass, il est noir, homosexuel et hacker de profession. En ce jour d’intronisation du nouveau président d’un pays imaginaire d’Afrique, ce trentenaire s’apprête à se suicider. L’avenir est sombre: son activisme cybernétique et son orientation sexuelle constituant deux sérieux motifs d’oppression et d’isolement. Dans l’immeuble où il vit, Delphine n’est guère plus en joie. La cinquantaine, cette expatriée et femme de diplomate est en pleine remise en question. Sans diplôme, délaissée par son mari qui la trompe, ses quatre enfants repartis en Europe, elle s’interroge: «Que faire de ma vie?» Une coupure de courant l’incite à aller toquer à la porte de Boulass, tandis que tous les habitants du lotissement sont sortis fêter l’investiture de leur nouvel empereur sous les yeux de la communauté internationale. Tel est le point de départ de «Zokwezo», une pièce très librement inspirée d’«Une journée particulière», d’Ettore Scola.
Inspiré d’Une journée particulière
«Zokwezo, ça veut dire ‘toute personne est un être humain’», explique Silvia Barreiros, qui interprétera Delphine à la scène du 29 mars au 10 avril au Théâtre du Galpon, à Genève. Fondatrice et directrice de la Compagnie Apsara en 2001, c’est elle qui a commandité le texte de cette cinquième création au dramaturge congolais Julien Mabiala Bissila. «Ce qui m’intéressait, c’était le contexte. La base du film d’Ettore Scola, c’est la parade militaire et la rencontre entre Hitler et Mussolini. «Zokwezo» est une version africaine et contemporaine de cette situation historique, où il sera question de stigmatisation des homosexuels, de droits de la femme, d’accaparement de richesses publiques par des présidents qui se proclament empereurs.»
Mise en scène par Andrea Novicov, la pièce a germé dans l’esprit de Silvia Barreiros il y a trois ans, à l’occasion d’un festival de théâtre en Algérie. Elle y rencontre alors Nicolas de Dravo Houéno, directeur béninois de la Compagnie les Diseurs de vérité, et qui incarne le gardien de l’immeuble à la scène. Sans être située dans le temps et l’espace d’un pays existant, «Zokwezo» n’est pas pour autant une fable. Grâce à l’écriture directe et réaliste de Julien Mabiala Bissila, la pièce traite de problématiques actuelles et pertinentes, bien qu’à des degrés divers, pour tout le continent africain. De même que pour la Suisse, car «si nous avons gagné certaines batailles, il y a encore beaucoup à défendre, estime Silvia Barreiros. «Sous couvert de tout va bien, les homosexuels ne peuvent pas faire leur coming-out dans certaines professions, les inégalités salariales demeurent entre hommes et femmes, et la grossesse reste un tabou à l’embauche.» Pour autant, le spectacle, dont une première version a récemment été présentée à Cotonou après une résidence de plusieurs semaines à l’Institut français de la ville, ne relève pas d’une démarche militante. Pour sa conceptrice, «il questionne plus généralement le rapport à la différence, et aborde de façon cocasse et tendre les difficultés d’intégration dans une société.»
LE POINT DE VUE DE L’AFRIQUE
Ainsi, face au resserrement de l’étau politique, Bossal (interprété par Bardol Migan, comédien béninois de la Compagnie les Diseurs de Vérité) étouffe; quant à Delphine, elle peine à trouver sa place dans le monde fermé des expatriés. «Tout les sépare, mais ce qui les réunit, c’est ce moment de désespoir et de solitude.» Au point de créer les conditions d’un parfait quiproquo. Tandis qu’elle le ramène à la vie inopinément en toquant à sa porte, il lui offre peu à peu, et bien malgré lui, l’image d’un corps accueillant, où projeter son manque d’affection et ses fantasmes. Entre l’homo suicidaire et la cougar désœuvrée, le temps d’un bouleversant malentendu peut commencer. Rythmé par les interventions du gardien, un personnage fouineur et sympathique, incarnant la vox populi. Attiré par ce qu’il croit être une parade amoureuse, ce dernier y va de ses commérages. «C’est un peu le regard de l’Afrique, qui dénonce la richesses matérielle des Suisses, les affaires des entreprises françaises sur le continent.» Par exemple, lorsque Delphine lui explique qu’elle n’emploie pas de domestiques, estimant que «les gens ici méritent mieux», voici ce que lui répond le gardien: «‹Méritent mieux, méritent mieux›, ça c’est littérature, je parle réel! Mieux? Lequel? De chez vous ou d’ici? Ce n’est pas le même mieux. Notre pays est plus à nous. Nord-Total, Sud-Bouygue, Est-Chevron, Ouest-Bolloré. Surtout celui-là, il a même acheté nos cimetières et nos morts. C’est lui qui fixe les prix. On a vendu notre grand-mère à 50 euros. Alors trois domestiques, ça ne coûte pas grand-chose en francs suisses.»
» «Zokwezo», du 29 mars au 10 avril, Théatre du Galpon, en semaine 20h, dimanche 18h, relâche lundi.
» Soirée spéciale le 9 avril avec la projection à 18h de «Gnonnôu – Femme», un film d’Agnès-Maritza Boumer, sur la condition des femmes au Bénin et son évolution. Une aventure, dans un pays pétri de tradition et de religion voudou.
Nommée début 2015 à la tête du FIFDH, Isabelle Gattiker a repris le flambeau tenu jusqu’ici par Léo Kaneman, avec qui elle cofonda la manifestation en 2002. A 37 ans, cette fille de diplomate a déjà marqué de son empreinte un festival à l’aura grandissante. Grâce aux partenariats conclus avec des acteurs locaux, à l’investissement de nouveaux lieux de projection (hôpitaux, maisons de quartier, prisons) ou encore par une visibilité accrue sur les réseaux sociaux, la directrice et son équipe poursuivent une ambition viscérale: «devenir incontournable, faire que Genève vibre droits humains pendant dix jours». Pour y parvenir? «Je crois qu’il faut surprendre, sortir des discours convenus sur le sujet, proposer d’autres formes d’engagement, en multipliant notamment les points de vue et les langages artistiques.» L’édition 2016 du FIFDH, qui se tiendra du 4 au 13 mars, s’annonce d’ores et déjà essentielle. En voici quelques points forts.
Hors les murs
Après l’Hôpital de jour des HUG ou le centre de détention de la Roseraie en 2015, le FIFDH investira du 4 au 13 mars prochains plusieurs centres de migrants, comme les Tattes à Vernier ou les foyers d’accueil du GrandSaconnex et d’Anières. «Les lieux seront ouverts au public à l’occasion de projections gratuites autour du thème du sport comme vecteur d’intégration.» Focus inédit de cette édition, le sport fera aussi l’objet d’une soirée «un film, un sujet, un débat», avec la diffusion en première mondiale du documentaire de JeanLouis Perez, «Planète FIFA», suivie d’un débat en présence du chef de la rubrique des sports du Guardian, Owen Wilson, dont les révélations ont contribué à rendre publics les scandales internes à l’instance faîtière du football.
