J’en parlais la semaine dernière : vous n’imaginez pas tout ce que le bondage peut faire pour vous. Les attachants et les attachés apprivoisent des lieux qui ressemblent à des centres de relaxation, attirant un nouveau public. Par exemple, Medellia, qui avait chroniqué avec brio « 50 nuances de Grey », était à l’époque une profane sur la question. Tout au juste confessait-elle que la lecture de l’Harlequin du SM lui avait donné envie de « se faire fouetter les parties intimes avec une cravache en cuir ».
Un nouveau public
Entraînée par un ami, elle a poussé un soir les portes de la « Jam D », séance ouverte où tout un chacun peut venir pratiquer les nœuds et attaches sous l’encadrement bienveillant d’attacheurs expérimentés. Son partenaire, juste un peu plus au faîte qu’elle, l’a attachée ce soir-là, habillée en jogging, dans une position allongée sur le sol. « Le garçon qui m’y a amenée faisait genre « je ne sais pas m’y prendre » mais il savait quand même y faire. La sensation d’être complètement immobilisée, la tension des cordes sur mon torse, mes jambes, mes épaules vidait complément ma tête de toute pensée. Et finalement je me suis retrouvée à être passablement excitée, sans formuler ou même penser à quelque chose d’excitant. »
Depuis quelques mois, ces séances « ouvertes », où l’on peut venir seul, à deux ou en groupe pour pratiquer les cordes dans un environnement encadré, se sont multipliées à Paris. Au point qu’un lieu permanent, « Place des cordes », ait ouvert en septembre. « La Place des Cordes est le fruit de l’observation d’un engouement, ou du moins d’une ouverture vers un public plus large, depuis quelques mois » m’explique Cyril, à l’initiative de la création de ce lieu. « A mon sens, le shibari se retrouve dans la même position que le yoga dans les années 90, à savoir une pratique de bien être qui se trimballe des images d’Epinal et pas mal de préjugés. »
De nouveaux lieux
Il est certain que l’image de la « soirée rôti de veau » pratiquée en donjon SM par des notables cinquantenaires mérite d’être actualisée. Les « Jam D » ont lieu dans un studio de danse, les participants sont assez jeunes, certains ont la vingtaine, et les femmes sont aussi nombreuses à attacher que les hommes. Même constat à Place des cordes : « Actuellement, nous recevons plus de femmes que d’hommes. Cette génération qui se dévoile avec l’apparition d’un lieu permanent est assez jeune (25/35 en cœur de cible). Elle n’a pas grandi dans les codes bdsm qui fut le terreau du shibari en France, et c’est pour s’émanciper de ce terreau que la place des cordes fut créée. Et elle attache autant qu’elle se fait attacher, car contrairement aux idées préconçues, les rôles s’échangent assez facilement, comme en danse, en massage ou en art martial. »
A Place des Cordes ou lors des Jam D, on trouvera du thé, des cookies sans gluten, et surtout beaucoup de zénitude et d’ondes positives. « J’ai plaisir à croire que les gens viennent trouver à la fois une ambiance (particulièrement zen à la place des cordes), un lieu de vie sociale (nous avons un bar associatif, une mezzanine avec canapé et bibliothèque et nous offrons le thé à la menthe) et un centre de ressources et de renseignement. Pour être très franc, nous avons créé le lieu dans lequel nous aurions voulu pouvoir découvrir les cordes. » On se quitte sur un peu de poésie?