Vient un temps où les corps ne sont plus synchrones. Elle qui, après toutes ces années, brûle encore et toujours d’un feu ardent, elle est consternée de le voir petit à petit s’éteindre et prendre la couleur grisâtre de la cendre.
Elle broderait des lettres ardentes autour de sa queue si elle le pouvait. Elle l’envelopperait de son éternité, elle la mouillerait de sa salive et la caresserait de ses lèvres pendant son sommeil comme un bouton de rose qui peine à éclore. Elle sait que sa bouche a le pouvoir de réveiller un mort. Elle le lécherait et le sucerait jusqu’à ce qu’elle s’assèche, jusqu’à ce qu’elle s’étrangle sur sa chair enfin renaissante. Elle a la conviction inébranlable qu’elle a le pouvoir de ressusciter la chair; elle pourrait lui redonner la foi, lui montrer qu’il n’a nul besoin d’autre sauveur que ses muqueuses miraculeuses. Si seulement il pouvait croire en elle… il verrait la lumière. Hélas, il résiste, se renfrogne, son corps s’avachit dans la déréliction et le désabusement.
Quand un homme abandonne sa condition d’homme, que devient sa femme? Elle devient une hiérodule, une succube investie d’une mission aussi sacrée que charnelle : celle de le faire renaître, par l’onction baveuse du bourgeon mâle et vierge de son cul.
Elle s’est préparée pour le saint office en taillant ses ongles très ras. Elle les a enduits d’un vernis violet si foncé qu’on croirait qu’ils sont noir. Il l’a remarqué au dîner, lorsqu’elle lui a servi son assiette. Il ne le sait pas encore, mais il est maintenant à la merci de ses griffes obscures, un agneau sacrificiel impuissant — mais pour longtemps. Dès qu’il aura mangé, dès qu’il aura repris ses forces, elle lui montrera que le désir n’a que faire des contingences du corps. Il s’érigera à nouveau, qu’il le veuille ou non, même si elle doit pour cela traire le plaisir hors de lui.