Plusieurs communes du Grand Genève collaborent à cette cuvée 2016 résolument tournée hors les murs de la traditionnelle Maison des arts du Grütli, et du Théâtre Pitoëff de Plainpalais, nouveau lieu central depuis 2015. Ainsi Chêne-Bougeries organisera une soirée autour du handicap et de la malvoyance tandis que Bernex accueillera des projections sur le droit des femmes, en collaboration avec l’Union des Paysanne et femmes rurales de la ville. «Le but n’est pas d’exporter le festival, précise Isabelle Gattiker, mais plutôt de travailler avec les personnes engagées localement, les associations et les services des communes partenaires». Et d’ajouter: «Ce qui me passionne, c’est d’investir de nouveaux lieux du paysage culturel genevois». Comme la Comédie de Genève où sera projeté «L’homme qui répare les femmes», de Thierry Michel. En compétition internationale dans la catégorie documentaire, ce film édifiant raconte le destin du Docteur Mukwege qui, depuis plus de vingt ans, recueille et soigne des femmes violées dans son hôpital de Bukavu au Congo. La projection sera suivie d’un dialogue entre cette figure hautement menacée dans son pays et Navanethem Pillay, ancienne Haut-Commissaire pour les droits de l’homme à l’ONU.
Tribune d’expression libre face au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, qui siège annuellement à la même période, le FIFDH s’efforce de lever les censures qui pèsent sur les violations à l’œuvre dans certains pays. Comme en Arabie Saoudite qui fera l’objet du premier débat officiel du festival. «Tout sauf un hasard, nous travaillons à ce niveau avec Human Rights Watch.» En écho aux débats sur l’asile en Suisse, l’équipe prévoit par ailleurs de consacrer une soirée à l’Erythrée à travers «Voyage en Barbarie». Un documentaire de Delphine Deloget et Cécile Allegra retraçant le parcours de survivants de camps de tortures situés dans le nord-est du Sinaï, une des voies empruntées par les Erythréens qui cherchent à rejoindre l’Europe. «L’Erythrée est un pays méconnu en Suisse, un des pires du point de vue de la liberté d’expression, où aucune caméra ne peut entrer et d’où les images ne sortent pas. Nous inviterons des personnalités exilées et discuterons des conditions de vie dans cet Etat-forteresse, ce qui permettra aux spectateurs de comprendre pourquoi les gens migrent.»
Parmi les grands cinéastes qui ont déjà confirmé leur venue à Genève figurent Nabil Ayouch, Amos Gitaï, et Brillante Mendoza. Tous trois concourront en compétition internationale dans la catégorie fiction. Le premier avec «Much Loved», un film sans complaisance sur la prostitution au Maroc, interdit au pays et qui valut à son auteur plusieurs menaces de mort. Le second viendra présenter «Le dernier jour d’Yitzhak Rabin», un thriller politique qui replace l’assassinat, en 1995, du Premier ministre israélien et Prix Nobel de la Paix dans son contexte politique, en mêlant reconstitutions fictives et images d’archives. Enfin, pour son treizième long-métrage, Taklub, le réalisteur Philippin s’est rendu sur les lieux ravagés par le tsunami provoqué par le typhon Haiyan, fin 2013. De ces villages grouillants et fantomatiques, il a recréé des récits de survie avec une véracité quasi-documentaire.
HommageLeila Alaoui, célèbre photographe franco-marocaine, a succombé à ses blessures le 18 janvier dernière à l’âge de 33 ans. Elle se trouvait au Burkina Faso dans le cadre d’une mission pour Amnesty International. Lors de l’attentat de Ouagadougou, elle était assise à la terrasse du café-restaurant Cappuccino où elle a été touchée par balles. Cette artiste engagée était reconnue dans son milieu professionnel, au Maroc, en France, en Suisse ainsi qu’au Liban, où elle vivait une partie de l’année.
C’est un fait, rien n’est jamais acquis. Six mois après les attentats du 7 janvier contre les dessinateurs de Charlie Hebdo, le consensus autour de la liberté d’expression qui semblait prévaloir dans le sillage immédiat de la tuerie parisienne se lézarde. En cause? L’émergence de voix discordantes, selon Caroline Fourest, d’argumentaires qui, sous couvert d’anti-racisme, de respect des croyances d’autrui, laissent entendre que les Wolinski, Cabu, Charb et les autres l’ont, quelque part, bien cherché. La journaliste et militante LGBT (voir notre édition d’avril 2013), qui s’est fait connaître grâce à ses travaux sur l’extrême droite et les intégrismes religieux, ne fait pas toujours l’unanimité dans le débat intellectuel français. Un débat dans lequel nous n’entrerons pas ici, estimant plus utile de privilégier la présentation des idées de fond de son dernier livre, trop souvent escamotées à l’occasion de la sortie médiatique de l’ouvrage, au profit de polémiques et de règlements de comptes d’un goût douteux.
Victimes et bourreaux
Dans «Eloge du blasphème», Caroline Fourest analyse ce qu’elle reconnaît comme une sorte de renversement du discours autour de Charlie Hebdo. Un processus insidieux qui menacerait de faire passer les victimes pour des bourreaux et vice versa. Ces «non-Charlie», ces tenants du «Je suis Charlie, mais…» sèmeraient la confusion «en confondant le fait de blasphémer avec de l’ «islamophobie» ou encore de l’incitation à la haine. Ils seraient composés de lepénistes, de gauchistes à tendance communautariste, de complotistes, mais aussi d’intellectuels soupçonneux de l’effet de masse induit par le grand rassemblement du 11 janvier, voire d’artistes jugés couards.
L’auteur ne leur reproche pas de ne pas suivre la ligne éditoriale du journal, car personne n’est forcé d’aimer le ton des blasphémateurs, mais de ne pas avoir eu le courage de défendre le droit de ceux qui se risquent à blasphémer. Car l’enjeu se situe moins au niveau des susceptibilités des uns et des autres que dans la défense d’un modèle de démocratie laïque. Ce modèle issu de la Révolution française – institué par la fameuse Loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat (dont Genève hérite en 1907) – vise moins à discriminer qu’à assurer l’égalité entre toutes les croyances dans un Etat. Il protège aussi bien les athées que les croyants en délimitant rigoureusement l’espace de la foi et celui du débat.
«Charlie rit des terroristes, Dieudonné rit avec les terroristes»
Corollaire de cette longue histoire de luttes contre l’hégémonie du sacré dans l’espace public, le blasphème en France n’est plus considéré comme un délit depuis 1881 et les lois sur la liberté de la presse. En faire l’éloge consiste, pour Caroline Fourest, à rappeler que la critique de la religion n’est pas un acte raciste, pour autant qu’elle ne contrevienne pas aux limites fixées par le cadre juridique. En France, trois lois délimitent le droit fondamental de s’exprimer librement: «La loi Pléven de 1972 sanctionnant l’incitation à la haine, celle refusant l’«apologie du terrorisme» et celle de 1990 interdisant la propagande négationniste.» C’est ce qui, selon l’essayiste, permet de distinguer la verve satirique distillée par les athées de Charlie Hebdo et la propagande de Dieudonné.
