Ne te fie pas à mon prénom. Il arrive qu’un prénom soit un corset lacé avec du fil barbelé. Le mien m’a enfermé à double tour dans la petite-madamerie pâlotte fin-trentenaire sans aspérités ni signes distinctifs. Par sa faute, je suis devenue une brique grisâtre dans un mur de briques grisâtre servant à séparer la masse informe et nathalienne des individus solaires et sublimes qui occupent l’apex de l’évolution de l’espèce. Nathalie est une image blafarde et délavée qu’on a accrochée sur le coin du miroir.
Mais si tu prends la peine de soulever le voile de mon prénom, tu verras que je ne porte rien en dessous. Tu verras que je suis noire et brûlante comme la Géhenne, que je suis la muqueuse du diable – celle qui n’a qu’à esquisser un rictus pour te transformer en statue priapique de granit et t’avaler tout entier. Mes hanches sont une légion infernale, elles se saisiront de ton corps de pauvre mortel et te feront plonger dans les abysses ténébreux et sans fin de la jouissance pré-humaine, reptilienne – celle qui fait sortir de soi et qui est sans retour. Déshabille-moi de mon prénom; je serai la piqûre d’ortie à la base de ta queue, je serai les lèvres du ciel, je te boirai jusqu’aux étoiles, je ferai de toi un saint, un héros de légende, un homme.