MargauxValier a lu pour Sexpress le dernier roman d’Esparbec, dont la renommée d’auteur érotique chevronné l’avait titillée. Et elle n’a pas aimé ça.
Il y a les livres qu’on dévore et il y a les autres. Il y a nos fantasmes, et ceux des autres. En refermant les Biscuitières, un roman d’Esparbec paru à la Musardine, j’ai pris conscience de cette leçon. J’étais pourtant emballée avant de commencer. Presque excitée même. Comment ne pas l’être devant ce joli cul de demoiselle qui nous est offert sur un plateau d’or en guise de couverture. Un synopsis un peu cliché sur l’éducation sexuelle d’une jeune fille dans une institution dominée par un mystérieux comte. Voilà qui n’était pas pour me déplaire, d’autant que le texte était signé par un « maître de la littérature pornographique » selon plusieurs critiques. Je ne pouvais être que satisfaite.
Le prédateur et la salope
Les histoires érotiques ont ça de particulier qu’elles explorent l’univers de nos fantasmes. Avec ce livre, j’en ai appris un peu plus sur moi-même. Tout comme Charlotte, le personnage principal. Elle quitte l’école à quinze ans pour intégrer la biscuiterie du comte Zapa comme fille de bureau. Une institution où elle découvrira, à ses dépens, que sexualité rime souvent avec perversité. Car dans le monde d’Esparbec, l’homme est un prédateur, et la femme est ou bien vierge ou bien salope.
Au fil de ses aventures et de ses rencontres, Charlotte va être tour à tour confrontée à un éventail très large et très extrême de sexualités. Saphisme, exhibition, viol, scatophilie, zoophilie, inceste et j’en passe. Je pourrais dire qu’il y en a pour tous les goûts, mais je mentirais. Respect, consentement mutuel et sensualité sont des notions absentes de la littérature d’Esparbec. L’auteur semble préférer le sexe qui force, qui humilie, qui contraint. La violence à la sensualité. Le cauchemar au fantasme.
A la frontière du fantasme
Je ne me suis jamais posé de barrière en matière de sexualité. Entre ce que j’ai expérimenté et ce qu’il me reste à faire, la liste est encore longue, je l’admets. Je n’ai qu’une exigence. Une seule. Expérimenter dans le désir et le consentement mutuel. Une ligne de conduite qui n’existe pas dans le monde des Biscuitières. Je l’avoue, en refermant ce livre, je me suis sentie salie, honteuse et coupable. Comme si j’avais regardé par le petit trou d’une serrure pour observer quelque chose que je n’aurai jamais dû voir. À l’heure où toutes les femmes d’internet dénoncent le harcèlement de rue, les agressions sexuelles et la culture du viol, j’ai trouvé que ce livre faisait mauvais genre. Comme si d’un coup, au milieu de toutes ces voix féminines qui crient leur angoisse, un homme riait. Cet homme, ce littéraire, ce pornographe : Esparbec. S’il le désire, je lui rends son roman. Je n’en veux plus dans ma bibliothèque.