A ceux qui dénonceraient le «deux poids deux mesures» d’une justice autorisant le premier et censurant le second, l’ex-collaboratrice du journal répond que leurs discours ne se situent pas sur le même plan. Quand Charlie Hebdo décide de représenter Mahomet, ce n’est pas pour fustiger l’ensemble des musulmans ou essentialiser l’islam, mais bien épingler ceux qui l’instrumentalisent afin de répandre la violence. Tel fut l’esprit de la «une» de 2006 en réponse à l’affaire des caricatures danoises (objet d’un chapitre éclairant). On y voit le Prophète «débordé par les intégristes» s’exclamer d’un air dépité: «C’est dur d’être aimé par des cons». Illustration de ce droit nécessaire de rire du fanatisme à une époque cernée par les obscurantismes. Quant à Dieudonné, lorsque dans un passage de son film «L’Antisémite», il se représente déguisé en nazi, conduisant un camion avec Faurisson pour écraser un personnage nommé la «Sainte Shoah», il ne se moque pas seulement du judaïsme (ce qui relèverait du droit de blasphémer), mais aussi de l’extermination. La nuance est ici proportionnelle à ce qui sépare deux attitudes que l’essayiste juge radicalement opposées: «Charlie rit des terroristes, Dieudonné rit avec les terroristes. »
Mise en perspective
Livre d’actualité et de fond – puisqu’il rappelle le prix historique du modèle laïque tout en montrant l’importance de le défendre aujourd’hui – «Eloge du blasphème» permet de clarifier un débat complexe où les mots en cachent souvent d’autres. Réglant ses comptes avec diverses postures intellectuelles présentes dans l’espace public français, Caroline Fourest revient également sur le traitement médiatique des attentats dans les pays anglo-saxons où prévaut une liberté d’expression conditionnée par le respect des «totems» et «tabous» de chaque communauté. Tout le contraire d’une «approche laïque à la française [qui] croit au droit de les briser tous…»
Si Caroline Fourest a choisi son camp, c’est au nom de l’esprit des Lumières, du rire salvateur, et d’un impératif de désacralisation qu’elle juge nécessaire au vivre ensemble. Le principal écueil d’un modèle «différentialiste» à l’anglaise, qui place le devoir de ne pas offenser au-dessus de la liberté de dire, étant la censure. Car «les croyances des uns sont presque toujours les blasphèmes des autres». Alors face aux «tueurs», qu’ils se nomment Merah, Coulibaly ou frères Kouachi – auxquels d’ailleurs elle refuse fermement toute circonstance atténuante (intégration ratée, appartenance à une minorité opprimée) – Caroline Fourest réaffirme le droit au blasphème. Comme le symbole d’un modèle laïque et universaliste «où l’on continue à se parler malgré nos disputes, où les croyants et les non-croyants sont à égalité, où toutes les religions s’expriment sans privilèges, où l’on peut rire de ce qui nous fait peur et donc tenir tête, ensemble, aux plus violents».
Caroline Fourest, «Eloge du blasphème», Editions Grasset, 2015, 198 pages.
Du 19 au 28 septembre prochains seront diffusés dans les murs du Grütli près d’une centaine de films, tous formats et genres, traversés par des problématiques queers, homo, bi, transgenres. Loin de tout esprit de paroisse, le festival aujourd’hui codirigé par la réalisatrice Agnès Boulmer et Christophe Auboin s’impose comme une plateforme incontournable pour les droits des homos dans le paysage suisse romand où il est le seul événement de ce type. Avec ses différentes sections thématiques (droits humains, sport et genre, histoires d’amour), ses soirées débats (sur le SIDA, l’homophobie d’État), ses programmes scolaires, et l’ancrage cinéphilique de son comité, Everybody’s perfect semble bien immunisé contre les luttes identitaires qui n’épargnent pas toujours l’esprit militant associatif. Une belle occasion de se laisser surprendre par des films majoritairement inédits en Suisse, et de (re)découvrir des œuvres cinématographiques universelles, grâce à la section rétrospective. Petit éclairage en compagnie de sa coprésidente.
Sur votre flyer, vous avez rajouté un «A» à LGBTIQ
Agnès Boulmer: Oui, nous essayons de nous ouvrir au maximum. Le «A» désigne les alliés, les amis. Le premier ami que nous invitons cette année, c’est la «Slut Walk», la Marche des salopes, qui regroupe des jeunes femmes préoccupées par des histoires de genre, militant contre les violences sexuelles, y compris les tabassages d’homos. «A» renvoie aussi à «abstinent», un nouveau courant déjà implanté aux USA, réunissant des gens qui, face à l’omniprésence de la sexualité dans les discours ambiants, opposent l’abstinence.
Ce courant est-il cinématographiquement présent dans votre festival?
Non, pour l’instant, notre programmation représente plutôt les amis, les alliés ou les autres. Par exemple, nous montrerons le premier film féministe fait par des femmes qataries. On les voit conduire des voitures de sport, sans le voile, faire des dérapages en mode rallye, en pleine déconne. Ça dure une minute et c’est très drôle. Nous avons également des films sur la recherche de sexualité, sur des gens entre 15 et 20 ans qui se demandent qui ils sont, où ils sont, entre indétermination et désir d’exploration.
Comment est organisée la programmation?
Nous aurons une section art vidéo en partenariat avec le Centre d’art contemporain et la Biennale de l’image en mouvement. Deux programmes d’une heure et demi réuniront des courts-métrages sur le thème LGBT, créés pour un magazine d’art et de culture en ligne, «Make8elieve». Nous avons aussi opté pour plusieurs thématiques comme les «droits humains», avec un ensemble de films sur l’homophobie d’État en Russie, en Ouganda, en Inde, où aux Bahamas. Nous aurons également des sélections sur les thèmes du genre et du sport, de l’homoparentalité, de la bisexualité, une catégorie «histoires d’amour», et «histoires de genre» qui regroupe des gens qui ne sont pas des trans, mais revendiquent la queeritude, le droit de circuler sur un continuum entre le masculin et le féminin, de s’arrêter où ils veulent d’un jour à l’autre.
Personnellement, que pensez-vous de cette multiplication d’étiquettes et de pratiques?
J’aime tout ce qui est déséquilibrant. Je suis bisexuelle et j’ai toujours pensé que c’étaient les individus qui comptaient et non pas l’orientation sexuelle, ou l’identité de genre d’une personne. Je me fous royalement de la façon dont une personne en face de moi est habillée. On ne vit pas avec une personne parce qu’elle met une jupe ou un pantalon. Tous ces débats et ces prises de bec me font rire, car au fond, on s’en fout. Ce qui compte, c’est l’égalité des droits pour tous. Et c’est pour cette raison, notamment, que nous avons créé le festival.
Les réalisateurs et réalisatrices doivent-ils/elles appartenir à la communauté LGBT pour figurer dans votre festival?
Non, nous ne sommes pas des puristes, contrairement à d’autres festivals gays et lesbiens où vous ne pouvez pas présenter votre film si vous n’êtes pas une femme ou un homo. Les réalisateurs peuvent être, faire, vivre ce qu’ils veulent. Cela ne nous regarde pas. Seules les thématiques des films nous intéressent. Nous sommes contre l’esprit de chapelle, c’est pourquoi nous sommes sortis de la Fédération LGBT. Même si je suis convaincue que l’homosexualité de Chéreau, Visconti ou Pasolini a déterminé les films qu’ils ont faits, que le fait d’être homo génère une autre façon de voir le monde, c’est un festival pour tous que nous voulons.
