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Les Friedman, une famille modèle juive de la classe moyenne, des américains sans histoire dont le petit monde va pourtant basculer. Nous sommes en 1987 quand Arnold, le père, est arrêté pour détention de revues pédophiles commandées aux Pays-Bas. Quelques jours plus tard, il est accusé d’avoir violé des dizaines d’élèves de son cours d’informatique. Son fils Jesse, âgé de 18 ans, est interpellé à son tour, après avoir été désigné comme son assistant, encore plus sadique avec les garçons abusés. Dans le tumulte général, les Friedman subissent un déchaînement médiatique sans précèdent où les faits sont dénaturés. Malgré la folie ambiante, il n’arrête pas de se mettre en scène, de se filmer ou de s’enregistrer. Plus on découvre la réalité d’une famille qui se déchire sur le dos de la mère, plus elle nous échappe. Tous déraillent, le père surtout qui reste insaisissable et qui ne tombe jamais le masque même à la veille de son procès.
Coup de chance
A l’origine, Andrew Jarecki, le réalisateur de Capturing the Friedmans voulait réaliser un film sur les clowns d’anniversaire de New York. Mais au fil de ses discussions avec le plus célèbre d’entre eux, Silly Billy (David Friedman), il découvre que la famille de ce dernier a volé en éclats suite à la condamnation pour pédophilie de son père Arnold Friedman et de son frère cadet. Il est évident pour Andrew Jarecki que son sujet sur les clowns est mort. Du coup, il reprend l’affaire Friedman. Grâce à des témoignages subjectifs avec les interviews des acteurs de l’enquête, et des plans objectifs avec les images de l’époque, qu’il s’agisse des nombreux films des Friedman ou des archives de l’enquête et du procès, il s’efforce de démontrer comment une situation en apparence limpide (un crime, deux coupables) cache des réalités complexes au point que le spectateur finit par y perdre son latin. Le cafouillage judiciaire, le manque de preuve factuelle, l’hystérie collective, le comportement de la famille, sont autant d’éléments qui brouillent les pistes. On passe sans cesse d’une conviction de culpabilité à une conviction d’innocence pour finalement ne rien savoir.
Cette fluctuation de conviction est la force principale de ce documentaire. Primé au Festival de Sundance, nommé à l’Oscar du Meilleur Film Documentaire, «Capturing the Friedmans» a fait couler pas mal d’encre en 2003. Après ce premier long métrage, Andrew Jarecki n’a pas repris son idée sur les clowns. Bien au contraire, en 2015, il signe la série documentaire «The Jinx», «The Life and Deaths of Robert Durst». Encore une histoire criminelle (dont nous avons parlé dans ces pages) où la justice américaine joue un bien drôle de rôle.
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A moins de vivre au fond du trou d’une mine de charbon chinoise, tout le monde sait que la presse généraliste se porte mal. Le destin du quotidien «Libération» en France ou celui du «Temps» en Suisse nous l’ont encore rappelé récemment. Dans un contexte économique désastreux pour les journaux et, dans la foulée, pour la liberté de penser d’une démocratie en bonne santé, personne ne pouvait imaginer qu’un magazine de niche puisse voir le jour.
La couv du premier numéro.
C’était sans compter sur l’initiative de Marie Kirschen et de son équipe, composée d’une trentaine de personnes dont un noyau dur de onze journalistes. Toutes ont relevé le pari un peu fou de lancer un semestriel: «Well Well Well», une revue haute de gamme disponible dans les librairies parisiennes ou via le Net.Le print est un choix casse-gueule, mais c’est un choix qui comble un grand vide avec la disparition, en 2013, de «Lesbia magazine» et de «La Dixième Muse». Voilà d’ailleurs sans doute pourquoi, le mensuel Jeanne n’est visible que sur le Net. Dans son contenu, ce dernier reste sur le terrain d’une presse féminine girly avec des rubriques psycho, sexo, conso, adaptées aux homos.
Plus femme. Moins fille
«Well Well Well», pour sa part, flirte avec une culture bobo plus intello, plus femme. Moins fille. L’un comme l’autre sont à l’image d’une génération qui se positionne davantage sur l’intégration que sur une revendication identitaire. Notons, au passage, que cette démarche a rangé, à tort, «Lesbia magazine» dans les rayons pornos des kiosques. Bref, ces deux titres se veulent donc positifs en s’adressant à une minorité qui a depuis toujours été sous-représentée dans les médias. Et, chacun dans son genre, est engagé politiquement avec une nette longueur d’avance pour «Well Well Well», comme le démontre la chronique de Virginie Despentes, une interview fleuve de la réalisatrice Céline Sciamma («Tomboy») dont le dernier film «Bande de filles» vient de sortir, ou les témoignages à visages découverts de quatre trans lesbiennes. Il y en a pour tous les âges, les articles sont fouillés, l’iconographie soignée et même en cherchant bien: aucun conseil beauté. Enfin une revue qui ne nous prend pas pour des tartes! Voilà qui fait du bien, bien, bien.
» http://fr.ulule.com/well-well/
» www.jeanne-magazine.com
Il n’y avait plus rien. Il y a désormais une revue exclusivement homo réalisée par des femmes pour des femmes qui aiment des femmes. «Well Well Well, un titre joyeux emprunté à une chanson du groupe «Le Tigre». Histoire de rendre hommage au mouvement Riot Grrrl, né au début des années nonante.
– Vous êtes à la tête de la nouvelle revue «Well Well Well».Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette aventure?
Marie Kirschen – J’ai été responsable de Têtue.com. Suite au rachat du titre, ce site n’a pas été conservé. A peu près au même moment, Lesbia magazine et La Dixième Muse s’arrêtaient aussi. Très mauvaise période, puisqu’en plus, la désertion du paysage médiatique lesbien coïncidait avec le débat sur le mariage pour tous… Les lesbiennes avaient donc un réel besoin d’une visibilité médiatique positive.
– Le choix du support papier est un pari. En plus «Well Well Well» est un mook, entre la revue et le livre d’art.
– Je pense qu’il répond à une vraie attente de la part des lectrices et des lecteurs. Le lectorat veut un bel objet, un objet que l’on garde ou que l’on prête à ses amis. De plus, le mook permet de longs reportages, des interviews fleuves, un contenu poussé. C’est ce que nous voulions réaliser.
– Un peu avant «Well…», un autre nouveau média lesbien a fait son apparition : «Jeanne». N’y a-t-il pas un risque de concurrence ?
«Le lectorat veut un bel objet, un objet que l’on garde ou que l’on prête à ses amis.»
– Non, même si les projets ont été pensés à peu près en même temps, il s’agit de deux médias très différents. Jeanne est un magazine féminin lesbien diffusé sur le web. Pas Well Well Well. Les deux titres peuvent être lus par les mêmes personnes.
– Pour sortir le premier numéro, vous avez récolté des fonds via un appel à financement sur internet. Comment se passera la suite?
– Le crowfunding , avec près de 17’000 euros récoltés, nous a permis de boucler le numéro 1. En plus, cette sortie a rencontré un franc succès, la vente de ce numéro assurera celle du deuxième et ainsi de suite.
– Vous semblez très optimiste
– Notre lectorat n’est pas immense et il est relativement difficile d’attirer des annonceurs dans un magazine lesbien, mais nous avons fait le choix de nous en passer. Cela nous permet d’être indépendantes et d’avoir la liberté d’assumer la ligne éditoriale et esthétique que nous avons choisie. A nous, à l’équipe, constituée entièrement de bénévoles de ne pas nous essouffler.