Le chant d’un couple? – « Alpha couple in London, ON » – flickr/’Lil
L’été s’a chaud, dans les t-shirts, dans les maillots, et dans les pages du bouquin que vous aurez emmené dans votre sac de plage. Philémon Labulle inaugure cette série estivale en chroniquant « Le chant du couple », paru aux e-éditions E-ros.
Ce recueil de trois courtes nouvelles (une trentaine de pages sur ma liseuse) a, comme l’indique son titre, le couple pour thème. D’emblée, on comprend que leur chant est celui du cygne. Nous sommes loin d’une narration-alibi introduisant des scènes de sexe. Adieu plombiers, auto-stoppeuses, livreurs de pizza et autres infirmières sans culotte !
L’écriture de François Chabert est sobre et précise. La psychologie des personnage est assez complexe, ce ne sont pas des marionnettes que l’auteur emboîte au grès de ses fantasmes ou de ce qu’attend la lectrice/ le lecteur. Mais je vous rassure, il les emboîte malgré tout… c’est de la littérature érotique, on ne vole pas le client chez les éditions Dominique Leroy. C’est une maison honnête, Mesdames et Messieurs.
Dans le premier texte, « Un faux pas », un homme marche au milieu de la nuit vers l’assouvissement et la honte. Il va tenter de se libérer de la frustration ainsi que des conventions sociales et sexuelles de son milieu. Donc – un, deux, trois – il va au bois. Aucun voyeurisme, ni situation scabreuse, juste l’éblouissement du plaisir et une quête d’amour au milieu des fourrés. L’ambiance me rappela certains passages du “Last exit to Brooklin” de Selby, noirceur comprise.
La seconde histoire, “Par la main”, est celle d’un couple en crise, crise de mi-vie, du corps qui n’exulte plus. L’ambiance est au fiel et la l’aigreur. Madame que tout semble combler s’abîme dans l’autodestruction sentimentale et Monsieur semble prêt à rompre les amarres. La fin est proche et… la lumière viendra par la soumission à quelques principes simples. La chair est belle lorsqu’elle rougit sous la caresse. L’auteur amène le sujet avec intelligence et la scène finale est d’une crudité sans artifices, évidente et belle.
Enfin dans “Couple et autres petits arrangements…”, Thomas et Magalie, forme un couple qui s’est déchiré puis ressoudé mais l’ennui guette et l’âge érode. Il est temps de se rebeller contre les conventions (un thème récurrent dans les trois nouvelles) et d’ouvrir d’autres voies vers le plaisir : la mise en commun des moyens de jouissance, le collectivisme du cul. Durant un grand soir, notre couple va, malgré les réticences dialectiques de Madame, se rendre dans un club libertin. Et ce sera la révélation. Peut-être un peu cliché sur la découverte exclusive de la bisexualité par la femme (bien que cela reste réaliste : la bisexualité n’est souvent autorisée dans ces clubs que lorsqu’elle est féminine) mais l’étreinte multiple est narrée avec délicatesse et la fin délicieusement ouverte.
Ce recueil appartient à la collection “e-ros & bagatelle” : des textes inédits, courts pour la lecture sur écran. Le prix est petit et ce recueil bien écrit, loin des lourdeurs parfois inhérentes à la littérature érotique.
Néanmoins, il y a un “mais” et il est de taille : l’illustration de couverture. Comment peut-on encore proposer une telle chose ? C’est d’une ringardise absolue. Le genre de “truc” que l’on s’attend à trouver dans une cabine de poids-lourd ou un dortoir de caserne. Un épouvantail à lecteurs et, plus encore, à lectrices.
Et c’est vraiment dommage car le texte que j’ai lu est bon. Mais il ne fait pas tout, numérique comme papier, un livre est un tout, la couverture lui donne une identité (1) et dans le cas présent cela s’avère désastreux.
Mais croyez-moi, allez au-delà des apparences, vous pouvez acheter cet ebook. L’auteur et ses textes méritent l’attention.
1- A ce sujet, la voie choisie par la jeune maison d’édition “La Bagatelle” est intéressante