Quels sont vos critères de sélection pour les films?
Qualité filmique et/ou qualité militante, ce qui signifie que tous nos films ne sont pas nécessairement des films militants.
Est-ce que l’aspect militant a parfois pour effet de reléguer au second plan la dimension esthétique?
Pour cette édition, nous avons fait un appel à soumission, ce qui nous a valu de recevoir plus de deux cents films. Parmi eux, beaucoup ont été réalisés au sein d’associations. Certains sont très bien du point de vue de ce qu’ils racontent, de l’aventure humaine mais ils sont faibles cinématographiquement. C’est le problème de beaucoup de films. Nous en avons néanmoins retenu une quarantaine, et nous les montrerons à la demande, hors festival, dans un bus qui sera stationné à côté du Grütli.
Pensez-vous que les films sur la thématique gay font l’objet des mêmes préjugés que les gays eux-mêmes?
Bien entendu. Ces films n’ont quasiment aucune visibilité! Nous n’avons pris la place de personne. 90% des films que nous montrons sont des inédits en Suisse. Cela signifie que la grande majorité d’entre eux ne sont pas diffusés, à part les grosses têtes d’affiche.
Quels films souhaiteriez-vous mettre en avant?
Unfinished, un court de Hong-Kong qui dure 6 minutes 30, le premier film à nous être parvenu. Tourné en noir et blanc, il s’inscrit dans le genre du haïku japonais, et parle d’une femme qui veut devenir un homme, se bande les seins très serré, avant de finalement s’accepter comme elle est, c’est-à-dire entre-deux. Et puis un film des Bahamas, le premier portant sur l’homosexualité à avoir été diffusé sur l’île, il y a deux ans. C’est une fiction chorale qui raconte l’histoire de gens quittant Nassau pour Eleuthera, une île mystique et mythique. C’est important pour nous de pouvoir montrer ces premiers films sur l’homosexualité dans la tradition cinématographique d’un pays. En plus aux Caraïbes, l’homophobie est un vrai fléau. Ils tuent les homos pour s’amuser, un comme les Autraliens vont chasser le wapiti le week-end.
Plus d’infos et le programme complet sur: www.everybodysperfect.ch
Par une journée claire et radieuse de 1945, sur le campus de Columbia University, quatre jeunes types à l’aube de la vie, posent, bras dessus bras dessous, dans une sorte de félicité partagée. Une photographie en atteste: il y a Jack Kerouac, costume cravate dépenaillé, clope au bec et air frondeur; Allen Ginsberg, dans un long impair crème, paupières closes, la mine tournée vers le soleil dans un air de béatitude; William S. Burroughs, la main ganté posée sur l’épaule d’Allen, complet cravate serré, chapeau melon et regard fendu d’un air aguicheur en direction de l’objectif; et enfin Hal Chase, à peine vingt ans, avec sa dégaine de Rimbaud, dont l’histoire retiendra le rôle crucial qu’il jouera dans la rencontre entre Kerouac et Neal Cassady, l’inspirateur du futur roman culte, «Sur la Route». Ce que cette photographie anonyme révèle, c’est, bien loin de l’imagerie sexe, drogues et rock’n’roll qui lui succèdera, un groupuscule d’étudiants new-yorkais liés par l’amitié. D’origines sociales diverses (milieu d’ouvrier imprimeur pour Kerouac; lettrés et militants communistes pour Ginsberg; haute bourgeoisie industrielle pour Burroughs), les trois futures figures de proue du bateau beat, partagent déjà un attrait passionné pour la chose écrite, ainsi qu’un sens aiguisé des tabous bridant la société américaine. Sens qui les portera tous trois vers des formes d’existence en marge.
Une constellation d’individus
À cette époque, la «Beat Generation» n’existe pas encore. D’ailleurs existera-t-elle autrement que comme étiquette promotionnelle ? C’est ce que suggère Allen Ginsberg dans une interview accordée au journaliste suisse, Jean-François Duval, en 1994:« Le «mouvement beat», même si on ne cesse de s’y référer et d’en parler aujourd’hui, n’existe pas, n’a jamais existé, ça n’est qu’une hallucination psychédélique des médias». Le terme fut pourtant formulé par Jack Kerouac en 1948 pour décrire un cercle d’amis au romancier John Clellon Holmes. Il faudra attendre les œuvres déterminantes («Howl» en 1956, «Sur la Route» en 1957, «Le Festin nu» en 1959) des trois auteurs emblématiques pour que la presse, et l’histoire littéraire s’en emparent. Une appropriation rétrospective de ce qui s’apparente moins à un mouvement, au sens programmatique du terme, qu’à une constellation de singularités partageant des valeurs anti-bourgeoises, libertaires, et des formes d’existence nourries par la route, les expériences hallucinatoires et l’amour libre.
Car l’Amérique de ces années-là n’a rien d’un pays de Cocagne: censure maccarthyste (la traque aux communistes fait rage à partir des années 50), racisme, homophobie, extension de la toute-puissance des lobbies et des complexes militaro-industriels, culte de la consommation. La toile de fond sur laquelle vont se jeter ces individualités avides de nouveaux rythmes est un mélange de puritanisme, d’éthique du travail et de peur atomique. Bien avant les mouvements de 1968, ces hédonistes inspirés opposent au conformisme de la société américaine des années 50, la désobéissance civile, l’éloge de la paresse et de l’errance, la franche camaraderie et la sainteté du corps. On oublie aujourd’hui le sens de la provocation qu’il fallait avoir pour se déclarer ouvertement, comme Ginsberg, «communiste et pédé», pour se laisser photographier nu à côté de Gregory Corso (poète, ami du groupe), ou pour lire le 13 octobre 1955, à la Six Gallery de San Francisco, ce poème incantatoire et révolutionnaire qu’est «Howl». Un « long tunnel noir, suintant les larmes et le sperme » écrira Christine Tysh, la biographe d’Allen Ginsberg. Un ouvrage qui, comme «Sur la route» de Kerouac, vaudra à son auteur autant de déboires (censure) que de reconnaissance auprès de ceux qui, peu à peu, vont s’identifier au style de vie que ces livres et leurs auteurs propagent.
Les sources organiques de l’art
Nous voici au coeur battant d’une aventure humaine transfigurée par l’écriture. Une écriture en prise directe sur l’expérience, où l’âme et le corps s’unissent dans un même mouvement de libération:« Les corps chauds brillent ensemble/dans l’obscurité, la main s’avance/vers le centre de la chair/la peau tremble de bonheur/et l’âme vient joyeuse à l’œil – oui, oui, c’est ça » écrit Allen Ginsberg dans un élan d’adhésion sensuelle à la matière du monde. Élégiaque et lumineuse, son œuvre est une ode à la sainteté des organes – « La langue et la queue et la main et l’anus sacrés ! » – tout autant qu’un hymne au décloisonnement:« Des pensées batifolent dans mes génitoires ».
