Mon corps est à moi – Nunca mas
Dimanche, alors que les anti-IVG défilaient par milliers entre Denfert et Opéra à Paris, plusieurs centaines de militant(e)s s’étaient mobilisé(e)s place d’Italie pour défendre un droit acquis de haute lutte en 1975. Récit d’une participante à cette manifestation.
Le 17 janvier 1975, la loi Veil permettant l’interruption volontaire de grossesse était votée , mettant ainsi fin à des décennies d’avortements clandestins et de morts de femmes. Qui aurait pu penser que plus de 30 ans plus tard, des milliers (entre 16 000 et 40 000 selon BFMTV) de personnes défileraient contre ce droit, essentiel à la santé des femmes? Qui aurait pu croire qu’en 2014, dans un XXIème siècle certes encore balbutiant, l’Espagne s’apprêterait à retirer la quasi totalité de ce même droit sous l’impulsion d’un gouvernement conservateur à la légitimité plus que discutable? Que dans plusieurs autres pays d’Europe, comme l’Irlande, la Suisse, Malte ou encore la Pologne, mettre fin à une grossesse non désirée relèverait sinon de la mission impossible du moins du parcours du combattant? Qu’en France même, on verrait une centaine de centres pratiquant l’avortement fermer depuis une dizaine d’années, rendant ainsi extrêmement compliqué l’accès à ce droit à l’IVG?
Mobilisation sur Internet
Les anti IVG, anti-choix ou « pro-vie » comme ils aiment à se faire appeler étaient mobilisés en masse, boostés par les mouvements nés lors des débats autour du mariage pour tous. Mais le camp d’en face était bien décidé à ne pas baisser les bras, tandis que l’échéance présidentielle de 2017 laisse entrevoir la possibilité d’une alternance politique et d’un retour aux manettes de la droite la plus conservatrice.
C’est à l’initiative de deux blogueuses féministes, DariaMarx et Crêpe Georgette, et avec le soutien du Syndicat du travail sexuel (Strass), qu’une manifestation en faveur du droit des femmes à disposer de leur corps a donc eu lieu dimanche 19 janvier, à quelques encablures du lieu de départ de la mobilisation des anti-IVG. Rendez-vous était donné à 14h, Place d’Italie, avec des instructions précises des organisatrices : si les opposants à l’avortement devaient arriver, aucune provocation, aucune réponse, éviter le service d’ordre musclé des anti-IVG, ne pas venir ou repartir seul(e) avec des pancartes visibles… Tout cela s’est largement organisé sur les réseaux sociaux, Twitter et Facebook en premier lieu, où les relais ont été nombreux.
« Avorter c’est mon droit, intégristes hors la loi! »
A l’heure dite, une cinquantaine de personnes étaient présentes,mais à mesure que l’heure tourne, la foule grossit jusqu’à atteindre 400 à 600 militant(e)s, et son enthousiasme ira croissant. Certain(e)s arborent des cintres (un temps utilisés pour les avortements clandestins, tout comme les aiguilles à tricoter des « faiseuses d’anges ») avec des slogans tels que « Nunca màs » (« plus jamais »), en solidarité avec les espagnol(e)s qui risquent de voir très bientôt leur droit à l’avortement réduit à peau de chagrin.
Si la majorité des participants à cette manifestation sont des femmes, les hommes étaient aussi présents, et chacun(e) avait rivalisé de créativité pour créer des pancartes et autres leitmotiv. On pouvait croiser une peluche d’utérus, plusieurs mèmes issus d’Internet comme « Feminist Ryan Gosling » ou « Rage Face« , ou encore une référence au jeune sorcier imaginé par J.K. Rowling : « Harry a choisi sa maison, les femmes leur gestation ».
Même si l’inquiétude voire la colère face à la mobilisation des opposants à l’avortement se fait sentir lorsque retentit « Avorter c’est mon droit, intégristes hors la loi », l’ambiance est décidément bon enfant tandis que les militant(e)s pro choix scandent « Y’en assez! Assez! Assez de cette société qui ne respecte pas le droit des femmes à l’IVG » en tapant des mains et des pieds.
Au final, la manifestation se disperse aux alentours de 17h et l’on plie banderoles et pancartes avant de rentrer, en pensant déjà à la prochaine mobilisation organisée en soutien aux Espagnoles, le 1er février.