Après un premier tome, Dragon rouge, ce deuxième clôt la série KATANA.
Jean-Luc Bizien est, entre autres, un auteur incontournable en littérature jeunesse.
Extrait
[...]
Le soleil était déjà haut dans le ciel. Au sommet de la montagne, les nuages avaient disparu, chassés au loin par la brise. Le temps semblait s’être arrêté, figeant les six personnages comme autant de statues de sel. L’air glacé des hauteurs faisait naître des kamis de brume à leurs lèvres, pour preuve qu’ils étaient tous encore en vie.
Hatanaka, les yeux mi-clos, se concentrait sur sa respiration lente et régulière. Autour de lui, les cinq jeunes gens demeuraient pétrifiés, comme pris de vertige devant l’incroyable révélation. L’aveu du yamabushi les laissait désemparé, en proie à la plus grande confusion.
Onô fut le premier à s’ébrouer.
- Quoi ? bégaya-t-il soudain. Qu’as-tu dit ?
Le samouraï roulait des yeux, incapable d’ordonner ses pensées. Il n’osait s’approcher du vieil homme agenouillé devant lui, comme s’il se fût agi de quelques reptiles dangereux, sur le point de bondir et d’inoculer son venin mortel…
Tout comme Onô, les autres étaient à la dérive. Ils avaient baissé leurs armes, abasourdis par la déclaration du vieux guerrier.
Ichirô fixait son mentor, bouche bée.
Aiko s’était raidie, mais sa jour secouée de tics nerveux trahissait son état.
Jotarô s’était accroupi. Coudes posés sur les genoux, il regardait en tous sens, en une tentative désespérée de se persuader qu’il ne rêvait pas.
Sous l’effet de la stupeur, Buta était tombé par terre. Assis sur ses fesses, jambes écartées, il était comme frappé d’hébétude.
- Frère et sœur ? répéta-t-il. Ce n’est pas poss… Ce serait trop…
Il fut pris de hoquets, puis, soudain terrassé par un fou rire inextinguible, il partit en arrière et roula dans l’herbe, battant des pieds et des bras en tous sens.
- Frère et sœur ! s’esclaffait-il. Je suis le frère d’un samouraï, moi ! J’ai une sœur ninjako ! Je suis le paysan le plus chanceux de la terre !
- Reprends-toi ! tonna Onô. A l’évidence, le vieil homme a dit n’importe quoi : il aura seulement voulu faire cesser ce combat ridicule, quitte à inventer de toutes pièces une histoire bonne pour les enfants !
Il quêtait du coin de l’œil l’approbation du yamabushi, mais ce dernier restait parfaitement calme. Nul trait de son visage ne bougeait.
- Hatanaka ! s’emporta Onô en marchant vers lui. Je veux la vérité !
Ichirô s’arracha soudain à sa stupéfaction. D’un bond, il s’interposa, empêchant le samouraï d’approcher de son vieux maître.
- Tu ne comprends donc pas que tout cela est vrai ? déclara-t-il avec force. Hatanaka n’a fait que nous énoncer les faits.
Onô, les yeux étonnamment rougis, ne parvenait pas à soutenir son regard. Sans doute le jeune samouraï était-il encore sous le coup de l’émotion, après sa déclaration de la veille et la terrible décision qu’il avait prise au lever du jour…
Ichirô saisit l’occasion : il lui agrippa l’avant-bras et l’obligea à plonger les yeux dans les siens.
- Regarde ! ordonna-t-il en saisissant d’une main le revers de son kimono pour dévoiler son cou. Cette tache de naissance que je porte là. Allons ! Constate par toi-même !
Onô rua pour se dégager, mais Ichirô ne le lâcha pas pour autant. Du bout du pied, il balaya l’étoffe qui voilait la jambe du guerrier. Le tibia apparut en pleine lumière, porteur de la grue sombre qui semblait pulser sur la chair pâle.
- Combien de temps nieras-tu encore l’évidence ? martela le jeune yamabushi. Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, pourtant la preuve de ce qu’avance Hatanaka est bien là, inscrite sur nos peaux.
[...]
Résumé
Le jeune Ichirô, accompagné de sa sœur, de ses frères et de son maître vont affronter le dragon. Une seule arme peut vaincre le monstre : le katana de Toshirô dont la lame a été bénie par les dieux. Mais où se peut-il se trouver, s’il existe ? Et qui sera digne de le manier ?
Mon avis
Un deuxième opus empreint de plus de scènes de combat et de fantastique que le premier qui ne dessert en rien les meilleurs films japonais du genre chambara (ou du nom savant Ken-Geki) tels que Les sept samouraïs, la série Zaïtochi, Rashomon, Yojimbo ou les films consacrés à Miyamoto Musashi par Hiroshi Inagaki, pour ne citer que ceux-là.
Ce n’est un secret pour personne : la série KATANA est née parce que Jean-Luc Bizien, qui a des origines asiatiques, voulait rendre hommage à ces films pour la plupart méconnus du grand public. Dragon noir, tout comme Dragon rouge, transmet des valeurs qui plairont aux jeunes adultes.
Une bonne idée soldée par une belle réussite, Bizien est vraiment un magnifique conteur. On imagine aisément cette série être adaptée au cinéma. Qui sait ?
Dragon noir (Katana 2), Jean-Luc Bizien, éditions Le pré aux clercs
Penser à acheter vos romans en librairie.