Loin du patron romanesque classique ou de la métrique serrée, ce qui guide ces fadas de la plume et de «l’émotion pure», c’est la quête du point de rencontre entre rythme intérieur et phrasé, pulsion de vie et tempo syllabique. D’où leur fascination pour le jazz (Charlie Parker) dont Kerouac s’inspira pour donner ce «caractère spontané de l’improvisation» à «Sur la route». Véritable œuvre totémique d’une communauté, où se réfractent les péripéties relationnelles, les envolées au hasch et à la benzédrine, les jeux d’amour à trois ou à quatre, les visions hallucinées des paysages américains. Dans ce roman au flot ininterrompu, Allen Ginsberg est Carlo Marx, William Burroughs, Old Bull Lee, Kerouac lui-même, Sal Paradise.
«Neal Cassady vit de débrouille, de lectures, de plans cul»
Mais ce livre n’aurait pas trouvé sa forme flamboyante, comme jaillie d’un seul flux de conscience, sans l’énergie de Neal Cassady, qui prendra le pseudonyme de Dean Moriarty. «J’ai eu l’idée du style spontané de «Sur la route» en voyant comment ce bon vieux Neal écrivait ses lettres: toujours à la première personne, une écriture rapide, folle et pleine de détails, comme une confession». Voici ce qu’écrit Jack Kerouac à propos de son irrésistible et sulfureux ami rencontré à la fin de 1946. Charmeur athlétique au tempérament excessif, tour à tour manœuvre aux chemins de fer fédéraux, mouleur de pneus rechapés chez Goodyear, Neal Cassady vit de débrouille, de lectures, de plans cul. Écrivain sans œuvre, son talent littéraire transparaît pourtant dans ses lettres dont les éditions Finitude ont publié ce printemps un premier volume.
Sociabilité érotico-littéraire
«Un truc très beau qui contient tout» (tel est son titre) constitue la caisse de résonance des affects, des projets, des idées et des engueulades d’amis dispersés entre New-York et la côte ouest de États-Unis où vit Neal. On y découvre la profondeur et la complexité d’amitiés prises dans des imbroglios de sentiments qui feront la sève des créations littéraires à venir. Une sociabilité incluant éros et logos, et qu’illustre bien la relation entre Allen Ginsberg et Neal Cassady. Aimanté mentalement et sexuellement par la virilité solaire de ce dernier, Allen Ginsberg flashe dès leur deuxième rencontre. À la suite d’une virée nocturne bien arrosée avec Jack Kerouac, les trois acolytes vont dormir chez un ami commun. «Neal et moi, nous avons dû partager un lit, confie Ginsberg à Jean-François Duval. Je tremblais, il l’a senti et, plein de compréhension, il m’a entouré de ses bras. C’est ainsi que nous avons fait l’amour. Je ne m’y attendais pas, parce que je le trouvais très macho».
Toutes les lettres de Neal à Allen porteront la trace de ce désir sublimé. Conscient d’avoir instillé le trouble chez son ami, Neal Cassady cherche alors à préserver leur «unité psychologique» tout en la déchargeant de l’énergie érotique libérée, allant jusqu’à écrire:«je sais que je suis bisexuel mais je préfère les femmes». Leur relation épistolaire sera rythmée par ces jeux de séduction et de mise à distance dont Neal a le secret. Dans ses mémoires, Carolyn Cassady, sa seconde femme, révèlera un passage de lettre où Neal joue à l’acrobate pour tout à la fois préserver le béguin de son ami et lui rappeler l’incompatibilité de leurs désirs: «je veux devenir plus proche de toi que personne. Mais je ne veux pas manquer inconsciemment de sincérité en niant ma non-inversion sexuelle pour te faire plaisir». Désespéré, Allen Ginsberg finira par se faire embaucher sur un paquebot en partance pour Tanger, où William S. Burroughs traînera quelques années plus tard son âme damnée et ses hallucinations géniales.
Postérités
William Burroughs, qui ne s’associera jamais au mouvement beat (trop anar pour cela), voyait pourtant dans cette constellation d’œuvres et de vies un phénomène sociologique global de première importance. En dépit, ou grâce à leurs orientations différentes, ces œuvres «ont brisé toutes sortes de barrières sociales», et ouvert la voie aux revendications et aux expérimentations des générations futures. Avec des livres comme «Junkie», «Queer», «Le Festin nu», «Nova Express», «The Soft Machine», Burroughs est un inspirateur majeur de la scène underground des années 60 jusqu’à nos jours. Lui qui multiplia les expérimentations sonores avec des artistes comme Kurt Cobain, Tom Waits ou Patti Smith, et aimanta d’innombrables créateurs visuels de la culture pop. Ce pionnier dans l’usage du cut-up en littérature, fut aussi un satiriste aussi sombre qu’étincelant de l’état policier et de ses techniques de surveillance dont nous ne sommes, de loin pas, sortis.
La liste des influences et des héritiers de cette génération «battue» (un des sens anglais de beat) est longue: essor de la contre-culture, protest-songs de chanteurs comme Joan Baez ou Bob Dylan (grands lecteurs de Kerouac), mouvements hippies, mobilisations contre la guerre au Vietnam, anti-nucléaires, libération sexuelle, légalisation de la marijuana et défense des droits des homosexuels aux Etats-Unis, autant de revendications qui puisent dans l’image d’un «moi» organique, hospitalier, interconnecté au « Grand tout » cher à Ginsberg.
Mais au-delà des thèmes politiques et sociaux qui trouvent aujourd’hui une résonance particulière, ce que cette bande de potes nous lègue à travers ses écrits et ses lettres, c’est une image de l’amitié comme espace de liberté et de création. Une amitié réticulaire, vaste et contradictoire, où l’exigence côtoie l’ivresse, le poème d’amour la retenue, et où l’on peut, sans crainte, s’entendre dire: « On y va. – Mais où? – Je sais pas, mais on y va.»
Biblio:
Alain Dister, La Beat Generation, la révolution hallucinée, Découvertes Gallimard, 1997.
Carolyn Cassady, Sur ma route, Denoël&D’ailleurs, 2000.
Jean-François Duval, Kerouac et la Beat Generation. Une enquête, PUF, 2012.
Neal Cassady, Un truc très beau qui contient tout, éditions Finitude, 2014.
Derrière son apparence ludique et son côté bobo geek, le Mapping reste un laboratoire incontournable pour tous les adeptes et les curieux des techniques de l’audiovisuel mises au service de la pensée et du dérèglement des sens. Audiobidouilleurs, plasticiens du photon, gagas de l’hologramme, fous du beat et architectes du vide donneront vie, dix jours durant, à ce que Michel Foucault appelait une hétérotopie. Soit une localisation spatio-temporelle de l’utopie où se juxtaposent des expériences incompatibles dans l’espace réel. Expériences qui véhiculent à l’intérieur de la société où elles puisent leur énergie, une image en négatif de ce que cette même société génère comme modèles de conduite et échelles de valeurs.
Les incontournables
Outre les DJ’s et maîtres du clubbing, dont plus aucune manifestation artistique ne se passe (la fête-exutoire faisant office d’antichambre à l’empire de la consommation), le festival reconduira notamment sa formule dédiée aux professionnels. Avec six «workshops » dévolus à la transmission de savoir-faire dans les domaines du mapping LED et vidéo, de l’art génératif, de la programmation de modules et du design scénographique. Fidèle au découpage thématique qui fit le succès de l’édition 2013, la cuvée 2014 accueillera également son traditionnel VJ Contest international (vendredi 30 et samedi 31 mai) dans l’antre du Spoutnik.
