Le noeud de Christian Grey
Vous n’avez pas fini de bouffer du 50 nuances de Grey. Après les livres et la cohorte de produits dérivés « coquins » qui ont suivi, voici venir la saison 2 avec… le film qui sort pour la Saint Valentin. Est-ce l’occasion de développer un peu plus l’utilisation d’objet coquins par les françaises et les français?
Pour le savoir le Passage du Désir a fait réaliser une étude par l’institut BVA (et pas le spécialiste ès- sondages cul de l’Ifop qu’est François Kraus). Etude qui se présente comme la première étude sérieuse sur le sujet de l’adoption des sex-toys par les français.
Boucherie chevaline
On y apprend que le mythe du français libéré sur les questions de sexe est définitivement un mythe. 14% des français (pour 22% des couples) possèdent un sex-toy, ce qui place la France dans le peloton de queue des études du même genre. Alors, ces produits dérivés 50 shades, l’occasion de dévergonder la France? « Le produit qui se vend le plus, c’est la cravate » me dit Patrick Pruvost, fondateur du Passage du Désir. « Et puis les objets SM de cette gamme ne fonctionnent pas vraiment, comme par exemple les menottes qui ne ferment pas ». Mais n’était-ce pas l’occasion de vendre de vrais produits SM qui fonctionnent? « Non on ne voulait pas ça. Le Passage du Désir reste un endroit qui se veut grand public, qui veut abolir la distance qu’il peut y avoir entre les gens et l’achat d’un sex-toy. D’ailleurs on ne met jamais de sex-toys en vitrine, on n’est pas là pour provoquer alors que nos magasins sont très visibles ».
Une sagesse (auto-censure?) que n’avait pas eu le magasin 1969, qui avait ouvert juste devant une église dans le quartier du marais et en avait fait les frais 2 ans plus tard après une condamnation en justice à une fermeture administrative. « Quand on est une boucherie chevaline, on ne s’installe pas devant un centre équestre », résume Patrick Pruvost avec un certain sens de la formule!
Godes ceinture et bisounours
On ne risque donc pas de voir des barres d’écartement et des godes ceinture en rayon pour fêter 50 shades et la Saint Valentin. « Quoique les godes ceinture, on en vend sur le site internet, parce que des gens venaient y taper ce mot-clé. » Pour pouvoir continuer à vendre des sex-toys dans cet environnement bien plus bisounours que les sex-shops porno opaques qui bordent les gares (une spécialité française issue des législations françaises successives), le Passage du Désir fait profil bas. « Quand on a créé la boutique rue du Pont Neuf, on a quand même eu un huissier le jour de l’ouverture… Maintenant on a ouvert un magasin dans un centre commercial à Marseille, entre un Armand Thiery et un Afflelou, qui sont ravis de notre présence. Mais on a toujours du mal à trouver de nouveaux emplacements. »
Bref, petit à petit, le sex toy fera peut-petre son nid, mais il faudra beaucoup plus que 50 nuances, qui a suscité une envie de sex-toys à seulement 14% de ceux qui en ont entendu parler. Quant à l’influence de l’enquête BVA, j’ai pu poser la question à leurs deux sondeurs qui ont piloté cette étude : avez-vous des sex-toys? « Non, pas personnellement, on est plutôt dans la catégorie des ‘pourquoi pas’. D’ailleurs grâce à cette étude, on a eu accès au site du Passage du désir depuis le bureau, qui le censurait jusque là ».