Une photo du dernier labo qui a fait des recherches sur la contraception masculine? (« Lab » – flickr/howzey)
Lorsque le ministère de la santé parle de contraception, il s’adresse exclusivement aux femmes. Pourtant, dans la relation sexuelle, l’homme aussi peut agir afin d’éviter la conception.
Outre les préservatifs et la vasectomie (qui reste très difficile à obtenir en France), d’autres techniques sont en cours de développement. En première intention, on pense au serpent de mer qu’est la pilule contraceptive pour les hommes. Naturellement, les hommes se montrent aussi peu enthousiastes que les femmes à l’idée d’ingérer quotidiennement des hormones, avec les risques que cela peut avoir sur leur santé ou leur libido.
Une nouvelle technique réversible
Une nouvelle méthode verra peut-être prochainement le jour : le Risug.
Il s’agirait d’injecter dans le canal déférent un gel qui rend les spermatozoïdes infécondants lors de leur passage. Cette technique aurait l’avantage d’être totalement réversible, et des pays tels que l’Inde ou les Etats-Unis sont en chemin pour l’utiliser prochainement. Verra-t-on des laboratoires français travailler sur ce nouveau protocole ? Non, selon Cécile Ventola, chercheuse dont les travaux sur la contraception masculine sont en cours à l’Inserm :
« Cette technique est soutenue par le Population Council (une ONG qui travaille sur les techniques de contraception) qui a été l’un des seuls acteurs innovants dans le domaine contraceptif : stérilet, implants, et actuellement des essais pour un anneau contraceptif qui diffuserait également des antirétroviraux). Les laboratoires ne font plus de recherche d’après mes connaissances, j’ai l’impression que les innovations viendront plutôt des organismes publics ou des fondations. Pour ce qui est des essais en France sur le Risug, il n’y en a pas à ma connaissance. »
Des médecins ultra-conservateurs
Pourant, nombreux sont les hommes qui ne veulent pas ou plus infliger la pilule aux femmes. Autant que ceux qui aimeraient maitriser leur contraception eux-mêmes. Si cette technique Risug était mise au point et disponible en France, rencontrerait-elle du succès ?
« Je pense que l’offre peut avoir un impact sur la demande, parce qu’on peut imaginer que l’arrivée d’une alternative masculine sur le marché contraceptif séduise de nombreux couples : les solutions hormonales sont perçues comme de moins en moins confortables et de plus en plus dangereuses, et l’évolution des mentalités en termes d’égalité femmes-hommes va également dans le sens d’un plus grand partage des responsabilités.
Je serais beaucoup moins optimiste en ce qui concerne l’institution médicale. J’effectue actuellement une recherche auprès de médecins généralistes et de gynécologues et je ne peux que constater à quel point l’idée d’une responsabilité naturellement et exclusivement féminine est ancrée profondément dans les représentations et pratiques des médecins. Les hommes sont jugés incapables et indifférents par principe.
Je n’ai pas rencontré beaucoup d’urologues, mais je pense que même si la réversibilité de la vasectomie est un vrai problème en France, ce qui posera le plus problème, c’est l’idée que ce soient les partenaires masculins qui deviennent responsables de la contraception. Et notre chère spécialité de gynécologie médicale renforce considérablement cette représentation des choses, notamment en se présentant comme la « médecine des femmes par les femmes », et en créant des lieux exclusivement féminins autour des enjeux contraceptifs. Et le problème est aussi que la contraception n’est pas perçue comme une activité noble en médecine, quelle que soit la spécialité, parce que ça n’est pas pathologique et qu’il n’y a personne à sauver. »
Et l’action publique ?
Des médecins désintéressés et promoteurs du statu quo, des laboratoires qui ne veulent pas se tirer une balle dans le pied : seule une action publique ou politique pourrait faire évoluer les choses. Autant attendre la semaine des quatre jeudis.
«Il faut savoir que l’évocation de la contraception masculine est souvent perçue comme anti-féministe. C’est un comble mais c’est lié à une vision du couple comme union antagoniste, où une responsabilité masculine serait une prise de pouvoir forcément délétère pour les femmes. Donc les politiques, quand ils ne sont pas tout simplement indifférents (parce que c’est quand même un des plus gros impensés contemporains), sont très précautionneux. La contraception masculine bouleverserait une répartition des rôles que l’on veut immuable, surtout dans le milieu médical, alors je suis assez pessimiste.»
Pour ma part, je suis optimiste. Que ce soit une position anti-féministe ou féministe, j’avoue que je me contrefiche de l’étiquette : je souhaite que chacun soit libre dans son corps et sa sexualité. Voire même que les gens puissent se reproduire sans contraceptifs, soyons fous !
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