Des conférences (sur le détournement des technologies vidéoludiques, le 27 mai à la HEAD), des projections de films (sur le rapport entre artistes et nouvelles technologies) et de nombreuses performances égraineront cette nouvelle programmation. À signaler parmi elles: la traditionnelle session de mapping architectural qui se projettera cette année sur un bâtiment à l’esthétique seventies du quartier de Pont-Rouge, bâtiment d’ailleurs voué à disparaître dans le cadre du redéploiement urbanistique de cette zone. Généré live et in situ, ce show visuel et sonore sera orchestré par le collectif français «1024 architecture», qui fit ses débuts au Mapping en 2005. Mais s’il y a un domaine de l’expérimentation artistique qui promet beaucoup cette année, c’est sans aucun doute celui de l’installation.
Potentialités
L’expérience hallucinatoire est communément associée à l’ingestion de substances. Mais on peut très bien y accéder par un jeûne prolongé, une lecture de pièces du poète visionnaire William Blake, ou une expérience esthétique. L’artiste hollandais Matthijs Munnik, formé dans les académies de Groningen et de La Haye, s’inscrit dans cette longue tradition de recherches sur les effets hallucinatoires, notamment à travers es stimulations lumineuses sur le cerveau (effet flicker, Dream Machine).
plein les yeux
Ses «Citadelles», sortes de grandes armoires à surfaces luminescentes, génèrent un effet acoustique et visuel entraînant une surcharge sensorielle chez le spectateur. Pour s’adapter, la rétine réorganise alors cette masse d’influx en une série de formes géométriques et de fractales qui innervent le cerveau humain et créent un effet d’hallucination. Pur produit de l’oeil du spectateur, ce phénomène, insaisissable à travers une caméra, sera à découvrir au Bâtiment d’art contemporain, QG du Festival. Autre artiste explorant l’univers de nos perceptions: le Français Christian Delécluse, qui enseigne à l’École Spéciale d’Architecture de Paris. Aficionados de l’art numérique, son projet «Innerspace» utilise les potentialités hypnotiques de la lumière et du son pour questionner la formation des perceptions chez le spectateur. Ce dernier, invité à regarder dans un espace modulé aléatoirement par des faisceaux lumineux et des sons produits par Diemo Schwartz (et le logiciel «catart» qu’il a créé), traverse divers stades de perception sensorielle (chaos formel, ordre géométrique), l’incitant tantôt au contrôle, tantôt au lâcher prise. Enfin, il ne faudra pas manquer l’artiste suisse Zimoun dont les architectures sonores constituent de puissantes expériences immersives. Conjuguant son obsession pour l’aspect répétitif de la mécanique et une fascination pour les objets du quotidien, ses constructions minimalistes mettent en tension les modèles ordonnés du modernisme et les forces chaotiques de la vie. Pour cette dixième édition du Mapping festival, il sera associé à l’excellent duo Delgado Fuchs, dans le cadre d’un projet intitulé «A normal working day».
Cette ardente militante de la cause des homosexuels a créé en 2003 une structure associative – l’Adfho (Association de défense des homosexuels du Cameroun) – qui lutte activement contre l’ordonnance présidentielle de 1972 qui place, de manière illégale, l’homosexualité au rang des délits. Depuis, Alice N’Kom ou «La papesse des homos», comme la surnomment certains de ses concitoyens, parcourt inlassablement le pays, de commissariats en tribunaux, pour assister et défendre ceux qui risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour le seul fait d’avoir consenti des rapports homosexuels. Sacrée «Africaine de l’année» par le New Yorker en 2012, son combat la conduit plus que jamais à faire inscrire l’homosexualité comme un droit fondamental au sein de la Charte internationale des droits de l’homme. Elle était de passage à Genève début mars. Elle y participait à la soirée événement du Festival international du film sur les droits humains autour de «Global Gay», documentaire de Frédéric Martel et Rémi Lainé qui dresse l’état des lieux des avancées et reculs en matière de droits LGBT dans le monde. Rencontre avec une militante du droit exemplaire.
Quelles sont les sources de l’homophobie au Cameroun?
– C’est l’église catholique qui a mis le feu aux poudres et lancé la croisade anti-gays, à travers Monseigneur Victor Tonyé Bakot. Durant la messe de fin d’année, en 2005, face à un auditoire important, cet Archevêque de Yaoundé a tenu des propos ouvertement homophobes.
Qu’a-t-il dit?
– Des mensonges. Il a dénoncé le fait que les homosexuels qui se trouvaient dans la haute sphère de l’administration faisaient pratiquer l’homosexualité à tous les jeunes qui voulaient faire leur entrée dans la fonction publique. Il a laissé entendre que la fonction publique camerounaise était infestée de gays, qu’ils tenaient les postes de recrutement et d’influence, imposant aux jeunes aspirants de se coucher sur le canapé. Un jeune qui ne consentirait pas à ces pratiques n’aurait d’autre solutions que d’être au chômage. Un propos très grave puisqu’au Cameroun, il n’y a que des chômeurs. Lorsque vous touchez le problème du chômage, vous êtes au coeur des familles.
Comment ce discours a-t-il pris dans la population?
– Le discours de l’Archevêque a suscité un tsunami médiatique. Les jours qui ont suivi, les journaux ne parlaient que de ça. Plusieurs listes de noms d’homosexuels présumés travaillant dans l’administration ont été publiées, sans aucune éthique déontologique. Les gens achetaient les photocopies des journaux à prix d’or. Les rumeurs fusaient. On entendait dire qu’un tel était homo. La conséquence a été d’apporter beaucoup de troubles dans les familles, notamment chez les enfants dont le nom du père apparaissait dans les journaux. Certains ont refusé d’aller à l’école. D’autres menaçaient de se suicider, si bien qu’au début 2006, le Président a considéré qu’il fallait stopper cette dérive médiatique qui générait des conséquences désastreuses. Le 11 février 2006, il a pris la parole à l’occasion de la fête de la jeunesse pour dénoncer ces spéculations journalistiques et rappeler que la liberté d’expression s’arrête où commence la vie privée, qui est sacrée au Cameroun.
La situation s’est-elle ensuite apaisée?
– Pas vraiment. Si les journaux ont cessé d’alimenter la psychose, l’église catholique a mené des actions très nombreuses, diffusant des messages dans toutes les églises, joignant aux prières des phrases du type: «Dieu, préserve-nous du fléau de l’homosexualité». Une situation hallucinante, où les gens priaient tous les jours contre l’homosexualité.
Comment ce discours a-t-il ensuite infusé les sphères du pouvoir?
– L’église catholique est très puissante chez nous. Elle possède des églises, mais aussi des universités, des collèges, tout un ensemble de moyens de diffusion très efficace. Elle a en outre l’avantage de compter parmi ses fidèles le Président de la République, Paul Biya. Tous les papes font un voyage au Cameroun même si nous sommes un état laïque. Les relations avec le Vatican sont très fortes. Notre Président est déjà allé rencontrer le Père (sic) François qui, en infléchissant le discours de l’Eglise, en revenant vers les commandements fondamentaux, nous permet d’intervenir dans le débat et d’espérer que les emprisonnements cesseront à l’avenir.
«Le Christ n’est pas bantou que je sache!»
J’ai été obligée de leur faire la guerre pour leur rappeler les crimes que l’église catholique a perpétré: l’Inquisition, mais surtout, la traite négrière transatlantique qui a permis l’enrichissement pendant quatre siècles d’une église déniant toute humanité à une partie du monde, suite à une ordonnance papale de Nicolas V. Il faut le leur rappeler, car beaucoup de gens ne connaissent pas l’histoire. Les gens d’église en particulier, qui ne voient pas que leur discours, leurs vêtements, leurs titres, et jusqu’à leurs noms sont des importations. Le Christ n’est pas bantou que je sache!
Que leur dites-vous au sujet de l’homosexualité?
– Un jour un Cardinal m’a demandé sur un plateau de télévision: «Maître, avouez que si vos parents étaient homos, vous ne seriez pas là.» Je lui ai répondu: «Je n’en sais rien, et vous confondez la sexualité avec la fertilité. Vous ne le savez peut-être pas Monseigneur, mais il y a aussi des bisexuels, et quand on est bi on peut faire des enfants. De même, lui ai-je encore dit, une personne peut avoir des enfants avec une personne de sexe opposé. Si elle change ensuite d’orientation à un moment de sa vie, est-ce que pour autant elle ne serait plus père ou mère de ces enfants ?» Je ne suis pas catholique mais j’ai appris avec le temps à les combattre sur leur terrain. Que dit la Bible? Le petit Jésus a deux papas. Il y a Joseph, en chair et en os, et celui qu’on ne connaîtra jamais, qui ne fait pas l’amour… Dieu. Donc la filiation n’a rien à voir avec la sexualité puisqu’on peut faire un enfant sans avoir forniqué. Personne ne nous a dit que l’ADN de Jésus ne correspondait pas à la filiation directe de Joseph. L’autre preuve, c’est Adam et Ève. Il n’y a pas eu de rapport sexuel pour que Ève naisse! C’est pour ça que nous, les vieilles dames ménopausées, on sait que nous n’aurons plus d’enfants, mais nous continuons à faire l’amour allègrement. Vous voyez, j’essaie de mettre en garde les gens de l’église au Cameroun, car à force de manipuler les esprits, de monter les gens les uns contre les autres, ils s’éloignent du deuxième commandement: aime ton prochain comme toi-même. Ne le juge pas.
Quelle est la situation au Cameroun aujourd’hui?
– Aujourd’hui, on a cloué le bec à l’église catholique. Après l’arrivée du Pape François, j’ai refait une démarche auprès d’un Cardinal qui avait dit à la télévision que les homosexuels étaient moins que des animaux, invoquant le fait que les animaux n’étaient pas homosexuels. Je lui ai répondu que ce n’était pas parce qu’il ignorait quelque chose, que cette chose n’existait pas. Parce que figurezvous que vous avez la même proportion d’homosexuels chez les animaux, qu’ils soient à plumes, à poils ou à écailles que chez les êtres humains. Et bien ce Cardinal, qui m’avait promis de venir redire ces propos devant une télévision étrangère, a révisé quelque peu son avis sous l’influence du Pape François qui a clairement dénoncé les discriminations envers les homosexuels.
Mais les violences à l’égard des homosexuels continuent malgré tout au Cameroun?
– Oui, mais ça, c’est notre faute. On ne fait pas assez, c’est un combat. Un combat qui a plusieurs terrains, dont le premier est l’éducation. L’ignorance est terrible. Et c’est à nous de nous battre contre les vraies causes et d’éclairer les gens qui ont subi le lavage de cerveau des familles et l’endoctrinement de l’église. Lorsque j’apporte à ces gens des arguments différents que ceux de l’église, beaucoup réalisent soudain que l’on met en prison des gens pour des raisons totalement illégales. Il faut donc replacer le puzzle dans le bon sens, et c’est à nous de le faire. Et aussi longtemps que la Communauté internationale, dont le devoir est de se battre pour tous les êtres humains, ne constituera pas une coalition, comme celle qui s’est constituée contre le SIDA, contre l’Apartheid en Afrique du Sud, le combat ne sera pas gagné. Car ce combat n’est pas seulement celui de l’Adfho, l’association que j’ai créée en 2003 pour défendre les homosexuels, mais celui de tout être humain. Dans un ring, l’ADFHO n’est même pas un poids plume par rapport à la machine idéologique que l’on a en face. Ils ont tout: les médias, les églises et le pouvoir de manipuler les esprits. Nous, qu’avons-nous à part un petit discours? Peut-être 200 à 300 personnes qui m’ont écoutée une fois à la télé. Même les magistrats disent que c’est un délit.
Sur quelles bases juridiques condamne-t-on aujourd’hui l’homosexualité au Cameroun?
– Sur la base d’une ordonnance présidentielle introduite illégalement dans le code pénal. Il s’agit de la 347bis qui prévoit l’homosexualité sur la liste des infractions punies par le code pénal. Et ce «bis» a une histoire. Le Cameroun est indépendant depuis 1960. Notre code civil et pénal date de 1965, avant d’être modifié en 1967. Personne ne saura jamais pourquoi le Président a décidé en 1972 de briser la séparation des pouvoirs en intégrant cette ordonnance dans le code pénal sans passer par le vote du parlement. En 1965, l’homosexualité ne dérangeait personne. Le législateur ne l’avait pas prévue.
Toutes les condamnations de ces dernières années ont été prononcées sur la base de cette ordonnance de 1972? Il n’y a pas eu de modifications de la loi comme en Ouganda?
– Oui, c’est sur la base de ce texte illégal qu’ont été prononcées toutes les condamnations. C’est ça la particularité du Cameroun. Et aujourd’hui nous devons faire comprendre au Président, aux magistrats, à tous ceux qui tiennent les reines des systèmes politique et judiciaire, par des séminaires et des formations, qu’un droit humain n’est pas un droit que l’on peut sanctionner au niveau d’un État. Il faut leur expliquer qu’il ne sert à rien de transformer cette ordonnance en loi, puisqu’elle sera illégale en regard de la Constitution du Cameroun qui dit bien que la loi internationale est au-dessus d’elle. Et le Cameroun a ratifié et signé suffisamment de textes pour ne plus pouvoir voter une loi interne contre l’homosexualité, puisque c’est un droit fondamental. Le Cameroun n’a qu’une voie à suivre qui est celle du respect de la protection de la vie privée.
Y a-t-il des représentants politiques, des personnes haut placées qui relaient votre plaidoyer?
– Le Cameroun est un environnement qui n’est pas démocratique. Nous avons à la tête du pays un monsieur qui a 81 ans, qui est là depuis 32 ans et qui a tous les pouvoirs. Aujourd’hui, il a envie d’être tranquille. Mais c’est à nous d’étudier les failles de ce monsieur et de faire pression avec l’aide de la Communauté internationale. Les Occidentaux doivent rappeler aux chefs d’État africains leurs engagements internationaux pris par rapport à leurs peuples.
Est-ce qu’un film comme «Global Gay» sera diffusé au Cameroun?
– Bien entendu que non. Quand les journalistes, comme ceux de France 24, viennent au Cameroun, on utilise beaucoup de subterfuges pour qu’ils puissent entrer sur le territoire. Nous avons un réseau à la fois diplomatique et impliquant la société civile locale qui nous permet de faire délivrer des visas. De toute façon nous avons la loi avec nous. Tout l’arsenal juridique et constitutionnel nécessaire se trouve dans nos textes pour faire du Cameroun un état de droit. Mais il faut le rappeler à nos autorités en permanence.
La société civile s’implique-t-elle dans ce combat?
– On ne peut rien demander à la société civile si la loi fondamentale n’est pas respectée. Si vous considérez que le vol est un délit, vous ne pouvez pas attendre de la population qu’elle soutienne le voleur. Tant qu’on n’aura pas levé ce verrou pénal, et fait de l’homosexuel un citoyen comme un autre, qui a droit à la protection du législateur, rien ne bougera.
Comment avez-vous fait pour obtenir des acquittements lors de procès d’homosexuels?
– En plaidant très fort! J’ai aussi remarqué qu’en prenant la peine d’informer, avant la séance, le magistrat qui ne connaît rien de l’homosexualité, hormis ce que lui dit le prêtre à l’église, les choses bougent. J’essaie donc d’engager en amont une préparation sous forme de discussion. Je lui apporte des documents, des textes qu’il n’a jamais lus, pour lui permettre de replacer dans son vrai contexte le délit qu’il va être obligé d’examiner et de sanctionner. Quand vous faites cela, vous perturbez les juges. Sans ce travail préalable, ils sont pris dans le feu de l’action du procès, et ne cherchent même pas à obtenir des aveux. Ils n’ont souvent même pas de preuves. Ils condamnent des homosexuels seuls à la barre, alors qu’il faut au moins deux personnes pour qu’un rapport homosexuel ait lieu! Je leur suggère que l’homosexualité n’est pas un délit, puisqu’un délit suppose un agresseur et une victime.
Sur quels types de preuves les juges établissent-ils alors les condamnations?
– Allez demander aux juges! Il n’y en a pas. Le procureur, qui détient les procès verbaux de la police judiciaire va par exemple invoquer un rapport médical. Il faut savoir qu’ils font passer des visites anales aux homosexuels présumés. Ce qui prouve bien que lorsqu’ils arrêtent quelqu’un, ils n’ont pas de preuves. Ils appellent un médecin militaire qui n’en a rien à faire des lois et lui demandent d’examiner le diamètre de l’anus. En fonction du nombre de doigts que l’on peut y introduire, ils établissent la culpabilité. Jean-Claude Roger Mbédé, qui est mort en janvier, a passé un an et demi en prison sur la seule base d’un texto! Vous imaginez! Aucun dossier que j’ai plaidé ne tenait. Mais vous n’avez pas le temps. Le juge ne vous écoute pas. Il a entendu dire que l’homosexualité était un fléau. Il était à l’église le dimanche. Et le lundi, il doit juger, la tête encore pleine de toutes les horreurs que le prêtre a dites.
Est-ce que les discriminations envers les homosexuels s’appliquent de la même manière visà- vis des hommes que des femmes?
– Oui. J’ai au moins trois femmes en prison qui ont écopé du maximum de la peine, soit 5 ans.
Est-ce que les morts de Jean-Claude Roger Mbédé et d’Eric Ohena ont changé quelque chose?
– Non, l’État nie toute implication, alors que ce sont des meurtres. Tant qu’on présentera les homosexuels comme des animaux, un policier n’aura pas de scrupule à exercer la violence. Moi-même j’ai subi de nombreuses menaces de mort. J’ai déposé plainte partout où j’ai pu, mais je n’ai jamais été convoquée.
Vous êtes escortée?
– J’ai signé des contrats avec des sociétés de protection. Pour la maison et mes enfants. C’est ce que je consens à présent. Vous savez, cela fait 45 ans que je suis avocate. J’ai plaidé à toutes sortes de procès: des assassins, des grands bandits, des condamnés à mort. Je n’avais jamais reçu de menaces, alors même que je défendais des gens qui avaient commis des actes préjudiciables pour la population.
Y a-t-il selon vous des causes communes à l’homophobie au Cameroun et dans d’autres pays africains. On sait par exemple qu’en Ouganda, l’implication des églises évangéliques est grande. Les propos homophobes qu’elles tiennent s’inscrivent dans un discours anti-occidental. Est-ce aussi le cas au Cameroun?
– Pas encore, mais si on ne fait pas attention, le Cameroun pourrait basculer dans la liste noire des pays qui ont à leur tête des chefs d’État despotiques. Pour l’instant, les églises évangéliques n’ont pas le même impact qu’en Ouganda. On est plus dans un discours catholique traditionnel et radical, qui s’appuie sur la famille plus que sur une forme d’anti-occidentalisme. Les évangéliques sont néanmoins présents. Ils ont même acheté des plages de diffusion à la télévision. Et ils peuvent diffuser des messages homophobes au nom de Dieu. Face à eux, nous n’avons guère d’audience. J’aimerais que nous puissions avoir nos propres médias, nos propres journaux, afin que l’on parle enfin des droits de l’homme.
Comment voyez-vous l’avenir?
– Le combat continuera et on ne lâchera jamais. Mais ce combat n’est pas seulement l’affaire des associations et des militants, il est celui de tous. Et pour cela, il doit être mené au niveau international. Il nous faut parvenir à l’établissement d’un texte mondial sur la dépénalisation de l’homosexualité. Avec la mondialisation, le langage de chefs d’État, comme Yoweri Museveni ou Robert Mugabe, qui estiment ne devoir recevoir de leçons de personne, est dangereux. Car la mondialisation ne lui donne pas le droit de se singulariser sur les problèmes essentiels. Il faut dire à Museveni et Mugabe, et à tous ceux qui agissent comme s’ils étaient seuls, qu’on ne laissera pas l’humanité basculer dans cet enfer-là. Je suis convaincue que les solutions existent. Vous savez, quand mon président est malade, il ne va pas à la faculté de médecine de Yaoundé. Il vient ici, en Suisse. Il prend tout l’argent de l’État, il loue l’Intercontinental pour une durée indéterminée. Il se déshabille bien devant un médecin suisse sans chercher à savoir si il est homo. Il met le chèque en blanc et dit: soigne-moi et guéris-moi. Quand quelqu’un est tributaire de vous pour sa santé, vous pouvez lui parler. Mais ceci est également valable pour les responsables politiques étrangers auprès de qui notre Président aime se dire démocrate et faire bonne image. Il sait qu’à cause de moi, vous risquez de savoir qu’il entrave ses engagements vis-à-vis du droit international. Et cela ne lui fait guère plaisir. Les leviers sur lesquels on peut appuyer sont nombreux pour assurer l’éducation et la responsabilisation de ceux qui sont à la tête de ces États-là. La médiatisation à l’échelle internationale est également cruciale. Elle permet de faire pression et de relayer le combat. C’est à elle, au soutien des ONG, de l’ONU, des Ambassadeurs, et à la visibilité que vous me donnez que je dois ma survie actuelle.